Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

INTRODUCTION.

1562-4589.

siècle.
État parti-
Origine de la Ligue

État de la France à la fin du XVI. culier de la Normandie (1562-1576). (1576). Ses progrès en Normandie. Opinion et conduite du Parlement.-Claude Groulart nommé premier président (1584). Son caractère et ses principes. - Déplorable situation de la Normandie en 1576 et pendant les années suivantes. Désordre et incurie de l'Administration. Le duc d'Épernon nommé gouverneur de la province. Harangue menaçante du grand-pénitencier Dadré.- Séjour de Henri III à Rouen après sa fuite de Paris.—Soulèvement en Normandie. -Groulart se retire de Rouen. Journée des Barricades à Rouen. Scission entre les membres royalistes et les membres ligueurs du Parlement.

--

[ocr errors]
[ocr errors]

Au mois de février de l'année 1589, le Parlement de Normandie, établi à Rouen depuis plusieurs siècles, fut tout à coup, par lettres-patentes du roi Henri III, transféré dans la ville de Caen. L'esprit d'insurrection, qui, dans ces temps-là, courait par tout le royaume, après avoir fait explosion à Paris, ébranlait la France entière

de ses violentes secousses, et Rouen venait d'avoir, à son tour, sa journée des Barricades (4 fév. 1589). Des membres du Parlement restés fidèles à la royauté, les uns fuyant devant la Ligue, les autres chassés par elle, erraient pour la plupart dispersés dans la province, lorsque ces lettres-patentes leur donnèrent un séjour légal où ils pourraient travailler encore au bien de l'état et au salut de la monarchie. Je dirai leurs rudes travaux, la lutte de quatre années soutenue par ces hommes infatigables, leurs glorieuses misères, leur dévouement enfin couronné de succès; mais on ne saurait comprendre ce récit sans rechercher d'abord la cause de ces grands événements, et par quelle triste voie notre pays fut traîné jusqu'à cet abîme où peuples et rois, prêtres et magistrats, tombés d'une chute commune, furent plongés trop long-temps.

Vers la fin du XVI. siècle, la France, ensanglantée par vingt ans de guerres religieuses, épuisée dans ses forces matérielles, non moins troublée dans ses forces morales, était entrée dans une de ces tristes périodes de la vie des nations où le citoyen honnète, s'interrogeant sur la ligne à suivre au milieu d'une fausse situation, hésite, contraint de choisir entre deux devoirs qui devraient se confondre, mais dont les passions humaines ont fait deux ennemis, devoirs également sacrés, également impérieux : la fidélité à son prince et la fermeté dans sa foi. Tout ébranlait les plus résolus. Les protestants avaient été si cruellement traités, tant de fanatisme avait souillé la vérité catholique, le sceptre était tombé dans des mains si indignes, et cependant cette même royauté était si resplendissante encore de la majesté de ses souvenirs, si fortement assise sur ses bases dix fois séculaires, tant de périls menaçaient la vieille foi du royaume,

et la Réforme s'avançait si menaçante, sous la conduite d'un prince à la loyauté au moins suspectée, qu'on comprend cette incertitude des meilleurs esprits, les seuls qui, ne se laissant pas emporter à leurs passions ou à leurs intérêts, se préoccupaient encore du juste et du bien. A plus de deux siècles de ces événements, à peine sommes-nous d'accord sur leur portée et sur l'appréciation d'idées ardemment débattues alors, souvent reproduites depuis, sans qu'aucune d'elles ait définitivement prévalu. Libre arbitre, droit divin, souveraineté du peuple, qu'est-ce en effet qu'une autre expression de ces mêmes idées, la Réforme, la Royauté, la Ligue?

Il n'appartient pas à l'histoire seule de traiter à fond ces matières; mais elle peut et doit aider à leur étude en montrant les faits, leurs causes, leurs développements, leurs résultats. C'est ce qu'on voudrait faire dans cette histoire, où moins d'hommes, agissant dans un cadre plus étroit, laisseront plus facilement saisir leurs mouvements et le jeu de leurs passions au milieu de ces luttes vives et ardentes qu'ils termineront par une transaction, laissant à la postérité, comme nous le ferons sans doute nous-mêmes, le soin de trancher la question, si elle peut être tranchée ici-bas.

