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Cette circonstance avait été signalée aux plénipotentiaires francais, par M. de Metternich, qui leur avait déclaré vouloir rester étranger, ainsi que son souverain, à ce qu'il appelait l'intrigue de Moreau. Cependant, malgré la rupture, une note du duc de Bassano, en réponse à la note finale du ministre du médiateur, en avait été accueillie. Elle devait avoir plus tard une sorte de résultat; il semblait alors que l'empereur François voulait être aussi prompt à relever le gant de la paix, que l'empereur Napoléon à jeter celui de la guerre.

Au 15 août, d'effrayantes masses d'hommes allaient s'égorger pour la politique de cinq chefs de nations, et conquérir avec ivresse, au nom de l'indépendance du monde, le joug domestique qui attendait leurs fronts victorieux. Le prince de Schwarzenberg, nommé généralissime des armées de la coalition, comptait sous son commandement, 603,600 hommes, et Napoléon 352,700. Ainsi les allies avaient sous les armes 249,500 hommes de plus que la France, ils avaient de plus en leur faveur, l'avantage de se battre en pays ami, ils pouvaient éprouver des pertes, des revers, battre en retraite; toute terre derrière eux et devant eux leur serait hospitalière; mais Napoléon était obligé de vaincre toujours. Il ne lui suffisait pas contre cette ligue formidable de la terre et des hommes, que ses soldats fussent invulnérables, et qu'il fût lui-même présent à tous les corps de son armée, qui avaient des ennemis à combattre. Jamais plus grande nécessité ne pesa sur un homme; elle n'eût été en proportion peut-être qu'avec sa fortune passée. Le comte de Metternich, pendant les conférences

de Prague, disait au duc de Vicence : « Votre posi«<tion et celle de vos adversaires sont bien diffé« rentes; des batailles perdues par eux ne leur << feraient pas signer une autre paix que celle que « l'on peut faire aujourd'hui, tandis qu'une seule « bataille perdue pour Napoléon, change tout-à« fait la question. » C'était à Prague, prophétiser sur Leipsick!

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La campagne s'ouvrit le lendemain de la rupture du congrès. Le 13 août, les Autrichiens avaient oépré leur jonction avec les Prusso-Russes; la prévoyance des alliés et du médiateur, fut merveilleuse sous ce rapport, tant ils avaient su deviner les intentions de Napoléon. Jamais on ne fut mieux préparé à la guerre, en offrant la paix. Napoléon n'apprit que le 20, la jonction des forces autrichiennes, et le 21, il reprenait l'offensive, repoussait Blücher, et enlevait, le 23, la forte position de Goldberg; mais averti du mouvement sur Dresde, que son ennemi Moreau avait conseillé aux alliés, il confia au duc de Tarente l'armée de Silésie, et se porta en toute håte avec sa garde sur la capitale de la Saxe. La fortune le protégeait encore ; il arriva le 26 à Dresde, avant sa garde, à 10 heures du matin ; plusieurs ouvrages venaient d'être enlevés dans les faubourgs; Napoléon vit à l'instant le péril et le salut. Au lieu d'attendre l'assaut, il ordonne l'attaque dans les faubourgs; les Prussiens et les Russes sont chassés des ouvrages et des retranchemens, et toute l'armée combinée, après avoir eu 4,000 hommes tués, est rejetée en arrière des positions qu'occupait avant l'attaque le maréchal Saint-Cyr, chargé de la défense de

Dresde. Napoléon combatit, dans cette matinée, avec 65,000 hommes contre 180,000; le soir 45,000 des 2me et 6me corps d'infanterie et du 4me de cavalerie, entrèrent dans la ville. Le général Vandamme, avec le 1er corps, débloquait Kœnigstein, et reprenait le camp de Pirna, sur les Russes. Le lendemain 27, à la pointe du jour, Napoléon, à la tête de 110,000 hommes, commandant le centre, ayant le roi de Naples à l'aile droite, et le prince de la Moskowa à l'aile gauche, présente le combat à 180,000 Russes, Prussiens et Autrichiens. Frappé d'un vide qu'il aperçoit dans leur ordre de bataille, l'empereur improvise sur cette lacune son plan de combat, et en donne le signal avant que l'ennemi ne puisse réparer sa faute; l'intervalle laissé était destiné au corps de Klénau, qui ne devait arriver qu'à deux heures. L'impétuosité de l'attaque, égale la promptitude de la pensée qui l'a conçue les corps ennemis sont repoussés, désunis, rejetés en arrière, laissant 15,000 hommes sur le champ de bataille, et 15,000 prisonniers presque tous Autrichiens. Napoléon triomphait doublement, Alexandre fuyait devant lui, et un boulet de la garde lui avait fait justice du général Moreau ce chátiment avait eu pour témoins l'empereur de Russie et le roi de Prusse. Étrange destinée! Ce républicain, dont toute la gloire militaire appartenait à la cause de la liberté, ce général qu'un jugement avait frappé pour avoir conspiré pour elle, que la terre libre d'Amérique avait reçu comme un grand citoyen malheureux, avait quitté cette noble hospitalité, pour venir, à la voix d'un de ses frères d'armes couronné, et sous le drapeau

