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Epargne ma cendre, ô cruelle Hespérie! Hélas, je ne suis >> plus qu'une ombre! Quel plaisir prends-tu à persécuter un » vain fantôme?» Cette apostrophe de Jean Second à l'Espagne ressemble un peu à celle de Philoctète à Ulysse, dans Sophocle:

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« Il veut me traîner dans le camp des Grecs, pour triom»pher de moi : il ne voit pas que c'est triompher d'un mort, » d'une ombre, d'une image vaine. » C'est avec cette chaleur M. de Fénélon traduit en prose les poètes grecs; c'est avec le même feu que M. Tissot devroit traduire en vers les poètes latins.

que

Les deux vers suivans: Peu féconde en mortels, etc., etc., ne font pas assez bien sentir la pensée de l'auteur latin;

An vero, paucis cum sis fœcunda poetis,

Laudem de tumulo quæris acerba meo?

Honteuse de ne pouvoir être le berceau des poètes, ambi. >>tionnes-tu le triste honneur d'en être le tombeau? »

Dans ces deux vers latins, le traducteur a suivi littéralement l'original, mais il s'en écarte totalement dans les deux suivans: Ut lubet, ipse tamen fugiam terráque marique Ne mihi sis etiam, post-mea fata, gravis.

«Mais je saurai t'échapper, et par mer et par terre, afin » qu'après ma mort tu ne me sois pas encore aussi funeste que » pendant ma vie. » Ce sens est bien éloigné de celui du traducteur :

Non, je ne mourrai point aux rives étrangères,

Je veux mêler ma cendre aux cendres de mes pères.

Ce second vers est une imitation un peu trop forte de celui de Rousseau :

Il faut mêler sa cendre aux cendres de ses pères.

Au reste, cette imitation et d'autres que nous aurions pu relever, prouvent que M. Tissot s'est formé à une trèsbonne école: on s'en aperçoit mieux dans la traduction qu'il a faite d'un épisode de la Jérusalem délivrée. L'Herminie du Tasse a conservé presque tous ses attraits entre les mains de M. Tissot, et je lui conseillerois de n'avoir désormais de commerce qu'avec les muses italiennes, si ce n'étoit exiger de lui un trop grand sacrifice; car il paroît fortement épris des muses hollandaises. Dans la préface de sa traduction, il semble regarder la Hollande comme la rivale de la Grèce.

« Elle

OCTOBRE 1806.

a Elle possède (dit M. Tissot), dans les genres resplus » élevés, des ouvrages où brillent des beautés d'un ordre » supérieur. Parmi ses poètes, les uns ont embouche avec » succès la trompette héroïque, les autres ont prêté » Melpomene un langage digne d'elle, d'autres, doués par » la nature de la grace ou de la mollesse antique, ont essayé » de ranimer la lyre si long-temps muette d'Anacréon et » d'Ovide. Tels sont, Hooft, Catz, Poot, Reland, Hoenfft. »> Nous reconnoissons sans peine que la Hollande a produit un grand nombre d'auteurs très- distingués dans les sciences et dans les belles lettres. Nous avouons même avec plaisir les obligations particulières que nous avons à plusieurs savans de cette nation si estimable sous tant de rapports. Mais malgré toute notre bienveillance pour elle, nous ne saurions voir des Homère, des Sophocle, des Anacréon dans Hooft, Catz, Poot, Reland, Hoenfft. Au reste, cette manière de voir a très-bien réussi à M. Tissot. Ceux dans lesquels il avoit vu des Anacréon, l'ont honoré à leur tour d'un coup d'œil aussi perçant. Cette lettre-de-change qu'il avoit tirée sur les poètes hollandais, a été acquittée par M. Marron de la manière suivante :

Basia Tissotus, Jano cantata secundo,
Dum gallis offert, rite legenda suis;
Aurato quantum aonio præstantior oestro?
Et veneris rabido quam magis igne calens?
Sæva cupidineis aptantur spicula nervis,
Percussura novas spicula juliolas.

Haga, tuus blande vates subrisit amanti,
Elysia et sensit vulnera valle nova.

