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PRÉFACE.

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NAPOLÉON a été l'étude de ma vie depuis le 18 brumaire. Dès cette époque, j'avais conçu le dessein de représenter dans un tableau fidèle cet homme imprévu et neuf dans l'histoire. Sous le consulat et sous l'empire, je m'attachai à recueillir et à mettre en ordre de nombreux matériaux ; j'avais formé un ensemble de tant d'élémens qui composent une renommée si extraordinaire, et déjà une grande partie de l'Histoire de l'Empereur était écrite et achevée : mais, par degrés, l'étendue et les difficultés de l'entreprise, comparées avec mes forces, m'inspirèrent du découragement. Dans cette disposition d'esprit, je me suscitai à moi-même des obstacles dont l'invincible résistance était plutôt un fantôme de mon imagination qu'une réalité. L'examen de la vie de Napoléon, me disais-je, laisse dominer trois grands caractères : l'excès du génie, l'excès de la fortune et l'excès du malheur. L'écrivain, quel qu'il puisse être, doit trembler à l'aspect de ces proportions colossales. Mais, en adoptant cette idée qui me détournait de mon premier projet comme d'un péril insurmonta

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ble, j'oubliais qu'il s'agissait bien plus pour moi de retracer la carrière de Napoléon, que de mesurer la hauteur du géant de la guerre, de la politique et du gouvernement, et que si je faiblissais dans cette dernière tentative, le public tout entier viendrait par ses souvenirs au secours de mon insuffisance. Une autre objection de la crainte avait encore arrêté ma plume: contemporain de Napoléon, spectateur de son règne, honoré de quelque confiance sous son gouvernement, consterné du triomphe des étrangers, qui n'étaient pas moins les ennemis de la France que les siens, profondément affligé des souffrances de ce Prométhée de la gloire, je craignais d'être encore trop frappé de ce que j'avais vu s'élever, briller et disparaître, pour que mon jugement pût être désintéressé sur les merveilles de la période de vingt-cinq années, qui commence à la bataille de Montenotte et finit avec la longue et cruelle agonie de SainteHélène.

Mais j'aurais dû sentir que les scrupules de la bonne foi, qui ne m'abandonnerait jamais dans le cours du travail, me serviraient de préservatifs contre les erreurs de la passion, et que d'ailleurs, dussé-je me laisser entraîner par elle à mon insu, la qualité de témoin avait, au lieu des inconvéniens que je redoutais, d'immenses avantages. En effet, l'écrivain qui a vu les faits qu'il raconte, qui a reçu d'eux une impression inévitable, qui a pu comparer comme moi cette impression avec les manifestations de la joie, de la crainte ou de l'espérance d'un peuple dont les destinées étaient entre les mains d'un homme, a dans le cœur des souvenirs profonds,

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