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usurpation politique qui s'est appelée: Puissance législative.

Puissance ingénieuse à créer sans nombre des crimes et des délits imaginaires, des peines afflictives et des peines infamantes!

Assez longtemps l'Autorité a égaré le monde avec la prétention de le gouverner; je demande que l'Autorité abdique; je demande que la Liberté lui succède; je demande que la puissance législative, condamnée pas ses œuvres, fasse place, enfin, à la puissance individuelle fortifiée par l'imprimerie et la vapeur, le travail et l'épargne.

Dès qu'il ne serait plus nécessaire d'avoir une fabrique de lois, toute difficulté s'aplanirait; il suffirait alors que le Peuple français, dans toutes les circonstances où il devrait agir comme souverain, eût un ministre qui gérât l'intérêt collectif et exécutât la volonté nationale, un maire, comme il y a onze siècles (1).

L'intérêt collectif, je l'ai démontré, se bornerait étroitement au soin de veiller à l'entretion des routes de terre et et au payement de la dette publique jusqu'à ce qu'elle ait pu être remboursée.

La volonté nationale elle-même n'aurait pas un beaucoup plus vaste champ, car dès que la liberté du commerce aurait prévalu, par la réciprocité des échanges, non seulement disparaîtraient les risques de guerre, mais aussi les questions et les débats de tarifs.

Les avantages de l'unité dans l'exercice de la puissance publique sont incontestables; ils sont attestés par l'histoire. Maire sous trois rois Lothaire, Chilpéric et Thierri, Charles Martel arrache la France et l'Europe aux Sarrazins. Mazarin meurt; que fait le souverain qui disait de luimême : L'État, c'est moi?-Il choisit Colbert pour son ministre etle garde de1661 à 1683, pendant 22 ans, jusqu'à ce que celui-ci succombe sous les fatigues d'un travail sans relâche.

(1) a 750... Les rois n'avaient point d'autorité, mais ils avaient un nom; le titre de roi était héréditaire, mais celui de maire était électif. »

MONTESQUIEU. Esprit des Lois, 1. XXXI.

Le trésor était vide, Colbert le remplit.

Les recettes étaient sans règle, les dépenses sans mesure; il borne les dépensès et règle les recettes.

Il supprime le trafic des emplois.

Il diminue le prix du sel.

Il fonde une caisse d'emprunt ayant pour objet de combattre l'usure.

Il réduit la taille de 53 à 35 millions, malgré la guerre.
Il opère la réduction de la rente.

Il réduit la dette de 52 à 32 millions, et élève les revenus de 89 à 115 millions.

Il multiplie les routes et les canaux.

Il forme une chambre générale d'assurance en faveur des villes maritimes.

Il établit une chambre de commerce où les plus habiles négociants sont appelés.

Il rachète à l'Angleterre la ville de Dunkerque.

Il fonde la compagnie des Deux-Indes.

Il colonise Cayenne, le Canada et Madagascar.

Il ranime le commerce du Levant.

Il réprime les corsaires d'Alger, de Tunis et de Tripoli, qui infestaient les mers.

Il relève la marine française, car, devançant l'avenir de deux siècles, il a compris que le signe de la puissance, déplacé dans l'ordre politique, résidera désormais dans le commerce des deux mondes.

Il rétablit les ports de Brest, de Toulon, de Rochefort; fortifie ceux du Havre et de Dunkerque, et, quoique entravé par Louvois, il dépense tant d'efforts et crée tant de ressources, que, grâce à ces efforts et à ces ressources, plus de cent vaisseaux de ligne, soixante mille matelots, D'Estrées et Duquesne, Tourville, Jean Bart et Forbin font triompher le pavillon français, qui, à peine connu dans les mers, y donne bientôt la loi aux autres nations.

Il dote le faubourg Saint-Antoine d'une manufacture pour les glaces, on était obligé de les acheter des Vénitiens à des prix excessifs; il établit au faubourg Saint-Marceau la

manufacture des Gobelins et en donne la direction à Lebrun.

Il encourage par des prêts considérables, sans intérêt, par des exemptions, par des lettres de noblesse et des distinctions particulières, les manufactures de draps d'Abbeville, d'Elbœuf, de Louviers, les nombreux ateliers pour les étoffes de soie de Lyon et de Tours.

Il fonde, en 1663, l'Académie des inscriptions; en 1664 l'Académie royale de peinture, de sculpture et d'architecture, et, en 1666, l'Académie des sciences; il crée l'Académie de France à Rome; il augmente le Jardin des Plantes; il enrichit la Bibliothèque du roi, qu'il fait transporter rue Vivienne; en 1667, il fait construire l'Observatoire de Paris. et fait commencer la méridienne qui traverse la France; il choisit Perrault et le charge d'achever le Louvre ; il fait construire les arcs de triomphe de la porte Saint-Martin et de la rue Saint-Denis, et l'hôtel des Invalides; le pavage et l'éclairage de Paris, qui étaient à la charge des habitants, sont mis au rang des dépenses publiques.

