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Lorsque tes bras, entourant ton ami,
Soulageront sa tête languissante,
Et que ses yeux, soulevés à demi,
Seront remplis d'une flamme mourante;
Lorsque mes doigts tacheront d'essuyer
Tes yeux fixés sur ma paisible couche,
Et que mon cœur s'échappant de ma bouche,
De tes baisers recevra le dernier;

Je ne veux point qu'une pompe indiscrète
Vienne trahir ma douce obscurité,

Ni qu'un airain à grand bruit agité
Annonce à tous le trépas qui s'apprête.

Ces vers sont beaucoup trop négligés, même pour l'élégie qui exige moins de rigueur que les autres genres de poésies; il y a profusion d'épithètes, et incohérence fréquente d'expression. L'arrét du sort ne vient pas fermer une paupière : c'est donner du mouvement à ce qui ne peut en avoir. Soutenir la tête d'un malade n'est pas la soulager; le lit d'un mourant n'est pas une paisible couche. On peut dire en poésie que le cœur d'un homine qui expires échappe de sa bouche, mais on ne peut dire que ce coeur en s'échappant reçoit un baiser. Ily auroit encore un grand nombre d'observations à faire sur ces vers; elles seroient superflues: les fautes que nous avons relevées suffisent pour prouver que M. de Parny se laisse trop souvent égarer par sa facilité.

Ce poète a un talent qu'on ne peut lui contester, et dont il a plus d'une fois abusé, c'est celui de rendre en mots décens les idées et les tableaux les plus licencieux. Presque aucun poète n'a porté plus loin cette espèce de délicatesse qui consiste à garder une mesure entre la grossièreté des objets, et les termes destinés à les exprimer. On devine facilement tout ce que l'auteur a voulu dire ou peindre: à l'aide d'une circonstance habilement placée, le voile de la pudeur se lève, sans que l'expression puisse faire rougir. Ce talent, si c'en est un, est le fruit d'un rafinement digne du 18 siècle : nos lecteurs jugeront s'il doit être admiré ou condamné.

Le morceau le plus intéressant de ce recueil est un poëme scandinave, intitulé: Isnel et Aslega. Le coloris en est quelquefois brillant; les sentimens sont en général naturels et bien exprimés; et le poète a su se préserver de l'abus qu'on a fait trop fréquemment de nos jours de la poésie ossianique. Nous citerons un passage de ce poëme, qui, sans être très-remarquable, n'est pas dépourvu d'élégance et de pureté. Une femme craint le sort des combats pour celui qu'elle aime:

Jeune héros, des amans le modèle,
Dans le sentier où la gloire t'appelle
Tes premiers pas rencontrent le tombeau.
Astre charmant, astre doux et nouveau,
Tu n'as pas lui long-temps sur la colline !
De ton lever que ta chute est voisine!

Tu disparois : que de pleurs vont couler !

On pourroit faire beaucoup d'observations sur le plan de ce poëme; mais l'exécution fait oublier quelquefois les défauts de combinaison.

Parmi les pièces fugitives, nous en avons remarqué une qui mérite d'être distinguée: c'est le réveil d'une mère. Il étoit difficile de peindre mieux les jouissances pures qu'éprouve une femme vertueuse en voyant les jeux de ses enfans. Adèle et son frère entrent le matin dans la chambre de Céline :

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Tous deux du lit assiégent le chevet;

Leurs petits bras étendus vers leur mère,
Leurs yeux naïfs, leur touchante prière,
D'un seul baiser implorent le bienfait.

Céline alors d'une main caressante

Contre son sein les presse tour-à-tour ;

Et de son cœur la voix reconnoissante
Bénit le ciel et rend grace à l'amour.
Non cet amour que le caprice allume,
Ce fol amour qui, par un doux poison,
Enivre l'ame et trouble la raison,
Et dont le miel est suivi d'amertume;
Mais ce penchant par l'estime épuré,
Qui ne connoft ni transports, ni délire,
Qui sur le cœur exerce un juste empire,
Et donne seul un bonheur assuré.

Cette peinture de l'amour maternel est pleine de charme et de vérité. On ne peut s'empêcher d'être étonné que M. de Parny l'ait si bien rendue, lui qui s'est consacré toute sa vie à exprimer une toute autre espèce d'amour.

