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Ceux qui connoissent les difficultés de la versification française, sentiront combien il a fallu d'art pour désigner avec élégance toutes ces fleurs et tous ces fruits, sans nuire à la verve passionnée qui respire dans cette Eglogue. On doit remarquer même qu'en général c'est dans les passages les plus difficiles que le traducteur a le plus de succès. La huitième Eglogue en seroit la preuve, d'un bout à l'autre, si nous avions assez d'espace pour la citer. Tous les détails du sacrifice magique, offert par l'enchanteresse, ont fait singuliè rement briller le talent du traducteur :

Limus uti durescit et hæc ut cera liquescit
Uno eodemque igni, sic nostro Daphnis amore.

Sous le vent des soufflets le même feu docile
Fait bouillonner la cire et fait durcir l'argile;
Ainsi, grace à l'Amour, que ton cœur sous ma loi,
Pour toute autre endurci, s'attendrisse pour moi.

Rien n'est plus éloigné de nos mœurs que de pareilles images; et cependant l'auteur français les exprime avec autant de goût que de fidélité.

Cette traduction des Eglogues est précédée d'une vie de Virgile, en forme de préface, où sont rassemblées avec soin toutes les traditions qui peuvent intéresser ce grand poète. Cette vie est un morceau de littérature très-curieux et trèsimportant, qui prouve que le traducteur écrit aussi bien en prose qu'en vers. Les notes, faites par une autre main, sont dignes de la préface et de la traduction. Ainsi, tout recommande cet ouvrage, jusqu'à l'édition qui est belle et soignée, et qui sort des presses de MM. Giguet et Michaud..

Cette traduction est de M. de Langeac, qui, dans le temps. de ses prospérités, employoit sa fortune à l'encouragement des lettres, et ses loisirs à les cultiver. Plusieurs gens de lettres, devenus célèbres, se souviennent sans doute, avec reconnoissance, qu'il fut autrefois leur ami; et les bons écrivains de cette époque n'ont pas vu, sans un vif intérêt, se placer avec honneur dans leurs rangs un ancien compagnon de leurs études, qui, éloigné d'eux par la tempête, a du moins sauvé de son naufrage et sa considération et son talent.

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Les Anténors modernes, ou Voyage de Christine et de Casimir en France, pendant le règne de Louis XIV; esquisse des mœurs générales et particulières du dix-septième siècle, d'après les Mémoires secrets des deux ex-souverains; continués par Huct, évêque d'Avranches. Avec des gravures dessinées par Lafitte; et cette épigraphe : Le siècle fut plus grand que son héros,

"Voici les Apennins, et voilà le Caucase;
» La moindre taupinée étoit mont à ses yeux. »

L'AUTEUR de cet ouvrage n'a pas voulu, dit-il, placer son nom à la tête d'une compilation le lecteur se demande d'abord si c'est par orgueil ou par modestie; mais à peine en a-t-il lu quelques lignes, qu'il pense que ce pourroit bien être par un reste de honte, tant le mensonge et l'effronterie s'y montrent à découvert. Il seroit peut-être facile à l'auteur des Courtisanes de la Grèce, et de plusieurs autres rapsodies du même genre, de nous donner le mot de l'énigme; mais il est probable qu'il le refuseroit, parce que cet auteur (j'entends l'auteur des Anténors modernes) occupe, dit-on, une place dans l'instruction publique, et qu'il ne seroit pas décent qu'un homme qui est chargé de veiller sur les mœurs de la jeunesse, fût connu pour mettre au jour des livres qui peuvent la corrompre.

Tout le monde sait quelle triste figure la reine Christine fit à la cour de Louis XIV, lorsqu'après son abdication de la couronne de Suède, elle passa en France pour se rendre à Rome, où elle alla vivre et mourir dans l'obscurité. On connoît également la retraite que fit à l'abbaye Saint-Germaindes-Prés le roi Casimir, après qu'il eut quitté le trône de Pologne. Tels sont les événemens qui ont fait choisir ces deux personnages pour en faire de nouveaux Anténors. L'auteur les met en relation avec tous les grands hommes du siècle, et il puise indifféremment dans sa tête, ou dans les Mémoires les plus obscurs et les plus méprisés de ce temps, le sujet de leurs

entretiens. Voici comment il débute :

