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beaucoup, et il ordonna des fêtes publiques, dans lesquelles tout le monde chauta ces paroles remarquables: Au Guy l'an neuf, c'est-à-dire apparemment, la neuvième année du règne de Mérovée. Madame d'Hautpoul ne dit pas sur quel air ce peu de mots fut chanté, mais il faut penser qu'il exprimoit mille choses plus agréables les unes que les autres, puisque la chanson étoit si courte qu'elle ne signifioit absolument rien. Peut-être l'auteur auroit-il dû traduire cet air par quelques jolis couplets, tels que ceux qui se trouvent répandus dans son ouvrage. Mais peut-être aussi ces quatre syllabes renfermentelles quelque chose de mystérieux qu'il faut admirer sans le comprendre. Quelque temps après qu'on eut chanté le Guy et lan neuf, Mérovée mourut; Childéric monta sur le trône et, pour récompenser Viomade du service qu'il lui avoit rendu en le tirant de la grotte, il le chassa de sa présence, et l'obliga d'aller chercher fortune hors de son royaume. Ce procédé ne plut pas autant à la nation que l'abandon qui avoit fait mourir la reine. On lui reprocha de négliger les intérêts de son royaume, pour les beaux yeux d'une étrangère à laquelle il s'étoit attaché; il persista dans sa passion: les esprits s'aigrirent, et on le chassa de ses Etats. L'histoire, qui est beaucoup plus sévère que madame d'Hautpoul, accuse nettement ce prince de s'être livré à la débauche, et de n'avoir pas même respecté les dames les plus qualifiées de la cour. Dans l'ouvrage de notre auteur, l'amour de Childéric est aussi pur que la lumière du soleil; mais en exilant Viomade, on lui fait faire une chose toute contraire au rapport de l'histoire, qui assure que ce courtisan resta à la cour pour ménager les intérêts de son maître. A quelqu'opinion que le lecteur veuille s'en tenir, il sera toujours contraint de convenir que la plume de madame d'Hautpoul est plus chaste que celle des meilleurs historiens, puisque con héros reste constamment dans les bornes de la décence la plus scrupuleuse, et qu'il offre partout un beau modèle de politesse et d'urbanité françaises.

Childéric, poursuivi dans sa fuite, reçoit une profonde blessure; il se réfugie chez les Druïdes, où une main invisible vient le soigner et le guérir : c'est le fidèle Viomade qui lui rend encore ce service; il s'étoit réfugié dans la même enceinte, et le hasard, qui est d'une si grande ressource dans les romans, y avoit conduit Childéric. Ce roi détrôné fut bien surpris d'y rencontrer un homme qu'il avoit disgracié sans sujet; il le chargea de retourner à la cour d'Egidius, qui l'avoit remplacé sur le trône (les historiens français l'appellent Gilles), et de lui ménager un parti. En lui donnant cette commission, Childéric oublioit que c'étoit l'envoyer à la

mort, puisque ce Gilles ou cet Egidius étoit précisément celui qui avoit fait solliciter le supplice de Viomade, et qui s'étoit ensuite restreint à demander son exil. Viomade ne se souvient pas non plus qu'Egidius et sa femme sont ses plus cruels ennemis: il obéit, sans faire aucune réflexion, aux ordres de son maître; il arrive; et, par un miracle que Mad. d'Hautpoul peut seule expliquer, il est bien reçu, fêté, consulté; le nouveau roi l'admet dans son intimité: aucun dessein ne se forme et ne s'exécute que par lui.

Tandis que Viomade reçoit un si bon accueil d'Egidius, Chilpéric va porter ses regrets et ses espérances à la cour de Basin, roi de Thuringe. C'est là que l'amour l'attendoit encore pour lui faire éprouver toutes ses douceurs et toutes ses cruautés. Il y avoit dans le palais du roi une jeune et belle princesse, que quelques-uns croient avoir été femme de Basin, que d'autres appellent sa fille, mais qui n'est plus que sa nièce dans le récit de Mad: d'Hautpoul. Cette transformation est d'autant plus heureuse, que si Basine (c'est le nom de la princesse) étoit restée femme de Basin, Childéric n'auroit pu la rechercher en mariage; ou que si elle avoit été sa fille, Basin n'auroit pu penser à l'épouser. Dans l'un et l'autre cas, les choses auroient pu s'arranger, comme on voit qu'elles s'accommodent ordinairement dans le monde; et ce n'est pas ce qu'il faut pour composer un bon roman historique.

