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armée, ses places fortes, sa capitale et ses provinces tombées au pouvoir de V. M., et maintenant elle implore la paix. Dans les coalitions précédentes, chaque ennemi de la France, dès qu'il étoit vaincu, demandoit aussi et obtenoit la paix. On espéroit que des paix particulières et successives conduiroient à une paix générale, honorable et sûre. Trois fois cette espérance a été déçue; trois fois l'expérience a prouvé qu'en suivant le même système de modération et de générosité, la France seroit constamment trompée. Chaque coalition détruite a enfantée une nouvelle coalition, et la France a été menacée, d'une guerre éternelle.

L'Empire français est parvenu à un degré de puissance et de grandeur que V. M. n'ambitionnoit pas. Attaquée de toutes parts avec une fureur sans exemple, et placée dans l'alternative de périr ou de vaincre, la France n'a combattu que pour son salut; et, victorieuse, elle ne s'est servie de la victoire que pour faire éclater s modération. Elle n'a point détruit ceux qui la vouloient détruire; elle avoit fait d'immenses conquêtes, elle n'en a gardé qu'un petit nombre; elle en auroit encore moins gardé, si les aveugles passions qui rugissoient autour d'elle ne l'eussent pas mise dans la nécessité de s'agrandir pour se préserver. Aujourd'hui qu'elle est attaquée pour la quatrième fois avec le même esprit de haine et dans les mêmes vues de destruction, V. M. n'a d'autre but que de recouvrer ce qui est indispensable à la prospérité de son peuple. Mais c'est un but qu'elle ne sauroit atteindre qu'en profitant de toute la grandeur de ses avantages, et en réservant ses conquêtes comme objets de compensation dans les arrangemens de la paix générale.

unies

Deux puissances ennemies du repos de l'Europe se sont pour y perpétuer la discorde et la guerre. Les objets de leur ambition sont différens, mais une même haine les anime contre la France, parce qu'elles savent que la France ne peut cesser de s'opposer à l'accomplissement de leurs pernicieux, desseins. Occupées sans cesse à lui chercher, à lui susciter des ennemis, elles emploient à cet effet tous les genres d'artifices et d'intrigues, les menaces, les caresses, la corruption, la calomnie; et quand elles aspirent à tout envahir, à tout opprimer, à tout asservir, c'est la France qu'elles accusent d'y prétendre.

L'Angleterre tend à naviguer exclusivement sur les mers. Elle s'arroge le monopole de tous les commerces et de toutes les industries; et toutes les fois que l'irrésistible force des événemens a obligé la France d'intervenir dans les affaires des petits Etats ses voisins, et d'y intervenir pour leur repos,

l'Angleterre a donné le signal des accusations et des plaintes: la première, elle a sonné l'alarme; et parce que quelques villes ou quelques pays soumis depuis des siècles à l'influence de la France, y étoient encore soumis, elle a présenté la France comme menaçant l'indépendance des grands Etats. Etoit-ce sur de petits Etats qui furent soumis depuis des siècle à son influence, et comme entraînés dans sa sphère d'activité? N'étoit-ce pas, au contraire, sur des Etats considérés dans tous les temps comme principaux en Europe, que l'Angleterre exerça ses violences, lorsque les puissances du Nord, qui s'étoient unies pour défendre les principes éternels de la neutralité, furent forcées de souscrire à ses prétentions monstrueuses, et de sacrifier, avec leurs propres intérêts, les plus chers intérêts de la France? Alors l'indépendance des nations ne fut pas seulement menacée; elle fut attaquée, violée, et, autant qu'il dépendoit de l'Angleterre, anéantie. De quoi servit-il que l'Angleterre eût été obligée de reconnoître, par la convention de Pétersbourg, un petit nombre de principes que, ni ses séductions, ni ses menaces n'avoient pu faire abandonner? Immédiatement après elle les foula ouvertement aux pieds, ou les éluda, en abusant, de la manière la plus tyrannique à la fois et la plus insensée, du droit de blocus. Ce droit ne peut, d'après la raison et d'après les traités, s'appliquer qu'aux places investies et en danger d'être prises: elle prétendit l'étendre aux havres, à l'embouchure des rivières, à des côtes entières, et enfin à tout un Empire. Certes, la France ne fut jamais investie et en danger d'être prise par l'Angleterre, et la France toute entière a été déclarée en état de blocus. En agissant de la sorte, l'Angleterre n'annonce-t-elle pas hautement qu'elle ne reconnoît aucune loi, que les traités ne sont rien pour elle, qu'elle n'admet d'autre droit que celui de la force, et qu'elle répute légitime tout ce qu'elle peut impunément faire?