Dans cette situation générale de la France, la Normandie, ravagée et pillée plus qu'aucune autre province, troublée par les mêmes discordes, souffrait des mêmes misères que le pays entier. La Réforme, reçue d'abord avec faveur, surtout par la noblesse, n'y garda point long-temps son prestige (1). Ses adhérents, persécutés

(1) « L'humeur raisemieuse de la Normandie accueillit d'abord la Réforme, puis il semble que le génie artiste et idéaliste de cette ingénieuse contrée ait réagi contre le calvinisme. Henri Martin, Hist. de France, t. X, p. 123, édit. 1844.

dans le principe, oppresseurs à leur tour en 1562, avaient été, dix ans après, égorgés en masse par le fanatisme que surexcitait une politique perfide. Sans doute, en 1572, toutes les villes ne se souillèrent point du sang des réformés; mais dans quelques-unes, à Rouen plus qu'ailleurs, la cruauté du massacre révéla l'exaspération des esprits. Un signe plus grave encore, c'est le peu d'écho que trouvèrent dans les cœurs les cris des victimes. On vit, dans ce même Rouen, par les rues encore sanglantes, la foule aller en procession, et, dans ses cantiques, remerciant Dieu de la bonne justice qu'avait exercée le roi de France, le prier de poursuivre l'œuvre si bien commencée, « affin que son peuple pust vivre tout d'une mesme foy (1). » L'audacieuse prise d'armes des huguenots Montgommery et Colombières, la barbarie de leurs soldats, en enlevant à leur parti la sympathie qu'inspira d'abord son malheur, redoublèrent les défiances et la haine qu'il excitait déjà. En Normandie, de 1572 à 1576, dans le Parlement, dans les Chapitres de cathédrales, au milieu du public, au sein des familles, on ne voit qu'abjurations arrachées par force, sourdes colères fermentant dans les âmes, plans d'oppression, plans de résistance, violentes passions enfantées par de grands malheurs et en préparant pour l'avenir de plus grands encore (2).

Si l'on avait voulu, par le massacre de la St.-Barthélemy, porter en France un coup mortel au Protestan

(4) Reg. capit. eccl. Rotom., 11 nov. 1572. Floquet, Hist. du Parl. de Norm., t. III, p. 137. V. aussi Cantique general des catholiques sur la mort de Gaspard de Coligny, jadis admiral de France, advenue à Paris le XXIIII. jour d'aoust 1572. Bibl. imp. Imprimés LB34, 385. (2) Floquet, Hist. du Parl. de Norm., t. III, p. 145 et suiv.

tisme, on obtint un résultat tout contraire, et ses rameaux, vivifiés par cette rosée de sang, prirent alors une plus grande extension (1). Atterrés d'abord au point de n'oser se défendre, les réformés avaient bientôt repris courage renfermés dans La Rochelle, ils y tinrent en échec toutes les forces du royaume, et arrachèrent une paix avantageuse qu'on feignit de leur accorder. Battus en Normandie avec Montgommery, ils n'avaient pas tardé à reprendre l'offensive; unis au duc d'Alençon et aux Politiques, ils imposèrent à Henri III une trève suivie bientôt de l'édit de 1576, qu'on décora du nom pompeux d'Edit de la pacification des troubles, et qui cependant donna paissance à la Ligue.

Dans une lettre que le Roi envoyait dans les provinces en attendant l'enregistrement de l'édit par les parlements, il l'annonçait comme devant faire vivre « tous ses subjets, tant catholiques que de la religion prétendue réformée, les uns avec les autres en bonne paix, union et concorde, sous son authorité et obéissance. »> Quelques jours après, l'édit lui-même était publié par toutes les villes de Normandie (2), où, comme dans la France en

(1) On vit même des catholiques embrasser la Réforme, par horreur pour la St.-Barthélemy. V. Mém. de Turenne, p. 57.

(2) Édict du Roy sur les plaintes, doléances et supplications des habitants de La Rochelle pour la pacification des troubles, publié à Caen, le lundi, dernier jour d'aoust, l'an mil cinq cent soixante et treize.-Caen, Bénédic Massé, imprimeur du Roy.

Déclaration de la volonté du Roy sur la pacification des troubles de son royaume, en attendant la publication de l'édict.-Caen, Bénédic Massé, 1576. Mai.

L'édit fut publié le 14 mai 1576, à Paris; le 23 mai, à Caen; le 45 juin, à Bayeux.

Ces détails, qui peuvent donner une idée du temps qu'on mettait alors

« ZurückWeiter »