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y avait, en outre, depuis 1808, un mauvais souvenir dans la mémoire du Corps législatif contre l'Empereur qui avait retiré à ses membres, par une note offensante, insérée au Moniteur, le titre de représentants de la nation que l'Impératrice leur avait donné'. Le temps n'avait point cicatrisé la blessure que cet outrage impolitique avait laissé au cœur de cette assemblée. C'est ainsi qu'au dedans comme au dehors Napoléon allait recueillir les fruits amers des fautes commises pendant ses longues prospérités.

Napoléon pressentit, jusqu'à un certain point, ces dispositions du Corps législatif, et, pour paralyser, autant que possible, ces dispositions, il lui enleva, par un sénatus-consulte, le droit qu'on lui avait jusque-là impunément laissé de présenter cinq candidats, parmi lesquels l'Empereur choisissait son président. Le chef de l'État, s'attribuant ce droit, en vertu du sénatus-consulte présenté par M. Molé, nommé ministre de la justice en 1813, désigna le duc de Massa, ce qui compliquait une mesure fâcheuse par un choix malheureux2. Il voulait se réserver par là la direction de l'assemblée. Mais il la mécontentait en lui témoignant une défiance mal déguisée sous des motifs puérils tirés de l'étiquette dont un président désigné par l'assemblée pouvait, selon les ministres,

1. « Sa Majesté l'Impératrice n'a point dit cela; elle connaît trop bien nos constitutions; elle sait bien que le premier représentant de la nation est l'Enr pereur, car tout pouvoir vient de Dieu et de la nation.

« Dans l'ordre de nos constitutions, après l'Empereur est le Sénat; après le Sénat est le conseil d'État; après le conseil d'État est le Corps législatif.

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2. M. d'Hauterive, ministre par intérim des affaires étrangères, écrivait à ce sujet à l'Empereur: « Le grand mal dans cette affaire et dans toutes les affaires un peu difficiles qui pourront survenir est le peu de confiance qu'inspire le président du Corps législatif; avec des manières communes, des formes épaisses, un esprit naturellement lent et borné, affecté comme il l'est d'une maladie qui imprime à sa physionomie un caractère permanent d'inattention et de stupidité, il est impossible que le président, qui est d'ailleurs savant dans les lois et un bon et un galant homme, puisse désormais empêcher aucun mal et produire aucun bien.» (Vie et travaux d'Hauterive par Artaud, page 317.)

ignorer les formes, et de l'inconvénient qu'il y aurait à ce qu'un homme qui n'aurait point l'honneur d'être connu personnellement de l'Empereur arrivât à la présidence. Le souci de leur dignité vient aux assemblées les plus faciles avec le sentiment de leur influence, et il était impolitique à l'Empereur de mécontenter le Corps législatif, puisqu'il croyait en avoir besoin. Il savait combien la paix était universellement désirée en France; il voulait donc convaincre le Corps législatif, et par lui la France, qu'il n'avait rien omis pour conclure une paix honorable, afin d'obtenir un concours énergique pour la guerre qu'il allait faire, et qu'il cherchait à faire accepter par tous comme une de ces guerres de défense nationale pour lesquelles les peuples donnent leur dernier homme et leur dernier écu.

Après la bataille de Leipsick, il y avait eu un commencement de négociation. Au mois de novembre 1813, les puissances coalisées avaient fait dicter à M. de Saint-Aignan, ministre de France à Weimar, et enlevé par une bande de partisans, une note dans laquelle elles offraient d'ouvrir, dans une ville neutralisée sur le Rhin, des conférences qui ne suspendraient pas les opérations militaires; mais elles exigeaient que l'empereur Napoléon consentît d'abord à accepter les bases posées par elle. « La France devait, d'après cette note, se renfermer dans ses limites naturelles, c'est-à-dire entre le Rhin, les Alpes et les Pyrénées, et renoncer à toute souveraineté en Allemagne, en Espagne, en Italie. » L'Empereur, informé de ces propositions le 14 novembre 1813, avait fait répondre, dès le 16, qu'il acceptait l'idée des conférences, et qu'il faisait choix de Manheim comme lieu de réunion et du duc de Vicence pour l'y représenter; mais il avait gardé un silence absolu sur les bases proposées, ce qui ôtait toute valeur à son acceptation. Ce ne fut que le 2 décembre suivant que, sur l'observation faite par M. de Metternich à l'occasion de ce

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silence, l'Empereur fit annoncer qu'il adhérait aux bases proposées. Mais alors les événements marchaient dans le sens des intérêts des coalisés qui différèrent à leur tour de répondre.

