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gendarmes. De quoi s'agit-il? de dire quelles sont les attributions constitutionnelles du roi et des Chambres. Est-ce donc à la justice ordinaire à en décider ? de pareilles questions, par leur nature, n'appartiennentelles pas exclusivement aux grands pouvoirs de l'État? L'autorité d'un jugement est grave, et c'est pour cela qu'il ne faut pas la compromettre. Que penseraiton d'un ministre qui, pour défendre la prérogative, argumenterait à la tribune d'un jugement correctionnel? et quel instant choisit-on pour élever de pareilles discussions? c'est celui où la Chambre élective, dans cette adresse que le ministère public a qualifiée luimême de mémorable, vient de déclarer que la Charte consacre comme un droit l'intervention du pays dans la délibération des intérêts publics; celle où elle vient de proclamer solennellement qu'elle a le droit de refuser son concours à un ministère qui alarme le pays! Ainsi le National a eu la gloire de voir ses principes sanctionnés implicitement par la Chambre. Que lui veut-on maintenant ? les coups qu'on lui destine doivent-ils frapper plus haut? est-ce à l'adresse qu'on veut faire un procès ? Mais la même loi qui punit les attaques contre l'autorité constitutionnelle du prince, punit aussi les attaques contre l'autorité constitutionnelle des Chambres; les Chambres ont même une juridiction spéciale pour venger leurs offenses. Et que dirait le ministère public, si la Chambre prenait ses doctrines pour une offense, si elle le mandait à sa barre ?.... Oui, au-dessus de la Chambre, un seul pouvoir; à côté d'elle un autre tout le reste lui est soumis. Créature passagère d'un ministre passager, le ministère public aurait-il reçu l'inviolabilité de celui

qui ne l'a pas lui-même, et les Chambres qui accusent, qui jugent les ministres, seraient-elles impuissantes pour accuser, pour juger leurs agens?

La doctrine du National ne se présente plus désormais avec l'autorité vague d'une théorie, mais avec l'autorité, avec la puissance d'un fait ; et c'est en cela que le gouvernement constitutionnel s'élève au-dessus de tous les autres. Qui ne pourrait admirer, en effet, ces formes souples et élastiques où les plus grandes secousses tendent à rétablir l'harmonie, où le prince ne paraît s'éloigner un instant de son peuple, que pour le consulter et mieux connaître ses vœux. Avec ce système, tous les inconvéniens de l'hérédité disparaissent. Un Commode peut succéder à un MarcAurèle? un Charles VI, à un Charles V : qu'importent, en effet, le caractère et les passions du prince? Il y a un terme rapproché, un terme de paix à toutes les erreurs c'est le moment où le pays consulté fait entendre sa voix. Aussi le National pose-t-il en principe que le gouvernement constitutionnel est l'indifférence systématisée pour les personnes. Avec un tel régime, point de trouble, point de guerre civile à craindre ; peuple et souverain doivent vivre en paix; tout se passe entre le ministère et les Chambres. Mais, ajoutet-il : << Si les personnes n'étaient pas indifférentes « pour le système, si elles le haïssaient, l'attaquaient, << alors la question deviendrait question de choses et « de personnes à la fois; ce seraient les personnes qui « l'auraient posée. » En effet, nous le pensons, nous le disons tous dans la Charte, salut pour le pays comme pour le trône; hors de la Charte, danger pour le trône comme pour le pays.

Tome XII.

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Qui le croirait cependant? C'est dans l'expression d'une convicton que tout le monde partage, que le ministère public a trouvé matière à un nouveau chef d'accusation. Il soutient que le National a provoqué au renversement de la dynastie; mais le National a raisonné dans une hypothèse que nulle part même il n'a regardée comme possible. Selon lui, c'est seulement dans le cas où les personnes attaqueraient le système, qu'elles pourraient être menacées. S'il y a délit quelque part, il faut le dire, c'est dans l'accusation : elle suppose que le prince est menacé dès à présent; elle suppose donc que dès à présent le prince attaque le système et veut manquer à ses sermens; elle l'accuse de méditer un parjure.

