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ce qu'il y a de plus remarquable, c'eft qu'il ne lui eft pas permis de voir ni de parler à fon Succeffeur, mais il doit lui laiffer fes inftructions par écrit dans l'appartement qu'il a dans le Château. Les Gouverneurs dont nous parlons n'ont rien du tout à voir aux affaires qui regardent la ville d'Ofacca, & ils n'ont rien à demêler avec les Gouverneurs de la ville: cependant, ils leur font fuperieurs quant au rang; ce qu'on doit inferer de ce que le dernier President du tribunal de Juftice à Miaco, qui eft un des principaux Officiers de la couronne, & comme le bras droit de l'Empereur, fut élevé à ce pofte éminent, immediatement après celui de Gouverneur de ce châ

teau.

Notre au-
Le dimanche 25 de Fevrier, nous fumes admis
dience du à l'audience du Gouverneur de la ville:
Gouver-

neur.

nous

nous fimes porter chez lui dans des Cangos, fuivis de tout notre train d'Interpretes, & autres Officiers. Il y a une demie heure de che min depuis notre hôtellerie jufqu'au palais du Gouverneur, qui et à l'extremité de la ville dans une place quarrée vis à vis du château. Nous fortimes de nos Cangos tout près de la maison, & nous primes chacun un manteau de foye, que l'on regarde de même qu'un habit de ceremonie, tel que les Japonnois, en portent en ces occafions. Nous traverfames un paffage de trente pas de long, pour entrer dans une falle, ou corps de garde: nous y fumes re sus par deux gentilshommes du Gouverneur, qui nous firent affeoir avec beaucoup d'honnêteté, en attendant que l'on fit favoir notre arrivée à leur maitre. Quatre foldats étoient en faction à notre gauche, quand nous entrames; & après eux nous trouvames huit autres Officiers de la cour du Gouverneur, tous aflis fur leurs genoux & leurs talons. On regarde cette maniere de s'affeoir comme plus refpectueufe que la maniere ordinaire de s'affeoir les jambes croifées. La muraille à notre droite étoit garnie d'armes fufpendues & rangées dans un bon ordre. I y avoit quinze halebardes d'un côté, vingt lances au milieu, & dix-neuf piques de l'autre côté: ces der

nieres étoient ornées de franges à l'extremité. De là nous fumes conduits par deux des Secretaires du Gou verneur au travers de quatre chambres, dont on auroit pu faire un feule falle d'audience en ôtant les para vents. Je remarquai en les traverfant que les murailles en étoient ornées avec des arcs d'environ une braffe & demie de longueur, des fabres, & des fimeterres il y avoit auffi des des armes à feu renfer mées dans de riches étuis noirs & verniffez. Dans la falle d'audience où étoient affis fept des gentilshommes du Gouverneur, les deux Secretaires s'affirent eux-mêmes à trois pas de nous, & nous donnerent du thé, s'entretenant avec beaucoup de civilité jufqu'à ce que le Gouverneur parût lui même, ac compagné de deux de fes fils, l'un âgé de dixhuit ans, & l'autre de dix-fept. Il s'affit à dix pas de distance dans une autre chambre ouverte du côté de la falle d'audience, en deplaçant trois jaloufies, au travers defquelles il nous parloit. Il nous parut avoin quarante ans, de taille moyenne, vigoureux, actif, & d'un air mâle: il avoit le vifage large: fort honnête dans fon entretien, & parlant avec beaucoup de dou ceur & de modeftie. Il étoit habillé d'un habit noir modefte, & portoit une robe de ceremonie grife fur fon habit ordinaire; il n'avoit alors auffi qu'un fi meterre commun. Sa converfation roula principa lement fur les articles fuivans. Que le temps étoit prefentement bien froid, que nous avions fait un grand voyage, que c'étoit une faveur finguliere d'être ad mis à la prefence de l'Empereur, & qu'entre toutes les nations du monde les feuls Hollandois avoient cet honneur. Il nous demanda enfuite fi nous n'avions pas beaucoup de plaifir à voir leur pays, après les em barras d'un voyage fi long & fi fatigant? Il nous promit enfin, qu'à caufe que le President de Miaco qui expedie les paffeports neceffaires pour notre voyage à la Cour n'étoit pas encore de retour de Jedo, il nous en donneroit lui-même qui feroient de la même validité, & qu'il nous les envoyeroit le lendemain matin. Il nous affura auffi qu'il nous procureroit volon

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tiers

tiers des chevaux, & tout ce qui nous feroit neceffaire pour notre voyage. Nous le remerciames de notre côté de fes offres obligeantes, & nous le priames d'accepter un petit prefent qui confiftoit en quelques pieces d'étoffe de foye, comme une marque de notre reconnoiffance. Nous fimes encore quelques prefens aux deux Secretaires ou Intendans de fa maifon, & ayant pris notre congé, ils nous reconduifirent au corps de garde: là nous primes congé d'eux auffi, & nous en retournames par le même paffage dont nous avons parlé, dans nos Cangos: nos Interpretes nous permirent de marcher un peu, ce qui nous donna l'occafion de voir le dehors du fameux Château que nous avons décrit ci-deffus. Nous entrames enfuite dans nos Cangos, & nous fumes reportez à notre hôtellerie par une autre longue rue. Nous avions porté des prefens pour le fecond Gouverneur; mais comme il ne fe trouva pas alors à Ofacca, il nous falut attendre jusqu'à notre arrivée à Jedo, pour confulter un des Gouverneurs de Nagazaki qui étoit alors dans la Capitale, & favoir de lui comment nous en difpoferions; car nous devons nous comporter dans ce pays avec une circonfpection extrême, de peur d'encourir le mecontenteme..t de quelqu'un des Grands de cet Empire.

