traduire d'illustres personnages vivans à leur tribunal. Si les rois d'Egypte étaient épouvantés d'avance d'un jugement qu'ils ne devaient pourtant pas entendré, puisqu'ils auraient cessé d'exister, quel ne serait pas l'effroi du magistrat, ou du général d'armée, qui auraient à craindre que la main, la terrible main de l'histoire ne vînt les saisir au milieu de leurs malversations,

briser leur masque, masque, et les montrer tout entiers aux regards de leurs contemporains et de la postérité ! Cette utile terreur serait pour eux un frein plus redoutable que les lois muettes qu'ils

éludent ou font parler à leur gré.

Il résulterait d'ailleurs de cette espèce d'attaque un avantage précieux pour l'accusé; il pourrait se défendre, et commencerait au moins par s'amender pour ne pas donner une nouvelle prise à son historien. Puisse M. Fouché mettre à profit cet avantage!

POLITIQUE ET MORALE

DE

FOUCHÉ (DE Nantes).

Nous allons tâcher d'esquisser le portrait d'un homme dont la physionomie fut toujours la plus difficile à saisir ; véritable Protée, l'espérance ou la crainte le firent changer de costume et de figure, au gré des caprices de la fortune, et son intérêt seul fut le mobile de toutes ses actions de toutes ses pensées.

Athéé et fleau de la religion catholique, jusqu'au concordat; papiste à l'époque de ce traité entre le saint siége et le gouvernement français ;

jacobin sous Marat; esclave tyran sous Bonaparte; faux royaliste sous Louis XVIII; ministre à bonnet ministre de l'usurpateur,

rouge, ministre, enfin, du chef légitime de la France, et peut-être de tous deux à-la-fois, il a donné la mesure de tout ce que peuvent quelques talens et beaucoup d'audace, joints à l'immoralité et à une ambition démesurée.

A ces traits, qui ne reconnaît ce père de l'Oratoire, tiré par la révo lution française de cette congrégation, jadis si recommandable par la pureté de ses principes, et si relâ, chée vers le milieu du dernier siècle, par l'influence des sophistes moder nes (1), pour être lancé dans la car

Nous sommes bien loin de vouloir atta

rière de tous les excès démagogiques; en un mot, Fouché (de Nantes) ?

quer ici une congrégation, qui a fourni tant d'hommes utiles à l'état, à l'église et à l'instruction publique ; mais on ne peut se dissimuler que quelques années avant la révolution plusieurs de ses membres avaient donné prise à une juste censure. C'est ainsi que le cardinal Fleury écrivait, le 3 janvier 1741, au cardinal Tencin, ministre à Rome : « Les pères de l'Oratoire sont gâtés en tout genré; ils viennent de perdre un grand procès contre l'évêque de Langres, qui s'est enfin débarassé de cette maudite engeance. » Le 2 octobre de la même année, son éminence écrivait au même cardinal ce qui suit: « Si César de Bus est saint, comme il lieu de le croire, il a laissé des enfans qui ne le sont guère; ils sont gâtés par les pères de l'Oratoire. »

y a

(Extrait des dépêches inédites du cardinal de Fleury.)