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Le 7, S. M. l'EMPEREUR reçut un courrier de Mayence, dépêché par le prince de Bénévent, qui étoit porteur de deux dépêches importantes : l'une étoit une lettre du roi de Prusse, d'une vingtaine de pages, qui n'étoit réellement qu'un mauvais pamflet contre la France, dans le genre de ceux que le cabinet anglais fait faire par ses écrivains à 500 liv. st. par an. L'EMPEREUR n'en acheva point la lecture, et dit aux personnes qui l'entouroient : « Je plains mon frère le roi de Prusse; il » n'entend pas le français, il n'a pas sûrement lu cette rap» sodie. » A cette lettre étoit jointe la célèbre note de M. Knobelsdorff. « Maréchal, dit l'EMPEREUR au maréchal Berthier, » on nous donne un rendez-vous d'honneur pour le 8; jamais >> un Français n'y a manqué; mais comme on dit qu'il y a » une belle reine qui veut être témoin des combats, soyons » courtois, et marchons, sans nous coucher, pour la Saxe. »> L'EMPEREUR avoit raison de parler ainsi; car la reine de Prusse est à l'armée, habillée en amazone, portant l'uniforme de son régiment de dragons, écrivant vingt lettres par jour pour exciter de toute part l'incendie. Il semble voir Armide dans son égarement, mettant le feu à son propre palais. Après elle le prince Louis de Prusse, jeune prince plein de bravoure et de courage, excité par le parti, croit trouver une grande renommée dans les vicissitudes de la guerre. A l'exemple de ces deux grands personnages, toute la cour crie à la guerre; mais quand la guerre se sera présentée avec toutes ses horreurs, tout le monde s'excusera d'avoir été coupable, et d'avoir attiré la foudre sur les provinces paisibles du Nord. Alors, par une suite naturelle des inconséquences des gens de cour, on verra les auteurs de la guerre, non-seulement la trouver insensée, s'excuser de l'avoir provoquée, et dire qu'ils la vouloient, mais dans un autre temps; mais même en faire retomber le blâme sur le roi, honnête homme, qu'ils ont rendu la dupe de leurs intrigues et de leurs artifices.

Voici la disposition de l'armée française:

L'armée doit se mettre en marche par trois débouchés. La droite, composée des corps des maréchaux Soult et Ney, et d'une division des Bavarois, part d'Amberg et de Nuremberg, se réunit à Bayreuth, et doit se porter sur Hoff, où elle arrivera le 9. Le centre, composé de la réserve du grand-duc de Berg, du corps du maréchal prince de Ponte-Corvo et du maréchal Davoust, de la garde impériale, débouche par Bamberg sur Cronach, arrivera le 8 à Saalbourg, et de là se portera par Saalbourg et Schleitz sur Gera. La gauche, composée des corps des maréchaux Lannes et Augereau, doit se porter de Schwenfurth sur Cobourg, Craffental et Saalfeld,

II BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Auma, le 12 octobre 1806.

L'EMPEREUR est parti de Bamberg le 8 octobre, à trois heures du matin, et est arrivé à neuf heures à Cronach. S. M. a traversé la forêt de la Franconie à la pointe du jour du 9, pour se rendre à Ebersdorf, et de là elle s'est portée sur Schleitz, où elle a assisté au premier combat de la campagne. Elle est revenue coucher à Ebersdorff, en est repartie le 10 pour Schleitz, et est arrivée le 11 à Auma, où elle a couché, après avoir passé la journée à Gera. Le quartier-général part dans l'instant même pour Gera. Tous les ordres de l'EMPEREUR ont été parfaitement exécutés.