Le gouvernement de Russie, quand il devroit être occupé uniquement du soin de vivifier ses immenses Etats, et d'expir par les bienfaits d'une sage législation et d'une administration paternelle, le crime qui fit en un jour descendre du rang des nations indépendantes une nation ancienne, nombreuse, illustre et digne d'un meilleur sort, convoite et menace d'engloutir encore le vaste et superbe Empire des Ottomans.

Les mêmes manœuvres qu'il employa contre la Pologne, il les emploie aujourd'hui contre la Turquie. Il souffle dans ses provinces l'esprit de sédition et de révolte. Il excite, il arme, il soutient les Serviens contre la Porte. Il renouvelle sur la Morée, les tentatives qu'il avait faites, mais sans fruit, en 1778. La Valachie et la Moldavie étoient gouvernées par

deux chefs infidèles et traîtres; la Porte les avoit déclarés tels par un firman, et les avoit déposés. La Russie, non-contenie de leur asyle, a fait marcher des troupes sur le Dniester, et, menaçant la Porte de lui déclarer la guerre, elle a exigé leur rétablissement. La porte a eu la douleur de se voir contrainte de remettre en place ses ennemis déclarés, et de déposer les hommes de son choix. Ainsi son indépendance a été violée par un attentat qui blesse à-la-fois la dignité de tous les trônes. Du moment qu'elle n'a plus le choix de ses gouverneurs, elle n'est plus souveraine, elle est vassale, ou plutôt la Valachie et la Moldavie ne lui appartiennent plus que de nom; et ces deux grandes et riches provinces, gouvernées par des hommes vendus à la Russie, sont devenues pour celle-ei une véritable conquête.

Avec de tels ennemis, dont la modération de V. M. n'a = pu désarmer la haine, et qui nonobstant ses victoires, marchent toujours à leur but, n'écoutant que leur passion, libre de suivre et ne respectant aucun droit. V. M. n'est pas les mouvemens de sa générosité. Le penchant même qui la porte à désirer la paix, lui fait une loi de ne se dessaisir d'aucune de ses conquêtes, que l'indépendance entière et absolue de l'Empire ottoman, indépendance qui est le premier intérêt de la France, ne soit reconnue et garantie; que les colonies espagnoles, hollandaises et françaises, dont la diversion opérée par les quatre coalitions a seule entraîné la perte, ne soient restituées, et qu'un Code général ne soit adopté, conforme à la dignité de toutes les couronnes, et capable d'assurer les droits de toutes les nations sur les mers.

La justice et la nécessité de cette détermination seront universellement senties; elle sera un bienfait pour les alliés de V. M., et pour toutes les villes commerçantes de son Empire, qui n'ont été dépouillées qu'à la faveur de ces mêmes guerriers dont les événemens ont mis au pouvoir de V. M. tant de vastes Etats. Dans tout autre système, les intérêts de ces alliés et de tant de cités populeuses seroient abandonnés, le fruit des plus étonnantes victoires seroit perdu, et la France, au milieu de triomphes inouis, après tant d'exploits qui l'ont aggrandie et comblée de gloire, n'auroit aucune perspective de repos; elle n'entreverroit pas l'époque où elle pourroit déposer les armes, se consacrer aux paisibles occupations de l'industrie et du commerce auxquelles la nature l'appelle, et faire sur un autre théâtre des conquêtes moins éclatantes, mais plus douces, qu'elle n'auroit point achetées par l'effusion d'un sang qui lui est si cher, et qui égalant son bonhenr à sa gloire, ne coûteroient à l'humanité aucunes larmes.

Berlin, le 15 novembre 1806.

Rapport du ministre des relations extérieures à Sa Majesté l'EMPEREUR et Roi.

SIRE,

la

Trois siècles de civilisation ont donné à l'Europe un droit des gens que, selon l'expression d'un écrivain illustre nature huinaine ne sauroit assez reconnoître.

Ce droit est fondé sur le principe, que les nations doivent se faire dans la paix le plus de bien, et dans la guerre, le moins de mal qu'il est possible.

