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dont il n'est que le captif; il eût réparé ainsi la faute mortelle de sa marche sur Paris, celle plus mortelle encore d'être resté à Fontainebleau, quand il avait pour manœuvrer les deux tiers de la France; et il eût été justement absous d'avoir été pendant vingt ans l'arbitre de ses destinées, en sachant jusqu'à la fin combattre, vaincre ou mourir pour elle. L'irruption romanesque de l'ile d'Elbe, malgré son merveilleux, n'aura jamais dans la postérité française la place qu'aurait eue le noble exemple d'un pareil dévouement. Le suicide de Fontainebleau ne serait-il pas le repentir de la négociation de Paris?

Pendant cette négociation, Napoléon, qui n'avait pas oublié le chagrin que lui avait causé sa dernière abdication, fit écrire et écrivit lui-même au duc de Vicence pour la lui redemander. Le duc lui répondit : Que manquer aux engagemens qu'il avait pris, serait sacrifier tous les intérêts de Sa Majesté: que l'acte d'abdication était la base principale de la négociation, et qu'il ne prendrait jamais sur lui les graves inconvéniens qui pourraient en résulter, s'il cédait à ses intentions. Cependant Napoléon parut le premier jour avoir pris son parti, et la manière dont il l'annonça à ceux qui l'entouraient mérite d'être conservée « Maintenant, dit-il, que tout est ter«miné, puisque je ne puis rester, ce qui vous cona vient le mieux c'est la famille des Bourbons; « elle ralliera tous les partis... Moi, je ne pouvais « garder la France autre qu'elle était quand je « l'ai prise... Louis ne voudra pas attacher son <«<< nom à un mauvais règne; s'il fait bien, il se

« mettra dans mon lit, car il est bon... Qu'on se « garde surtout de toucher aux biens nationaux. « Le roi aura beaucoup à faire avec le faubourg « Saint-Germain; s'il veut régner long-temps, il « faut qu'il le tienne en état de blocus: il est vrai « qu'alors il n'en sera pas plus aimé que moi; << c'est une colonie anglaise au milieu de la France, « qui rapporte tout à elle, et s'inquiète peu du << repos et du bonheur de la patrie, pourvu qu'elle « jouisse des priviléges, des honneurs et de la « fortune... Si j'étais de Louis XVIII, je ne con<«<serverais pas ma garde, il n'y a que moi qui puisse la manier... A présent, messieurs, que « vous avez un autre gouvernement, il faut vous « y attacher franchement, je vous y engage, je << vous l'ordonne même; ainsi ceux qui désirent « aller à Paris, avant que je parte, sont libres « de s'y rendre; ceux qui veulent rester, feront << bien d'envoyer leur adhésion. »>

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Beaucoup de témoins, par leur prompte soumission au gouvernement provisoire, se donnèrent Ja satisfaction de colorer leur empressement d'une dernière et généreuse soumission aux intentions de l'empereur.

Cependant Napoléon ne prend pas pour lui la résignation qu'il conseille à ceux qui l'entourent, et il repousse le traité de Paris. « A quoi bon ce » traité, dit-il à ses plénipotentiaires, puisqu'on » ne veut pas régler avec moi ce qui concerne les » intérêts de la France ? du moment qu'il ne s'agit » plus que de ma personne, il n'y a plus de traité à » faire. Je suis vaincu, je cède au sort des armes; » seulement je demande à n'être pas prisonnier

» de guerre, et pour me l'accorder, un simple cartel doit suffire; d'ailleurs il ne faut pas une » grande place pour enterrer un soldat. »

Napoléon ne pense pas qu'il est déjà plus qu'un prisonnier de guerre, qu'il est un véritable prisonnier d'état, écroué par l'Europe dans son propre palais, sous la qualification de L'ENNEMI COMMUN; qu'il est devenu le justiciable des armées ennemies : qu'il n'est plus le général de celle qu'il appelle la sienne, de cette armée qui voudrait toujours le défendre, et qui est condamnée à paraître le garder pour les rois qui attendent sous peine d'un châtiment inconnu, la ratification du traité de Paris! ses jours sont peut-être menacés s'il ne signe pas. Rien aussi ne le garantit quand il aura signé; pour lui tout est fatal. Dans le moment où l'on publiait à Paris l'acte d'abdication absolue et l'adhésion de l'armée à la restauration, on annonçait aussi l'arrivée de Monsieur, frère du roi. Le lendemain, ce prince fit son entrée solennelle. Napoléon n'ignorait aucune de ces circonstances, ni aucun de ses périls; mais, inflexible dans sa volonté comme au temps de ses prospérités, n'ayant plus qu'elle pour puissance, ne reconnaissant plus qu'elle pour destinée, il persista toute la journée du 12 avril dans le refus de ratifier le traité.

