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L'ART CHRÉTIEN DANS LA FLANDRE

d'après un récent ouvrage de M. l'abbé Dehaisnes.

I.

L'ouvrage que nous allons examiner n'est point une œuvre de circonstance, une publication incomplète ou prématurée, c'est un livre, dans toute l'extension que l'on peut donner à ce mot, un livre tel qu'on en rencontre assez peu; car il a été, on le voit, lentement élaboré, mûrement réfléchi, coordonné avec sagesse, écrit avec clarté. Ce livre a 400 pages dans le format grand in-8° d'une composition serrée. Il contient énormément de matières, beaucoup d'idées connues heureusement présentées, un assez grand nombre de faits nouveaux bien observés et classés avec beaucoup de justesse; il traite en réalité d'une seule question, et il la traite bien. De l'Art chrétien dans la Flandre, tel est le titre de ce livre, dont je vais d'abord présenter une esquisse et une vue d'ensemble, pour arriver ensuite à en étudier les principaux détails.

L'auteur a divisé ce grand et beau sujet en neuf parties ou chapitres; il les a fait suivre d'un Appendice sur une œuvre

d'art très-connue dans ce pays, le Retable de Notre-Dame de Douai, antérieurement appartenant au docteur Escallier et primitivement à l'abbaye d'Anchin. Ce chapitre a été publié dans la Revue de l'Art chrétien, alors qu'il était encore inédit'.

D'abord, nous trouvons des considérations fort courtes, mais assez nettes, sur l'art en général et sur la source principale de l'art chrétien. Puis, nous étudions avec l'auteur le caractère particulier des populations celtiques et tudesques, et déjà nous pouvons pressentir quelque chose de l'influence qu'exercera ce caractère sur les monuments des âges futurs, lorsqu'il se combinera avec les autres éléments desquels doivent sortir les divers chefs-d'œuvre que nous aurons à admirer.

Puis, l'école de Byzance nous fait connaître la part trèsconsidérable qu'elle est venue apporter à cette œuvre; les apôtres et voyageurs sortis de la poétique Irlande et de l'Écosse viennent également avec justice réclamer celle qu'eux-mêmes y ont prise; le Christianisme dans la Gaule-Belgique, aux temps mérovingiens et aux siècles antérieurs au XIII*, nous est ainsi présenté sous son jour vrai et sous un aspect saisissant, parce que nous le voyons plein de vie et que nous sommes témoins de son culte et de ses œuvres d'art. Cette première partie, spécialement consacrée à l'étude des peintures murales et des mosaïques dans nos contrées sous Charlemagne, comme avant ce prince et dès l'époque de saint Vaast, offre le plus grand intérêt.

L'auteur examine ensuite une seconde forme de l'art, la miniature ou la peinture des manuscrits. Après avoir dit l'origine réelle de cet art merveilleux, il en raconte l'histoire dans nos contrées, d'abord depuis le VIIe siècle jusqu'au

Tome IV, pages 449 et 539.

XIII, et c'est avec délices que nous l'accompagnons dans ses visites aux monastères de la Flandre: Maseyck, SaintBertin, Saint-Amand, Stavelot, Marchiennes et Anchin; avec lui, nous reconnaissons les caractères qui distinguent, à cette époque, l'œuvre d'art et l'artiste ; avec lui, nous poursuivons notre voyage et nous voyons les caractères différents qui distinguent la miniature et les miniaturistes de l'an 1200 à l'an 1500. Nous voyons les enlumineurs protégés par les évêques et les abbés, par les ducs de Bourgogne, les seigneurs et les bourgeois; nous assistons enfin à la décadence de cet art, qui ne meurt, selon les lois générales des choses d'ici-bas, que pour donner la naissance à un art nouveau.

M. Dehaisnes nous fait passer des monastères dans les églises, pour y étudier la grande peinture.

C'est d'abord l'école de Cologne, un peu en dehors de notre cadre, mais qu'il est nécessaire d'étudier à cause de son influence sur plusieurs des maîtres de l'école flamande; ce sont les peintres des ducs de Bourgogne, puis les confréries de Saint-Luc, à Gand, à Anvers, à Bruges, à Tournay.