Des trois ouvrages qui composent le Portefeuille Volé, nous ne parlerons que du premier qui est une froide parodie du Paradis Perdu de Milton. On ne peut concevoir quel a été le but de l'auteur dans cette production bizarre: tout ce que l'on y découvre, c'est une haine impuissante contre la religion. Il cherche à tourner en ridicule les mystères ; et comme ses traits sont toujours émoussés, le ridicule tombe nécessairement sur le poète. On ne trouve qu'une chose assez vraie dans cet ouvrage : l'auteur prête aux esprits infernaux les goûts et les passions des philosophes et des révolutionnaires. On y voit le culte de la raison, et les rêveries des prétendus savans qui croient trouver dans la connoissance imparfaite qu'ils peuvent avoir de la nature, des argumens en faveur de leur incrédulité. Un adversaire des sophistes du 18° siècle n'auroit pas fait autrement que M. de Parny: il auroit jugé, comme lui, dignes de l'enfer, ces nouveaux Érostrate. Le passage où M. de Parny fait ces aveux précieux se trouve dans le premier chant du Paradis Perdu. Les démons tiennent conseil: un chimiste se lève :

Que trouvons-nous dans cette horrible enceinte ?

Un air infect et lourd, des rocs brûlans,

Des mers de feu, des gouffres, des volcans.
De tous ces corps vous extrairez sans peine
Carbone, azoth, oxigène, hydrogène,
Et calorique (il abonde aux Enfers):
Recomposez ces élémens divers,
Variez-les, sous votre main féconde

De nouveaux corps naîtront subitement.

Pour être Dieux, pour faire un autre monde,

Vous avez tout, matière et mouvement.

Un autre diable n'a pas grande foi à la chimie; il répond au

savant:

Si ta chimie est bonne,

Elle auroit dû fondre le fer maudit

Qui dans le ciel deux fois te pourfendit.
Je connois peu l'azoth et le carbone;

Je sais la guerre, et la ferai : j'ai dit.

Satan, après avoir recueilli les avis, donne le sien, et s'adressant aux démons, il les peint, comme les sophistes se peignent souvent eux-mêmes!

Vous qu'on nomme rebelles,
Vous, à l'honneur, à la raison fidèles,
De l'esclavage éternels ennemis,

Pour la vengeance à jamais réunis,
A la valeur alliez la prudence.

Dans les productions qui composent le Portefeuille Volé, on ne trouve aucune trace du talent que M. de Parny a déployé dans ses poésies érotiques. La licence est sans délicatesse, le comique est froid et forcé, et le badinage manque absolument de grace. On prouveroit facilement la justesse de ces critiques, si la décence permettoit de faire quelques citations. Il suffira de dire que ces poëmes sont très-au-dessous de la Guerre des Dieux, ouvrage qui, malgré les circonstances à l'époque desquelles il parut, malgré la licence effrénée qui y règne, n'a pas été lu, même par ceux qui partageoient les opinions de l'auteur.

Ces poëmes, comme nous l'avons dit, ne portent pas son nom : ainsi M. de Parny peut encore les désavouer; et nous nous empresserions d'insérer dans ce journal ce témoignage de son repentir. Heureux s'il pouvoit en faire autant à l'égard de la Guerre des Dieux, qu'il n'a pas rougi de signer!

P.

Voyage

cen

Voyage de l'Inde à la Mecque; par Abdoulkerim, favori de Tahmas-Qouly-Khân. — Voyage de la Perse dans l'Inde, et du Bengale en Perse, avec une Notice sur les révolutions de la Perse, un Mémoire historique sur Persépolis, et des notes. Et le Voyage pittoresque de l'Inde, fait depuis 1780 jusqu'en 1783; par William Hodges, peintre anglais. Traduits de différentes langues orientales et européennes, par M. Langlès, membre de l'Institut, conserva→ teur des manuscrits orientaux à la Bibliothèque Impériale, et professeur de persan à l'Ecole spéciale des langues orientales vivantes. Cinq vol. in-18, et atlas. Prix: 15 fr., et 20 fr. par la poste. A Paris, chez Delance, libraire, rue des Mathurins; et chez le Normant, imprimeur-libraire.

M. LANGLES est certainement un de nos savans les plus laborieux, et qui remplit avec le plus d'honneur pour lui, et le plus d'utilité pour le public, le poste où sa connoissance des langues orientales l'a fait appeler, puisqu'il traduit tout ce qu'il trouve d'intéressant dans les manuscrits confiés à sa garde, et qu'il les fait passer dans notre langue. Son zèle pour compléter son instruction et la nôtre sur le caractère, les mœurs, les lois et les coutumes des peuples de l'Asie, ne se borne même pas au simple travail d'un traducteur, qui lui mériteroit cependant de justes éloges; il consacre encore à cette étude d'assez fortes sommes, lorsqu'il s'agit de se procurer, à grands frais, ce que nos voisins publient de plus pré cieux sur ces mêmes nations, et il n'épargne ainsi ni peines, ni soins, ni fortune pour nous composer un fonds de renseignemens que des circonstances favorables peuvent quelque jour nous rendre très-avantageux. Les vastes contrées de l'Orient sont comme un héritage vacant; c'est une succession ouverte aux nations civilisées; il faut apprendre à la connoitre avant de la recueillir.

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