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tion des étoiles. D'ailleurs ces erreurs ont servi à l'esprit humain. De même que l'alchymie, qui se souciait fort peu de connaître les véritables propriétés des corps, a donné naissance à la chimie, grâce aux transformations des métaux, de même l'astronomie a dû à l'astrologie les progrès immenses qu'elle a faits plus tard. Le savant qui cherchait l'étoile d'un roi qui le payait bien, a fini par lire sur cette voûte où son imagination abusée ne voyait que des lignes cabalistiques.

Nostradamus, l'œil braqué sur le firmament des nuits, étudiait, avec la foi d'un pythagoricien, la marche solennelle des astres; sa tête s'échauffa; il crut avoir soulevé le voile que le destin a tendu sur l'avenir. Plus de doute, son regard perce dans cet avenir il dut avoir alors d'inexprimables ravissemens; au reste, il ne faut pas croire que la conquête de l'astrologie telle que nos pères l'entendaient, fût le résultat seulement d'une grande exaltation de tête; l'astrologie était une science toute faite, portant, sans doute, sur une base erronnée, mais qui tirait des conséquences vraies de principes absurdes. Elle avait ses gros in-folio, ses axiomes, ses problèmes, et ce n'était qu'après de longues études qu'on parvenait à la posséder. On croyait, alors, que les astres exerçaient sur les hommes et les empires une influence expliquée par des rapports secrets et sympathiques de conjonction et de rayonnement. Il fallait donc

comprendre la manière dont cette influence agissait; Nostradamus l'expliqua à force de solitaires heures passées à étudier l'astrologie. Il se mit alors à prédire l'avenir, mais il écrivit ses prophéties dans un style fort énigmatique. Ensuite l'idée lui vint de mettre en vers ses prédictions; il en composa autant de quatrains dont il publia sept centuries à Lyon en 1555. Ce recueil fit fureur; jamais auteur n'avait parlé un langage plus baroque et plus inintelligible; ce fut précisément ce qui assura le succès de cet étrange ouvrage, de cette ridicule parodie de l'apocalypse. Catherine dévora ce livre et conçut dès lors pour l'auteur une affection extrême; tous ses astrologues de Florence étaient dépassés.

Une telle vogue électrisa Nostradamus, qui ajouta à son recueil trois nouvelles centuries et en donna une nouvelle édition en 1558. L'année suivante Henri II mourut dans un tournoi d'une blessure dans l'œil, que lui fit la lance du comte de Montgommery. On trouva l'annonce de cette mort dans ce quatrain si clair :

Le lion jeune le vieux surmontera;

En champ bellique par singulier duel,

Dans cage d'or les yeux lui crevera.

Deux plaies, une, puis mourir; mort cruelle.

Ce quatrain est le trente-cinquième de la première centurie.

Il n'est donc pas étonnant que Catherine de Mé

dicis entraînât tout d'abord le roi et sa cour de dames, de cardinaux et de seigneurs, au pays que Nostradamus habitait. Les habitaus de Salon qui savaient l'immense réputation de leur hôte et le crédit dont il jouissait à la cour, avaient pour Nostradamus une vénération singulière; le roi arriva chez eux le 17 octobre 1564. Les auteurs du temps ont toujours eu soin de nous faire connaître l'accoutrement des voyageurs illustres, sans oublier une seule pièce de leur habillement. Ainsi grâce à eux nous savons que Charles IX en entrant dans Salon, portait un habit violet enrichi de cordons d'argent, le chapeau et les panaches respondant à son vélement. Le cheval africain qu'il montait était harnaché de velours noir à longues franges d'or. On voulut faire au roi la plus gracieuse réception possible; les consuls Antoine de Cordova et Jacques Paul s'évertuant à chercher tout ce qui pourrait émerveiller le roi, pensèrent qu'il fallait d'abord lui présenter Nostradamus. Mais celui-ci, dit un chroniqueur, s'en excusa autant gracieusement qu'il put, remonstrant qu'il désirait faire son train à part et saluer sa majesté hors de la tourbe populaire, estant très bien averti qu'il serait requis et demandé.

Nostradamus, qui désirait faire son train à part, alla se cacher dans la foule, au moment de l'arrivée du roi; mais Antoine de Cordova et Jacques Paul qui tenaient à leur idée, ne perdirent pas de

vue le prophète, et quand le roi passa devant le groupe derrière lequel Nostradamus se blottissait, ils le désignèrent du doigt au roi. Ainsi relancé, Nostradamus s'approche de Charles IX et lui dit ce vers latin :

Vir Magnus bello, nulli pietate secundus.

Heureux temps où l'on parlait aux rois en vers latins!

Le chroniqueur ajoute que Nostradamus suivit à pied Charles IX, avec son bonnet de velours d'une main, et un gros et très beau jonc d'Inde emmanché d'argent, de l'autre, jusques aux portes du château, et encore dans sa propre chambre, où il entrelint fort longuement ce jeune roy et la royne régente sa mère, qui eurent la curiosité de voir sa petite famille.

Dans ses entrevues avec la famille royale, Nostradamus n'oublia pas son métier de prophète; il prédit que le duc d'Anjou serait roi de France. Ensuite, au dire du même chroniqueur, il examina attentivement le jeune prince de Béarn, et finit par prier le gouverneur de déshabiller Henri, car l'astrologie l'exigeait ainsi. Le petit prince s'effraya fort; la longue barbe du devin lui fesait peur, et il croyait, de plus, qu'on le mettait nu, pour lui donner le fouet. Nostradamus le caressa, et prédit que le prince de Béarn succèderait à Henri III.

Le 20 octobre, Charles IX et sa mère firent

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par

leur entrée dans Aix. Les histoires locales enregistrent les moindres détails qui se rattachent aux voyages des princes, elles tracent scrupuleusement leur itinéraire, mentionnent toutes les harangues, énumèrent tous les arcs de triomphe. Charles IX signala son séjour à Aix, par l'amputation du pin de Genas, afin de détruire, avec cet arbre, le souvenir des crimes qu'il rappelait ; ensuite, il se mit en marche pour accomplir le pieux pélerinage de la Sainte-Baume, où il se rendit Pourrières et Saint-Maximin. Les habitans de Brignolles s'étudièrent à lui donner du plaisir, par la gentillesse des danses de la contrée, à une grande place qui estait devant son logis, où il se trouva une grande quantité de belles filles, toutes habillées de taffetas, les unes de vert, les autres de changeant, les autres de blanc, qui dansaient, à la mode de Provence, des danses que l'on appelle la volte et la martingale. De Brignolles, la cour passant successivement à Cuers, à Soliers et à Hyères, arriva à Toulon le 2 novembre, et le lendemain le marquis d'Elbeuf entra dans le port avec sept galères bien équipées. Charles IX parcourut la rade; ensuite il se rendit à Marseille par Ollioules, la Cadière et Aubagne. Le 6 novembre, la cour parut sur les hauteurs de la plaine Saint-Michel, où tout avait été préparé pour une pompeuse réception. Arrivé sur le seuil de la porte royale, Charles jura le maintien des chapitres de paix et de fran

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