Enfin nous arrivons à la grande époque de l'art en Flandre, au siècle des Van Eyck, de Van der Weyden et de Memling. Le tiers de l'ouvrage, trois chapitres entiers sont consacrés à l'étude des œuvres de ces grands artistes du XVe siècle, et nous verrons plus tard que ce n'est pas trop.

Dans le chapitre suivant, M. l'abbé Dehaisnes parle des autres artistes de la Flandre moins connus que ces grands maîtres, mais fort estimables néanmoins et dignes d'une attention spéciale; et il nous apprend, d'une manière à la fois savante et animée de l'amour du pays, quelle fut l'influence de l'école flamande en Europe.

Enfin, un dernier chapitre nous dévoile les tristes causes de la décadence de l'art chrétien en Flandre. Il traite des

derniers successeurs de Hans Memling, nous dit la nouvelle tendance que suit à Anvers Quentin Matsys, juge avec sévérité Jérôme Bosch et les naturalistes, et nous signale une nouvelle cause d'altération dans la pratique de Jean de Maubeuge et des imitateurs de la peinture italienne.

II.

Après des considérations très-élevées sur l'art en général et sa destination primitive et parfaitement comprise des plus anciens auteurs de la Grèce (admiration des œuvres de Dieu et reconnaissance pour les œuvres de Dieu, enseignement et prière), l'auteur raconte en abrégé, trop en abrégé, l'histoire de la décadence de l'art chez les anciens, et il dit la nécessité d'un art nouveau en Celui qui a renouvelé et rétabli toutes choses, en l'Homme-Dieu, c'est dire l'origine même de l'art apppelé pour cette raison chrétien..

L'Évangile lutta toujours contre les idées païennes et les coutumes barbares, sans jamais parvenir à les détruire complètement; de même, dit l'auteur, l'art chrétien ne devait vaincre qu'au moyen de longs efforts les traditions humaines des Grecs et des Romains et les tendances au naturalisme que le climat, le sol, les origines et les mœurs, inspiraient aux peuplades germaines établies dans l'Europe. Il montre, d'une manière très-nette et très-claire, cette tendance au naturalisme particulièrement développée chez le peuple dont il veut étudier l'art « Sous le sombre ciel, dans les plaines boisées du Nord de la Gaule, s'établit et se forma un peuple nouveau, remarquable par son esprit d'individualisme, son amour pour la liberté, son énergie, son imagination, et par un penchant marqué au naturalisme dans son culte et dans

ses goûts, qualités et défauts qui reparaîtront plus tard dans l'art flamand. » Il était difficile d'être plus énergique et plus vrai.

Passant rapidement sur les restes de la civilisation romaine dans nos contrées, mais non sans constater la grande influence de cette civilisation sur la forme de nos arts à ces époques reculées, M. Dehaisnes parle des édifices élevés à Gessoriacum et à Térouanne, des fabriques d'étoffes d'Arras, du gynécée de Tournai, du cirque, du temple, des aqueducs, des statues, bijoux et mosaïques polychrômes découverts à Bavai; mais c'est surtout à l'art sorti des Catacombes d'abord, puis des basiliques romaines, modifiées par l'élément byzantin, qu'il attribue, avec raison, la prédominance pendant plusieurs siècles, dans nos pays du Nord.

C'est surtout de l'Orient que nous vinrent beaucoup d'usages et de connaissances qui influèrent considérablement sur le développement de l'art en Flandre. « Comme Clovis, qui avait reçu de l'empereur Anastase la chlamyde du Patrice, Pépin entra en rapports avec Constantinople. Charlemagne en reçut de nombreux objets d'art; des plaques d'ivoire sculptées et de riches reliquaires furent envoyés à Charlesle-Chauve. De la Marche de Trévise, où la fureur des iconoclastes avait forcé tant d'artistes Grecs à se réfugier, le comte Évrard, en 864, légua au monastère flamand de Cysoing un grand nombre de manuscrits, dont plusieurs étaient évidemment d'origine byzantine. Au Xe siècle et au XIa, divers empereurs de la maison de Saxe eurent des peintres en titre, qu'il avaient demandés à l'Italie ou à Byzance; à la même époque ou peu de temps après, des artistes inconnus élevèrent, sur les bords du Rhin, des églises romanes, où l'influence orientale se fait souvent remarquer; et bientôt, les Croisades ouvrirent l'Orient aux chevaliers chrétiens, et

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