Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

faut plaindre ces écrivains qui disent que les factions entretiennent la vigilance et le courage, veillent autour de la statue de la liberté, et font des douceurs de la paix le privilége exclusif de la servitude. Les factions l'abattent, et, une fois renversée, aucune main n'ose la relever, parce qu'alors il n'y a ni vertu, ni justice: on est fait pour devenir esclave. Les factions conduisent le peuple à l'anarchie, de l'anarchie à la corruption, de la corruption à l'esclavage.

On a souvent agité la question importante de la meilleure forme de gouvernement qui convient à un peuple ; presque tous les gouvernemens portent en eux le principe de leur destruction, L'excès du pouvoir produit la tyrannie; l'abus de la liberté produit la licence. Si l'autorité est concentrée, elle est sans doute plus active et plus forte ; mais elle peut devenir dangereuse, Est-elle partagée ? elle s'affaiblit. Des ressorts multipliés et compliqués arrêtent la marche des lois; on est tour à tour libre et esclave, oppresseur et opprimé. Pour décider de la bonté d'un gouvernement, il faut considérer le peuple qui y obéit; alors on peut juger de l'excellence de ce gouvernement par son influence sur les mœurs et sur le bonheur public. Si on voit un peuple heureux, alors il est libre, alors

son gouvernement est digne d'admiration. Fixez vos regards sur le peuple et sur la contrée qu'il habite; si les campagnes sont florissantes et les champs cultivés, si la joie règne dans les fêtes champêtres; si dans les villes le peuple travaille, et chante au milieu de ses travaux, s'il aime son gouvernement; s'il obéit aux lois, s'il respecte ses pontifes et ses magistrats, s'il paie ses contributions, si les mœurs publiques sont pures; si tous les citoyens sont unis par les liens de la paix et de la confiance, alors bénissez cette heureuse nation, et n'allez point disserter sur la forme du gouvernement qui la régit. Croyez qu'elle a de bonnes lois et de sages institutions, et que le bonheur dont elle jouit assure sa liberté. Mais si un peuple, au milieu de ses assemblées primaires, et dans l'exercice de sa souveraineté, est sombre, triste; s'il quitte ses ateliers et ses travaux pour aller s'instruire de ses droits, si, en parlant de l'égalité, il viole les lois de la propriété, et si l'état est sans cesse troublé par des factions anarchiques, alors redoutez ce gouvernement, il porte un germe de dissolution, plaignez ce peuple qui se croit libre au milieu de ses chaînes, instruisez-le ; donnez-lui des lois sages; régénérez. ses mœurs, et forcez-le à l'obéissance et au respect qu'il doit à son premier magistrat et à ses représentans

Alors il goûtera les fruits purs de la liberté, et il trouvera son bonheur dans sa soumission aux lois, et dans la pratique de ses devoirs.

Il nous paraît cependant que le gouvernement mixte ou représentatif est celui qui convient à tous les états. Dans ce gouvernement le peuple connaît ses droits et ses devoirs ; il conserve les -uns, et remplit les autres. Ne pouvant exercer la souveraineté, il la délègue, il la partage entre ses représentans et le chef chargé d'exercer le -pouvoir exécutif. Ce gouvernement n'est point un corps intermédiaire entre les sujets et le souverain. Ce sont deux puissances égales en autorité, l'une dans la confection des lois, l'autre dans leur sanction, et, dans leur exécution, l'une a la volonté, l'autre la force.

Un bon gouvernement est celui où l'on voit la balance et la combinaison de trois pouvoirs, où il y a un centre d'unité de puissance, et où le pouvoir exécutif est exercé par un seul chef. Le gouvernement est mauvais lorsque les pouvoirs se confondent ou se concentrent dans les mêmes mains, et lorsque plusieurs exercent la puissance exécutrice. Alors les autorités sont sans démarcation, les droits sans garantie, les forces sans équilibre, les mouvemens sans direction, les Jois sans justice, la liberté sans frein. On ne voit

[ocr errors]

point cette corruption et ces désordres dans un gouvernement mixte, parce que la balance et l'équilibre des pouvoirs existent. La puissance législative ne peut pas étendre ses droits, ni sortir du cercle constitutionnel qui lui est tracé; le pouvoir exécutif la forcerait à rentrer dans les limites qui lui sont prescrites. Le pouvoir exécu tif ne peut devenir ni tyran, ni usurpateur, parce que le pouvoir législatif, par une force morale supérieure à la force physique, s'opposerait à sa tyrannie et à ses usurpations.

Les publicistes ont pensé qu'un 'même gouvernement ne peut pas convenir à tous les peuples distingués par des climats, des mœurs, des opinions, des besoins divers. Il est impossible, disent-ils, qu'une même façon de gouverner puisse convenir à toutes les nations. Nous croyons que c'est une erreur; et c'est une grande vérité que nous avons proclamée, lorsque nous avons dit que le gouvernement français convient à tous les peuples. Les principes d'ordre, de liberté, de justice, sont toujours les mêmes, et ne varient point au gré des événemens et des passions des hommes. Les maximes de la politique et de la législation changent souvent les usages et les institutions des peuples; mais la justice et la morale sont invariables, elles sont de tous les temps et de tous les

lieux; elles doivent régir les sociétés politiques, puisqu'elles tendent au bonheur et à la liberté des peuples. Si un gouvernement rend l'habitant des pôles heureux et libre, pourquoi ne procurerait-il pas les mêmes avantages aux nations qui vivent sous l'équateur ? Peut-on dire, avec l'auteur de l'esprit des lois, observe Filangery, que c'est le climat qui rend la liberté plus chère aux peuples du nord, qu'aux peuples du midi, lorsqu'on voit le despotisme placer également son trône sur les sables brûlans de la Lybie, et dans les forêts glacées du septentrion, dans les plaines fertiles de l'Indóstan, et dans les déserts de la Scythie? Croiton que la liberté soit exclusivement créée pour les septentrionaux, lorsqu'on voit la féodalité étendre ses racines dans la Russie, la Suède, le Danemarck, la Hongrie, la Pologne, et presque dans toute l'Europe? Croira-t-on que le climat condamne l'homme à la servitude, lorsqu'on voit l'Arabe vagabond se dérober pendant tant de siècles au joug du despotisme qui opprime à côté de lui le Persan, l'Égyptien et l'Africain; lorsqu'on voit sous le même parallèle le Tartare indépendant, et le Sibérien esclave?

Qu'a de commun la stérilité ou la fertilité du climat, avec les lois fondamentales et constitutives qui doivent régir les sociétés politiques ? Le

« ZurückWeiter »