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lequel les puissances alliées : « Déclaraient être inséparables dans le but qu'elles se proposaient, c'est-à-dire la paix aux conditions formulées à Châtillon; la Russie, l'Autriche et la Prusse s'engageaient à tenir sur le pied de guerre, chacune un contingent de cent cinquante mille hommes et l'Angleterre leur accordait des subsides de guerre pour tenir la campagne. Ce Traité avait pour but décisif de prouver aux plénipotentiaires français qu'ils ne devaient pas compter sur le concours particulier de l'Autriche et encore moins espérer de la séparer de la coalition européenne'.

A cette période du Congrès de Châtillon, M. de Caulincourt, autorisé par des instructions nouvelles à accepter les conditions tristes et impératives faites à la France, cherchait à gagner du temps par des discussions particulières sur des points de détail, lorsque, tout à coup, il reçut une lettre rayonnante de triomphes, écrite de la main même de Napoléon : « De glorieuses victoires venaient de couronner les aigles françaises à Champaubert, à Montmirail; les Russes, les Autrichiens, les Prussiens étaient battus, l'Empereur avait jeté la confusion, le désordre dans les armées des alliés s'il lui donné carte blanche pour sauver Paris, avant la bataille, il ne pouvait en être ainsi quand Dieu avait couronné ses efforts. »

Encore illuminé de ces succès dont le résultat était peut-être exagéré, l'Empereur écrivait à M. de Caulincourt: « Qu'il ne s'agissait plus d'accepter les conditions de Châtillon, mais d'insister pour la note de Francfort, car il était plus près de Vienne et de Berlin que les alliés n'étaient près de Paris. » Ce brusque revirement dans la pensée et dans la direction diplomatique, on pouvait l'expliquer ! Quand un homme de génie et de grandeur est obligé de descendre d'une position élevée, il le fait lentement, avec hésitation, avec répugnance; il change souvent parce qu'il est mal à l'aise avec tout ce qui n'est pas à la hauteur de sa gloire et de son ambition. Ceci explique le refus successif des propositions de Prague, de Francfort, de Châtillon ou leur acceptation tardive; l'Empereur avait adhéré avec désespoir aux conditions du Congrès de Châtillon; un moment caressé par la victoire, il repoussait, avec une joie glorieuse, les conditions inflexibles que d'abord il avait acceptées comme un moyen de sauver Paris.

Plus ces brusques changements étaient dans le caractère de l'Empereur, plus les plénipotentiaires alliés redoublaient de fermeté pour maintenir leurs protocoles. On vit dominer dans les résolutions du Congrès cette ténacité anglaise qui ne dévie jamais d'une ligne et va toujours à son but droit et ferme à travers les fortunes

1. Ce Traité est annexé aux protocoles de Châtillon.

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diverses. Sous l'influence de lord Castlereagh les plénipotentiaires remirent donc à M. de Caulincourt l'ultimatum du Traité que la France devait accepter dans un délai fixé après lequel le Congrès de Châtillon serait dissous : « Les Puissances alliées, disait l'ultimatum, s'engageaient à faire tous leurs efforts pour maintenir l'Europe en état de bonne harmonie, après la paix heureusement conquise et l'équilibre européen rétabli. » D'après cet ultimatum rédigé avec précision par Gentz, l'empereur des Français devait renoncer à toutes les conquêtes faites par la France depuis 1792, ainsi qu'aux titres de roi d'Italie, roi de Rome, protecteur de la Confédération du Rhin, médiateur de la Confédération Suisse; tous les États européens étaient reconstitués avec leur indépendance et leur souveraineté; l'Allemagne serait composée d'États indépendants, unis par un lien fédératif. L'Italie divisée en États divers placés entre les possessions autrichiennes en Italie et la France: la Hollande serait placée sous la maison d'Orange avec un accroissement de territoire. La Suisse déclarée libre et neutre serait replacée dans ses anciennes limites, et l'Espagne reconstituée sous le roi Ferdinand VII. Toute cette organisation de l'Europe devait s'accomplir par les alliés seuls sans le concours du cabinet des Tuileries. L'Angleterre s'engageait à rendre à la France toutes ses anciennes colonies dans les Indes occidentales, en Afrique et en Amérique à l'exception des îles de Sainctes, de Tabago et de l'île de France, sous la condition qu'elle ne les possèderait qu'à titre d'établissements commerciaux. L'île de Malte avec ses dépendances resterait en pleine souveraineté à S. M. Britannique: on devait remettre, dans l'espace de six jours, après la signature de ce Traité, les places fortes de Hambourg, de Mayence, d'Anvers, BergopZoom, Mantoue, Palma-Nuova, Venise, Peschiera, les places de l'Oder et de l'Elbe dans quinze jours et les autres dans le plus court délai possible, avec leur matériel de guerre, munitions de bouches et archives, etc; les garnisons françaises de ces places sortiront avec armes et bagages et avec leurs propriétés particulières. « Et pour comble de dureté il était encore dit dans l'ultimatum : « Que l'empereur des Français devait faire remettre dans l'espace de quatre ours aux alliés les places de Besançon, Belfort, Huningue, qui devraient servir de dépôts et de garanties jusqu'à la paix définitive. »

