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que, dans cette excellente méditation, ils détendent et détrempent ces plus qu'humaines rigueurs. » Le bon sens et la générosité tenaient ce noble et beau langage, digne d'être entendu non-seulement par Groulart et par le Parlement, mais par quiconque a le malheur de vivre dans un pays divisé et dans un temps de révolutions. La haine est mauvaise conseillère: elle ouvre la porte aux misères; elle s'oppose à ce qu'on la ferme jamais. Le Francophile terminait, comme Le Doux Satiric, par une exhortation à la paix. Attristé par le récit de tant de malheurs, on aime à saluer cette bonne pensée, commençant à germer et à fleurir dans l'esprit des hommes de bien qui, ne voyant d'aucun côté ni la justice absolue ni le salut de la France, appelaient la concorde à leur aide, et cherchaient à se réunir par une transaction, en adoptant ce qu'il se trouvait dans l'un et l'autre parti de salutaire et de juste.

CHAPITRE VIII.

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Caractère de la guerre civile en Normandie, à partir de 1592. -Surprise de Pont-Audemer par les Ligueurs. Travaux de fortification à Caen.. Achat de canons en Angleterre pour le compte de la ville. — Caen menacé du passage d'un corps d'armée anglaise. La peste sévit en Normandie. — Multiplicité des assassinats politiques et privés; assassinat de François du Halot par le marquis d'Alégre. Création d'une charge de grand-prévôt pour réprimer les brigandages. - Convocation des États-Généraux de la Ligue; députés élus en Normandie; arrêt du Parlement relatif à cette convocation. Procès devant le Parlement entre les habitants et des marchands anglais.. Situation des esprits dans la ville; querelle entre les habitants et la Cour des aides. Expédition du ligueur du Tourps dans le Val-de-Saire; sa tentative sur Cherbourg. Le duc de Montpensier vient à Caen; incidents qui signalent sa réception; il siége au Parlement; discours de Groulart. Le roi se décide à s'occuper de sa conversion; Groulart est appelé à la Cour. Il assiste à l'abjuration du roi ; détails qu'il rapporte daus ses Mémoires. La nouvelle en arrive à Caen; joie qu'elle y excite.

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Juin 1592 - Juillet 1593.

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Une sage transaction, avons-nous dit, apparaissait de plus en plus comme l'unique remède à la désolation des guerres civiles, et c'est vers ce but qu'allaient tendre désormais tous les efforts des hommes honnêtes et

vraiment politiques. On était alors au mois de juin 1592, et plus d'une année encore s'écoula avant que les chefs des deux partis, continuant d'immoler à leur ambition personnelle le repos de la France, parlassent sérieusement de la paix. C'est une nécessité fatale pour l'intelligence humaine d'éprouver certaines idées au terrible creuset de la guerre; mais, une fois l'épreuve faite et la vérité démontrée, on ne doit plus pardonner d'inutiles combats. Cette cruauté opiniâtre donne à la période qui va suivre un caractère affligeant et odieux. Il nous faudra, avant d'atteindre la paix, passer encore de longs mois entre le pillage aux champs et la peste dans les villes;-partout le crime et la misère.

Pour la grande guerre, il y avait eu, après la levée du siége de Rouen, une trève tacite et forcée; mais les hostilités de ville à ville, de château à château, de compagnie d'arquebusiers à bande de soudards, continuaient sans relâche. La mêlée était si confuse qu'on n'y distinguait plus les royalistes des ligueurs, et, à vrai dire, les uns et les autres n'étaient guère que des brigands, comme autrefois les routiers et les tard-venus. Le désordre devint si épouvantable que le roi écrivit au Parlement de commander aux prétendues compagnies royales de se rendre à son armée, sinon « qu'il leur fust courru sus, comme aux plus criminels ennemis de Sa Majesté, pour estre taillés et mis en pièces » (1). La trahison du gouverneur de Pont-Audemer, Haqueville, qui livra sa place à Villars (3 juillet 1592), raviva toutes les craintes de la Cour. Plus que jamais Groulart et La Vérune travaillèrent à mettre Caen en bon état de défense. On dressa des plans: un ingénieur royal fut

(1) Reg. secr., 3 sept. 1592.

appelé; les travaux commencèrent (1); on travaillait surtout depuis la tour Chatimoine jusqu'à Vaucelles; c'était la partie la plus faible de la ville. Jamais on n'avait déployé activité si grande. On sent que le Parlement était derrière les bourgeois et les pressait. Ils leur fallut, bon gré, mal gré, fournir l'argent nécessaire, se mettre eux-mêmes à la besogne ou faire travailler par d'autres aux ouvrages de défense (2). Qui s'y refusait était mis en prison et frappé d'une grosse amende. La règle était sévère et ne souffrait pas d'exceptions (3).