A la place de M. Tissot, je prierois l'auteur de refondre le premier vers, à cause de cette rencontre comique de Tissotus et Jano. Il y auroit bien d'autres remarques à faire sur ces vers; mais cet article n'est déjà que trop long, et l'on rougit presque de s'étendre sur de semblables matières, lorsqu'on se rappelle ce vers d'un poète païen, au sujet de tous les auteurs et admirateurs de pièces érotiques :

O miseri, quorum gaudia crimen habent!

R.

H

De la Distinction primitive des Pseaumes en monologues et dialogues, ou Exposition de ces divins cantiques tels qu'ils étoient exécutés par les Lévites dans le temple de Jérusalem. Nouvelle traduction, accompagnée de notes explicatives. Tome premier. Vol. in-12. Prix :2 fr. 50 c. et 3 fr. 50 c. par la poste. A Paris, chez Mad. Nyon, libraire, rue du Jardinet; et chez le Normant.

Il y a des savans qui ont passé leur vie entière à méditer sur les Pseaumes, et à nous en développer les beautés; et tous les jours cependant on y remarque encore des traits sublimes qui avoient échappé a leurs recherches. Nos fameux orateurs ne sont jamais plus éloquens que lorsqu'ils les citent, nos grands poetes ne paroissent jamais plus grands que lorsqu'ils empruntent leurs images et leurs expressions. Bossuet, Massillon, Rousseau, Racine, La Harpe, Rollin, nos plus grands hommes, nos plus illustres critiques s'accordent à nous présenter le Pseautier comme un livre admirable, et les chants dont il se compose, non pas seulement comme les plus véuérables par leur antiquitié, mais comme les plus beaux que nous ayous. Que peut-on ajouter de plus à leur éloge? il seinble qu'après avoir cité des autorités aussi respectables, il ne me reste plus rien a dire, et que je devrois m'arrêter.

Il y a pourtant un autre éloge qu'on peut en faire, un éloge qui n'appartient qu'à ce livre, et que les autres n'obtiendront ja ma's; c'est que ces mêmes Pseaumes qui ont été l'objet des étndes et de l'admiration de tant de grands hommes, sont aussi la lecture habituelle du peuple. Tandis que les savans y découvrent de nouvelles beautés que leurs prédécesseurs n'y avoient pas aperçues, tandis que le génie s'en nourrit, et que la médiocrité elle-même va s'échauffer au feu divin dont ils sont pénétrés, les simples et les ignorans y puisent à chaque instant des instructions utiles. Pour les uns c'est une poésie ravissante dont aucune autre n'a jamais approché; pour les autres, c'est moins un livre sublime que le livre de tous les jours et le consolateur de tous les momens. Et ce qu'il y a de bien remarquable, c'est que dans ce même livre, où les premiers nous font remarquer des pensées si nobles et des images si inagnifiques, les derniers croient ne rencontrer que leurs propres pensées et la simple expresssion de leurs sen

timens.

Que l'antiquité vienne nous vanter ses chefs-d'œuvre : ils sont admirables sans doute, mais que sont-ils auprès de ceux

du prophète-roi? Tu m'étonnes, fougueux Pindare, lorsque planant au-dessus de la foule vulgaire de ces vainqueurs qui te demandoient des louanges, tu t'élèves jusqu'au trône du Dieu qui porte la foudre, et que tu parviens à saisir quelqu'un de ses traits; mais aussi quelquefois tu tombes, et alors la hauteur du vol que tu avois pris ne sert qu'à rendre plus sensible la profondeur de ta chute. Je te relirai toujours, ingénieux Horace, sur-tout je relirai ces odes où tu nous fais des peintures si ravissantes de la modération, de la constance du sage, de la pauvreté, même du malheur; mais puis-je oubiier que tu fus aussi quelquefois l'apologiste du vice, et que souvent tu peignis nos foiblesses de couleurs encore plus séduisantes que nos vertus? Enfin, toutes ces beautés, toutes ces pensées sublimes sont des trésors cachés pour le plus grand nombre des hommes; il faut avoir beaucoup travaillé pour les sentir, et ce n'est qu'au prix de longues études qu'on peut jouir du plaisir de les admirer. Le grand poète, le poète vraiment unique, c'est le psalmiste, parce qu'il est également le poète du peuple, et celui des savans et des gens de goût, parce qu'il se fait entendre à tous les hommes, parce qu'il est à la portée de tous, et que par un prodige inconcevable, il se fait également admirer de tous, sans jamais penser à se faire admirer.