En réponse à cet ultimatum, M. de Caulincourt remit aux plénipotentiaires alliés un contre projet toujours formulé sur les bases de Francfort avec des conditions particulières; ainsi les duchés de Luques et de Piombino devaient rester à la princesse Élisa, la principauté

1. Lord Castlereagh n'était pas en nom dans les négociations du Congrès, mais il les dirigeait par sa correspondance.

de Neufchâtel', le grand-duché de Berg à leurs titulaires actuels; la France aurait le droit d'intervenir dans tous les actes ultérieurs qui toucheraient à la réorganisation de l'Europe, car il était impossible qu'une grande nation comme la France, renonçât à son influence. naturelle. Ce contre projet fut rejeté dans les termes les plus précis, et les plénipotentiaires donnèrent un délai très-court pour l'acceptation ou le rejet des conditions qu'ils avaient proposées inflexiblement.

Durant le Congrès de Châtillon, il se continuait une correspondance intime et précieuse entre le prince de Metternich, qui n'assistait pas au Congrès, et M. de Caulincourt qui souvent s'adressait à lui pour appeler son concours. Le chancelier d'Autriche le suppliait à son tour de bien faire entendre à son Souverain: « Que le seul moyen de salut était d'accepter le traité de paix formulé à Châtillon, si on le refusait il ne serait plus maître des événements. » Il règne un ton triste et convaincu dans cette correspondance d'un abandon extrême; le prince de Metternich n'entrait pas et ne pouvait entrer qu'avec douleur dans les idées d'un changement de dynastie; l'Autriche avait tout à perdre dans un tel événement; mais le prince de Metternich sentait qu'il n'était plus libre dans sa position dépassée par l'empereur Alexandre, contenue et dominée par l'Angleterre; il désirait sincèrement que la paix fut signée à Châtillon comme il l'avait souhaité à Prague et à Francfort. Il avait bien voulu rogner les envergures de l'aigle impérial, mais il ne voulait pas l'étouffer dans ses bras.

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Le 19 mars, les plénipotentiaires anglais, autrichiens, prussiens remirent à M. de Caulincourt une note dans laquelle ils déclarérent: « Qu'ils ne pouvaient reconnaître dans la marche suivie par le Gouvernement français, que le désir de traîner en longueur des négociations aussi inutiles que compromettantes; inutiles, parce que les explications de la France sont opposées aux conditions que les Puissances regardent comme nécessaires pour la reconstruction de l'édifice européen, compromettantes, parce que la prolongation de stériles négociations ne servirait qu'à induire en erreur et à faire naître chez les peuples de l'Europe le vain espoir d'une paix devenue le premier de leurs besoins, et que tout délai menacerait. Les plénipotentiaires des Cours alliées regardaient les négociations entamées à Châtillon comme terminées par le Gouvernement français. Ils avaient l'ordre d'ajouter, par cette déclaration, que les Puissances alliées ne font pas la guerre à la France, qu'elles regardent les justes dimen

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Le titulaire de la principauté de Neufchâtel était le maréchal Berthier.

2. Le prince de Metternich était auprès de l'empereur François II, au quartier général des alliés.

sions de cet Empire, comme une des premières conditions d'équilibre politique; mais qu'elles ne poseront pas les armes avant que leurs principes n'aient été reconnus et admis par son Gouvernement. Une déclaration solennelle des alliés signée à Vitry, le 25 mars, expliquait les causes de la rupture du Congrès de Châtillon, en laissant toujours le protocole ouvert pour la signature de la paix'. C'était un moment bien triste pour la France; la masse immense des alliés, développée en armes autour de Paris, ne permettait plus d'espérer la délivrance du pays bien fatigué; plusieurs combats glorieux avaient été livrés, mais que pouvait le courage contre cinq cent mille baïonnettes? L'empereur Napoléon alors se décida à accepter les articles et l'ultimatum du Congrès de Châtillon, ainsi que cela est constaté par la lettre du duc de Vicence au prince de Metternich, expédiée de Doulevant le 25 mars, par M. de Gallebois, officier du prince de Neufchâtel au quartier général impérial. Cette lettre, si importante au point de vue de l'histoire, était ainsi conçue: Arrivé cette nuit seulement près de l'Empereur, Sa Majesté m'a donné sur-le-champ ses derniers ordres pour la conclusion de la paix. Elle m'a remis en même temps tous les pouvoirs nécessaires pour la négocier et signer avec les ministres des Cours alliées, cette voie pouvant réellement mieux que toute autre en assurer le prompt rétablissement. Je me hâte donc de vous prévenir que je suis prêt à me rendre à votre quartier général et j'attends aux avant-postes la réponse de Votre Excellence. Notre empressement prouvera aux souverains alliés combien les intentions de l'Empereur sont pacifiques et que de la part de la France aucun retard ne s'opposera à la conclusion de l'œuvre salutaire de la paix qui doit assurer le repos du monde. » Signé : Caulincourt, duc de Vicence.

