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il a produit son registre; ce registre porte la preuve que, le premier juin, il a été enregistré une voiture appartenant à Frédéric de Tonniges, qu'il ne connaissait pas alors, mais qu'il a su depuis être l'accusé, et que celui-ci lui a payé les diverses réparations qu'il a été obligé de faire à cette même voiture. Enfin, et pour consommer la preuve de cette vérité incontestable que l'accusé est arrivé à Paris, chez son frère, le 16 mai, vers le soir, en voiture, la portière et un autre domestique de feu le testateur sont venus corroborer, par leurs déclarations, celles de M. Mercier, de Krebs, du tapissier et du carrossier, et vous vous rappeIcz, Messieurs, que le maître de poste de Villejuif et le postillon ont été par vous interrogés à votre audience; que le maître de poste de Villejuif vous a déclaré qu'il y avait, en effet, sur son registre, la preuve que, tel jour, il était passé chez lui un voyageur de telle taille, qu'il n'a pas reconnu, parce qu'il faisait noir, mais qu'il s'était nommé Frédéric de Tonniges; qu'il avait une dormeuse; qu'il était parti avec trois chevaux de poste, et que c'était le nommé le Comte, postillon, qui l'avait conduit à Paris.

Le postillon a été appelé par vous; il a reconnu, non le maître, parce qu'il faisait noir et qu'il était dans sa voiture, mais le domestique qui s'était placé sur le siége. Il a attesté les avoir conduits avec M. Mercier, rue Chauchat, n° 2, et avoir même aidé à descendre les paquets. En un mot, Messieurs, je ne crois pas que dans l'esprit des hommes les plus incrédules, il puisse y avoir maintenant le moindre doute, et sur l'époque du voyage, et sur l'époque de l'arrivée de Frédéric de Tonniges à Paris, puisque du moment où il dine à Genève

le 6 mai, jusqu'au moment où il arrive le 16 à Paris, vous le suivez partout; qu'il vous indique tout ce qu'il a fait, tous les lieux par lesquels il a passé, le temps qu'il y a séjourné, les personnes qu'il y a vues, et qu'en effet tous les témoins de ces différentes actions, de ces circonstances diverses, vous attestent la vérité de tous les faits, chacun en ce qui le concerne.

Il est donc bien constant qu'il est arrivé le 16 au soir, et non le 4 au matin. Voyons maintenant ce qui s'est passé depuis.

Vous vous rappelez qu'étant descendu chez son frère, celui-ci lui a fait part de son testament; qu'il le lui a donné pour avoir ses réflexions; que l'accusé a voulu opérer sur ce sujet quelques modifications qu'il a faites. D'abord, dans le projet rédigé sur les notes par Herbelin et le testateur, M. Tochon, exécuteur testamentaire, n'avait pas de diamants, parce que M. Tochon avait apporté dans cette affaire la délicatesse et et le désintéressement qui le caractérisent, en déclarant formellement au testateur qu'il ne voulait pas de diamans. En conséquence il n'avait pas été question de lui, on avait seulement parlé de l'autre exécuteur testamentaire. L'accusé de Tonniges trouvant naturel que M. Tochon eût, comme l'autre exécuteur testamentaire, un diamant, et ne connaissant pas les usages de France, consulta sur ce qu'on pouvait donner; et comme on lui apprit que c'était une chose arbitraire, alors il fut arrêté qu'on laisserait cet article à la disposition de l'accusé de Tonniges lui-même, comme administrateur des biens et de la fortune de ses enfans.

Il fut donc fait ce changement, et il fut dit que le testateur laissait à la disposition de Frédéric de fixer lui-même

le diamant qui serait donné aux exécuteurs testamentaires.

En deuxième lieu, le testament fixait l'époque de la disposition des biens donnés aux enfants de l'accusé à vingt-un ans. Il faut que vous sachiez que l'usage, dans les pays où est né l'accusé, et quand à des donations de ce genre, est de reculer l'époque de la jouissance au-delà de la majorité légale, bien que les lois veuillent qu'un homme de vingt-un ans exerce ses droits civils, et la vérité est que, dans la prévoyance d'un père, il peut être dangereux que des enfans jouissent si tôt d'une fortune considérable.

