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publique, seront encouragés; qu'il ne sera porté aucune atteinte à la propriété des domaines qu'on appelait nationaux. Si je n'ai pas dû retenir le premier élan de vos âmes, je dois vous conjurer, ô Français ! de vous abstenir de tout esprit de parti, et d'éviter ainsi un malheur pire encore que la tyrannie. »

Ainsi parlait le duc d'Angoulême, et ses paroles étaient confirmées par celles de M. Lainé, qui avait accepté les fonctions de préfet provisoire du département. Son allocution se terminait ainsi : <«< Sous des princes dont le caractère est pour la nation une garantie plus grande encore que les institutions politiques et libérales qu'ils veulent consacrer, nous pouvons enfin jouir avec sécurité d'une sage liberté et de l'exercice de nos facultés, de notre industrie, et, s'il est permis de le dire, de la liberté de famille et du bien-être de la conscience. >>

Tels étaient les événements qui s'étaient accomplis vers la moitié du mois de mars, pendant que Napoléon, obligé de renoncer à entamer les Prussiens, séjournait à Reims.

Ce n'est pas le seul dommage qu'ait éprouvé la cause impériale: les nouvelles de Lyon sont mauvaises, l'armée que le maréchal Augereau commande dans cette partie de la France, et sur laquelle l'Empereur comptait pour seconder ses mouvements, se trouve en ce moment tenue en échec. Elle a suivi trop loin le comte de Bubna, qu'elle a obligé de se renfermer dans Genève; mais, pendant ce temps, deux corps, détachés de la grande armée autrichienne, et commandés par les généraux Bianchi et Hesse-Hombourg, se sont dirigés à marches forcées sur Dijon, pour occuper les routes de la Saône et protéger les armées coalisées qui opèrent à l'intérieur. Les communications avec Augereau sont interceptées. Murat qui, depuis le mois de novembre 1813, avait ouvert des négociations avec l'Autriche et l'Angleterre, a passé aux coalisés le 6 janvier 1814; il a livré la flotte de Naples aux Anglais, et, le 11 janvier de la même année, il a signé avec les Autrichiens

un traité en vertu duquel il marche contre le prince Eugène, vice-roi d'Italie. Le temps où celui-ci aurait pu se replier sur la France est passé. Eugène, menacé par Murat sur le Taro, par les Autrichiens sur le Mincio, ne peut plus détacher aucun secours pour fortifier l'armée de Lyon qui, à son tour, ayant en tête le général Bubna, qui occupe Genève, et, en queue, les généraux Hesse-Hombourg et Bianchi, qui occupent Dijon, ne peut envoyer aucun renfort à Napoléon. Dans le sud-ouest de la France, lord Wellington, franchissant notre frontière après la bataille d'Orthez, a suivi, on l'a vu, le maréchal Soult sur Toulouse.

Ainsi, ni du côté des Alpes et de Lyon, ni du côté du Rhin, ni du côté des Pyrénées, Napoléon n'a de secours à espérer. Dans deux de ces directions, les Alpes et les Pyrénées, il y a des armées qui s'observent et s'équilibrent, quoique l'avantage soit aux coalisés; sur la troisième, le Rhin, le chemin reste ouvert, et de nouveaux flots d'ennemis pénètrent en France. Pendant que hors de la France et sur les frontières les armées se neutralisent, les coups décisifs vont être portés dans la campagne de l'intérieur. Au dedans, le drapeau blanc est relevé à Bordeaux, où se trouve le duc d'Angoulême; la présence du comte d'Artois à Vesoul a été signalée. Les prévisions du duc de Vicence commencent à se réaliser l'extrémité des souffrances de la France et la gravité toujours croissante de la crise font songer à la maison de Bourbon. A Troyes, le sang royaliste a coulé pour eux. L'Ouest s'émeut, ses bois se peuplent de réfractaires; la ligne de la Loire, cette seconde ligne de défense de la monarchie française, menace de faire défaut à l'Empire, trop nouveau pour être incontesté.

Tandis que l'Empereur exécutait contre les Prussiens cette pointe qui, loin d'améliorer sa situation, achevait de la compromettre, les coalisés avaient signé le traité de Chaumont. Dans ce traité, conclu à la date du 1er mars, et motivé surtout

par les conférences de Lusigny, qui avaient fait craindre que l'Autriche ne traitât isolément, les quatre grandes puissances prenaient les engagements suivants, dans le cas où Napoléon refuserait d'accepter la paix sur les bases proposées le 17 février, c'est-à-dire les limites de la France avant la guerre de 1792: « L'Autriche, la Prusse et la Russie tiendraient en campagne active chacune cent cinquante mille hommes, et l'Angleterre fournirait un subside de cinq millions sterling (cent vingtcinq millions) jusqu'à la fin de la guerre; aucune négociation séparée n'aurait lieu avec l'ennemi commun; la guerre serait poursuivie avec un parfait concert, jusqu'à ce qu'on fût arrivé au résultat désiré. >>

C'était l'Angleterre qui avait pris l'initiative du traité de Chaumont. En se résolvant à doubler les subsides, portés à cinq millions sterling, elle déjouait la tentative faite par Napoléon pour obtenir la conservation des ports et des côtes de la Belgique, y compris Anvers, question capitale pour le cabinet de Saint-James, qui avait fait tant d'efforts afin de nous enlever cette redoutable position d'offensive. Plus on marchait, plus la partie se nouait étroitement entre les coalisés. Du côté de l'Europe, les limites de 1792 devenaient une condition sine qua non de paix, et Napoléon étant encore résolu à ne pas les accepter, la continuation de la guerre et, par suite, la rupture des conférences de Châtillon, devenaient inévitables.

