Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Ah! ces Grecs, ces héros, au-dessus de l'outrage,
Par ces lâches fureurs souilloient-ils leur courage?
L'art du gladiateur, vil aux yeux des Romains,
A ces meurtres obscurs n'instruisoit pas leurs mains:
Cit yens désarmés à l'ombre des murailles,

I's cherchoient aux combats d'illustres funérailles;
Vengeurs de la patrie, ils ne daignoient périr
Qu'aux yeux de l'univers et pour le conquérir.
Mais vous, héros du meurtre, inhumains par foiblesse,
Impatiens d'un mot, d'un geste qui vous blesse,
Barbares, vous plongez au cœur de vos amis

Ce glaive réservé pour des flancs ennemis !

O sainte Humanité, par tes cris, par tes larmes,
'Arrache de leurs mais ces parricides armes !
Enfans de la nature, ils osent l'outrager!
A ses yeux, sur son sein, ils courent s'égorger!
Ah, cruel, entends-la soupirer et te dire :
«Tu ne saurois créer; oseras-tu détruire ? »

Tu l'oses!... Vois le prix dont ton glaive est jaloux;
Vois ce corps tout sanglant, tout percé de tes coups.
Tu recules d'horreur ! ton pied tremblant s'égare!
Ton cœur même s'écrie: Ah! qu'as-tu fuit, barbare!
Où fuir?... Ton cœur sans cesse accusera ta main;
La nature voudroit le bannir de son sein.
De ton féroce honneur connois donc l'imposture,
Va, le crime commence où cesse la nature.
Ose sur ta vertu mieux consulter sa voix;

Faux brave, du Brave Homme (1) admire les exploits;
Vois-le, sept fois plongé dans ces flots pleins de rage,
Ravir sept malheureux aux horreurs du naufrage;
Vois cette humanité, qu'on ne sert pas en vain,
D'un obscur matelot faire un mortel divio.

Plus utile à ton roi, plus brave encor peut-être,
Quand un flatteur l'aveugle, ose éclairer ton maître ;
Sauve la vérité du naufrage des cours.

La cabane indigente appelle ton secours;
Verse un or généreux sur ces pâles victimes
A qui la faim peut-être eût conseillé des crimes :

Dans la nature alors tout va rire à tes yeux;

Le prix est dans ton cœur, il paye avant les Dieux.

Par M. LE BRUN, de l'Institut.

(1) Personne n'ignore l'action héroïque du matelot Broussard, surnommé le Brave-Homme,

A MON CAVEAU.

DANS ce caveau frais et joli,

Où, sans me vanter, je vous range,
Tous les ans après la vendange,
Mes vingt feuillettes d'un Marli
Que je bois toujours sans mélange,
O mon vin, prête-moi tes feux !
Je vais entonner ta louange;
Il nous faut un prodige étrange:
Enivre-moi si tu le peux.

Parfois plus d'an auteur fameux
Vit blanchir et fumer son verre
Des flots d'un Champagne écumeux.
Qui s'irritoit dans la fougère;
Et soudain buvant sa colère,
Lui dut les traits les plus heureux.
Que de fois ta verve légère,
Aï, dans des soupers brillans,
En mille éclairs étincelans
Fit jaillir l'esprit de Voltaire!
Ta séve agitant les cerveaux,
Rompant ses fers, bacchante aimable,
Autour de lui tomboit à table,
En torrent de mousse adorable,
De ris, de verve, et de bons mots.
Corneille, au front mâle et sévère,
Français avec un cœur romain,
Grace au Beaune, grace au Madère,
Se mettoit quelquefois en train.
Ce bon homme, sa coupe en main,
Creusoit plus d'un grand caractère,
Et, terrible au fond de son sein,
Comme en un volcan toujours plein,
Entendoit gronder son tonnerre.
Je crois que nos vins de Marli
Ne l'auroient pas si bien servi:

Sur ce point là je me résigne.