Les remparts construits, il fallut les armer. La ville avait déjà voté l'achat de dix-huit canons; chaque corporation devait fournir le sien. Mais ces canons étaient encore plus difficiles à trouver que l'argent nécessaire à leur paiement.

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(1) Plan de la ville, dressé par Pierre Gondouin et payé 20 écus. Arch. de la ville, reg. 31, fos. 5-6. L'ingénieur royal était « noble homme Guillaume du Couldray, sieur du Boys. » Ibid., fo. 15. — V. Reg. 31, fo. 276, un plan de défense rédigé par La Vérune lui-même ; Reg. 31, fo. 1, 2, 5, 6, 15, 140. Origines de Caen, ch. vII, p. 43. Manuscrit de M. Du Feugray. Bibl. de Caen.

(2) Arch. de la ville, reg. 31, fo. 24. Dans ce même registre sont toutefois conservés deux petits billets très-curieux : l'un de Jacques de Cahaignes, demandant à un échevin qu'au lieu de son frère, on impose un autre bourgeois « lequel a bon moyen d'avancer cette somme... d'autant que la requête ne me semble incivile, parce qu'il n'y va point du dommage de la ville, car la somme n'en sera diminuée, je n'ay faict difficulté de vous la faire. » L'autre est un billet de La Vérune : « M. de Maizet, le sieur de Busenval vous nommera un homme au lieu de Pelletier, son voysin; je vous prye, mettez-le avant que je le signe; car si j'ay une fois signé, je suy résolu de n'y toucher, quant ce seroit pour mon frère. La Vérune. » Ibid. f. 84, 85.

(3) Le détail de cette délibération est consigné dans le registre 30, fo. 49. Elle est du 20 mars 1591.

Pour les acheter, deux échevins, munis de lettres du roi, partirent, vers la fin de juillet, pour l'Angleterre. Dès le 7 août, on eut de leurs nouvelles: reçus à Windsor, la reine les avait gracieusement accueillis; seulement on ne paraissait pas disposé à leur vendre les canons. Pour triompher de cette résistance, ils priaient Groulart de les recommander à l'ambassadeur français, Beauvoir, et demandaient un cadeau pour appuyer la recommandation. Groulart écrivit la lettre, et les échevins l'envoyèrent au plus vite avec un service de linge de haute-lice qui devait aplanir toutes les difficultés. Les Anglais reçurent les présents, et n'en traitèrent pas moins leurs alliés de fort haut. Enfin ils vendirent quelques canons fort cher, en faisant encore payer double droit d'exportation. Les lettres des pauvres députés caennais sont toutes piteuses; on les croirait perdus dans Londres. Il leur fallut y rester quatre longs mois, et c'est le 11 décembre seulement que les canons si désirés et payés si bon prix furent déposés à l'Hôtel-Dieu (1).

A ce moment même où les lettres des envoyés disposaient si mal les esprits à l'égard des Anglais, un bruit fut répandu que cinq mille hommes de leurs troupes allaient débarquer à Ouistreham et passer par Caen. Déjà Norry avait dû les annoncer à La Vérune (2). Sans retard on fit appel à tous les protecteurs pour détourner ce fléau; on écrivit à d'O, à Beuvron, à Norry, au duc de Montpensier, prince de Dombe, récemment nommé gouverneur

(1) Arch. de la ville, reg. 31, fos. 38, 61, 62, 116, 151, 160. Leurs lettres sont de curieux specimens de langue normande: « Vous pouvoys pensser que toutes les meschancetés de ce qui peuvent nous faire icy, nous les font et ne savons d'où c'est que sella vient. Quant pour le faict de nostre canon, etc. >>

(2) Arch. de la ville, reg. 31, fo. 156.

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