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Les mêmes hommes restent chargés de nos destinées! L'horizon politique se couvre; déjà on aperçoit dans le lointain ce point noir qui annonce les orages. Que deviendrait la France s'il fallait penser à une guerre nouvelle et peut-être plus dangereuse?

Tom. xii.

39

PLAIDOYER

Pour les héritiers de M. de THÉSIGNIES;

Contre les mineurs DESMARES.

(Tribunal civil, 1ro chambre, audience du 10 mars 1826.)

MESSIEURS,

Toutes les fois qu'une question d'État s'agite devant vous, il est d'usage qu'on déclame contre les collatéraux; on les taxe d'une avidité qui souvent est loin de leur pensée, c'est le style obligé. Cependant, je l'avouerai, j'attendais de mon adversaire des choses moins bannales et moins usées, et je pensais qu'il aurait mieux senti combien la position délicate de ses cliens lui imposait de mesure et de modération.

S'il s'agissait ici, en effet, de deux enfans en possession de l'état d'enfans légitimes, élevés dans la maison conjugale, on conçoit qu'ils pourraient se plaindre, car la tendresse paternelle serait pour eux un titre, sinon aux yeux de la loi, du moins aux yeux des hommes. Mais les mineurs Desmares se présentent-ils même sous le nom de Thésignies? Non; ils sont en possession de l'état de bâtardise; cet état où ils sont

nés leur plaît; ils ne veulent pas en sortir. Pourquoi plaident-ils? Ce n'est pas un nom qu'ils réclament, c'est une riche succession.

Scandale inoui! Après avoir profité déjà du crime de leur mère, ils ne sont pas satisfaits! Un patrimoine ne leur suffit point; ils ont ruiné une maison, ils veulent en ruiner une autre: et ils invoquent le double privilége de s'emparer à la fois de l'héritage de deux familles.

Je vous le demande, Messieurs, sont-ce les collatéraux que, dans cette cause, il faut accuser d'une avidité coupable? Non, ce n'est pas seulement pour la fortune de leurs parents qu'ils combattent; ils la sacrifieraient sans peine : empêcher les fruits du crime d'entrer dans leur famille, voilà pour eux l'intérêt principal fils de l'adultère, ils vous disent de rester dans l'adultère.

Je dois, Messieurs, vous rapporter les faits en peu de mots.

En 1804, M. de Thésignies se marie; un mois après, il est congédié par sa femme, avec défense de reparaître chez elle; au bout d'un an, il demande la nullité de son mariage; mais jugement en 1807 qui rejette la nullité. Bientôt M. de Thésignies fait sommation à sa femme de venir habiter avec lui: elle refuse, et forme une demande en divorce qu'elle abandonne pour la reprendre plus tard.- En 1810, nouvelle demande; le divorce est prononcé par jugement de première instance, Thésignies y donne son acquiescement, et les époux ne se voient plus qu'en 1819, où une correspondance s'établit entre eux. En 1825, M. de Thésignies meurt on appose les scellés chez lui; le partage

va s'ouvrir, lorsqu'apparaissent deux enfans inconnus à la famille, inconnus à M. de Thésignies lui-même. Ils réclament, non pas le nom, mais la fortune du défunt; le premier acte fait en leur nom prouve la notoriété publique de leur illégitimité: un désaveu est présenté par les collatéraux, et le procès s'engage.

Pour repousser leur action,, on a établi trois propositions principales: 1° la mère est certaine ; 2° les enfans sont nés pendant le mariage; 3° ils sont sous la protection de la règle is pater est quem nuptiæ demons

trant.

Partons de cette règle: elle ne souffre, a-t-on dit, qu'une seule exception, l'impossibilité physique; l'impossibilité morale, on ne s'en occupe jamais. Or, il y a eu cohabitation, donc les enfans sont légitimes.

J'attendais encore de mon adversaire une doctrine moins surannée. Quoi, c'est en présence de vos jugemens, en présence des arrêts de la Cour, qu'il s'en tient à la règle is pater est quem nuptiæ demonstrant? Cette règle, dit-il, ne peut être détruite par des preuves morales! Est-il donc en arrière de la jurisprudence et de la loi.

Je ne m'arrêterai pas à réfuter un pareil système, je ne veux aborder la question de droit que sous un seul rapport. Je suppose (vous ne vous en plaindrez pas.....), je suppose qu'à la certitude de la mère, à la naissance des enfans pendant le mariage, se joigne la cohabitation des époux... Eh bien! en droit, dans cette position, je dis qu'il n'y a pas encore, pour les parens, l'impossibilité de former le désaveu, et pour les magistrats de l'admettre.

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Qui le nierait? Il faudrait vous soutenir que les

époux vivant ensemble, il ne pourra jamais naître dans le domicile conjugal d'enfans illégitimes; il faudrait soutenir qu'il n'y a pas d'épouses infidèles! Je ne veux pas certes me faire le censeur de mon siècle; je n'ai point encore l'âge exigé par le poète.

Mais voyez ce qui se passe autour de vous; voyez les registres de l'état civil; voyez les procès dont retentit cette audience. Quoi! osera-t-on soutenir que la couche nuptiale est toujours respectée? Que la pudeur n'est jamais obligée de la couvrir d'un voile? S'il est un fait constant, c'est qu'on voit des amours coupables produire des fruits criminels. Le législateur devait-il fermer les yeux ? Non... il a voulu donner les moyens de séparer l'ivraie, de purger les familles, et en agissant ainsi, il servait la société. Quand les épouses savent qu'un jour leurs fautes seront divulguées....., que tôt ou tard leur conduite subira les regards du public et des lois...., elles s'observent avec soin; elles résistent à leurs passions, et c'est ainsi que se trouvent garantis les mœurs et l'ordre public.

Suffirait-il donc d'une simple possibilité de cohabitation pour déclarer des enfans légitimes?

Supposons deux époux vivant ensemble; aux yeux des tiers rien ne les divise. Mais dans l'intérieur, des discordes les séparent : la couche nuptiale est déserte, et les époux en dédaignent les sacrifices; un enfant naît...., le père ne peut douter du crime de sa femme. Que faire? Intentera-t-il un procès toujours accompagné de scandale ? ou bien conservera-t-il auprès de lui, à sa table, au foyer domestique, l'enfant dont la seule présence est un outrage! Le père de famille a prononcé...., l'enfant est écarté de la maison conjugale,

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