« Est-il vrai, dit Christine, en l'interrompant, que vous » avez failli d'être pendu, M. Gourville? » — « Le coquin a

» mérité vingt fois de l'être, s'écria le prince de Condé, avec » cette impetuosité qui, sur le champ de bataille, étoit da génie, et, dans la société, de l'impertinence, etc., etc. a Sur quoi nous remarquerons que la scène se passe aut lignes d'Arras, où Christine n'a jamais été, où Gourville dit lui-même qu'il n'a pu joindre le prince de Condé, où ce prince avoit bien autre chose à penser qu'à faire le plaisant avec Gourville. Voilà pour la vérité historique. Quant aux convenances sociales, elles sont aussi bien observées dans cet extrait de leur conversation, que le langage des interlocuteurs est digne de leur réputation et de leur rang. Qu'on suppose à la place de la fille de Gustave, du grand Condé et du chevalier français, trois galériens s'entretenant de leurs aventures, ils ne s'exprimeroient pas autrement. Le style et les réflexions de l'auteur ne démentent point la folie de son imagination. Christine interrompt Gourville, qui n'a rien dit, et Condé montre son génie, pour dire à un fidèle serviteur qu'il est un coquin: c'est en être bien prodigue; mais ce génie n'est que de l'impertinence quand il est dans la société. Gourville (qui n'a jamais entretenu Christine) lui raconte en 1654 une aventure arrivée en 1665; sur quoi l'auteur fait cette réflexion philosophique : « Gourville manqua deux fois d'être pendu, » et finit par être ministre plénipotentiaire. » D'où nous devons conclure que les affaires les plus graves se traitoient avec la plus coupable légèreté. Il est vrai que l'auteur ajoute que ce même Gourville ne fut pendu en effigie que dix ans après qu'il eut été chargé d'une mission diplomatique; mais cette circonstance, toute différente de la première, ne change rien à la base de son raisonnement; il faut toujours penser qu'on choisissoit alors les ministres parmi les gens qui avoient été pendus en effigie.

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Nous ne dirons pas que les trois volumes qui composent cette pitoyable compilation ne présentent que des faits de cette nature ce seroit trop peu dire. L'auteur a fort bien observé la règle de gradation, non pas pour l'intérêt, mais pour la sottise et pour l'obscénité : nous nous garderons bien de le suivre dans la fange où il paroît s'être réfugié comme pour échapper à la critique. Toutes les anecdotes inventées par les oisifs, dans le temps des guerres civiles, sont recueillies avec soin lorsqu'elles peuvent flétrir la mémoire d'un personnage important; un couplet équivoque devient une preuve sans réplique. Il ne faut pas croire qu'il ramasse toutes ces ordures pour les dévouer au feu, ni même pour en condamner l'usage; sa vue s'élève bien au-delà. Reconnoissez ici la véritable philosophie, qui admet tous les moyens