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Basine étant donc devenue la nièce de Basin, lui et Childéric peuvent prétendre à l'obtenir pour femme: ce qui est toujours un excellent moyen pour les brouiller ensemble. En outre, le père de cette princesse est un personnage de plus qu'on peut rendre intéressant en le faisant enfermer, par l'ordre de Basin, dans le fond d'une roche sombre, et surtout en ne le nourrissant qu'avec des mets empoisonnés. Ses amis le tireront de ce trou, lui porteront des secours qui le feront vivre encore quelques mois; il sera libre de remonter sur le trône qu'il partageoit avec Basin, dont il est l'aîné ; il pourra révéler la scélératesse de ce fratricide, et l'en punir; il sera le maitre d'assurer un état à sa veuve, et à sa fille qui vient de naître ; mais, par un trait de bonté capable de toucher les cœurs les plus durs, il ne fera rien de tout cela; tout au contraire, il apprendra que sa femme vient de mourir, que son assassin s'est emparé de sa fille; qu'elle est par conséquent exposée à périr misérablement. Il persistera dans son silence, et il mourra dans l'obscurité, après avoir consenti que son enfant, sa seule héritière, reste sous la garde d'un traître dont il est la victime; et cela s'appellera aimer avec discernement, juger avec intelligence les hommes et les choses,

et voir clairement dans l'avenir tout ce qui doit arriver ! Cependant, nous verrons nous-mêmes dans un moment que le sort, qui se joue de toute la prudence humaine, ne fera rien de tout ce que ce bon frère avoit espéré.

Lorsque sa fille Basine fut grande, Childéric la vit à la cour de Thuringe, et il en devint amoureux: dans le même temps Basin voulut se l'approprier; mais comme elle éprouvoit quelque répugnance à lui donner sa main, ce nouvel amant, pour obtenir son consentement et ses bonnes graces, la fit jeter dans le même souterrain où son père avoit été abandonné. On lui raconta l'histoire de ce malheureux prince, et elle ne manqua pas d'admirer la sagesse de sa conduite qui l'exposoit à recevoir un pareil traitement, et qui lui procuroit une si belle occasion de se montrer encore plus généreuse qu'il ne l'avoit été. Elle délibéra cependant sur le parti qu'elle prendroit, parce. qu'elle se flattoit que Basin finiroit par reconnoître que Childéric lui convenoit mieux; mais il ne voulut pas la priver du plaisir de faire admirer sa résignation: il lui fit dire qu'elle pouvoit se disposer à mourir dans la Roche-Sombre, si elle ne vouloit pas consentir à l'accepter pour époux. Cette énergique galanterie, jointe au conseil d'un grand-prêtre, dépositaire des dernières volontés de son père, la déterminèrent à renoncer à Childéric et à devenir la femme de Basin. Il l'épousa donc à sa grande satisfaction; mais sa joie ne fut pas de longue durée, comme nous le verrons tout à l'heure

Pendant toutes ces tracaseries, Childéric étoit retourné en France, pour deux bonnes raisons: Basin avoit aposté des assassins dans son appartement, pour l'étrangler lorsqu'il rentreroit, et le jeune prince avoit voulu éviter cette petite cérémonie; Viomade lui avoit fait dire qu'on n'attendoit plus que lui pour opérer une révolution, et il s'étoit hâté de profiter de la disposition des esprits; il avoit chassé Egidius, et il régnoit paisiblement. Le passé l'avoit un peu corrigé; mais il étoit toujours amoureux de sa chère Basine, qu'il avoit laissée dans la Roche-Sombre.

Il faut que tout finisse; et c'est un grand malheur pour les romans historiques. Childéric pensoit à se servir des moyens qui se trouvoient à sa disposition, pour aller délivrer sa princesse et punir le tyran; on vint lui annoncer qu'elle étoit infidelle, et qu'il ne lui restoit plus d'espérance. Cette nouvelle l'accabla; mais comme on prend assez bien son parti sur les événemens qu'on ne peut plus changer, il commençoit à se consoler, lorsque Basine elle-même soffrit à ses yeux sous la figure d'un barde chantant et s'accompagnant de la lyre. Elle lui dit : « Je suis venue vers vous, parce que je vous en crois le

