Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Maximin, jouant toujours le rôle de général autrichien, tandis que l'aide de camp du général Schouwaloff, le major Olewieff, prenait sa place dans sa voiture et jouait à sa prière celui de l'Empereur.

Ayant appris que le sous-préfet d'Aix était dans cet endroit, continue la relation Waldbourg, il le fit appeler et l'apostropha en ces termes : « Vous devez rougir de me voir en uniforme autrichien. J'ai dû le prendre pour me mettre à l'abri des insultes des Provençaux. J'arrivais en pleine confiance au milieu de vous, tandis que j'aurais pu venir avec six mille hommes de ma garde. Je ne trouve ici que des tas d'enragés qui menacent ma vie. C'est une méchante race que les Provençaux; ils ont commis toutes sortes de crimes et d'horreurs dans la Révolution et sont tous prêts à recommencer; mais quand il s'agit de se battre avec courage, ce sont des lâches. Jamais la Provence ne m'a fourni un régiment dont j'aurais pu être content; mais ils seront peut-être demain aussi acharnés contre Louis XVIII qu'ils le paraissent aujourd'hui contre moi. » Après avoir quelque temps parlé dans ce sens, il se retourna vers les commissaires et leur dit que Louis XVIII ne ferait jamais rien de la nation française s'il la traitait avec trop de ménagement. >>

A Saint-Maximin, les commissaires apprirent qu'il y avait au Luc deux escadrons autrichiens, et, sur la demande de Napoléon, ils envoyèrent au commandant l'ordre d'attendre leur arrivée pour escorter l'Empereur jusqu'à Fréjus.

Ici s'arrête l'itinéraire de Waldbourg, en ne laissant dans le cœur d'autre émotion que celle de la tristesse et d'une humiliation profonde. L'âme humaine reste sans consolation devant l'abaissement de cette immense fortune, parce qu'elle ne sait où se prendre pour aimer et admirer. Dans Marius assis sur les ruines de Carthage ou se redressant en présence du Cimbre, elle trouve du moins la force morale survivant à la force ma

térielle et la grandeur païenne de l'homme défiant de ses tristes et intrépides regards les coups de la fortune qui a pu renverser sa puissance, mais non abattre son cœur. Dans l'abdication volontaire de Charles-Quint, on est ému par la liberté même de l'action et par l'élévation d'une âme plus haute que le pouvoir qu'elle quitte. Chez Louis XVI, à ses derniers moments, le roi déchu se transfigure dans le saint et le martyr; le souverain est tombé, mais l'homme ne descend pas, il monte: «< Fils de saint Louis, montez au ciel! » Rien de pareil sur la route de Fontainebleau à Fréjus. Cette multitude est sans pitié, la victoire de l'Europe représentée par ses trois commissaires, sans générosité, sans noblesse, le malheur de Napoléon sans prestige. Il ne sait emprunter à son passé aucun rayon pour illuminer les ombres de son adversité. C'est une vie déplorablement attaquée qui se défend par des moyens vulgaires : la ruse, les déguisements, la fuite, les subterfuges; le dernier acte de la tragédie de l'Empire descend jusqu'à la comédie. La grandeur païenne comme la grandeur chrétienne y manque. Pour trouver l'enseignement contenu dans cette scène, il faut s'élever jusqu'au jugement de Dieu par lequel deux souverains sortaient à si peu de distance de Fontainebleau: le premier, le pape Pie VII, traversant en triomphe la France agenouillée sous sa bénédiction pour aller retrouver sa ville de Rome, heureuse et fière de le revoir; l'empereur Napoléon, traversant les multitudes ameutées contre lui, et ardentes à préluder par l'outrage à la violence, pour aller chercher au delà de la mer un exil. Dieu reste grand dans ses enseignements, alors même que l'homme devient petit.

LIVRE DEUXIÈME

RÉTABLISSEMENT DE LA MAISON DE BOURBON

I

ACTES DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

Dans la sphère de la politique, quand un édifice s'écroule, presque tout le monde veut avoir contribué à sa chute; quand un édifice s'élève, tout le monde y porte la main et veut avoir concouru à sa construction. Après avoir exposé les causes et les circonstances de la chute de l'Empire, il n'est donc pas moins utile d'exposer les circonstances de la restauration de la Monarchie. La cause déterminante du retour de la maison de Bourbon, nous l'avons indiquée : ce retour était nécessaire à la sécurité et à la durée de la paix, au point de vue de l'intérêt européen; nécessaire à la dignité, à la durée, à la sécurité, aux bonnes conditions de la paix, au point de vue de l'intérêt français; en un mot, la maison de Bourbon était nécessaire à la paix, qui était nécessaire à tout le monde. En outre, elle apportait à la France un gouvernement, fils des siècles, à la place de celui qui tombait; service inestimable dans cette crise périlleuse. En effet, un gouvernement national est de toutes les œuvres la plus difficile à créer. Ce gou

vernement était approprié aux circonstances, car la maison de Bourbon pouvait mieux que tout autre établissement politique, à cause du droit héréditaire sur lequel elle s'appuyait, essayer un régime de liberté que la compression exercée depuis tant d'années par le régime impérial rendait, on l'a dit, presque aussi nécessaire à la France que la paix elle-même. La maison ́de Bourbon pouvait être à la fois la paix et la liberté politique, parce qu'elle était un principe : c'était sa force.