Depuis le commencement de cette campagne, Napoléon était obligé d'abandonner l'utile pour courir à l'essentiel. Les Prussiens, loin d'être détruits, s'étaient fortifiés en se rapprochant de leurs renforts; il fallait renoncer à les attaquer. S'ils n'étaient pas vaincus, ils étaient du moins éloignés de Paris; il devenait urgent de marcher aux Autrichiens qui s'en rapprochaient. Le plan de Napoléon est de prendre leur armée en queue; il trouve ses forces trop peu nombreuses pour les attaquer de front. Pour exécuter ce mouvement, l'armée française

se mettant en marche le 17 mars au matin, se dirige presque en droite ligne du nord au midi, de Reims sur Méry, en passant par Épernay et par la Fère-Champenoise. On suppose, en effet, que l'armée du prince de Schwarzenberg est arrivée à Nogent. Le corps d'armée du prince de la Moskowa, qui doit seconder le mouvement de l'armée impériale, suivra la grande route de Châlons à Troyes. Le rendez-vous général est sur les bords de l'Aube.

En prenant ces dernières dispositions, Napoléon écrit à son frère Joseph pour lui enjoindre de faire sortir de Paris l'Impératrice et son fils à la moindre apparence de danger, et de les envoyer avec les ministres sur la Loire 1. Il ne peut se dissimuler que le mouvement qu'il commence contre les Autrichiens laisse la route de Paris ouverte à Blücher, qui envoie des partis jusqu'à Compiègne. C'est là le vice de sa manœuvre, et peut-être plus encore le vice de sa position : il ne couvre Paris d'un côté qu'en le découvrant de l'autre. L'ordre qu'il donne d'en faire sortir, à la moindre apparence de danger, Marie-Louise et le roi de Rome, indique d'avance qu'il ne compte pas sur la défense de cette ville, et contribue à la livrer. On ne conserve point les capitales que l'on quitte. Quoi d'étonnant si les motifs qui décident Napoléon à faire sortir sa femme et son fils de Paris décident ceux qui ne peuvent en faire sortir leurs femmes et leurs enfants à se rendre?

Le duc de Trévise demeure à Reims avec son corps d'armée, augmenté de deux mille chevaux, et il doit combiner ses opérations avec le duc de Raguse, dont l'infanterie se rallie à Berry-au-Bac, sur l'Aisne, un peu au-dessous de Craonne; la cavalerie sur la Suippe, un des affluents de l'Aisne. Leur mission est d'arrêter, le plus longtemps possible, les masses des coalisés prussiens, russes, suédois,

1. Manuscrit de 1814, page 201.

qui, maîtresses de Laon et de Craonne, vont les déborder. Le 17 mars au soir, en arrivant à Épernay, Napoléon apprend le mouvement royaliste qui a éclaté à Bordeaux le 12 mars. Il avait fait envoyer, le matin, au duc de Vicence de nouvelles instructions; mais les dépêches du 17 mars, pas plus que les précédentes, ne contiennent l'adoption de l'ultimatum posé par les coalisés. Napoléon veut biaiser et temporiser encore. Il ordonne à son plénipotentiaire de chercher à connaître l'ultimatum européen; il n'admet point que celui qui a été signifié soit sérieux. « L'abandon de tout ce que les Anglais nous ont pris pendant la guerre, dit-il, est une véritable concession que Sa Majesté approuve, surtout si elle doit avoir pour résultat de nous laisser Anvers. Sa Majesté aurait désiré, comme elle le désirerait encore si les circonstances le permettent, lorsque cette lettre vous parviendra, que vous remissiez une nouvelle note pour demander aux alliés de s'expliquer d'une manière précise sur les deux questions suivantes : 1° Le traité préliminaire ou définitif à conclure aura-t-il pour résultat immédiat l'évacuation de notre territoire? 2° Le projet remis par les plénipotentiaires alliés est-il leur ultimatum? Vous insisteriez sur la seconde question, en déclarant que si le projet des alliés est leur ultimatum, nous ne pouvons pas traiter, ce qui obligera les alliés à répondre que leur projet n'est pas leur ultimatum, et nous mettra dans le cas de le leur demander'. »

1. Il est difficile de comprendre que le baron Fain, qui cite cette dépêche in extenso, dans les documents annexés au Manuscrit de 1814, ait pu dire dans le texte même où il renvoie à ces documents : « Napoléon écrit à son plénipotentiaire à Châtillon; et, dans ce dernier moment de la crise, il n'hésite plus sur les concessions, quelles qu'elles puissent être, pourvu que l'évacuation immédiate du territoire fût la première conséquence du traité. » Cette assertion, on le voit, est démentie par les paroles textuelles de la dépêche. Napoléon, le 17 mars, hésite encore. Il est vrai que quelques lignes plus bas on trouve ce qui suit: Toutefois, monsieur le duc, Sa Majesté ayant pris en considération vos deux lettres du 13, vous laisse toute la latitude convenable, non-seulement

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