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damné à la déportation (1) et à être dégradé. Cette sentence, plus rigoureuse que la mort, reçut son exécution, pour la dernière partie, sur la place Vendôme à Paris. L'infortuné général ne put survivre à cette humiliation et mourut peu de temps après à l'Abbaye.

Nommé président de l'ordre des avocats à la cour de cassation, il le représenta dignement en toutes les occasions. Ses confrères, désireux de lui donner un haut témoignage de leur estime, firent exécuter son portrait en pied, qu'ils placèrent dans la salle de leurs séances.

Il assista aussi comme conseil Me Isambert, poursuivi pour avoir attaqué vigoureusement la doctrine du pouvoir, sur les arrestations arbitraires; ChauveauLagarde soutint de l'autorité de son nom la théorie de son confrère.

La dernière cause à laquelle il prêta l'appui de son expérience et de ses lumières, est celle de Bissette, Fabien et Volny, déportés de la Martinique, pour avoir distribué dans cette colonie des brochures publiées à Paris, sous les yeux de l'autorité, sans avoir encouru les poursuites du ministère public.

Une belle figure, une belle taille, un bel organe, de la noblesse, une bonne diction, de la sensibilité, Chauveau-Lagarde possédait toutes ces qualités qui font les grands avocats. « Jamais homme (disait un vieux ju<«<risconsulte, qui avait suivi toutes ses causes), jamais << homme n'a mieux parlé aux jurés le langage qu'ils << savent comprendre et n'a remporté devant eux de

(1) V. Exposé simple et fidèle de la conduite du général Bonnaire, ex-commandant de la place de Condé, etc., par M. Chauveau-Lagarde; Paris, 1816, br. in-8°.

« plus éclatans et de plus nombreux triomphes. >> Nous devons ajouter que M. Hennequin, cet homme d'un esprit si ingénieux, d'un jugement si sûr, qui connaissait si bien tous les secrets de l'art de la parole, parlant de M. Chauveau-Lagarde, disait, qu'il était à ses yeux, l'avocat le plus complet qu'il eût jamais entendu à la cour d'assises (1).

Chauveau-Lagarde ne reçut que tard de la Restauration la récompense de ce qu'il avait osé dans les jours d'orage. L'intolérance est de tous les partis. On oublie les actions pour ne se souvenir que des paroles, et le courage aisé des triomphateurs de 1815 s'indignait de quelques expressions arrachées à l'avocat, par les misères des temps, et peut-être aussi par la nécessité de la défense. Le défenseur de la reine fut traité en suspect. Il était réservé au ministère de M. Martignac

(1) M. Couture, dans l'ouvrage intitulé: Mon Portefeuille, p. 136, après avoir rapporté l'impression que fit sur lui, à la première vue, l'éloquence de M. Chauveau-Lagarde, ajoute : « Je sentis que M. Chauveau-Lagarde avait étudié son public « de Paris; la difficulté et la délicatesse des defenses que l'a<< vocat entreprend dans la carrière criminelle; le désavan<< tage que donne l'obligation de démontrer une innocence << que l'on désirerait, soi-même, plus évidente; les nom<< breuses précautions à prendre pour ne pas heurter l'intérêt << ou la morale publics, ces nobles cliens de MM. les avocats« généraux. Je compris très-bien alors que ses hésitations, << sa caressante lenteur, et ces lignes courbes qu'il décrivait « pour arriver à son but, que tout cela était dans le plan et << dans les combinaisons de M. Chauveau pour miner, sans « effort apparent, l'attaque du ministère public, ébranler, « par des secousses ménagées et successives, une opinion dé« favorable qu'il croyait formée, et finir par régner sur les esprits, après avoir divisé leurs premières préoccupations. >>

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NOTICE SUR CHAUVEAU-LAGARDE.

de réparer ce qui pouvait ressembler à une injustice, en accordant les honneurs de la magistrature à la vieillesse d'un avocat qui avait été un avocat célèbre et un homme de bien. M. Chauveau-Lagarde fut nommé conseiller à la cour de cassation, en 1828; il n'avait alors qu'une fortune très-modique, quoique l'exercice du Barreau eût dù produire pour lui des fruits abon-t dans; mais il avait conservé les traditions insouciantes et les habitudes généreuses des avocats d'autrefois, artistes et grands seigneurs, de Gerbier, par exemple, mort pauvre après avoir été dans la plus brillante moitié du XVIIe siècle, au milieu d'un monde d'éclat, le premier avocat du Barreau français (1).

Attaché à la section criminelle de la cour de cassation, le nouveau magistrat y apporta les fruits de sa longue et laborieuse carrière. La mort l'a surpris à 85 ans, le 19 février 1841, au milieu de ces graves occupations qu'il savait si bien accorder avec les plaisirs, les devoirs du monde, laissant à sa famille pour tout héritage le nom qu'il a illustré.

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CHAUVEAU-LAGARDE.

PLAIDOYER

Pour le général MIRANDA, accusé de haute trahison, et de complicité avec le général en chef Dumourier.

CITOYENS-JURÉS,

C'est une bien extraordinaire destinée que celle d'un homme qui, dans toute l'Europe, est connu par sa philosophie, par ses principes et par son caractère, pour l'un des plus zélés partisans de la liberté, qui chez les deux nations les plus libres, avant la révolution française, l'Angleterre et l'Amérique, a pour amis les hommes les plus recommandables par leurs vertus, leur génie et leurs travaux en faveur de la liberté; qui, pour la liberté, a été persécuté par le despotisme d'un pôle à l'autre ; qui toute sa vie n'a

Tom. XII.

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réfléchi, respiré, combattu que pour elle, et lui a fait tous les sacrifices possibles de fortune, d'ambition et d'amour-propre : c'est, dis-je, une destinée bien extraordinaire que celle d'un tel ami de la liberté, qui se trouve pourtant accusé de l'avoir trahie, au moment même où il la défendait glorieusement les armes à la main, et de l'avoir trahie de concert avec l'homme qui était alors son plus mortel ennemi, dont il dénonçait les projets liberticides, et qui, le calomniant alors auprès des représentans du peuple, le livrait comme un traître à la vengeance nationale, précisément parce qu'il trouvait en lui l'incorruptible ennemi de sa trahison.

Mais ce qui n'est pas moins extraordinaire, peut-être, c'est que cette accusation qui, par ses détails, semblait d'abord devoir être extrêmement compliquée, se trouve aujourd'hui, par le résultat des débats, réduite à une si grande simplicité, que s'il est une chose difficile pour moi, ce n'est pas de chercher ce que je dois dire, mais de trouver ce qui me reste à dire encore.

En effet, Citoyens-Jurés, le général Miranda, par ses réponses, a tout expliqué, tout éclairci, tout prouvé, de manière qu'après s'être montré dans les conseils et dans les armées l'un des plus éclairés et des plus intrépides défenseurs de la République, il s'est montré dans ce tribunal le plus éloquent défenseur qu'il pût avoir pour lui-même; et que s'il m'a laissé quelque tâche à remplir, c'est moins pour sa justification que pour son apologie: encore cette apologie ne sera-t-elle pas difficile; je rapporterai quelques-unes de ses paroles, et je peindrai ses actions.

Je vais donc, Citoyens-Jurés, me borner à vous

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