Louis XVIII, ce fut la part personnelle du Roi dans le retour de sa maison, avait eu dans la légitimité de son droit une foi invincible jointe à une immortelle espérance. Rien n'avait pu diminuer cette foi, décourager cet espoir. A Venise, quand on lui avait signifié l'injonction de quitter la ville; à Mittau, quand le czar Paul Ier l'avait abandonné et sommé de s'éloigner de la Russie; à Varsovie, quand le gouvernement prussien l'avait invité à transiger sur les droits de sa maison, en Angleterre, lorsqu'il avait appris le meurtre du duc d'Enghien, il s'était montré au niveau de sa situation; il avait parlé, agi, protesté en roi. Il était donc resté Roi dans l'exil. La fortune, en lui revenant, trouvait l'exilé d'Hartwell à la hauteur de la royauté par la dignité de son attitude et de son langage pendant ses longues épreuves.

Le mouvement était donné, et tous s'empressèrent à le suivre. De loin comme de près, les adhésions au rétablissement de la maison de Bourbon arrivaient à Paris. Les plus intimes conseillers de Napoléon, Cambacérès; les généraux confidents de toutes ses pensées, Berthier; les camarades de sa jeunesse militaire et ses anciens séides, Augereau, avaient envoyé la leur. L'évidence ne permettait à personne de rester en arrière. Ceux-là même dont les opinions passées semblaient un obstacle à leur retour vers l'ancienne monarchie subissaient la puissance irrésistible de la force des choses. In peu plus tôt, un peu plus tard, tous y vinrent.

Carnot', Merlin (de Douai), Jean Debry, ces noms mêlés à toute l'histoire révolutionnaire, Boulay (de la Meurthe), Muraire, le duc de Massa, créatures de l'Empire, accouraient à l'envi avec des paroles de fidélité 2.

Cependant, quelle que fût la nécessité de la restauration de la maison de Bourbon, il y avait trop d'intérêts en jeu pour que ce fût une œuvre simple; ce devait être une œuvre compliquée. Des éléments divers, issus d'origines dissemblables, marchant à des buts différents, étaient en présence. Il y avait d'abord une force, celle des coalisés. Ils n'avaient pas désiré la Restauration, ils l'acceptaient seulement comme la meilleure garantie pour la paix générale; mais ils avaient la prétention inhérente à la force, d'exercer une action décisive sur la manière dont elle s'effectuerait, sur les conditions dans lesquelles elle serait placée. Il y avait dans la nation un sentiment général, un instinct qui, à la chute de l'Empire, poussait les idées

1. Carnot, qui commandait à Anvers, publia le 18 avril 1814 la proclamation suivante.

« Soldats, aucun doute raisonnable ne pouvant s'élever sur le vœu de la nation française en faveur de la dynastie des Bourbons, ce serait se mettre en révolte ouverte contre l'autorité légitime que de différer plus longtemps à la reconnaître. Nous avons pu, nous avons dû nous assurer que le peuple français ne recevait cette grande loi que de lui-même. Un gouvernement établi dans une ville occupée par les armées étrangères, avec lesquelles il n'existe encore aucun traité de paix, a dû quelque temps nous inspirer des craintes sur la liberté de ses délibérations. Ces craintes sont dissipées par le vœu unanime des villes éloignées du théâtre de la guerre. Honneur à ceux qui ont su réprimer dans leur élan un zèle indiscret qui aurait pu compromettre la discipline et la sécurité du dépôt qui nous est confié. L'avénement du nouveau Roi au trône sera bien plus glorieux, appelé par l'amour de ses peuples que par la terreur des armes. « Nous, gouverneur de la place d'Anvers, généraux, officiers de tout grade, sous-officiers et soldats de toute arme, tant de terre que de mer, déclarons adhérer purement et sans restriction aux actes du Sénat conservateur, du Corps législatif et du gouvernement provisoire en date des 1, 2 et 3 du présent mois. » (Moniteur du 21 avril 1814.)

2. M. Duvergier de Hauranne, dans son Histoire du gouvernement parlementaire, fait remarquer (tome II, page 90), l'universalité et l'étrangeté de ces adhésions,

« ZurückWeiter »