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mœurs républicaines, elle déploya ses enseignes: on les aperçut sans effroi. Si Pichegru et Villot au 18 fructidor, si Georges et Pichegru en 1804 eussent réussi dans leurs tentatives, la contrerévolution n'aurait alors obtenu qu'un triomphe éphémère; on n'eût point compris son langage réformateur. Mais Napoléon lui avait frayé la route. Quels objets d'étonnement et de crainte s'offraient à la pensée du peuple en 1814? La condamnation de ses premières conquêtes? Mais les jours de la liberté avaient été signalés comme des jours d'égarement, et le pouvoir impérial avait même accusé les bienfaits du consulat. L'émigration? Napoléon l'avait absoute et honorée. L'ancienne noblesse? La nouvelle et l'ancienne se trouvaient déjà confondues. Les fictions sacrées du pouvoir absolu? Elles avaient été pompeusement proclamées. Le faste des cours? La cour impériale ne pouvait être surpassée sous ce rapport. Une représentation militaire, institution soupçonneuse, qui cache le monarque aux regards des citoyens, et semble le garder contre leur amour? Napoléon avait arrêté l'organisation de quatre compagnies de gardes du corps (1).

La contre-révolution n'avait ainsi à renverser que l'empereur et ses légions: elle s'associa à l'Europe, armée contre la prépondérance française. Napoléon regarda le peuple qu'il avait fait le sien; il le trouva soumis, dévoué à ses ordres; mais quelle est la mesure de cette obéissance, comparée à l'étendue du zèle foudroyant qui sauve la chose publique? Ce mouvement spontané le consul l'aurait obtenu.

La chute du trône impérial a donc pour cause première l'éducation politique du peuple. Bonaparte avait trouvé des

(1) Voyez pages 353 et 357.

mœurs républicaines : Napoléon rappela celles qui peuvent être exemptes de vertu et de probité, qui permettent la ruse et l'adulation, qui se nourrissent d'illusions, de préjugés et d'honneurs. (Montesquieu.)

Que si maintenant on veut admettre que l'empereur a exercé sur la France une brillante domination, on sera conduit, par respect national, à convenir que la domination du consul, non moins éclatante, était plus honorable pour les citoyens; et cependant, là comme ici, il y avait gouvernement monarchique.

Amis et ennemis de la révolution, vous tous, maintenant sans espoir de triomphe ou sans crainte de danger, résignés dans vos douleurs ou vengés dans vos humiliations; quand cette révolution ne laisse plus que des débris, vous, dites avec orgueil qu'elle a du moins fondé l'ère constitutionnelle; et vous, reconnaissez avec gratitude que le régime impérial a rajeuni les monarchies.

I.

DIPLOMATIE. GUERRE D'AUTRICHE ET PAIX DE VIENNE.-EXPÉDITION ANGLAISE DE L'ESCAUT. RÉUNION DE ROME A L'EMPIRE FRANÇAIS.

On a vu que dans le mois d'octobre 1808 Napoléon et Alexandre, voulant sceller par de nouvelles promesses Icur pacte secret de Tilsit, s'étaient réunis à Erfurth pour s'entretenir encore et décider des inté rêts du continent : ils pouvaient en effet s'en proclamer les seuls arbitres par l'étendue de leurs forces et l'union de leurs volontés. Ces deux empereurs convinrent de favoriser réciproquement leur domination respective c'était en quelque sorte se partager l'Europe; et cette phrase de Napoléon à son retour d'Erfurth : l'empereur de Russie er moi nous sommes d'accord et invariablement unis pour la paix commu pour la guerre, cette phrase annonçait assez le but de leur alliance; c'était dire que, sans s'inquiéter mutuellement, l'un porterait ses armes dans l'Espagne, l'autre dans la Suède, et qu'après la soumission de ces deux extrémités de l'Europe on verrait s'élever, brillans de toute-puissance, l'empire du nord et l'empire du midi, protecteurs suprêmes des autres nations du continent, qui désormais n'armeraient plus qu'avec leur permission. Quant à l'Angleterre, Napoléon et Alexandre avaient résolu de se présenter à elle comme les médiateurs du monde. L'entrevue d'Erfurth avait donc pour objet d'arriver à une paix générale, mais plutôt commandée que consentie. Elle aura pour résultat une cinquième coalition. L'Autriche, l'unique puissance du continent qui eût encore quelque droit à être appelée à cette espèce de congrès, n'y avait point été admise; son orgueil humilié la ramena à des sentimens de haine que là con viction de sa faiblesse tenait seulement assoupis depuis le traité de Presbourg. La Grande-Bretagne, dont le but invariable était la ruine du continent, se saisit avec art des dispositions de l'Autriche.

L'entrevue d'Erfurth a donné lieu à des correspondances et à des - négociations dont plusieurs pièces doivent être conservées.

LETTRE de l'empereur d'Autriche à l'empereur des Français.

Presbourg, le 18 septembre 1808.

