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les troupes légères de l'ennemi, ce ne fut que sur le champ de bataille même de Leipsig que l'Empereur connut la défection de la Bavière 1 et le nouvel adversaire que lui suscitait la coalition.

Ma dernière dépêche n'avait pu parvenir; le courrier que j'avais expédié le 8, homme intelligent et sûr, s'était réuni sur la route à un courrier de l'Empereur venant de Paris. Ils tombèrent tous deux dans un parti de cosaques et furent dépouillés.

Le traité de Ried, le mouvement du général de Wrède, mes derniers rapports avec M. de Montgelas étaient les principaux objets de la dépêche saisie.

Le 7 octobre, veille de la signature du traité, j'avais eu avec le Ministre de Bavière une dernière et intéressante conférence. Soucieux de l'avenir, consterné des stipulations imposées au Roi, M. de Montgelas se défendait de tout reproche, rappelant la constance de ses inutiles efforts. « Nous courbons la tête sous l'orage, nous allons, Dieu sait où! m'avait-il dit; mais, une fois le calme rétabli, tout changera; car, sachez-le bien, il faut une France à la Bavière. »

J'avais rendu compte de cette conversation dans un supplément rapide à ma dépêche, et je n'avais pas eu le temps de le faire chiffrer; ce fut sous les yeux du prince de Metternich que tomba ce document. Il y vit avec quelle répugnance le Cabinet bavarois s'était détaché de l'alliance française ; qu'il avait courbé la tête sous un orage passager, exprimant par cette phrase: Il faut une France à la Bavière, le désir de renouer avec nous, dès que la paix l'aurait permis, des relations brisées avec un vif regret.

Cette circonstance, qui me fut révélée plus tard, m'expliqua comment M. de Montgelas qui, déjà, en 1805,

1 Officiellement, oui; mais, dès le 14, à Düben, un billet du Roi au prince de Neufchâtel avait instruit Napoléon de la signature du traité.

s'était montré hostile aux vues de l'Autriche, fut, après le Congrès de Vienne, écarté pour jamais du ministère bavarois, malgré les talents qu'il y avait déployés et les services qu'il avait rendus.

Je ne tardai pas à quitter Munich; mais, avant mon départ, j'obtins du Roi qu'un bataillon du train d'artillerie, resté à Augsbourg sur la foi des traités, ne fût pas considéré comme prisonnier de guerre; ce bataillon fut mis à ma disposition par ordre exprès du Roi et je le fis diriger sur Strasbourg par journées d'étape.

X

J'avais quitté Munich le 21 octobre; j'étais le 23 à Stuttgard. Je profitai d'une voie de communication pour instruire M. de la Besnardière, chef de la correspondance politique au Département des Relations Extérieures, des événements de la Bavière et de la marche du corps austro-bavarois. Ma dépêche, qui donna les premières nouvelles à Paris, me dit plus tard M. de la Besnardière, de la situation de l'Allemagne, fut immédiatement communiquée à l'archichancelier et au duc de Rovigo.

.....

J'avais gagné Francfort, le général Préval y commandait sans nouvelles, sans ordres; il se disposait à se replier sur Mayence. Des bruits sinistres d'une grande bataille perdue à Leipsick s'étaient déjà répandus.

Le rapide passage du Roi de Naples les confirma. Il se rendait en toute hâte dans ses États pour y renouer le fil des négociations rompues quelques mois auparavant par son rappel à l'armée; mais le traité qu'il parvint à conclure ne sauva ni son trône ni sa vie.

Je me dirigeai sur Mayence, j'y trouvai le comte d'Hédouville, ministre de France près le prince-primat, grand duc de Francfort, et le comte Germain, ministre près le grand duc de Wurtzbourg. Le comte de Latour

Maubourg, ministre près le Roi de Wurtemberg, ne tarda pas à nous rejoindre.

La plupart des Légations de France près les Princes de la Confédération étaient réunies dans cette ville et y attendaient l'Empereur.

Mayence était le quartier général du duc de Valmy, commandant la ligne du Rhin, depuis Bâle jusqu'en Hollande.

.....

Les nouvelles désastreuses de la bataille de Leipsick affluaient autour de nous, et le canon de Hanau nous avertit que l'Empereur n'était pas loin. L'armée austro-bavaroise lui disputait le passage.

Il écrasa Wrède et son armée.