d'un souverain despotique, porter et diriger la guerre des rois contre sa patrie! A la nouvelle de son arrivée sur le sol arme contre elle, la France, encore divisée sur le jugement qui l'avait banni, l'avait tout-à-coup condamné, et une volonté singulière du sort lui faisait donner la mort par celui qui l'avait proscrit. Moreau, tué sous les yeux d'Alexandre par un canon de la garde de Napoleon, a dans l'histoire le triste privilége d'une immortalité particulière.

Cependant le 26, au moment où la marche rapide et vraiment inspirée de Napoléon l'avait porté en 72 heures aux murs de Dresde, le maréchal Macdonald, chargé du commandement de l'armée de Silésie, perdait, contre le général Blücher, la bataille de la Katzbach, qui coûta à l'armée française 250,00 hommes, dont 15,000 prisonniers, et presque autant à l'armée prussienne. Mais les pertes de la France étaient irréparables, au centre de d'Allemagne, dans la nécessite où elle était d'être toujours victorieuse, et devant un ennemi qui avait sous les armes 250,000 hommes de plus qu'elle. La bataille de la Katzbach fut un grand revers à opposer aux triomphes merveilleux de deux batailles de Dresde. La retraite du prince de Schwarzenberg s'était opérée sur la Bohême; les succès du roi de Naples lui fermaient la route de Freyberg, et ceux du général Vandamme la route de Pirna.

Napoléon n'était pas heureux par ses lieutenans. En suivant le prince de Schwarzenberg, il avait appris la défaite du duc de Reggio par le prince royal de Suède, aux combats de Grossbeherren et d'Ahrensdorf, le 23 août, près de Berlin. La fatale

nouvelles de la bataille de la Katzbach lui était annoncée. Le 30, le général Vandamme, qui avait reçu l'ordre de tenir les défilés de la Bohême, se lança imprudemment à la poursuite du corps russe qu'il avait battu à Pirna, et le 28 à Nollendorf, et il avait eu l'imprudence de descendre sur Culm, avec dix bataillons, sans en laisser un sur les hauteurs pour assurer son mouvement. Ce général se trouvait tout-à-coup enveloppé par les corps en retraite de l'armée combinée, et avait affaire à 70,000 hommes, qu'il voulut combattre avec 15,000.Il perdait 10,000 hommes, dont 7,000 prisonniers, dans cette lutte téméraire, et il était pris lui-même avec les généraux Haxo et Guyot, et toute son artillerie. Le général Vandamme devait être, et se croyait soutenu par le 14me corps, aux ordres du maréchal Saint-Cyr, qui était en marche de Meissen, et le quartier-général impérial, avec la garde, était à Pirna. On attribua alors, et on attribue encore aujourd'hui, le défaut d'ordre pour la poursuite de l'ennemi, à un vomissement violent qu'éprouva Napoléon à Pirna, et qui le décida brusquement à retourner à Dresde. L'assaisonnement d'un mets servi au déjeuner de l'empereur, eut ce grave résultat. Napoléon s'en souvint l'année suivante, après la bataille de Brienne, à Troyes, où il dit en voyant un mets semblable: « C'est le déjeuner de Pirna. »

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Ainsi la brillante victoire de Dresde n'offrit aux yeux même de Napoléon, qu'une faible compensation aux trois revers que ses lieutenans venaient d'éprouver. Le malheur allait lui devenir aussi fidèle que l'avait été la prospérité, et il dut croire à

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