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pouvons ici que donner les principes généraux; les détails sont du domaine du jurisconsulte. ÉMILE BOUCHER.

CHANSON. (Littérature.) L'homme ému d'un sentiment gai, tendre, ardent ou belliqueux, qui prolonge ses accents, les module et varie les tons de sa voix en mêlant des paroles à cette expression naturelle, fait une chanson. Le guerrier scalde, qui s'écriait sur le champ de bataille : « Corbeaux, voici votre << pâture! nos ennemis sont morts; remerciez<< moi; venez, voici votre pâture! » et qui accompagnait ces mots d'inflexions diverses, faisait une chanson militaire.

Cette origine est commune à toutes les espèces de chansons : les règles sont nées ensuite du nombre même des exemples, et ont été soumises à cette manière d'exprimer son émotion par une alliance intime du chant et du langage; car, à défaut de règles étroites, Boileau l'a dit :

Il faut, même en chanson, du bon sens et de l'art.

Je ne m'arrête pas sur l'origine plus ou moins ancienne de ce petit poëme, et j'ai de bonnes raisons pour m'en tenir à l'opinion d'Aristote, qui prétend que les lois elles-mêmes sont des chansons; il en donne pour preuve que les unes et les autres s'exprimaient en grec par un même mot, vóμos.

La chanson parmi nous est un petit poëme marqué d'un rhythme populaire et facile; passant de bouche en bouche, et rapide comme la renommée, il devient l'expression de tout un peuple, qui répète ses refrains joyeux ou passionnés. Comme la chanson se prête à tous les sentiments, elle emprunte aussi tous les tons; gaie, tendre, satirique, philosophique, jamais fée n'eut dans ses mains un prisme plus variable: la seule teinte qu'elle rejette est celle du pédantisme.

Si je cherche à établir une espèce d'ordre dans un sujet qui en comporte si peu, je trouve d'abord la chanson religieuse, la chanson politique et patriotique, la chanson guerrière, la chanson philosophique, la chanson satirique, ou vaudeville, dans laquelle les Français ont surtout excellé; la chanson grivoise, qui est l'abus et l'excès de ce dernier genre; enfin la chanson burlesque ou parodie, qui tient de la chanson grivoise et de la chanson satirique. Il est inutile de répéter que tous ces genres rentrent souvent l'un dans l'autre, et qu'il est par conséquent impossible d'en déterminer exactement les limites.

De la chanson religieuse. De tout temps l'exaltation religieuse a produit des chants, et les hymnes se sont élevées vers le ciel avec la fumée des premiers sacrifices : sans parler des hymnes d'Orphée, des pœans ou cantiques sacrés des Grecs, de ceux des adorateurs

du soleil, dont on retrouve quelques vestiges dans les fragments du Zend-Avesta; sans nous occuper de ces chants hébraïques connus sous le nom de psaumes, passons à cet usage populaire des chants inspirés par la religion chrétienne.

Ces chansons, appelées cantiques ou noëls, sont curieuses comme monuments de l'esprit humain, sans néanmoins offrir aucuns matériaux pour l'histoire littéraire : la plus connue, comme la plus burlesque de nos vieilles chansons religieuses, est celle que le peuple adressait à l'âne que l'on fêtait jadis, comme l'animal choisi par Dieu même pour porter son fils à Jérusalem :

Eh! sire asne! eh! chantès;
Belle bouche rechignes,
Vous aurès du foin assés,
Et de l'avoine à plaurès!

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<< Dans ce camp ton œil veille, ô Seigneur ! «< fais que, sous l'ombre profonde, aucune pensée lâche ne se glisse dans nos cœurs; « éclaire nos âmes de tes clartés divines, et << guide-nous dans les ténèbres de la nuit, << comme dans les ténèbres du monde !

« Nous te prions pour ceux qui nous persé «< cutent; pour le roi, dont la jeunesse est << entourée d'ennemis; pour la reine et pour << les hommes honnêtes de sou conseil : inspire << aux grands l'humanité pour les petits; que « tous ils t'implorent, te craignent et ne crai<< gnent que toi; car tu es le juge des hommes « et le seul roi des rois. >>

De la chanson politique. On ne trouve dans les républiques anciennes aucun vestige de cette espèce de chanson; c'est une bien misérable vengeance que de chansonner ses maîtres; il était bien plus beau d'entonner en choeur l'hymne de la délivrance, et de faire retentir la salle du festin du chant célèbre d'Harmodius et Aristogiton.