Depuis Dresde, l'Empereur n'avait essuyé que des revers. Tous ses alliés l'avaient abandonné! L'Allemagne entière était en armes contre lui. Il sortait du champ de bataille où la valeur de sa garde lui avait ouvert le chemin de Mayence. Sa figure était calme; il paraissait maître de lui, comme aux Tuileries, après une revue au Carrousel.

Mayence était l'image du désordre après la défaite ; le typhus y régnait; l'encombrement et la désolation étaient partout; la présence de l'Empereur y ramena l'ordre. Des ressources en vivres, en campement, en armement, en munitions, furent créées comme par enchantement. Les hôpitaux, les dépôts s'organisèrent; du milieu de tous ces débris sortit encore une armée.

Dès le lendemain de l'arrivée de l'Empereur, je me rendis au lever; il me reçut avec bienveillance, me parla d'abord de la Bavière en termes généraux; puis, élevant la voix de manière à être entendu de tous, il manifesta son indignation par ces paroles : « Ils vous ont trompé à Munich; le Roi de Bavière s'est rendu coupable d'une lâche trahison... C'est le coup de pied de l'âne; mais le lion n'est pas mort! Je viens de lui tuer Wrède et de

passer sur le corps àtoute l'armée bavaroise à Hanau ; le Roi de Bavière me reverra l'année prochaine; il s'en souviendra. >

Quand le respect ne m'eût pas interdit d'interrompre l'Empereur dans l'effusion de son ressentiment, le moment aurait été mal choisi pour placer une froide explication.

Toute justice a son heure, qui ne saurait être arbitrairement devancée; au lendemain de la bataille de Hanau, la prétention d'éclairer l'Empereur sur le véritable caractère de la défection bavaroise eût été une entreprise déraisonnable.

J'accompagnai l'Empereur à Paris, résolu d'attendre, pour redresser un jugement selon moi précipité, que l'adversité eût fait place à une meilleure fortune.

D'après l'avis du duc de Vicence, du prince de Neufchâtel, de M. de Talleyrand, je réunis toutes mes dépêches en les rapprochant des événements et des dates; les unes, qui avaient passé inaperçues, d'autres interceptées par l'ennemi, prouvèrent que je n'avais rien négligé, rien tu, rien retardé dans mes communications.

Le duc de Vicence avait remplacé M. de Bassano, L'Empereur out sous les yeux toutes les pièces,

Dès son arrivée à Paris, je fus rappelé auprès de sa personne. Sa bienveillance pour moi, loin d'avoir changé de caractère, semblait me tenir compte d'une réserve qui l'avait laissé libre de recevoir, à son gré, les expli cations de son ministre à Munich.

J'avais satisfait au besoin de ma propre défense et aux droits de la vérité en rétablissant, pièces en mains, sous les yeux de l'Empereur, l'enchaînement de mes rapports et de la date de mes dépêches avec l'étude des symptômes de défection, avec mes efforts pour résister et avertir, avec les événements plus forts que toute prudence et toute intention. La justification sortie de ces

documents n'avait pas seulement écarté de ma personne le reproche d'avoir entretenu l'erreur dans laquelle je serais tombé moi-même; elle relevait le Gouvernement bavarois d'une accusation imméritée, celle « d'avoir préparé par une attitude perfide une trahison accomplie au milieu des assurances d'une fidélité sans réserve. »>

Pour preuve de la justesse de tact de ce ministre, voici comment Napoléon a réformé le jugement précipité du vainqueur de Hanau.

<< Dureste, j'aime à le répéter pour l'honneur de l'huma«< nité et même des trônes: au milieu de tant d'infamies, <«<jamais ne se trouvèrent plus de vertus. Je n'eus pas <«< un instant à me plaindre de la personne individuelle « des Princes mes alliés; le bon Roi de Saxe me demeura « fidèle jusqu'à extinction; le Roi de Bavière me fit loyalement prévenir qu'il n'était plus le maître... Tous, « je dois leur rendre cette justice, me firent pré<< venir à temps, afin que je pusse me garantir de l'orage 1. »

((

I

POST-SCRIPTUM. Mémoires du duc de Rovigo, 1828.

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En écrivant ce simple récit, l'amour de la vérité avait guidé ma plume, j'avais recueilli et fixé mes souvenirs comme si je devais m'attendre à rencontrer dans des mémoires rendus publics, de ces opinions dociles au souffle des événements, en même temps qu'indifférentes à leurs véritables causes, ou qui, s'inspirant des paroles tombées de la bouche de Napoléon, voudraient imposer le cachet de l'histoire à ce qui n'aurait été qu'une respectable erreur.

1 Mémorial de Las Cases.

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