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PRINCE,

Permettez-moi de vous dédier ce livre; il vous appartient en grande partie, car depuis cinq ans votre généreuse amitié n'a cessé un seul instant de m'encourager dans ce long et pénible travail.

Plus d'une fois vous avez daigné venir en aide à mon inexpérience, en me mettant sur la véritable voie des faits; plus d'une fois, lorsque j'étais abattu par les veilles ou rebuté par les obstacles incessants que je rencontrais sur mes pas, votre amitié toute fraternelle est venue stimuler mon courage; plus d'une fois enfin vos lumières ont suppléé à mes faibles connaissances. Je vous dois également, PRINCE, une foule de renseignements inconnus, que j'ai consignés dans ce travail, ou dont je me suis servi pour relever plus d'une erreur historique, pour éclaircir plus d'un événement jusqu'ici complétement défigurés soit par l'envie, soit par la haine de parti. Tout ce que je regrette, PRINCE, c'est que mon travail ne soit pas plus digne de vous, et qu'une plume plus exercée n'ait pu profiter d'une source si riche.

Certes, PRINCE, je le sais, la dédicace de cet ouvrage est une bien faible offrande en retour de la bienveillance que vous avez eue pour moi, mais elle est l'expression de ma profonde reconnaissance, le gage d'un éternel dévouement, et ce n'est que sous ce point de vue que je vous prie de l'accepter. En dédiant ce livre au proscrit de Mohimont, je ne m'acquitte pas seulement d'une dette si légitimement contractée envers un des neveux de Napoléon, mais je confonds encore, dans un même tribut, et mes hommages à la mémoire sacrée de l'Empereur et mes suffrages d'attachement inviolable envers la famille Bonaparte

VIII

Vous connaissez mon livre, PRINCE, et le but que je me suis proposé. Il est vrai qu'en retraçant les événements de l'épopée républicaine et impériale, j'ai émis des opinions qui différaient des vôtres, non sur la nature des choses, car au fond elles étaient identiques, mais sur l'opportunité des moyens, sur la nécessité des mesures : les opinions ne se commandent pas; elles peuvent tout au plus se modifier par le temps et par les études; et le premier de tous, PRINCE, vous m'auriez blâmé si j'avais renié mes principes pour les calquer quand même sur les vôtres. C'eût été payer, par une basse condescendance, une amitié dont je suis fier et heureux.

Recevez, PRINCE, je vous prie, la nouvelle assurance de l'inaltérable attachement de

Bruxelles, 2 février 1817.

Votre très-humble et très-dévoué serviteur,

FÉLIX WOUTERS.

L'histoire de la république et de l'empire a été traitée sous toutes les formes, de toutes les manières; toutes les phases de cette grande époque sont décrites, expliquées pour ainsi dire jusque dans leurs moindres détails, enfin des milliers de volumes ont été publiés sur le mouvement social qui marqua la fin du xvir siècle et le commencement du XIX°. Mais les uns, entraînés par une haine aveugle, semblent avoir pris à tâche de déprécier les hommes, de blâmer leurs actions, de dénaturer les événements. Ils n'ont pas craint de proclamer la révolution une des monstruosités de la nation française, le fléau de l'humanité, l'avilissement des peuples. Ils s'obstinent à méconnaître les bienfaits de cette grande régénération, pour avoir le droit de la vouer à l'exécration de la postérité. Ils ne veulent, en un mot, faire ressortir que les abus de ces violentes commotions, et se plaisent à constater un à un tous les actes arbitraires de la révolution, flétrissant les moyens sans tenir compte des résultats.

Fidèles à ce système de dénigrement, ils devaient traiter l'empire avec une égale partialité. En effet, déniant au peuple le droit de choisir son

X

premier magistrat, ils n'ont voulu voir dans l'empereur qu'un glorieux usurpateur, qu'un despote; et dans l'immense création impériale ils n'ont trouvé qu'un assemblage incohérent résultant de la conquête.

Quant aux apologistes de cette même époque, ils ont, eux aussi, commis de graves erreurs. Dominés par leurs opinions personnelles, entraînés par l'enthousiasme qu'inspire la liberté, ou fascinés par l'auréole glorieuse dont l'Empereur entoura la France, ils n'ont voulu reconnaître ni les torts de la république, ni ceux de l'empire.

Il fut un temps où ces diatribes comme ces louanges étaient favorablement accueillies, parce que les unes ne convenaient que trop à l'esprit réactionnaire du gouvernement imposé à la France et que les autres s'adressaient exclusivement aux glorieux défenseurs de l'empire. C'était une arène où les deux partis étaient aux prises, employant réciproquement les armes les plus tranchantes, sans considérer seulement s'ils restaient dans le vrai. Mais aujourd'hui l'histoire demande quelque chose de plus positif.

C'est une vérité que je n'ai pas perdue de vue un seul instant. Voulant produire un livre et non un pamphlet, j'ai fait abstraction de mes propres opinions politiques. J'ai exposé tous les faits, rappelé tous les événements, cité toutes les actions de la république et de l'empire, soit qu'elles fussent favorables ou non au parti auquel je puis m'être attaché. Rarement je me suis permis d'émettre des réflexions, parce que j'ai cru qu'elles importaient peu aux personnes qui consulteront mon livre. Et lorsque j'ai hasardé quelques observations purement politiques, c'est parce que le sujet l'exigeait ou qu'elles pouvaient y jeter quelque lumière.

Je crois avoir raconté avec une même impartialité les triomphes et les revers, les bienfaits et les torts, les belles et nobles actions aussi bien que les erreurs de la république et de l'empire. Si je me suis trompé, je l'ai fait de bonne foi; je n'ai avancé aucun fait sans que j'en eusse la preuve ou qu'il eût été attesté par des témoignages respectables; aussi, je livre mon travail avec confiance à l'appréciation des hommes compétents, aux hommes

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