Le maréchal Soult se portoit le 7 à Bayreuth, se présentoit le 9 à Hoff, a enlevé tous les magasins de l'ennemi, lui a fait plusieurs prisonniers, et s'est porté sur Plauen le 10. Le maréchal Ney a suivi son mouvement à une demi-journée de distance. Le 8, le grand-duc de Berg a débouché avec la cavalerie légère, de Cronach, et s'est porté devant Saalbourg, ayant avec lui le 25° régiment d'infanterie légère. Un régiment prussien voulut défendre le passage de la Saale; après une canonnade d'une demi-heure, menacé d'être tourné, il a abandonné sa position et la Saale. Le 9, le grand-duc de Berg se porta sur Schleitz; un général prussien y étoit avec 10,000 hommes. L'EMPEREUR y arriva à midi, et chargea le maréchal prince de Ponte-Corvo d'attaquer et d'enlever le village, voulant l'avoir avant la fin du jour. Le maréchal fit ses dispositions, se mit à la tête de ses colonnes; le village fut enlevé et l'ennemi poursuivi. Sans la nuit, la plus grande partie de cette division eût été prise. Le général Watier, avec le 4° régiment de hussards, et le 5° régiment de chasseurs, fit une belle charge de cavalerie contre trois régimens prussiens : quatre compagnies du 27° d'infanterie légère se trouvant en plaine, furent chargées par les hussards prussiens; mais ceux-ci virent comme l'infanterie française reçoit la cavalerie prussienne. Deux cents cavaliers prussiens restèrent sur le champ de bataille. Le général Maisons commandoit l'infanterie légère. Un colonel ennemi fut tué, deux pièces de canon prises, 300 hommes furent faits prisonniers, et 400 tués. Notre perte a été de peu d'hommes; l'infanterie prussienne a jeté ses armes, et a fui épouvantée devant les baïonnettes françaises. Le grand-duc de Berg étoit au milieu des charges, le sabre à la main.

Le 10, le prince de Ponte-Corvo a porté son quartier

général à Auma; le 11, le grand - duc de Berg est arrivé à Gera. Le général de brigade Lasalle, de la cavalerie de réserve, a culbuté l'escorte des bagages ennemis : 500 caissons et voitures de bagages ont été pris par les hussards français. Notre cavalerie légère est couverte d'or. Les équipages de pont et plusieurs objets importans font partie du convoi.

La gauche a eu des succès égaux. Le maréchal Lannes est entré à Cobourg le 8, et se portoit le 9 sur Graffenthal. Il a attaqué le 10, à Saalfeldt, l'avant-garde du prince Hohenlohe, qui étoit commandée par le prince Louis de Prusse, un des champions de la guerre. La canonnade n'a duré que deux heures; la moitié de la division du général Suchet a seule donné. La cavalerie prussienne a été culbutée par les 9' et 10 régimens d'hussards. L'infanterie prassienne n'a pu conserver aucun ordre de retraite; partie a été culbutée dans un marais, partie dispersée dans les bois. On a fait 1000 prisonniers, 600 hommes sont restés sur le champ de bataille; 30 pièces de canon sont tombées au pouvoir de l'armée.

Voyant ainsi la déroute de ses gens, le prince Louis de Prusse, en brave et loyal soldat, se prit corps à corps avec un maréchal-des-logis du 10 régiment de hussards. Rendezvous, colonel, lui dit le hussard, ou vous êtes mort. Le prince lui répondit par un coup de sabre; le maréchal-deslogis riposta par un coup de pointe, et le prince tomba mort. Si les derniers instans de sa vie ont été ceux d'un mauvais citoyen, sa mort est glorieuse et digne de regrets. Il est mort comme doit desirer de mourir tout bon soldat. Deux de ses aides-de-camp ont été tués à ses côtés. On a trouvé sur lui des lettres de Berlin qui font voir que le projet de l'ennemi étoit d'attaquer incontinent, et que le parti de la guerre, à la tête duquel étoient le jeune prince et la reine, craignoit toujours que les intentions pacifiques du roi, et l'amour qu'il porte à ses sujets ne lui fissent adopter des tempéramens et ne déjouassent leurs cruelles espérances. On peut dire que les premiers coups de la guerre ont tué un de ses auteurs.

Dresde ni Berlin ne sont couverts par aucun corps d'armée, Tournée par sa gauche, prise en flagrant délit au moment où elle se livroit aux combinaisons les plus hasardées, l'armée prussienne se trouve, dès le début, dans une position assez critique. Elle occupe Eisenach, Gotha, Erfurt, Weimar, Le 12, l'armée française occupe Saalfeld et Gera, et marche sur Naumbourg et Jena. Des coureurs de l'armée française inondent la plaine de Leipsick.

Toutes les lettres interceptées peignent le conseil du roi déchiré par des opinions différentes, toujours délibérant, et

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jamais d'accord. L'incertitude, l'alarme et l'épouvante paroissent déjà succéder à l'arrogance, à l'inconsidération et à la folie.

Hier 11, en passant à Gera, devant le 27" régiment d'infanterie légère, l'EMPEREUR a chargé le colonel de témoigner sa satisfaction à ce régiment sur sa bonne conduite.

Dans tous ces combats, nous n'avons à regretter aucun officier de marque: le plus élevé en grade est le capitaine Campobasso, du 27 régiment d'infanterie légère, brave e loyal officier. Nous n'avons pas eu 40 tués et 60 blessés.

