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DE

L'EMPEREUR NAPOLÉON

EN 1815.

CHAPITRE PREMIER.

LES BOURBONS SORTENT DE FRANCE.

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I. Napoléon partit de l'île d'Elbe, le 26 février 1815, à neuf heures du soir; il montait le brick de guerre l'Inconstant, qui arbora, pendant toute la navigation, le pavillon blanc parsemé d'abeilles. Le 1er mars, à cinq heures après midi, il débarqua sur la plage du golfe Juan, près de Cannes; sa petite armée prit la cocarde tricolore: elle était de onze cents hommes, le plus grand nombre soldats de la vieille garde. Il traversa Grasse le 2, à neuf heures du matin, coucha à Sernon, ayant fait vingt lieues dans cette première journée. Le 3, il coucha à Barrème. Le 4, son avant-garde, commandée par le général Cambronne, se saisit de la place forte de Sisteron; le 5, il

entra dans Gap; le 7, à deux heures après midi, il rencontra sur les hauteurs, en avant de Vizille, l'avant-garde de la garnison de Grenoble, qui marchait contre lui; il l'aborde seul, la harangue, lui fait arborer les couleurs tricolores, se met à sa tête, et à onze heures du soir entre dans Grenoble,

pays

ayant fait en six jours quatre-vingts lieues, au travers d'un de montagnes très difficile; c'est la marche la plus prodigieuse dont l'histoire fasse mention. Il séjourna le 8 à Grenoble, en partit le 9 à la tête de huit mille hommes de troupes de ligne, et de trente pièces de canon, fit son entrée le 10 à neuf heures du soir dans Lyon, la seconde ville de France. Le comte de Fargues, maire de la ville, lui en présenta les clés. Le comte d'Artois, le duc d'Orléans, le maréchal duc de Tarente, s'en étaient sauvés seuls le 10. Leur arrivée inattendue aux Tuileries frappa de stupeur la cour. Enfin, le 20 mars, à huit heures du soir, jour anniversaire de la naissance de son fils, l'Empereur entre dans Paris. Quarante mille hommes de l'armée de ligne de toutes les armes s'étaient successivement rangés sous ses dra

peaux. La petite armée de l'île d'Elbe arriva le lendemain, ayant en vingt jours fait deux cent quarante lieues..

succès ne durèrent qu'un jour; la duchesse d'Angoulême, le 2 avril, fut obligée de quitter Bordeaux à l'arrivée du lieutenant général Clausel; elle

trolles fut arrêté le 4 avril par le lieutenant-général Laborde, et traduit dans les prisons de Paris. Le général Gilly, profitant de l'enthousiasme des peuples du Languedoc, se mit à leur tête; son avant-garde, composée du 10o de chasseurs à cheval et du 6 d'infanterie légère, s'empara du pont Saint-Esprit et en chassa les royalistes. Au bruit des

Louis XVIII quitta Paris dans la nuit du 19 au 20 mars, et la France les'embarqua sur un cutter anglais. Vi23. A son départ de Lille, toutes les places de Flandre arborèrent le drapeau tricolore. Au: premier bruit du débarquement de Napoléon, le duc de Bourbon avait été envoyé à Nantes pour se mettre à la tête de la Vendée; le duc d'Angoulême avait été investi du gouvernement des provinces sur la gauche de la Loire. Toutes les tentatives pour soulever l'ouest furent inu-dangers qui menaçaient Lyon, les peutiles; les peuples de ces pays se souvenaient de tout ce qu'ils devaient de reconnaissance à Napoléon. Le duc de Bourbon s'embarqua à Paimbœuf, le 1er avril, sur un bâtiment anglais. Le duc d'Angoulême envoya de Bordeaux le baron de Vitrolles, ministre d'État, établir le chef-lieu de son gouvernement à Toulouse, laissa la duchesse, sa femme, à Bordeaux, dans l'espérance de conserver à son parti cette ville importante, et d'y rallier l'armée espagnole; de sa personne, à la tête du 10 régiment d'infanterie de ligne, du 14o de chasseurs à cheval, et de quelques bataillons de volontaires royaux du Languedoc, il conçut l'entreprise téméraire de marcher sur Lyon, dans le temps que les Marseillais marcheraient sur Grenoble. Il passa le Rhône | le fit prisonnier. L'Empereur lui rendit sur le pont Saint-Esprit, enleva le pont de la Drôme, que défendaient les gardes nationales de Montelimart, entra le 3 avril dans Valence, et établit ses avant-postes le long de la rive gauche de l'Isère. Dans le même temps, les Marseillais, au nombre de deux mille cinq cents, soutenus par le 83° et le 58 de ligne, sous les ordres du lieutenant-général Ernouf, entraient dans Gap et marchaient sur Grenoble. Ces