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Cette sensibilité vive et presque enfantine, qui faisait dire à Duclos que les Français étaient les enfants de l'Europe, s'est de tout temps exhalée en chansons. On chantait quand les Anglais démembraient le royaume; on chantait pendant la guerre civile des Armagnacs; on chantait pendant la Ligue, pendant la Fronde, sous la Régence, et ce fut au bruit des chansons de Rivarol et de Champcenetz que la monarchie s'écroula à la fin du dixhuitième siècle.

Cette révolution de 1789, qu'avait prédite en chansons le chevalier de Lille, en 1784, embrasa tous les cœurs de l'amour de la liberté; des chants vraiment nationaux célébrèrent cette grande conquête, et l'Hymne des Marseillais, le Chant du départ enfantèrent des héros.

La république périt au milieu de ses triomphes et de ses succès; l'ascendant d'un seul homme remplaça l'énergie de la nation, et la servitude glorieuse qu'il imposa au peuple français fit succéder les chants de victoire aux hymnes de la liberté.

La muse patriotique se réveille au bruit de la chute du conquérant; un poëte doué de la grâce et de la finesse d'Horace, d'un esprit la fois philosophique et satirique, d'une âme vive et tendre, d'un caractère qui sympathise avec toutes les gloires, avec toutes les douleurs de la patrie, Béranger, la lyre en main, s'assit sur le tombeau des braves, et fit répéter à la France en deuil les plaintes harmonieuses qu'il exhalait dans des chants sans rivaux et sans modèles. Par un talent, ou plutôt par un charme qu'il a seul possédé, il a su rassembler dans des poëmes lyriques de la plus petite proportion la grâce antique et la saillie moderne, la pensée philosophique et le trait de l'épigramme, la gaîté la plus vive et la sensibilité la plus profonde, en un mot, tout ce que l'art a de plus raffiné et tout ce que la nature a de plus aimable: Béranger a créé parmi nous la chanson patriotique, et s'est fait une gloire à part dans tous les autres genres dont il me reste à parler.

Chanson guerrière. Il y a, dit Montaigne, une harmonie courageuse qui échauffe en même temps le cœur et les oreilles. Les chansons militaires ont partout animé les hommes au combat, et les vers de Tyrtée répétés par les Athéniens, au son des lyres, ne contribuèrent pas moins à la victoire de Marathon que la valeur et les talents de Miltiade. Le chœur suivant, d'Alcée, peut être cité comme le type de la chanson guerrière :

Ne confiez jamais l'espoir de vos batailles

A l'airain protecteur qui défend vos murailles;
L'airain, l'acier, le fer, le marbre ne sont rien :
Il n'est qu'un seul rempart, le bras du citoyen.
Des hommes! oui c'est là l'enceinte formidable

Qui seule offre au combat un front inexpugnable; Il n'est qu'un seul rempart, le bras du citoyen (1).

Dans les temps antérieurs à la révolution, cette poésie sublime ne pouvait avoir rien de commun avec les habitudes de nos camps: l'esprit du soldat français, qui répondait au mot honneur, sans rien entendre au mot patrie, n'aurait reçu aucun élan de ces nobles inspirations où s'enflammait le courage des peuples citoyens. La renaissance de la liberté inspira des Alcées nouveaux.

Chanson philosophique. Quelques-unes des plus belles odes d'Horace ne sont évidemment que des chansons, et bien avant lui les Grecs, qui mêlaient à tout des idées de liberté et de philosophie, animaient leurs repas par des chansons de ce genre; Athénée en rapporte plusieurs. Aristote, après la mort de son ami Hermias, a composé sur ce sujet la plus belle chanson philosophique qui nous soit parvenue. Cette espèce de chanson a dû prendre parmi nous une teinte moins sévère; elle se confond le plus souvent avec le genre érotique, et même avec la satire : Pannard et Béranger offrent les plus parfaits modèles de la chanson philosophique.

Chanson satirique ou vaudeville. De tout temps, les poëtes français ont excellé dans ce genre éminemment national, que Boileau a défini dans ces vers charmants :

D'un trait de ce poëme en bons mots si fertile,
Le Français, né malin, forma le vaudeville;
Agréable indiscret qui, conduit par le chant,
Passe de bouche en bouche et s'accroît en marchant;
La liberté française en ses vers se déploie;
Cet enfant du plaisir veut naître dans la joie.

Sous le rapport de l'étendue, le vaudeville est le poëme épique du genre; comme il ne se prescrit point de marche régulière, et qu'il va lançant au hasard l'épigramme et la saillie, il ne s'arrête que lorsque l'auteur a épuisé sa verve satirique. En politique, le vaudeville est toujours de l'opposition, et c'est à lui seul, comme on l'a dit, que nous avons dû, pendant plusieurs siècles, l'avantage de vivre sous une monarchie tempérée.