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Cette lettre arrivait trop tard; à quelques jours (30 mars 1814), la capitulation de Paris était signée, et des événements d'une haute gravité allaient se produire dans l'histoire. Les républicains du Sénat prenaient l'initiative pour réaliser une vieille haine. Les sénateurs Grégoire, Lambrecht Garat, Roger-Ducos, rédigeaient un acte de déchéance passionné, étrange surtout dans la bouche d'un Sénat qui s'était associé à tous les actes de l'Empire.

Un gouvernement provisoire était formé, et c'était encore le Sénat qui, en proclamant une constitution, le rève des idéologues, appelait au trône Louis-Stanislas-Xavier de France, frère du dernier roi et après lui les autres membres de la maison de Bourbon.

Si l'on suit exactement toutes les pièces diplomatiques, tous les actes émanés des Cabinets, on verra qu'il n'y avait pas été question une seule

1. Cette note est jointe aux protocoles du 19 mars 1814. Le Congrès de Châtillon fut dissout. Il avait duré quarante-cinq jours, du 4 février au 19 mars 1814.

fois de la maison de Bourbon. Les alliés n'avaient qu'un but dans la guerre, restreindre la France dans des limites telles qu'elle ne pût désormais inquiéter l'Europe: l'Angleterre elle-même, très-favorable à l'ancienne maison de France, l'avait parfaitement abandonnée lors du Congrès de Châtillon. L'acte du Sénat provoqué par M. de Talleyrand fut donc un fait absolument étranger à la diplomatie de l'Europe; plusieurs fois les cabinets avaient considéré comme un embarras les prétentions de la maison royale de Bourbon.

Par suite de ces événements de Paris, la lettre par laquelle M. de Caulincourt acceptait les protocoles de Châtillon restait sans effet; l'empereur Napoléon profondément blessé par l'acte du Sénat y répondit dans son grand style : « Le Sénat s'est permis de disposer du Gouvernement français, il a oublié qu'il doit à l'Empereur le pouvoir dont il abuse maintenant; que c'est l'Empereur qui a sauvé une partie de ses membres des orages de la révolution; tiré de l'obscurité et protégé l'autre contre la haine de la nation. Aussi longtemps que la fortune s'est montrée fidèle à leur souverain, ces hommes sont restés fidèles et nulle plainte n'a été entendue sur les abus de pouvoir. Si l'Empereur avait méprisé les hommes, comme on le lui a reproché, alors le monde reconnaîtrait aujourd'hui qu'il a eu des raisons qui motivaient son mépris. Il tenait sa dignité de Dieu et de la nation, et lorsqu'il accepta, ce fut dans la conviction que lui seul était à même de la porter dignement. »

Pressé par ses maréchaux fatigués de la guerre, abandonné presque par tous, l'empereur Napoléon, sans tenir compte de sa déchéance prononcée par le Sénat, signa son acte d'abdication ! En même temps il chargeait les maréchaux Macdonald, Ney et le duc de Vicence de stipuler pour lui et de fixer son avenir. Cette mission aboutit au Traité du 11 avril 1814, signé à Fontainebleau par les Puissances alliées. Napoléon et Marie-Louise conservaient leur titre impérial. L'île d'Elbe, adoptée par l'Empereur pour son séjour, devait former une principauté souveraine on assurait à Napoléon une liste civile de 2500 000 fr. en rente sur le grand-livre; les duchés de Parme, de Plaisance, étaient érigés en faveur de Marie-Louise et de son fils le (Roi de Rome), qui prenait le titre de duc de Parme. Des rentes considérables étaient constituées en faveur de la famille de Napoléon, qui se retirait de la grande scène du monde1.

1. Le Traité de Fontainebleau fut accepté et confirmé par toutes les puissances et même par le gouvernement provisoire de France. On verra dans ce recueil que M. de Talleyrand y donna son adhésion comme ministre de Louis XVIII.

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