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» plus digne; s'il étoit dans l'Univers un plus grand roi, » j'eusse traversé les mers pour aller le rejoindre. » Childéric auroit bien voulu lui répondre qu'il s'estimoit fort heureux qu'elle n'en connût pas; qu'il avoit pensé jusque-là qu'elle s'étoit engagée avant qu'il fût roi, et que peut-être la délica➡ tesse ne lui permettoit plus de choisir entre tous les souverains celui qu'elle jugeroit le plus grand. Mais il ne voulut pas la mortifier; et il vit bien que cette bonne princesse, troublée par tout ce qu'elle avoit souffert, n'exprimoit pas parfaitement sa pensée : il comprit qu'elle ne savoit pas d'ailleurs s'il y avoit des royaumes au-delà des mers, puisqu'à cette époque on ne les avoit pas encore traversées; qu'elle prenoit mal àpropos l'Univers pour la terre; car en supposant qu'il y eût un empereur dans la lune, elle auroit eu beau parcourir les mers, jamais elle ne l'auroit atteint ; et qu'enfin il étoit parfaitement inutile de penser à faire le tour du monde pour aller trouver un roi qui pouvoit habiter une ville voisine de son petit pays. Il feignit d'entendre qu'elle lui disoit : « Je suis » venue vers vous parce que je vous aime, et que je crois à la » sincérité de vos sermens. Je souhaiterois qu'il y eût sur la » terre un plus grand roi dont je fusse aimée, afin de vous >> prouver que je ne suis point guidée par l'ambition, et que » c'est de vous seul que je veux tenir tout mon bonheur. » Il lui fit l'accueil qu'elle méritoit dans cette supposition; et il apprit qu'au moment même où elle venoit d'être unie à Basin, le grand-prêtre, qui lui avoit conseillé de l'épouser, l'avoit réclamée devant tout le peuple, pour lui faire subir le mois de retraite destiné aux larmes, parce qu'elle avoit été promise dans son enfance au fils de Basin, mort à la guerre; que le tyran avoit été forcé de consentir à son éloignement de la cour, pour se conformer à l'usage du pays, et qu'elle avoit profité de ce moment de liberté pour venir le trouver. La religion, les mœurs et les lois de ces temps réculés, s'accordoient également pour rendre nulle une alliance qui les outrageoit si cruellement; et Basine, sous la protection du roi des Francs, ne devoit plus rien au meurtrier de son père. Il paroît donc assez inutile que madame d'Hautpoul condamne encore les deux amans à souffrir les caprices d'un pareil monstre, et qu'elle les fasse languir jusqu'à ce qu'il lui plaise de reconnoître que son mariage est nul: comme si la volonté d'un assassin étoit plus respectable, plus sûre et plus sacrée que les premières lois de l'éternelle justice!

Cette dernière démarche de Basine est conforme au récit des historiens; mais, nous le répétons, il ne faut pas vouloir chercher la vérité dans un tissu d'événemens imaginaires, aux

quels

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quels l'écrivain attache quelques noms historiques po
resser plus sûrement le lecteur. Ces sortes d'ouvrage sont
tablement comme les songes qui nous représentent les pe
sonnes avec lesquelles nous vivons familierement sous le
images étrangères et dans des situations qui ne lear con
viennent aucunement. Tant que le rêve ou le roman continue
notre esprit est enchanté, et il ne distingue pas le wad west
be faux. Mais aussitôt que la raison s'éveille ou que le roman
estlu, tous les fantômes se dissipent comme une vapeur légere,
et la vérité nous appelle dans un monde réel où si nous vou-
lons suivre tout droit notre chemin, il n'est pas plus permis de
lire des romans que de rêver.

G.

Exposition des Prédictions et des Promesses faites à l'Eglise pour les derniers temps de la Gentilité; par le P. Lambert. Deux vol. in-12. Prix: 5 fr., et 6 fr. 50 cent. par la poste. A Paris, à l'Imprimerie des Sourds-Muets, rue S. Jacques; chez Ad. le Clère, libraire, quai des Augustins; et chez le Normant, imprimeur-libraire, rue des Prêtres SaintGermain-l'Auxerrois, n°. 17.

(II. et dernier Extrait. Voyez le N°. du 27 sept. dern.)

Le rappel des Juifs, une fois convertis, dans leur ancienne patrie; le rétablissement de Jérusalem et des autres villes de la Judée; l'avénement intermédiaire de Jésus-Christ; l'établis sement de son règne visible dans toute la terre; en un mot, LE RÈGNE DE MILLE ANS, tel est, suivant le P. Lambert, le grand et magnifique dénouement qui se prépare pour des temps qui ne sauroient étre bien éloignés: règne de paix et de joie, où l'on verra, pendant une longue suite de générations, les pères transmettre à leurs enfans le double héritage des vertus les plus pures et des plus éclatantes prospérités; règne glorieux, où une nouvelle terre, éclairée par un nouveau ciel, honorée de la présence de Jésus-Christ même dans tout l'éclat de sa majesté, déploiera aux yeux de ses heureux habitans des merveilles sans nombre, que l'œil de l'homme n'a jamais vues, que son esprit n'a jamais conçues; règne si expressément prédit, et marqué dans les « livres saints en caractères si éclatans, En qu'il est impossible, quand on y va de bonne foi, et qu'on

L

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