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essaires à sa fin. Ne voyez-vous pas qu'il s'agit d'aser ce siècle qu'on s'obstine encore à appeler le siècle de is XIV, et que, pour opérer ce beau chef-d'œuvre, il a ni mensonges, ni absurdités qui doivent coûter? Un mot nous fera connoître les sources où l'auteur a puisé autorités, et le degré de confiance qu'on peut lui accor. Il annonce dans son titre, qu'il écrit d'après les Mémoires rets de Christine et de Casimir, continués par Huet, évêque vranches. Qui ne croiroit, sur cette annonce, que Chris e, Casimir et Huet ont écrit des Mémoires, et que l'au→ r les a sous les yeux ? Il est vrai qu'un Allemand a com. é sur Christine quatre gros volumes de Mémoires qui sont - secrets, puisqu'on ne les a jamais lus; mais Christine -même n'a fait aucun Mémoire sur les événemens de sa . On peut en dire autant de Casimir, et de Huet qui n'a qu'une relation de son voyage en Suède, laquelle ne peat ir aucun rapport avec les événemens dont Christine a été join en France, puisque ce voyage est antérieur à l'abdiion de cette reine. L'auteur suppose qu'un valet de chambre prélat avoit copié, on ne sait quel journal, que l'évêque oit fait jeter au feu avant sa mort. Apparemment que ce mestique avoit les papiers de son maître à sa disposition, qu'il prévoyoit qu'il voudroit les brûler : cette seule objec suffiroit pour faire sentir le ridicule de cette fable; mais qui prouve qu'en effet l'histoire de ce Journal ou de ces Emoires, n'est qu'un conte philosophique, c'est que Poisnet, qui étoit le valet de chambre de l'évêque, étoit connu r ne savoir ni lire ni écrire. Il est bien facile de dire aujourui que cet homme trompoit son maître, en se faisant passer ar un parfait ignorant, et qu'il n'étoit pas ce qu'il voupareitre. Si le public consentoit à recevoir pour vraies inventions aussi grossières, il n'y auroit pas d'absurdités on ne proposât bientôt à sa crédulité. Que peuvent donc eces prétendus Mémoires de Christine et de Casimir, conés par l'évêque d'Avranches? Quels en sont les auteurs? sont les manuscrits? Comment en a-t-on constaté l'aunticité? Quelle foi devons-nous leur accorder ? Celui qui parle le premier, est l'auteur d'un ouvrage détestable par principes, et ennuyeux par le style. Un écrivain qui n'ose se nommer, un copiste de misérables écrits relégués dans archives du mensonge et de l'oubli, un compilateur qui nit des personnages qui ne se sont jamais vus, qui transe les événemens, qui met au présent ce qui est au futur, au futur ce qui est arrivé depuis long-temps; un historien passe sous silence les traits qui peuvent honorer le siècle,

dont il prétend peindre les mœurs, et qui recueille avec lignité tout ce qui pourroit ternir la réputation des part liers, si l'humanité n'avoit pas toujours ses foiblesses, et étoit permis de juger les hommes sur les imperfections att chées à leur nature: voilà, certes, de beaux titres pour obten la confiance d'un lecteur éclairé! la fraude, les réticenc les changemens, la folle crédulité et la calomnie !

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«Voltaire, dit-il, n'a tracé d'un pinceau adulateur » la moindre partie de cet âge : il rapporte tout à Louis XI » Il est trop aisé de prouver qu'une partie de la gloire de » siècle fut indépendante de celle du monarque. » Et po établir cette preuve, il ne faut, à cet auteur, pas moins trois volumes; et il croit, ou il affecte de croire qu'en acco dant à chaque personnage marquant de ces temps mémorable la portion de gloire particulière qui leur est due, il diming celle du souverain qui commandoit à cette foule de guerrie de magistrats et de savans illustres. C'est disputer au diama le vif éclat dont il brille, et nier, que sans la lumière qui l'e vironne, tout son feu resteroit enseveli dans les ténèbres prince puissant et magnanime n'est-il donc pas cette lumie devant laquelle tous les arts et tous les talens restent dan l'ombre, ou brillent à l'envi, selon qu'il en détourne regards, ou qu'il les féconde par son amour? La gloire sujets ne rejaillit-elle pas sur le monarque, comme les écla du diamant vers le soleil? Peut-on confondre des choses différentes, la lumière de l'un et l'éclat de l'autre ? Qui ja mais a pu penser que Louis XIV étoit l'auteur de l'Art Po tique, d'Athalie et du Misanthrope ? S'est-on jamais avisé d'a attribuer le mérite particulier et direct à son esprit ? No Mais on peut toujours dire, et on dira toujours, que sans lui l'esprit de Boileau, de Racine et de Molière, n'auroit produit tant de chefs-d'œuvre. Cette sorte de gloire suffit pas à l'auteur des Anténors : il faudroit pour le sat faire, que Louis XIV eût bâti de ses propres maius la Colon nade du Louvre, qu'il eût composé toutes les Oraisons Bossuet, qu'il eût peint tous les tableaux de Lebrun, qu'il écrit tout ce qui s'est écrit de parfait sous son règne; qu eût tout imaginé, tout inventé, tout fait, tout poli; en mot, que tous ses sujets se fussent tenus les bras croisés, qu'il eût combattu tout seul contre toutes les forces de l'E rope conjurée contre lui. Qui croiroit que ce pauvre raisonne attaque la gloire de ce prince, parce que tandis qu'il grandissa et que sa raison commençoit à se former, celle des Pascal, Corneille et de tous ses illustres contemporains, se développ et préparoit d'avance l'éclat de son règne, comme si la rais

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