Il encourage l'agriculture en diminuant l'impôt sur les terres, en favorisant la multiplication des bestiaux, en diminuant la rigueur des saisies, « ne voulant pas, dit Necker, que le malheur fût puni par l'impuissance de le réparer. » Il jette les bases du cadastre.

Il réforme l'ordre judiciaire.

Législateur, il lègue à la postérité l'ordonnance de 1667, l'ordonnance de la marine, le code marchand, le code noir, et toutes les belles ordonnances du dix-septième siècle sur les diverses parties de l'administration publique.

Que n'eût pas fait encore Colbert, secrétaire d'Etat, contrôleur-général des finances, surintendant des bâtiments du roi, ministre de la marine, mais ayant l'entière disposition de son temps, si la moitié de ses forces n'eût pas été employée à combattre le malheureux ascendant de Louvois sur l'esprit de Louis XIV, dont il flattait les goûts qui le poussaient à la guerre!

Je viens de montrer très sommairement tout ce que peut faire d'utile et de grand un ministre laborieux, méritant la

confiance de son souverain, et l'ayant gardée pendant vingt

ans.

Eh bien! qu'est-ce que je propose? Rien de nouveau, rien qui n'ait pour cautions l'expérience et l'histoire.

Je propose que le peuple souverain se conduise en souverain.

Je propose qu'il règne, et n'administre pas.

Je propose qu'au lieu d'être l'ouvrier qui se sert lui-même, il soit le souverain qui se fait servir par un ministre qu'il peut toujours renvoyer et punir, comme fit Louis XIV, qui chassa et enferma Fouquet pour le remplacer par Colbert.

Je propose, qu'ayant reconquis la souveraineté de droit, il n'en tolère, sous aucun nom, l'usurpation par aucune souveraineté de convention: Constitution écrite, Assemblée législative, Présidence de la République.

Je propose qu'il en finisse à jamais avec toutes les complications, toutes les fictions, tous les frottements et tous les dangers de ces interprétations dont la force est le seul juge: ce qui est détruire d'une main tout ce que de l'autre on a édifié.

Je propose que la Société, après avoir passé du simple au compliqué, revienne du compliqué au simple; qu'elle revienne à l'époque des anciennes associations connues, chez les nations germaniques, sous le nom de Mark-genossenschaften, lesquelles n'étaient que des assurances mutuelles, une sorte de fédération pour la sûreté commune.

Enfin, le système que je propose institue la Commune à l'image de l'État, et réciproquement; il fait ainsi de la Commune l'école primaire du citoyen. Ce système se résume dans ces deux lignes:

UN MAIRE DE FRANCE QUE LA MAJORITÉ DE LA FRANCE Choisit ET QUE LA MINORITÉ DE LA FRANCE CONTRÔLE.

N'est-ce pas le pouvoir constitué par lui-même ? N'est-ce pas l'abolition de l'Autorité par la simplification du Gouvernement?

1852.

AUTORITÉ ET LIBERTÉ SÉPARÉES.

I.

6 avril 1852.

Plus que jamais je crois à l'impossibilité de concilier l'Autorité avec la Liberté. Le plébiscite, et tout ce qui s'est accompli depuis le 2 décembre, n'ont fait que corroborer l'opinion que je n'ai cessé de soutenir depuis le 25 février 1848 jusqu'au 1er décembre 1851. Il faut choisir entre l'Autorité absolue ou la Liberté absolue. Il n'y a pas de conciliation possible entre ces deux régimes opposés. L'Autorité qui n'est pas absolue n'est pas l'autorité, la Liberté qui n'est pas absolue n'est pas la liberté, c'est la révolution permanente. De même que la Foi exclut l'Examen, l'Autorité exclut la Liberté. 1 0/0 de liberté mêlé à 99 0/0 d'autorité, c'est plus qu'il n'en faut pour détruire l'Autorité, à plus forte raison si la proportion est renversée, et si l'on mêle 1 0/0 d'autorité à 99 0/0 de liberté. Vouloir accoupler la Liberté à l'Autorité est une œuvre aussi chimérique, aussi insensée que vouloir accoupler la lune à la terre. Cette erreur a été celle de MM. Guizot et Thiers sous la monarchie de 1830, de MM. Châteaubriand et Benjamin Constant, sous la Monarchie de 1815; cette erreur a fait son temps, et c'est sur un autre terrain que la question doit être portée. L'autorité d'un chef d'État doit être celle d'un capitaine de

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