ples de la Bourgogne et de l'Auvergne se soulevèrent en masse, et coururent à Lyon demander des armes pour marcher contre ces princes. Dans toutes les communes du Dauphiné, le pavilion tricolore était arboré, le tocsin annonçait la marche des royalistes. Les troupes de ligne, à l'aspect de l'a gle impériale que leur présenta le lieutenant-général Chabert, à la tête d'un détachement de la garde nationale de Grenoble, abandonnèrent le parti roya liste. Les Marseillais, cernés de tous côtés, se débandèrent, heureux de gagner leurs foyers. Le duc d'Angoulême consterné, comprit alors toute l'imprudence de son entreprise; il évacua Valence en toute hâte, cherchant à gagner le pont Saint-Esprit; le général Gilly

la liberté, et le fit embarquer, le 16 avril, à Cette, sur un bâtiment suédois. Le maréchal Masséna, en faisant arborer le drapeau tricolore dans la Provence, termina la guerre civile. Le 20 avril, cent coups de canon des Invalides annoncèrent à la capitale, et des salves de batteries de côtes et des places frontières annoncèrent aux nations étrangères que le peuple français était rentré dans ses droits.

tion la générosité du vainqueur dans cette circonstance. Le baron de Vitrolles, qui avait été excepté par le décret de Lyon de l'amnistie générale, le duc d'Angoulême, dont la sentence était prononcée par la loi du talion, furent l'un et l'autre sauvés par sa clémence. « Je veux, dit Napoléon, pouvoir me » vanter d'avoir reconquis mon trône, >> sans qu'une goutte de sang ait été » versée, ni sur le champ de bataille, »> ni sur l'échafaud. »>

L'histoire remarquera avec admira-, sion dans la balance, fut de cent vingt mille hommes. Avec cent mille hommes de moins, les alliés n'eussent pu entreprendre l'invasion de la France avant le printemps. En 1814, l'armée napolitaine était bonne, parce qu'à cette époque elle comptait dans ses rangs deux mille officiers et sous-officiers français, corses ou italiens du royaume d'Italie, qui la quittèrent aussitôt qu'ils reçurent la circulaire par laquelle le comte Molé, grand juge, rappelait les Français du service de Naples. Les ministres d'Autriche au congrès de Vienne laissaient souvent percer le peu de cas qu'ils faisaient de l'intervention de la cour des Tuileries; Louis XVIII, disaient-ils, n'est pas en état de réunir dix mille hommes sans craindre de voir les soldats se tourner contre lui-même. Le prince de Bénévent conseilla au cabinet des Tuileries de réunir trois camps, l'un en FrancheComté, l'autre devant Lyon et le troisième dans le midi. Ces trois camps pouvaient être portés à trente-six ou quarante mille hommes, sans obliger à aucun accroissement d'état militaire, et sans être l'objet d'une dépense excessive; cependant ils releveraient le crédit de la France à l'étranger. Ce projet fut adopté. Dans le courant de février 1815, les troupes furent mises en mouvement; le général de division Ricard se rendit à Vienne, vanta dans plusieurs conférences le bon état de l'armée française, son ardeur et son attachement au Roi. Il annonça pompeusement que trois camps, contenant quatre-vingt mille hommes, se réunissaient dans le voisinage des Alpes. Les plénipotentiaires français demandèrent que cette armée, secondée par une division espagnole, pût se porter, soit par terre, passant par Gênes, Florence et Rome; soit par mer, dans l'Italie méri