III BULLETIN DE LA GRANDE - ARMÉE.

Geraw, le 13 octobre 1806.

Le combat de Schleitz qui a ouvert la campagne, et qui a été très-funeste à l'armée prussienne, celui de Saalfeld qui l'a suivi le lendemain, ont porté la consternation chez l'ennemi, Toutes les lettres interceptées disent que la consternation est à Erfurt, où se trouvent encore le roi, la reine, le duc de Brunswick, etc.; qu'on discute sur le parti à prendre, sans pouvoir s'accorder. Mais pendant qu'on délibère, l'armée française marche. A cet esprit d'effervescence, à cette excessive jactance, commencent à succéder des observations critiques sur l'inutilité de cette guerre, sur l'injustice de s'en prendre à la France, sur l'impossibilité d'être secouru, sur la mauvaise volonté des soldats, sur ce qu'on n'a pas fait ceci; et mille et une autres observations qui sont toujours dans la bouche de la multitude, lorsque les princes sont assez foibles pour la consulter sur les grands intérêts politiques au-dessus de sa portée.

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Cependant, le 12 au soir, les coureurs de l'armée française étoient aux portes de Leipsick; le quartier-général du grandduc de Berg entre Zeyst et Leipsick; celui du prince de Ponte-Corvo, à Zeyst; le quartier-impérial à Geraw la garde impériale et le corps d'armée du maréchal Soult à Geraw; le corps d'armée du maréchal Ney à Neustadt; en premiere line, le corps d'armée du maréchal Davoust à Naumbourg; celui du maréchal Lannes à Jena; celui du maréchal Augereau à Kala. Le prince Jérôme, auquel l'EmPEREUR a confié le commandement des alliés et d'un corps de troupes bavaroises, est arrivé à Schleitz, après avoir fait bloquer le fort de Culenbach par un régiment.

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L'ennemi, coupé de Dresde, étoit encore le 11 à Erfurt, et travailloit à réunir ses colonnes qu'il avoit envoyées sur Cassel et Wurtzbourg, dans des projets offensifs, voulant

ouvrir la campagne par une invasion en Allemagne. Le Weser où il avoit construit des batteries, la Saale qu'il prétendoit également défendre, et les autres rivières, sont tournées à peu près comme le fut l'Iller l'année passée; de sorte que l'armée française borde la Sale, ayant le dos à l'Elbe, et marchant sur l'armée prussienne qui, de son côté, a le dos sur le Rhin position assez bizarre d'où doivent naître des événemens d'une grande importance.

Le temps, depuis notre entrée en campagne, est superbe, le pays abondant, le soldat plein de vigneur et de santé. On fait des marches de dix lieues, et pas un traîneur ; jamais

l'armée n'a été si belle.

Toutefois les intentions du roi de Prusse se trouvent exécutées: il vouloit que le 8 octobre l'armée française eût évacué le territoire de la confédération, et elle l'avoit évacué; mais au lieu de repasser le Rhin, elle a passé la Saale.

IV BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Geraw, le 13 octobre, à dix heures du matin.

Les événemens se succèdent avec rapidité. L'armée prussienne est prise en flagrant délit, ses magasins enlevés, elle est tournée.

Le maréchal Davoust est arrivé à Naumbourg le 12, à neuf heures du soir, y a saisi les magasins de l'armée ennemie, fait des prisonniers, et pris un superbe équipage de 18 pontons de cuivre attelés.

Il paroît que l'armée prussienne se met en marche pour gagner Magdebourg; mais l'armée française a gagné trois marches sur elle. L'anniversaire des affaires d'Ulm sera célébre dans l'histoire de France.

La lettre ci-jointe, qui vient d'être interceptée, fera connoître la vraie situation des esprits; mais cette bataille, dont parle l'officier prussien, aura lieu dans peu de jours. Les résultats décideront du sort de la guerre.

Les Français doivent être sans inquiétude.

Lettre d'un officier prussien à un de ses amis à Berlin.

Naumbourg, le 12 octobre.

Le commencement des hostilités contre les Français s'est passé d'une manière très-triste pour les troupes allemandes; ils ont forcé un poste de l'aile gauche du corps d'armée de Hohenlohe, et un combat meurtrier a eu lieu au corps de Tauenzein le prince Louis - Ferdinand de Prusse est resté mort sur la place. Non-seulement les régimens Zastram et un

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