Ce traité se ressentait de l'influence des malheu-` reuses circonstances qui y avaient présidé. Les difficultés et les objections se succédaient à Paris lors de sa discussion, comme les adhésions se succédaient à Fontainebleau. Maîtres de tout, plus sûrs chaque jour d'une grande défection, les alliés

userent amplement du droit du plus fort. L'empepereur d'Autriche se tenait toujours loin, par une sorte de pudeur d'état, qui naissait autant de sa politique que de son lien de famille avec Napoléon. M. Metternich était resté près de son souverain. Lord Castelreagh, menacé peut-être de quelque disgrâce parlementaire de la part de l'opposition, échappait également à toute partialité, en partageant la retraite du cabinet autrichien ; et à Paris, l'on profitait de leur absence pour ne rien terminer. Enfin, le 11 avril le traité fut signé avec toutes les puissances, et l'abdication fut remise au gouvernement provisoire en échange de son acceptation au traité. Il était plus de minuit quand les plénipotentiaires se présentèrent au gouvernement provisoire. Des formalités les retinrent toute la nuit. Le duc de Vicence et le maréchal Macdonald se rendirent seuls immédiatement à Fontainebleau, pour remettre le traité à l'empereur. Ils n'y arrivèrent le 12 que dans la journée. Un plénipotentiaire russe y arriva aussi pour en échanger les ratifications, afin que Napoléon n'eût aucun doute sur son exécution. Mais rien ne pressait Napoléon de se décider. Il semblait également indifférent au refus et à l'acceptation des ratifications. Il était intérieurement dominé par un autre sentiment. La secrétairerie d'état travaillait aux expéditions, elle y passa toute la nuit. Le plénipotentiaire russe se présenta avec de nouvelles difficultés qui blessaient l'honneur de Napoléon. Les prétentions qu'il mit en avant pour avoir un ordre de l'empereur, relatif à la remise des places fortes aux alliés, indignėrent ce prince, et quelques discussions assez vives

eurent lieu chez le prince de Neuchâtel. La demande incidentelle du plénipotentiaire russe fut refusée. Puisqu'on n'avait pas voulu continuer de traiter avec Napoléon pour la France, il était au moins étrange de vouloir lui faire donner l'ordre de livrer ses forteresses. Napoléon passa une partie de la soirée avec le duc de Vicence, et se retira à 11 heures.

Le palais de Fontainebleau est plongé dans le silence le plus profond. Personne n'y dormait peutêtre. Mais ce vaste édifice paraissait au moins livré au repos, qui succède à de grandes agitations. Nul bruit au dedans. Au dehors, on n'entendait que les pas des sentinelles françaises, qui veillaient sur le captif européen. Au loin, les échos pouvaient répéter le bruit inquiet et inégal du quivive étranger, dont les appels monotones répétés dans les idiomes de l'Europe, et d'une partie de l'Asie, circulaient sans interruption autour du camp français. Au milieu du silence qui remplit le palais, dont le repos majestueux fut une fois trouble par la vengeance sanglante d'une reine du nord, et tant de fois par les fêtes brillantes de nos derniers rois, Napoléon, qui veille, fait demander à une heure du matin le duc de Vicence. Quand ce ministre entra, l'empereur posait une tasse vide sur une table. Napoléon lui dit de prendre dans son cabinet le portefeuille qui contenait le portrait et les lettres de l'impératrice. « Gardez«<les, lui dit l'empereur, vous les remettrez un « jour à mon fils; ne le quittez pas. Soyez-lui fidèle "comme à moi. Remettez à l'impératrice la lettre « que voici. Dites-lui que je ne déplore mes mal

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