Le National a donné un conseil et indiqué un danger. Son conseil peut avoir le tort de déplaire, mais non celui de violer les lois. Accuse-t-on la vigie dont les cris annoncent l'écueil; et celui-là est-il coupable qui signale un danger pour qu'on l'évite? Singulière destinée des choses humaines! funeste aveuglement du pouvoir! Dans tous les temps, dans tous les lieux, il est le même. Napoléon aussi, qui régnait et gouvernait à la fois, Napoléon, au milieu de ses grandeurs, repoussait les conseils; mais, aux jours de ses revers : Pourquoi, disait-il, pourquoi ne m'ont-ils pas fait entendre la vérité ceux qui prétendent aujourd'hui me faire tomber de l'empire! ont-ils le droit de se plaindre! et si j'ai fait des fautes, ne les ont-ils point partagées ou par leurs adulations ou par leur silence! Mais il était trop tard la déchéance l'avait frappé, et il faisait déjà les premiers pas pour aller mourir à Ste-Hélène (1)!

(1) Ordre du jour du 4 avril 1814 : « Si l'enthousiasme

Je vous ai prouvé, Messieurs, que les auteurs du National n'ont point contesté au roi, auteur de la Charte, le droit qu'il pouvait avoir de la donner, et que, dans leurs principes sur le gouvernement représentatif, ils ont moins violé que fortifié les lois.

On s'alarme, je le sais, de voir la presse discuter des théories; quant à moi, je ne saurais partager ces craintes. Toute ma doctrine à cet égard se réduit à peu de mots, et je l'ai récemment appliquée: Respect à la vie privée; pleine liberté, mais décente, un peu d'exaltation même, pour les affaires publiques. Ce ne sont pas des principes, en effet, qui précipitent les peuples dans les révolutions; excepté en matière religieuse, ils ne se soulèvent point pour des abstractions qu'ils ne conçoivent guères. Il faut, pour les émouvoir, des intérêts en souffrance, ou matériels ou moraux. Je ne m'aveugle pas cependant sur l'état d'une société où des doctrines irritées et contraires se font jour de toutes parts; mais j'y reconnais le langage de plusieurs intérêts blessés qui prennent la parole pour se défendre. Ainsi, parmi nous, à tort ou à raison, l'intérêt monarchique est alarmé, et j'en vois la preuve dans la violence des écrivains monarchiques; l'intérêt libéral est inquiet, et j'en vois encore la preuve dans la résistance des écrivains dévoués aux libertés. Ces deux intérêts sont en présence; et, comme deux puissances qui vont se déclarer la guerre, ils commencent par un appel au droit ; ils publient leurs manifestes situation

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s'est glissé dans les adresses et les discours publics, alors l'Empereur s'est trompé; mais ceux qui ont tenu ce langage doivent s'imputer à eux-mêmes ies funestes suites de leurs flatteries. >>

grave, situation qu'il appartient au gouvernement d'observer, mais que vous, Messieurs, vous êtes impuissans à guérir. Que vous demande-t-on en effet? Ce n'est pas de satisfaire un de ces intérêts par des mesures qui l'apaisent, ce qui serait au-dessus de vos droits; mais de punir les voix qui s'élèvent pour sa défense. S'il est cependant une chose sacrée, c'est que la plainte soit permise à celui qui se croit opprimé; s'il est une chose qui irrite les hommes, c'est que l'oppression continue et que la plainte soit punie. Alors les imaginations s'exaltent; alors on cherche, on demande le martyre; le martyre, la plus pure, la plus belle, la plus désintéressée des gloires. Aussi voyez ces écrivains accusés: comme ils vous abordent, comme ils se défendent, comme ils persistent, même devant vous, dans leur foi politique! L'opinion les soutient contre vos rigueurs, elle les console, et vos jugemens se brisent devant elle : mal nouveau, mal profond pour la société, quand la peine a cessé de flétrir; quand le banc de l'accusé n'humilie plus, quand il grandit, quand il honore. A une autorité plus élevée de la vôtre, il appartient de trouver le remède. Au lieu de condamner, Messieurs, joignez vos vœux aux nôtres; adressonsnous ensemble au Dieu de la patrie : demandons-lui qu'il éclaire, qu'il protége la France!

Jugement du 30 avril 1830, qui condamne Sautelet à trois mois d'emprisonnement et 1,000 francs d'amende.

FIN.

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