Le lundi 26 de Fevrier, nous fejournames à Ofacca, felon la coutume.

Le Mardi 27 de Fevrier, nous y fejournames auffi, les preparatifs de notre voyage n'étant pas encore en état: nous louames quarante chevaux & quarante-un portefaix, après avoir difputé vivement avec nos Interpretes, qui vouloient que nous en euffions davantage: nous euffions bien pu nous passer à moins, fans nos voleurs d'Interpretes, qui voituroient une bonne quantité de hardes ou marchandifes, fous notre nom, & à nos dépens. L'après midi, nous envo◄ yames notre ancien premier Interprete au Gouverneur de la ville, pour prendre congé de lui en notre nom & lui demander les paffeports qu'il nous voit promis lors de notre audience; ce qui fut d'a

bord

bord accordé, & l'Interprete fut chargé de fa part de nous fouhaiter un heureux voyage.

Le Mecredi 28 de Fevrier, nous partimes à la pointe du jour, pour aller à Miaco, où nous voulions arriver le même jour: cette ville n'eft qu'à treize lieues d'Ofacca, ou une affez bonne journée, favoir trois lieues jufqu'à Suda, deux de là à Firacatta, trois jnfqu'à Jodo, & cinq de Jodo à Miaco, en paffant par Fufimi. (Le lecteur eft prié de confulter fur cela la Planche VIII. qui eft la Carte de la route depuis Ofacca jufqu'à Fammamatz.) Sortant d'Ofacca, nous paffames fur le Kiobas, comme on l'appelle ici, ou le pont qui mene à Miaco: il eft fur la riviere pre

cifément fous le Château; nous traverfames enfuite pendant une lieue des champs de ris, alors tout couverts de boue, marchant fur une chauffée baffe, élevée fur les bords de la riviere de Jodogawa, que nous avions à notre gauche. Nous vimes auffi, du même côté, plufieurs maifons difperfées pendant une demie lieue au delà d'Ofacca, & qui font partie des fauxbourgs de la ville. Le long des bords de la riviere de Jodogawa, il y a un grand nombre d'arbres de Tfanadil plantez tout le long. Cet arbre vient au Japon auffi grand que les Chênes dans nos pays, il a une écorce fort rude, il n'avoit point alors de feuilles, à caufe de l'hiver, mais fes branches étoient chargées d'un fruit jaune, dont les gens du pays tirent de l'huile. Le pays tout autour eft peuplé extraordinairement, & le grand nombre de villages qu'on trouve fur le grand chemin font fi proches l'un de l'autre, que peu s'en faut qu'ils ne faffent une rue continuelle depuis Ofacca jufqu'à Miaco: les principaux villages & les plus grands n'ont pas moins de 200 maifons chacun, favoir Immitz, Morigutz où l'on prepare la meilleure Canelle, Sadda, Defudfi. Après cela vient Firacatta, qui contient près de 500 maifons: nous y arrivamès à neuf heures & demie du matin, n'étant qu'à cinq lieues d'Ofacca. Nous nous y arrêtames une demie heure pour dîner Il y a dans le village un grand nombre d'hotelleries, de cabarets à Thé & à Sacki, où l'on peut trouver

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trouver toujours à jufte prix quelque chofe de chaud pour manger. On connoit facilement ces hôtelleries, & maifons publiques, par les filles qui avec leurs (vifages extrêmement fardez se tiennent à la porte, & follicitent les voyageurs à y entrer. Dans cet endroit nous remarquames à notre gauche, de l'autre côté de la riviere, un château blanchi qui eft la refidence d'un petit Prince; il fait un bel effet vû de loin. Après diner nous continuames notre chemin, & nous traverfames le village de Fatzuma qui eft de 200 maifons, & celui de Fafimotto, qui en a 300. Nous arrivames ainfi à la petite ville de Jodo. Fafimotto eft remarquable par la quantité d'hôtelle ries & de lieux de debauche. La petite ville de Jodo, celebre pourtant, eft entourée d'eau, & a outre cela plufieurs canaux qui coupent la ville, & qui font derivez de la riviere qui l'entoure. Les fauxbourgs consistent en une rue longue, par laquelle nous allames à un magnifique pont de bois nommé Jodo Obas: il a quatre cens pas de longueur, & eft fupporté par quarante arches auxquelles repondent un pareil nombre de balustrades ornées au haut avec des boules de cuivre jaune: tout cela fait un très bel ef fet. Au bout du pont, il y a une porte fimple bien gardée, par où nous entrames dans la ville; elle eft agreable & commodément fituée: elle a des maifons bien bâties; le peu de rues qu'elle a fe coupent l'une l'autre à angles droits, & vont les unes à l'ER les autres au Sud. Il y a un grand nombre d'ouvriers à Jodo. Au côté occidental de la ville eft le Château, bâti de brique au milieu de la riviere: il a à chaque angle des tours magnifiques, qui ont plufieurs étages,de même qu'au milieu des murs, ce qui donne un afpect magnifique & agreable à tout le bâtiment. La place qui eft devant le Château eft renfermée par une forte muraille de brique, qui va juf ques dans la ville. Ce Château eft la demeure du Prince Fondaifiono. Sortant de Jodo nous paffar mes encore fur un pont de deux cens pas de long, foutenu par vingt arches; il nous mena à un autre fauxbourg, au bout duquel il y ayoit un bon corps

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