II. A la fin de 1814, et au commencement de 1815, la discorde régnait au congrès de Vienne. L'Autriche, la France et l'Angleterre, s'étaient liées par une convention secrète contre la Russie et la Prusse, qui paraissaient ne vouloir mettre aucune borne à leurs prétentions. La Prusse voulait réunir Dresde à son empire, ce qui était contraire à l'intérêt de l'Autriche; mais la France, appuyée par l'Espagne, demandait à la cour de Vienne, en récoinpense de l'appui qu'elle lui donnait, de consentir que les Bourbons de Sicile remontassent sur le trône de Naples. L'Autriche s'y refusait, tant par la jalousie de la maison de Bourbon, que pour ne pas trahir le roi Joachim, qui avait tant contribué aux succès des alliés en 1814, en faisant cause commune avec les ennemis de sa patrie contre le chef de sa famille et son bienfaiteur. Murat avait alors décidé des événements. Si, avec son armée de soixante mille hommes, il se ful joint à l'armée gallo-italienne que commandait le Vice-Roi, il eût obligé l'armée autrichienne de rester à la défense de la Carinthie et du Tyrol; l'armée du Vice-Roi était supérieure à celle du feld- maréchal Bellegarde, mais fût contenue par l'armée napolitaine. Ainsi, le poids qu'il mit en cette occa

dionale. Le roi de Naples, de son côté, I de l'armée anglaise en Amérique; que

ne s'endormit pas; il réunit son armée dans les Marches; elle était de soixante mille hommes pour balancer l'effet des négociations des Tuileries, il demanda à l'Autriche le passage pour les troupes qu'il désirait porter sur les Alpes pour pénétrer en France, accréditant, autant qu'il le pouvait, l'opinion déjà répandue, que les soldats français n'étaient pas les soldats des Bourbons. C'est dans ces circonstances que Napoléon débarqua. Les régiments français destinés à former les trois camps dans le midi étaient en mouvement, et se trouvèrent justement placés pour lui servir d'escorte dans sa marche triomphale du golfe Juan à Paris. Le maréchal Soult, ministre de la guerre, fut alors accusé de trahison; mais les apparences étaient trompeuses; ce mouvement de troupes, leur placement, si d'accord par le fait avec la marche de l'Empereur, avaient été exécutés d'après l'ordre du Roi, et sur la demande des plénipotentiaires français à Vienne. Les étrangers montrèrent, dans cette circonstance, qu'ils connaissaient mieux les dispositions secrètes du peuple français et de l'armée, que les princes et les ministres de la maison de Bourbon.

le congrès de Vienne avait terminé ses opérations, et que le Czar était parti pour Saint-Pétersbourg; 2° qu'il désirait que Murat envoyât un courrier à Vienne pour que son ambassadeur notifiât à cette cour que la France continuerait à exécuter le traité de Paris, et renonçait spécialement à toutes ses prétentions sur l'Italie; 3° que dans tous les cas, les hostilités ne pouvaient commencer avant la fin de juillet; que la France et Naples auraient le temps de se concerter; qu'au préalable il devait renforcer son armée dans une bonne position en avant d'Ancône; et dans toutes les circonstances imprévues, se conduire par le principe, qu'il valait mieux reculer qu'avancer, donner bataille derrière le Garignano que sur le Pô; qu'il pouvait beaucoup comme diversion, et lorsqu'il serait appuyé par une armée française ; qu'il ne pou| vait rien sans cela.

L'envoyé de l'Empereur arriva à Naples le 4 mars: le brick l'Inconstant, de retour du golfe Juan, y arriva le 12. Peu de jours après, un courrier de Gènes y apprit l'entrée triomphale de Napoléon dans Grenoble et dans Lyon; le Roi ne déguisa plus ses sentiments; il annonça hautement sa volonté d'insurger l'Italie. « L'Empereur, disait-il, » ne trouvera aucun obstacle, la nation