Si pendant quelque temps, le vaudeville, sous le nom de noëls, ne fut plus qu'un organe impur de turpitudes et de diffamations, c'est aux beaux esprits de la cour de Louis XV et de Louis XVI qu'il faut s'en prendre, et l'on doit remarquer, pour l'honneur des lettres, que ces infâmes productions, dont je n'ose pas même rappeler les titres, ont eu pour auteurs les meilleurs gentilshommes du royaume.

Pannard est le roi de l'ancien vaudeville; il y atteint quelquefois à la naïveté de la Fon.

(1) Cette traduction est de M. Philarète Chasles,

taine, à la malice de Boileau et à la gaîté de Piron: aucun chansonnier avant lui n'avait su rendre la morale plus gatment populaire. Collé, Piron, Jean Monet, Favart, ont laissé quelques vaudevilles qui méritent de trouver place dans les recueils, mais qui ne leur assignent, en ce genre, qu'un rang fort inférieur à Pannard et à plusieurs de nos contemporains.

Chanson bachique. M. de la Nause, qui a traité un peu trop gravement ce sujet frivole, invoque le témoignage de Dicéarque, de Plutarque et d'Artémon, pour prouver que les premières chansons de table furent répétées en chœur, et que l'on avait soin de n'y introduire que les louanges des dieux : quoi qu'il en soit, il est mieux prouvé encore que la chanson de table quitta bientôt ce ton sévère. On célébra le pouvoir du vin et de l'amour; chacun des chanteurs prit pour sceptre une branche de myrte, qu'il passait à son voisin après avoir achevé sa chanson et vidé son verre; quand le voisin ne savait pas chanter, il se contentait de garder la branche entre ses mains, tandis qu'un autre chantait pour lui. De là cette expression populaire, chanter au myrte.

Anacréon n'a guère fait que des chansons de table la meilleure me paraît être celle où il fonde sur la certitude de la mort la nécessité de boire; il y a de la grâce et de l'abandon dans les raisonnements qu'il oppose à la Parque fatale; tous les chansonniers depuis ont adopté sa logique.

Les chansons bachiques d'Horace ont plus de charme, plus de philosophie; les guirlandes enlacées par une jeune esclave, un simple repas, le doux murmure des baisers timides, le Falerne pétillant dans l'amphore, la brièveté de nos jours, l'imprudence de se confier à l'avenir, la folie de l'ambition qui tourmente une vie si courte, et la nécessité d'en jouir, la combinaison de ces idées riantes et mélancoliques anime les chansons d'Horace; c'est la morale d'Épicure, enrichie des couleurs d'une poésie voluptueuse et philosophique : c'est de lui que Montaigne devait dire : « Il << berce la sagesse sur le giron de la volupté. » Nos chansons de table ont été longtemps des orgies grossières; celles de maître Adam ne manquaient pas de verve, et si les ouvrages de Démosthène sentaient l'huile (ce qui, soit dit en passant, est bien plus vrai de l'orateur romain qué de l'orateur grec), ceux du menuisier de Nevers paraissent abreuvés de vin. Chaulieu et Lafare prêtèrent à ce genre de chanson une teinte de bonne compagnie sans l'élever davantage : les faridondaine, les tourlouribo, régnèrent jusqu'au siècle de Louis XV. Dufrény, Pannard et Collé peuvent être regardés comme les restaurateurs de la chanson

bachique, où ils ont été surpassés de nos jours par Béranger et Désaugiers.

Chanson érotique. Dans l'ordre naturel, cette espèce de chanson doit avoir précédé toutes les autres; quoi qu'en disent Hobbes et Machiavel, les hommes ont fait l'amour avant de faire la guerre. Je me bornerai à rappeler ici que plusieurs odes de Catulle et d'Horace sont les premiers modèles de la chanson érotique, et qu'elles seraient encore sans rivales si de nos jours Béranger en France, et Thomas Moore en Angleterre, n'eussent porté ce genre à sa perfection. Quelques chansons érotiques de Boufflers, de Ségur, de Parny et de Longchamps, peuvent être mises au nombre des chefs-d'œuvre du genre érotique.

E. JOUY.

CHANSON. (Musique.) Espèce de petit poëme lyrique fort court, qui roule ordinairement sur des sujets agréables, et auquel on a ajouté un air pour être chanté dans des occasions familières, comme à table, avec ses amis, avec sa maîtresse, et même seul, pour éloigner quelques instants l'ennui si l'on est riche, et pour supporter plus doucement la misère et le travail, si l'on est pauvre. Voyez ROMANCE. H. BERTON.