Ah! le Parnasse a des coteaux,
Des bosquets, des fleurs, des ruisseaux,
Et pas un seul arpent de vigne.
Quel oubli le Bacchus gaulois

EPT

Versa tous ses dons à la fois
Sur la Champagne et la Bourgogne.
Mais je bois sans être jaloux,

Je bois rondement, sans courroux,
Et sans que mon front se refrogne,
Nos vins d'Auteuil et de Saint-Clou,
Et de Nanterre et de Chatou;
Et le Surene et le Boulogne,

Que Dieu fait croître auprès de nous :
Le même bois les produit tous.
« L'important, disoit feu Grégoire,
» En payant du vin, c'est de boire.
» Qu'il soit veillé, fait au logis„-
«Bien cuvé, clair comme un rubis,
»› Que grain à grain on vous l'égrappe,
>> Bu sans eau, notez bien ici,
«Je vous réponds d'un vin qui tape,
>> Autant au moins que vin du pape,
>> Fût-il ou de Garche ou d'Issi. ››
Maître Adam pensoit hien ainsi,
Lorsqu'à Nevers, dans son délire
Il célébroit, sous son caveau,
Son vin d'Arbois, vieux ou nouveau,
En vers qu'il dédaignoit d'écrire;
Mais qui, sortis de son tonneau,
Sans rabot, sans maillet, sans lime,
Opulens de verve et de rime,
Montoient fumans à son cerveau.

Vin fécond, quel est ton empire!
Vin charmant, tu n'as qu'à sourire,
Le triste amant est console !
Sur les maux que me fit Ismene,
Ton nectar à peine eut coulé,
Que je voyois, moins désolé,
Se perdre dans ton jus perlé
Les rigueurs de mon inhumaine.

Que le Falerne chez Mécene
D'Horace égayoit les festins!
C'est là, content de ses destins,
Qu'il oublioit dans ses ivresses
Et tous les torts de ses maîtresses,
Et les vers de tous les Cotins.

Des Graces le poète antique,
Sur sa lyre anacréontique,

Chantoit au déclin de ses jours:
"O vins enchanteurs de la Grèce !
» Soyez pour moi, pour ma vieillesse,
>> Encor plus chers que mes amours! »
Lorsque Rabelais en folie,

La joie et le ris dans les yeux,
D'esprit, d'ivresse radieux,
Plongeoit sa raison dans l'orgie,
Ce n'étoit point, je le parie,
En lui versant du vin de Brie?
C'étoit à coups de Condrieux.
Et quand notre bon La Fontaine,
Sans bruit dans un coin fortuné
Vous avoit pris son Hypocrène,
Vieil enfant, sans soins et sans peine,
Comme il dormoit après dîné!

Mais quel est, tenant une lyre,
Ce mortel que Saint-Maur admire,
Dont mon œil d'abord est charmé?
C'est Chaulieu, ce convive aimable,
Pour les fleurs, le sommeil, la table,
Les beaux vers, les belles, formé,
Chaulieu des Graces tant aimé,
Prêchant le plaisir par l'exemple,
S'enivrant aux banquets du Temple
D'un vin par le temps parfumé.
Amant léger, mais amí rare;
Du tendre et délicat La Fare,
S'il apprit à sentir l'amour,
A La Fare il apprend à boire,
Entre les Muses et la Gloise,
Entre les Ris et la Victoire,
Vénus, Vendôme, et Luxembourg.

Le dur Ĉaton buvoit dans Rome;
Chapelle au vin donnoit la pomme;
Piron buvoit ; et l'on sait comme
Boileau buvoit; je bois aussi,
Car j'ai toujours en honnête homme
Honoré le vin, Dieu merci.

M. Ducis, de l'Institut.

LE CHIEN DE PAUL,

ANECDOTE HISTORIQUE.

Le chien, dont voici l'aventure,
Etoit loin d'être un inconstant;
Foible, timide en son allure,
Et se perdant à chaque instant.
A ce chien d'humeur vive et folle,
Que je peux vous peindre d'un mot,
Il ne manquoit que la parole:
Bien des gens ont cela de trop.

Ce chien, on le nommoit Barbiche,
Et le nom lui convenoit fort:
C'étoit un superbe caniche
A l'esprit subtil et retord.
Oui, si je ne craignois pas d'être
Aux yeux de Paul un insolent,
Je vous dirois plus que le maître
Le chien étoit intelligent.

Un beau jour, Paul étant en route,
Avec Barbiche et deux amis;
Ces messieurs osent mettre en doute
Des talens pronés et chéris.
Soudain Paul, cherchant la manière
De prouver l'esprit de son chien,
Jette six francs dans une ornière :
Notez que le chien n'en voit rien.

On avoit fait plus d'une lieue,
Lorsque Paul s'arrête tout court;
Barbiche, remuant la queue,

Vers son maître aussi-tôt accourt.

« J'ai perdu. » Ces deux mots suffisent,

Le chien en devine le sens ;

Il part, et les amis se disent:

« Adieu Barbiche et les six francs. >>>

On poursuit chemin, on arrive;
Mais Barbiche ne revient pas.
De Paul, toujours sur le qui-vive,
Ses amis se moquent tout bas.

« ZurückWeiter »