Les mois de novembre et de décembre virent, en effet, décliner sur tous les points les affaires de Napoléon. La Hollande se sépara de lui et proclama son indépendance, en accueillant les Prussiens; Wellington, franchissant les Pyrénées, commença à pénétrer dans nos départements du Midi Murat, qui depuis la campagne de Russie était séparé de cœur de Napoléon contre lequel il avait éclaté en murmures, négocia son traité avec les Anglais et les Autrichiens. Les coalisés, voyant que le temps était pour eux, le laissaient courir. Napoléon, qui avait retardé jusqu'au 19 décembre 1813 la réunion du Corps législatif, fixée d'abord au 2 décembre, dans l'espoir qu'il pourrait annoncer l'ouverture des conférences de Manheim, ordonna que l'on communiquât à une commission tirée de son sein toutes les pièces originales contenues au portefeuille des affaires étrangères : « J'avais conçu, disait-il dans ce discours, de grands projets pour la prospérité et le bonheur du monde. Monarque et père, je sens ce que la paix ajoute à la sécurité du trône et à celle des familles. Des négociations ont été entamées avec les puissances coalisées. J'ai adhéré aux bases préliminaires qu'elles ont présentées. J'avais donc l'espoir qu'avant l'ouverture de cette session le congrès de Manheim serait réuni. Mais de nouveaux retards, qui ne peuvent être attribués à la France, ont différé ce moment que presse le vœu du monde. »urs"

Les commissaires du sénat furent MM. de Lacépède, de Talleyrand, de Fontanés, de Saint-Marsan, Barbé-Marbois et Beurnonville; ceux du Corps législatif, MM, le duc de Massa, Raynouard, Lainé, Flaugergues et Maine de Biran, MM; de Lacépède et de Massa faisaient partie de droit de la commis'sion, comme présidents du Sénat et du Corps législatif; les

autres membres avaient été élus par les deux assemblées. Les choix du Corps législatif étaient des choix d'opposition : tous les membres appartenaient à la fraction dite constitutionnelle. Quelque effacée qu'eût été cette assemblée devant les prospérités de l'Empereur, le principe d'élection d'où elle sortait faisait arriver jusqu'à elle un souffle de l'opinion, et la lassitude des départements où résidaient la plupart de ses membres, les mécontentements qu'elle avait ressentis, en 1808, de la note offensante du Moniteur, et récemment de la nomination directe de son président par l'Empereur, concoururent à la disposer à s'emparer du rôle que lui présentaient les circonstances pour se relever de sa longue humiliation, en devenant l'interprète du vœu public. Ce vœu était si manifeste et si impérieux, que le Sénat, dont la commission était moins hostile et plus prudente, crut lui-même nécessaire de l'exprimer. Il supplia l'Empereur, dans son adresse, de faire un nouvel effort pour obtenir la paix. « C'est le vœu de la France et le besoin de l'humanité, disait le Sénat. Si l'ennemi persiste dans ses refus, eh bien, nous combattrons pour la patrie entre les tombeaux de nos pères et les berceaux de nos enfants. »

La commission du Corps législatif devait naturellement parler un langage plus accentué. Après avoir pris communication des pièces mises à sa disposition par M. d'Hauterive, qui tenait l'intérim des affaires étrangères, en l'absence du duc de Vicence, nommé plénipotentiaire à Manheim, la commission, dans le sein de laquelle les plus vives paroles, provoquées par la maladresse du duc de Massa, avaient été prononcées sur la « nécessité de relever le Corps législatif, si longtemps déprimé, de faire entendre le cri du peuple pour la paix, et son gémissement contre l'oppression, » adopta le rapport de M. Lainé, qui fut lu, le 28 décembre 1813, au Corps législatif.

Dans ce rapport, la commission faisait devant le Corps législatif l'historique des dépêches échangées entre M. de Metternich et le gouvernement impérial; puis elle ajoutait: « Comme le Corps législatif attend de sa commission des réflexions propres à préparer une réponse digne de la nation. française et de l'Empereur, nous nous permettrons de vous exposer quelques-uns de nos sentiments. Le premier est celui de la reconnaissance pour une communication qui appelle en ce moment le Corps législatif à prendre connaissance des intérêts politiques de l'État. On éprouve ensuite un sentiment d'espérance en voyant, au milieu des désastres de la guerre, les rois et les nations prononcer à l'envi le nom de paix. Les déclarations solennelles et réitérées des puissances belligérantes s'accordent, en effet, avec le vœu universel de l'Europe pour la paix, avec le vœu si généralement exprimé autour de chacun de nous dans son département, et dont le Corps législatif est l'organe naturel.... Cette paix, qui peut donc en retarder les bienfaits? Les puissances coalisées rendent à l'Empereur l'éclatant témoignage qu'il a adopté les bases essentielles au rétablissement de l'équilibre et de la tranquillité de l'Europe. Nous avons pour premier garant de ses desseins pacifiques et cette adversité, conseil véridique des rois, et le besoin des peuples hautement exprimé, et l'intérêt même de la couronne. >>

Le rapport insistait ensuite sur la nécessité d'opposer à la déclaration des puissances alliées une déclaration propre à désabuser le pays. « On verrait d'une part des puissances protestant qu'elles ne veulent pas s'approprier un territoire dont l'indépendance est nécessaire à l'équilibre de l'Europe, et, de l'autre, un monarque se déclarant animé de la seule volonté de défendre ce même territoire. Si l'Empire français restait seul fidèle à ces principes libéraux, la guerre deviendrait nationale, et la France saurait déployer, pour le maintien de

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