:

D'après la maxime que la guerre n'est point une relation d'homme à homme, mais une relation d'Etat à Etat, dans laquelle les particuliers ne sont ennemis qu'accidentellement, non point comme hommes, non pas même comme membres on sujet de l'Etat, mais uniquement comme ses défenseurs, le droit des gens ne permet pas que le droit de guerre, et le droit de conquête qui en dérive, s'étendent aux citoyens paisibles et sans armes, aux habitations et aux propriétés privées, aux marchandises du commerce, aux magasins qui les renferment, aux charriots qui les transportent, aux bâtimens non armés qui les voiturent sur les rivières ou sur les mers, en un mot à la personne et aux biens des particuliers.

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Ce droit, né de la civilisation, enafavorisé les progrés. C'est à lui que l'Europe a été redevable du maintien et de l'accroissement de sa prospérité, au milieu même des guerres fréquentes qui l'ont divisée.

L'Angleterre seule a conservé ou repris les usages des temps. barbares. C'est par son refus de renoncer à la course maritime que cette pratique injuste et cruelle a été maintenue malgré la France qui, en temps de paix, mue uniquement par des idées de justice et d'humanité, avoit proposé de l'abolir. La France a tout fait pour adoucir du moins un mal qu'elle n'avoit pu empêcher. L'Angleterre au contraire a tout fait pour l'aggraver.

Non contente d'attaquer les navires de commerce et de traiter comme prisonniers de guerre, les équipages de ces navires désarmés, elle a réputé ennemi quiconque appartenoit à l'Etat ennemi, et elle a fait aussi prisonniers de guerre les facteurs du commerce et les négocians qui voyageoient pour les affaires de leur négoce.

Mais il ne pouvoit suffire à ses vues d'envahir ainsi des proprietés privées, de dépouiller et d'opprimer des particuliers innocens et paisibles. Restée long-temps en arrière des nations du continent qui l'ont précédée dans la route de la la civilisation, et en ayant reçu d'elles tous les bienfaits, elle

a conçu le projet insensé de les posséder seule, et de les leur ôter. Elle voudroit qu'il n'y eût sur la terre d'autre industrie que la sienne, et d'autre commerce que celui qu'elle feroit elle-même. Elle a senti que, pour réussir, il ne lui suffiroit pas de troubler, qu'elle devoit encore s'efforcer d'interrompre totalement les communications entre les peuples. C'est dans cette vue que, sous le nom de droit de blocus, elle a inventé et mis en pratique la théorie la plus monstrueuse.

D'après la raison et l'usage de tous les peuples policés, le droit de blocus n'est applicable qu'aux places fortes.

L'Angleterre a prétendu l'étendre aux places de commerce non fortifiées, aux havres, à l'embouchure des rivières.

Une place n'est bloquée que quand elle est tellement investie, qu'on ne puisse tenter d'en approcher sans s'exposer à un danger imminent.

L'Angleterre a déclaré bloqués les lieux devant lesquels elle n'avoit pas un seul bâtiment de guerre.

Elle a fait plus, elle a osé déclarer en état de blocus des lieux que toutes ses forces réunies étoient incapables de bloquer, des côtes immenses et tout un vaste empire.

Tirant ensuite d'un droit chimérique et d'un fait supposé la conséquence qu'elle pouvoit justement faire sa proie, et la faisant en effet, de tout ce qui alloit aux lieux mis en interdit par une simple déclaration de l'amirauté britannique, et de tout ce qui en provenoit, elle a effrayé les navigateurs neutres, et les a éloignés des ports que leur intérêt les invitoit et que la loi des nations les autorisoit à fréquenter.

C'est ainsi qu'elle a fait tourner à son profit et au détriment de l'Europe, mais sur-tout de la France, l'audace avec laquelle elle se joue de tous les droits et insulte à la raison

même.

Contre une puissance qui méconnoît à ce point toutes les idées de justice et tous les sentimens humains, que peut-on faire, sinon de les oublier un instant soi-même, pour la contraindre à ne les plus violer? Le droit de la défense naturelle permet d'opposer à son ennemi les armes dont il se sert, et de faire, si je puis ainsi parler, réagir contre lui ses propres fureurs et sa folie. De plus, quand les principes de la civilisation sont attaqués par des entreprises sans exemple, et que l'Europe entière est menacée, la préserver et la venger n'est pas seulement un droit, c'est encore un devoir pour la puissance qui en a les moyens.

Puisque l'Angleterre a osé déclarer la France entière en état de blocus, que la France déclare à son tour que les IslesBritanniques sont bloquées,

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