» Monsieur mon frère, mon ambassadeur à Paris m'apprend que Votre Majesté impériale se rend à Erfurth, où elle se rencontrera avec l'empereur Alexandre. Je saisis avec empressement l'occasion qui la rapproche de ma frontière pour lui renouveler le témoignage de l'amitié et de la haute estime que

lui ai vouée, et j'envoie auprès d'elle mon lieutenant général ĺe baron de Vincent pour vous porter, monsieur mon frère, l'assurance de ces sentimens invariables. Je me flatte que Votre Majesté n'a jamais cessé d'en être convaincue, et que, si de fausses représentations qu'on avait répandues sur des institutions intérieures organiques que j'ai établies dans ma monarchie lui ont laissé pendant un moment des doutes sur la persévérance de mes intentions, les explications que le comte de Metternich a présentées à ce sujet à son ministre les auront entièrement dissipés. Le baron de Vincent se trouve à même de confirmer à Votre Majesté ces détails, et d'y ajouter tous les éclaircissemens qu'elle pourra désirer. Je la prie de lui accorder la même bienveillance avec laquelle elle a bien voulu le recevoir à Paris et à Varsovie. Les nouvelles marques qu'elle lui en donnera me seront un gage non équivoque de l'entière réciprocité de ses sentimens, et elles mettront le sceau à cette entière confiance qui ne laissera rien à ajouter à la satisfaction mutuelle.

» Veuillez agréer l'assurance de l'inaltérable attachement et de la haute considération avec laquelle je suis, monsieur mon frère, de Votre Majesté impériale et royale, le bon frère et ami. Signé FRANÇOIS. "

RÉPONSE de l'empereur Napoléon à l'empereur d'Autriche.

Erfurth, le 14 octobre 1808.

» Mousieur mon frère, je remercie Votre Majesté impériale et royale de la lettre qu'elle a bien voulu m'écrire, et que M. le barou de Vincent m'a remise. Je n'ai jamais douté des intentions droites de Votre Majesté ; mais je n'en ai pas moins craint un moment de voir les hostilités se renouvellér entre nous. Il est à Vienne une faction qui affecte la peur pour précipiter votre cabinet dans des mesures violentes, qui seraient l'origine de malheurs plus grands que ceux qui ont précédé. J'ai été le maître de démembrer la monarchie de Votre Majesté, ou du moins de la laisser moins puissante je ne l'ai pas voulu. Ce qu'elle est, elle l'est de mon vœu : c'est la plus évidente preuve que nos comptes sont soldés, et que je ne veux rien d'elle. Je suis toujours prêt à garantir l'intégrité de sa monarchie; je ne ferai jamais rien contre les principaux intérêts de ses états. Mais Votre Majesté ne doit pas remettre en discussion ce que quinze ans de guerre ont terminé; elle doit défendre toute proclamation ou démarche provoquant la La dernière levée en masse guerre.

aurait produit la guerre si j'avais pu craindre que cette levée et ces préparatifs fussent combinés avec la Russie. Je viens de licencier les camps de la Confédération. Cent mille hommes de mes troupes vont à Boulogne pour renouveler mes projets sur l'Angleterre. Que Votre Majesté s'abstienne de tout armement qui puisse me donner de l'inquiétude, et faire une diversion en faveur de l'Angleterre. J'ai dû croire, lorsque j'ai eu le bonheur de voir Votre Majesté, et que j'ai conclu le traité de Presbourg, que nos affaires étaient terminées pour toujours, et que je pourrais me livrer à la guerre maritime sans être inquiété ni distrait. Que Votre Majesté se méfie de ceux qui, lui parlant des dangers de sa monarchie, troublent ainsi son bonheur, celui de sa famille et de ses peuples : ceux-là seuls sont dangereux; ceux-là seuls appellent les dangers qu'ils feignent de craindre. Avec une conduite droite, franche et simple, Votre Majesté rendra ses peuples heureux, jouira elle-même du bonheur dont elle doit sentir le besoin après tant de troubles, et sera sûre d'avoir en moi un homme décidé à ne jamais rien faire contre ses principaux intérêts. Que ses démar→ ches montrent de la confiance; elles en inspireront. La meilleure politique aujourd'hui c'est la simplicité et la vérité. Qu'elle me confie ses inquiétudes lorsqu'on parviendra à lui en donner; je les dissiperai sur le champ. Que Votre Majesté me permette un dernier mot; qu'elle écoute son opinion, son sentiment; il est bien supérieur à celui de ses conseils.

»Je prie Votre Majesté de lire ma lettre dans un bon sens, et de n'y voir rien qui ne soit pour le bien et la tranquillité de l'Europe et de Votre Majesté. Signé NAPOLÉON. ».

LETTRE des empereurs de France et de Russie au roi d'Angleterre.

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Erfurth, le 12 octobre 1808.

Sire, les circonstances actuelles de l'Europe nous ont réunis à Erfurth. Notre première pensée est de céder aux vœux et aux besoins de tous les peuples, et de chercher, par une prompte pacification avec Votre Majesté, le remède le plus efficace aux malheurs qui pèsent sur toutes les nations. Nous en faisons connaître notre sincère désir à Votre Majesté par cette présente lettre.

» La guerre longue et sanglante qui a déchiré le continent est terminée sans qu'elle puisse se renouveler. Beaucoup de changemens ont eu lieu en Europe; beaucoup d'états ont été bouleversés. La cause en est dans l'état d'agitation et de malheurs où la cessation du commerce maritime a placé les grands

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