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devant un tribunal, pour convaincre, émouvoir un auditoire; dès que des jours plus heureux lui eurent permis de rentrer dans sa patrie, il vint donc s'asseoir au Barreau pour remplir sa vocation il y trouva M. Bresson, celui que depuis plus de vingt ans (disaitil en 1830), je m'honore d'appeler mon maître et mon ami.

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Bientôt, un jurisconsulte d'un incontestable mérite, M. Moreau (1), vint partager leurs travaux, leurs succès et leur intimité.

Le parquet de la Cour royale de Nancy, à cette époque, comptait parmi ses membres MM. Thiériet (2) et Masson, et M. Troplong qui, depuis, nommé conseiller à la Cour de Cassation, s'est placé au premier rang de nos jurisconsultes.

Admirable réunion de talens si choisis et pourtant si divers; ils semblaient opposés l'un à l'autre pour se faire ressortir davantage. Il n'est point de qualité éminente de l'orateur qu'ils ne possédassent, de genre d'éloquence dans lequel l'un ou l'autre ne déployât une supériorité digne d'envie. S'agissait-il d'affaires civiles? A la pressante et logique concision de M. Moreau, à la chaleureuse argumentation de M. Bresson, l'esprit éminemment philosophique de M. Troplong opposait une dialectique vigoureuse qui puisait sa force dans la connaissance approfondie du droit et de l'histoire. Dans les causes criminelles, la logique inflexible de M. Masson, l'entraînante élocution, l'action oratoire

(1) Depuis procureur-général à la Cour royale de Metz. (2) Aujourd'hui professeur à la faculté de droit de Strasbourg.

de M. Thiériet étaient aux prises avec la parole pure et noble de M. Bresson, avec l'éloquence si douce, avec le style si pittoresque et poétique de M. Fabvier.

Ces souvenirs donnés aux illustrations de la Cour de Nancy et de son Barreau, ne sont pas une digression inutile; ils rappellent des liaisons qui honorent l'orateur dont nous esquissons bien imparfaitement la vie; ils attestent des luttes dont ses succès et sa renommée ont été le prix.

Pour un instant, la carrière politique s'est ouverte devant M. Bresson; pendant les Cent-Jours il fut élu membre de la Chambre des représentans par le collége électoral de Nancy. Il y parut peu de temps, et l'on doit regretter que sa trop grande modestie l'ait empêché de faire entendre à la tribune une parole qui n'y eût point été déplacée. Il reprit donc bientôt ses études favorites et ne les abandonna qu'en 1828, lorsque la confiance du gouvernement l'appela à remplir des fonctions qu'il devait aussi illustrer. Le barreau de Nancy ne s'est consolé de sa perte qu'en voyant la magistrature s'en enrichir. M. Bresson devint donc successivement conseiller et président de chambre à la Cour royale de Nancy; c'était une récompense due à son talent et à son zèle infatiguable. Il ne tarda pas à être nommé procureur général à la Cour royale de Nancy. M. Bresson est maintenant conseiller à la Cour de cassation; là, dans des travaux moins pénibles sinon moins laborieux, ses lumières et sa longue expérience rendent encore d'éminens services.

Tels sont les principaux traits de la carrière noblement remplie de M. Bresson. Qu'on l'étudie comme avocat ou comme membre du parquet et de la magis

trature assise, on retrouve en lui l'orateur simple et modeste que les succès et les honneurs n'ont point enivré; le magistrat impartial et ferme qui puisa toujours ses convictions dans la plus complète indépendance; et, avant tout, l'homme de bien qui ne fit servir son talent que pour la cause de la justice et de la vérité.

Il reste bien peu de témoignages de l'éloquence de M. Bresson comme tous les grands orateurs, plus soucieux des intérêts de leurs cliens que de leur propre gloire, il improvisait, et de toutes ses plaidoiries sa dernière est la seule que la sténographie ait conservée. On la donne à la suite de cette Notice, ainsi qu'un Mémoire en faveur d'un malheureux qui avait été condamné à mort.

Ce Mémoire a été rédigé dans l'intérêt d'un sieur Vuillaume, accusé d'assassinat sur la personne de sa femme. Malgré les efforts de son éloquent défenseur, M. Bresson, Vuillaume avait été condamné à mort par la Cour de justice criminelle de Nancy; l'honorable avocat croyait à l'innocence de son client; il s'attacha à son malheur, et appuya de ce Mémoire son recours en cassation. L'arrêt de la Cour de Nancy fut cassé, et l'affaire renvoyée devant celle de Metz, qui, sur la plaidoirie de M. Bresson, acquitta Vuillaume. Ce Mémoire se fait remarquer surtout par son style et ses pensées élevées; la discussion est vive, et les moyens présentés avec une précision accablante; aussi, ne pouvait-il manqué d'être couronné d'un plein succès.

Le Plaidoyer, d'un genre bien différent, prouve avec quelle aisance M. Bresson pouvait traiter tous les sujets les plus opposés. Il a été prononcé devant la

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NOTICE SUR M. BRESSON.

Cour royale de Paris pour défendre la mémoire de son beau-frère, M. Pellet, avocat à Épinal, et poète sans prétention mais non pas sans mérite. Cette plaidoirie produisit une vive sensation : une chaleureuse et légitime indignation, une diction pure et élégante jointe à une ironie spirituelle et mordante la font, à bon droit, regarder comme un modèle du genre.

Voici en quels termes la Gazette des Tribunaux, dans son numéro du 4 avril 1830, a rendu compte de cette plaidoierie. « Il faudrait surtout l'avoir enten<«< due voix sonore et flexible, attitude noble et «< imposante, débit plein de charme et de naturel, «élocution toujours facile et élégante, on trouvait réu«nies, dans un magistrat de cinquante-huit ans, toutes «<les qualités de l'orateur, avec l'érudition et le goût « de l'homme de lettres, la sagesse d'une longue ex«périence et l'énergie d'un âge moins avancé. Com<< bien la Cour royale de Nancy ne doit-elle pas s'é«norgueillir de posséder un tel homme dans ses « rangs, et quels souvenirs il doit avoir laissés dans <«<le Barreau qui n'en est privé que depuis deux <<< ans ! »>

S.....

BRESSON.

MÉMOIRE

Pour CLAUDE VUILLAUME, accusé d'assassinat sur la personne de sa femme.

La cour de justice criminelle de Nanci vient de prononcer sur une affaire de la plus haute importance, remarquable surtout par un concours de circonstances vraiment extraordinaires. Après avoir fixé pendant trois jours l'attention publique, les débats ont été terminés par un arrêt de mort, rendu sur la déclaration du jury de jugement.

Cet événement a porté la consternation dans l'âme de tous les hommes froids et réfléchis. Ils se demandent avec surprise: Quelles sont donc les preuves sur lesquelles l'accusé a été trouvé coupable?

Ceux-là même qui l'ont condamné, ceux qui ont applaudi à sa condamnation, consentent à se livrer à un nouvel examen. Le calme et la réflexion ont succédé à l'effervescence. La vérité, hélas! trop tardive, commence à les éclairer de ses premiers rayons. Ils Tom. XII.

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