III. Quelques jours avant de quitter l'ile d'Elbe, le 16 février 1815, Napoléon expédia à Naples un de ses cham-» française tout entière volera sous ses bellans pour faire connaître à cette >> drapeaux; si je tarde à me porter cour, 1o qu'il partait pour rentrer dans » sur le Pô, si j'attends le mois de juilsa capitale et remonter sur son trône; >> let, les armées françaises auront réqu'il était résolu à maintenir le traité » tabli le royaume d'Italie et ressaisi la de Paris, ce qui lui faisait espérer que » Couronne de fer; c'est à moi à proles puissances alliées resteraient étran- >> clamer l'indépendance de l'Italie! » gères à cette guerre civile; que les trou- L'envoyé de l'Empereur et la reine se pes russes étaient d'ailleurs au-delà du jetèrent inutilement aux pieds du Roi Niémen, partie des autrichiennes au- pour lui faire sentir le danger et la tédelà de l'Inn, la majorité des prussien- mérité de cette entreprise, rien ne put nes au-delà de l'Oder, et la moitié lui ouvrir les yeux. Il partit pour An

cône. Arrivé à la tête de son armée le, 22 mars, il ne se donna pas même le temps d'attendre la nouvelle de l'entrée de l'Empereur à Paris: il passa le Rubicon, traversa la Romagne, inonda le territoire du Saint-Siége et la Toscane de ses troupes. Le pape se retira à Gênes, le grand-duc à Livourne; arrivé à Bologne, le roi de Naples appela à l'insurrection les peuples du royaume d'Italie; mais ils demandérent pourquoi il ne leur parlait pas de Napoléon, leur roi légitime; que sans son ordre, ils ne pouvaient faire aucun mouvement; qu'il leur paraissait d'ailleurs imprudent d'agir avant que les troupes françaises fussent arrivées sur les Alpes; que dans tous les cas, il leur fallait des fusils; la seule province de Bologne en demandait quarante mille; l'artillerie napolitaine n'en avait pas un seul. Quelques jours après, l'armée autrichienne, qui s'était concentrée sur la rive gauche du Pô, passa ce fleuve, battit l'armée napolitaine, et entra dans Naples le 12 mai. Le Roi, n'ayant pas pu se jeter de sa personne dans la place forte de Gaëte, s'embarqua sur un bàtiment marchand, et débarqua en Provence, où il demeura pour attendre sa famille et recueillir ses partisans. De son côté, la reine avait capitulé avec un commodore anglais qui, suivant l'usage constant des alliés dans cette guerre, foula aux pieds la capitulation, comme à Dantzig et à Dresde; au lieu de transporter cette princesse en France, il la transporta à Trieste. Dans les premiers jours d'avril, le prince Lucien, ayant dans sa voiture un chargé d'affaires du pape, arriva à Fontainebleau incognito; c'est par lui qu'on apprit à Paris la première nouvelle de l'invasion du roi de Naples. Le pape écrivait de Gênes à l'Empereur que, s'il ne lui garantissait pas la possession

VII.

de Rome, il allait se réfugier en Espagne. Le chargé d'affaires du SaintSiége fut reçu aux Tuileries; il repartit, emportant les assurances les plus favorables au saint Père. L'Empereur lui garantissait tout ce qui lui était assuré par le traité de Paris, lui faisant connaître qu'il blàmait la conduite du roi de Naples comme contraire à sa politique.

IV. On reçut à Vienne, le 8 mars, la nouvelle du débarquement de l'Empereur en France; le congrès n'était pas dissous. Le 13 et le 25 mars, les ministres des puissances signèrent des actes sans exemple dans l'histoire; ils croyaient l'Empereur perdu. Il sera, disaient-ils, promptement repoussé et défait par les fidèles sujets de Louis XVIII. Lorsque depuis ils apprirent que les Bourbons, sans opposer de résistance, n'avaient pu tenir au nord, au midi, à

l'ouest, à l'est, et que la France tout entière s'était déclarée pour son ancien souverain, l'amour-propre des alliés était compromis, et cependant il y eut de l'hésitation! Mais lorsque la cour de Vienne fut instruite des sentiments du roi de Naples, et peu après de sa marche hostile, elle ne mit pas en doute qu'il n'agit que par les ordres de Napoléon, et qu'ainsi ce prince, constant et inébranlable dans son système politique, ne fût encore ce qu'il était à Châtillon, ne voulant de la couronne de France qu'avec la Belgique, le Rhin, et peut-être même la Couronne de fer. Elle n'hésita plus. Les ministres signèrent un traité contre la France, par lequel les quatre puissances principales s'engageaient à fournir chacune cent cinquante mille hommes. Les ratifications furent échangées le 25 avril, et l'on calcula qu'un million d'hommes de toutes les nations de l'Europe serait réuni à la fin de

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