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jeune homme, et prédisposent plus tard l'homme mûr à je ne sais quelle partialité de souvenir pour ce crépuscule prestigieux de ses opinions.

VII

Telle est, je l'avoue, ma tendresse ou ma faiblesse d'esprit envers la Restauration. Ses fautes et ses malheurs n'ont point altéré en moi ces premières impressions. Je me suis interdit de servir et encore plus d'aimer la monarchie sans passé, sans prestige et sans droit, qui succéda en 1830 à ce gouvernement de mes souvenirs. L'oncle était seul impardonnable de remplacer le neveu. La nature est, du moins, une légitimité pour ceux qui ne reconnaissent pas de légitimité politique. La république pouvait, dès cette époque, écarter ce trône. Aucun autre prince que le peuple ne pouvait s'y asseoir. La révolution de juillet eût été un progrès alors, elle ne fut qu'un bouleversement. Elle ne remplaça pas le trône, elle ne couronna pas la nation. Elle ne fit qu'ajourner le temps. Bien que je n'aie jamais ni ébranlé ni insulté le gouvernement de Louis-Philippe, de peur d'ébranler le pays luimême, j'avais l'instinct de son instabilité. Il en est des gouvernements comme des métaux: rien de faux n'est fort; une vérité est le principe de vie de toute chose. Rien n'était vrai, dans cette royauté, qu'un trône et un peuple également frustrés. Tôt

ou tard, il devait s'anéantir comme il avait surgi, dans un souffle. Ni les hommes éminents, ni les ministres, ni les orateurs, ni les habiletés, ni les talents, ni même les vertus privées ne manquèrent à ce règne. Ce qui lui manqua, c'est ce qui fait durer les institutions, les plus jeunes comme les plus vieilles, le respect. Quand on lui demandait qui il était, il ne pouvait attester ni Dieu ni le peuple; il ne pouvait dire qu'une chose: Je suis la négation du droit divin, qui fait régner héréditairement les princes, et je suis la négation du droit des nations de nommer leurs rois. Entre l'hérédité qu'il avait bannie et l'élection nationale qu'il avait éludée, que pouvait-il faire? Manœuvrer, négocier, atermoyer, capter, corrompre; gouvernement à deux visages, dont aucun ne disait une vérité.

VIII

Sa chute, en laissant le palais vide, a fait place au droit absolu, le droit national, le droit naturel, le droit de chaque homme venant en ce monde d'avoir sa part de suffrage, d'intelligence et de volonté dans le gouvernement, le vote universel. Le vote universel, c'est le vrai nom de la société moderne aujourd'hui. Ce vote universel a fait de la France une république. Il ne pouvait en faire autre chose. Dans l'état d'incrédulité, d'anarchie et de lutte où le principe monarchique personnifié dans

trois dynasties se trouvait avec lui-même, donner la France de 1848 à la monarchie, c'était la donner aux factions. Le pays devait prendre sa dictature. La dictature du pays, c'est la république. Il l'a prise, et il la conservera tant qu'il sera digne du nom de peuple. Car un prince ou une dynastie qui abdiquent sont remplacés par une autre dynastie ou par un autre prince. Mais une nation lassée ou incapable de la liberté, qui abdique, qu'est-ce qui la remplace? Rien qu'une lacune dans l'histoire, rien que la honte, la servitude ou la tyrannie. On regarde la carte du monde, et on dit: Il y avait là un grand peuple; il n'y a plus qu'une grande tache sur la dignité des nations.

IX

Après avoir payé notre tribut de sincérité au temps, nous devons payer notre tribut de reconnaissance. aux écrivains qui ont éclairé et jalonné pour nous cette route de l'histoire. Nous devons beaucoup à deux d'entre eux surtout: M. Lubis, qui a su se défendre de ses préventions de cœur pour les Bourbons, en racontant avec une impartialité courageuse et avec une lumineuse appréciation les fautes et les malheurs de sa cause; M. de Vaulabelle ensuite, qui, selon nous, a trop puisé ses renseignements dans des mains hostiles, mais qui a disposé et écrit avec une conscience de talent et un

art de grouper les événements qui lui assignent un rang remarquable parmi les historiens. Nous avons écrit, nous, à un autre point de vue, parce que nous étions plus loin qu'eux de l'impression du drame; mais sans eux nous n'aurions pu écrire. M. Lubis a écrit le sentiment de la Restauration; M. de Vaulabelle le sentiment et souvent l'opposition du libéralisme. Nous essayons d'écrire sans esprit de superstition et sans esprit d'opposition : la vérité.

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