Il est un autre trait qui distingue encore le psalmiste de tous les poètes de l'antiquité. Ce que nous admirons le plus dans ceux-ci, c'est la magnificence de leurs expressions, vivacité des peintures, les graces de leur style, des qualités enfin que nous autres modernes nous ne pouvons juger qu'imparfaitement; et ce qu'il y a de bien sûr, c'est qu'elles s'évanouissent presque entièrement dans les traductions que nous en avons. Qu'y a-t-il donc de plus dans les Pseaumes? Je l'ignore; mais les traductions du Pseautier sont toutes presque également belles, également admirables. Horace et Pindare sont les plus grands sans doute des poètes lyriques; cependant il n'y a point de traduction de Pindare qu'on puisse supporter, et je ne sais s'il y en a d'Horace qu'on puisse lire avec quelque plaisir. Venez donc admirer le chef-d'œuvre du génie: c'est une poésie si belle par elle-même, qu'aucune traduetion ne peut la dégrader; ce sont des pensées si sublimes, qu'elles le paroissent toujours, soit qu'on les revête des expressions les plus brillantes et les plus harmonieuses, soit qu'au contraire on les rende dans le style le plus incorrect et le moins orné. Venez entendre Racine et Rousseau lorsqu'ils traduisent les Pseaumes: n'est-il pas vrai que le premier s'est surpassé luimême dans les chœurs d'Athalie et d'Ester, et que le second n'est

nulle part aussi grand que dans ses odes sacrées? Oh, qu'il doit être grand le poète dont le génie a pu agrandir celui de Racine, et animer d'un nouveau feu celui de Rousseau! Cependant il existe une traduction des Pseaumes, plus belle encore que celle de ces deux fameux poètes. C'est celle que tous les savans étudient, que tous les gens de goût admirent, et puisqu'il faut finir par le dire, que le pauvre et l'ignorant récitent tous les jours: c'est la Vulgate. O Pindare, ô Horace, que deviendriez-vous si vous étiez traduits dans un langage pareil!

Quel est donc ce livre qui, seul entre tous les chefs-d'œuvre, se distingue par des caractères aussi singuliers? Quelle est cette poésie dont la parfaite intelligence semble être réservée aux savans et aux gens de goût, et dont le langage est pourtant toujours assez clair pour les esprits les plus vulgaires, que rien ne peut dégrader, et qui est la seule enfin dont on puisse dire que sa traduction ne vaut pas moins que l'original? Hommes religieux, vous le savez, et c'est en vain que je le demanderois aux autres! Cette voix qui a retenti dans tous les siècles, et qui y retentira long-temps encore après nous, qui se fait entendre à tous les hommes, qui pénètre dans tous les cœurs, qui parle à tous les esprits, et qu'il n'est pas au pouvoir humain d'affoiblir, c'est la voix de Dieu même qui inspiroit le psalmiste, et c'est sur-tout à ces traits que vous la reconnoissez.

L'objet principal de cet ouvrage n'est pas d'ajouter de nouvelles preuves à cette vérité désormais assez bien démontrée pour tous les bons esprits. Ce n'est pas non plus dans les pensées et les expressions du prophète que l'auteur prétend nous faire remarquer de nouvelles beautés, c'est de la coupe et de la distribution même des Pscaumes qu'il fait sortir celles qu'il croit y avoir observées; et comme son idée m'a paru nouvelle, je crois devoir la développer avec quelque détail.

Ceux même qui ne lisent les Pseaumes que pour s'édifier, ne peuvent s'empêcher d'y trouver des défants dont la rencontre est, il faut l'avouer, assez fréquente; il y a des mots et des phrases entières qui sont quelquefois répétés dans le même Pseaume jusqu'à la satiété ; on y trouve des phrases qui ne se suivent pas, d'autres qu'on entend avec peine; et je ne crains pas de le dire, il y en a qu'on ne comprend pas du tout. On explique les répétitions de mots par le besoin qu'avoient les anciens auteurs de suppléer dans leurs langues pauvres et non encore perfectionnées, à nos superlatifs, et à tous les moyens que nous avons de donner de l'énergie au discours. C'est ainsi, par exemple, qu'encore parmi nous les enfans, dont le langage est pour le moins aussi borné que celui des

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