Aussi l'accusé, par pure tendresse paternelle, et dans la crainte que ses enfans, à l'âge de vingt-un ans, ne fissent pas de leur fortune l'usage que la sagesse et l'expérience nous apprennent à en faire pour notre plus grand bien, désira-t-il qu'on reculât jusqu'à l'âge de trente ans la disposition des biens qui leur étaient légués.

Mais avant de se décider sur cette modification, il a consulté, comme vous le savez, M. Lafitte, avec lequel il a eu sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, une conversation dont M. Lafitte ne s'est pas rappelé quelques circonstances, mais qui sont assez indifférentes. Ensuite il l'a communiqué à mademoiselle Mendelsohn, puis à une autre personne encore; et après que le projet eut subi les modifications dont je vous ai parlé, on a essayé plusieurs fois de le faire signer par le testateur.

Il l'avait remis à la fille Mériaux pour placer dans un tiroir, ce qui prouve assez, pour le dire en passant, qu'il ne voulait pas l'anéantir; et la maladie empirant,

il fut, d'après une consultation de quatre médecins, transporté à Passy.

Là, on essaya encore, en présence du médecin et de la fille Mériaux, de le faire signer.

Il commença sa signature, et, n'ayant pu l'achever, les témoins et le notaire du lieu furent appelés.

L'acte de suscription, après avoir été rédigé comme les débats nous l'ont appris, lecture en a été donnée au testateur, et le testateur en a, de la manière dont je vais le dire, sanctionné le contenu par son approbation.

Enfin, le testament rédigé a reçu son exécution pendant neuf mois ; mais vous vous rappelez qu'un des légataires particuliers, la fille Mériaux, alors au service du testateur, avait, quelque temps après la mort de ce dernier, été renvoyée de la maison de l'accusé de Tonniges, chez lequel elle était restée.

Le témoin Bourgade vous a déclaré que cette fille Mériaux avait alors conçu, contre l'accusé, du ressentiment; qu'elle lui avait parlé de lui dans les termes les plus outrageans; qu'elle l'avait traité d'une manière odieuse, et qu'en même temps elle avait annoncé que le testament ne subsisterait pas à l'arrivée du neveu.

Ce qu'elle avait déclaré est en effet arrivé, c'est-àdire que pendant ces neuf mois on a préparé la plainte qui a donné lieu à l'accusation sur laquelle vous avez à prononcer. Cette plainte est fondée sur ces faits principaux auxquels elle se réduit réellement.

D'abord, on y suppose que le testateur avait pour son neveu une prédilection exclusive et une tendresse véritablement paternelle, et que, si cette intimité avait essuyé un refroidissement passager, à l'époque de la

mort il y avait eu une réconciliation entre l'oncle et le

neveu.

On suppose ensuite qu'en même temps qu'il régnait une si intime amitié entre le neveu et l'oncle, il existait une inimitié réelle entre les deux frères, le testateur et l'accusé. On suppose que, dans le dessein d'anéantir le premier testament fait à Dantzick, l'accusé est parti de Genève à la première nouvelle qu'il a reçue de la maladie de son frère.

Enfin, on suppose qu'étant arrivé dans ce dessein odieux, il s'était concerté avec le notaire Herbelin ; qu'ils ont d'abord fabriqué le testament argué de faux; et qu'après l'avoir rédigé, ils étaient convenus de transporter le malade à Passy, parce qu'il y avait là un notaire sourd qui pouvait facilement servir d'instrument à leur complot criminel; qu'après avoir inutilement essayé de faire signer l'acte par le testateur, qui s'y était constamment refusé, on avait pris le parti de le transformer en un testament mystique, et qu'ainsi l'opération du crime s'était consommée, comme l'acte d'accusation en contient les détails. Voilà, Messieurs, l'accusation contre laquelle Frédéric de Tonniges est forcé de se défendre.

MOYENS.

Messieurs, quel est l'homme accusé du crime odieux qu'on reproche à Frédéric de Tonniges? Voilà, ce me semble, la première question que vous vous ferez dans Vos délibérations.

Il a été traité avec bien peu d'indulgence, pour ne pas dire avec une extrême sévérité; et, en cela, je suis

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