CHANT. (Musique.) Sorte de modification de la voix humaine, par laquelle on forme des sons variés et appréciables. Observons que, pour donner à cette définition toute l'universalité qu'elle doit avoir, il ne faut pas seulement entendre par sons appréciables ceux qu'on peut assigner par les notes de notre musique, et rendre par les touches de notre clavier, mais tous ceux dont on peut trouver ou sentir l'unisson, et calculer les intervalles, de quelque manière que ce soit.

Le chant, appliqué plus particulièrement à notre musique, en est la partie mélodieuse, celle qui résulte de la durée et de la succession des sons, celle d'où dépend en grande partie l'expression, et à laquelle tout le reste est subordonné. (Voyez MUSIQUE, MÉLODIE.) Les chants agréables frappent d'abord; mais ils sont l'écueil des compositeurs, parce qu'il ne faut que du savoir pour écrire correctement, et qu'il faut du talent pour imaginer des chants gracieux. L'homme de génie invente des chants nouveaux, et l'homme de goût trouve de beaux chants.

L'art du Chant a pour objet l'exécution de la musique vocale.

Chant ambrosien. Sorte de plain-chant, dont l'invention est attribuée à saint Ambroise, archevêque de Milan.

Chant grégorien. Sorte de plain-chant, dont l'invention a été attribuée à saint Grégoire; on l'a substitué, dans la plupart des églises, au chant ambrosien.

Chant en ison ou Chant égal. On appelle

ainsi un chant ou une psalmodie qui ne roule que sur deux sons, et ne forme par conséquent qu'un intervalle. Quelques ordres religieux n'ont dans leurs églises d'autre chant que le chant en ison.

Chant sur le livre. Plain-chant ou contrepoint à quatre parties que les musiciens composent et chantent impromptu sur une seule savoir, le livre de chœur qui est au lutrin; en sorte qu'excepté la partie notée, qu'on met ordinairement au ténor, les musiciens affectés aux trois autres parties n'ont que celle-là pour guide, et composent chacun la leur en chantant.

Chantant. Épithète que l'on donne aux morceaux de musique où la mélodie se fait remarquer; on dira: cet air est chantant; cette sonate, ce quatuor sont chantants.'

Chanter. C'est, dans l'acception la plus générale, former avec la voix des sons variés et appréciables; mais c'est plus communément faire diverses inflexions de voix sonores, agréables à l'oreille, par des intervalles admis dans la musique et dans les règles de la composition.

On chante plus ou moins agréablement, à proportion qu'on a la voix plus ou moins agréable et sonore, l'oreille plus ou moins juste, l'organe plus ou moins flexible, le goût plus ou moins formé, et plus ou moins de pratique de l'art du chant.

On chante quelquefois sans articuler des mots, sans dessein formé, sans idée fixe, dans une distraction, pour dissiper l'ennui, pour adoucir les fatigues; c'est de toutes les actions de l'homme celle qui lui est le plus familière et à laquelle une volonté déterminée a le moins de part.

Chanteur. Homme qui a reçu de la nature un organe sonore et qui l'a rendu propre au chant par l'étude de la musique, et par la pratique d'une bonne méthode de chant.

A l'église, au concert, au théâtre, le chanteur exécute la partie destinée au genre de voix qu'il possède.

Nous avons beaucoup de gens qui chantent sur les théâtres et dans les concerts, mais on compte bien peu de chanteurs.

Chanteuse. Il semblerait, d'après le dictionnaire de l'Académie, qui dit que chanteuse est le féminin de chanteur, qu'il faudrait donner la même signification à ces deux mots; mais dans le vocabulaire musical cela est fort différent; on ne prend qu'en mauvaise part le mot de chanteuse. La musicienne ambulante, qui mêle sa voix aux sons discordants de l'orgue de Barbarie, est une chanteuse; celle qui, à force de se faire répéter par un violon ou par un autre instrument, un air à roulades, parvient à l'apprendre et à le rendre passablement en public, est encore une chan

teuse; mais nous nommons cantatrices les personnes qui réunissent à une belle voix la connaissance parfaite de l'art du chant. H. BERTON.

CHANTERELLE. (Musique. ) C'est la corde du violon, de la guitare et instruments semblables, qui a le son le plus aigu.

Comme dans les instruments à cordes on est dans l'usage de placer les motifs de chant dans les hautes régions diapason, et que par cette raison, les solo de violon ou de violoncelle s'exécutent en grande partie sur la corde aiguë, on a donné à cette corde le nom de chanterelle, corde destinée au chant, tandis que les autres paraissent être réservées plus particulièrement pour l'accompagnement. H. BERTON.

CHANTILLY. ( Géographie et Histoire. ) Jolie petite ville du département de l'Oise, à 8 kilomètres de Senlis, et dont la population est d'environ 2,500 habitants.

La terre et seigneurie de Chantilly appartenait, sous le règne de Charles VI, à Pierre d'Orgemont, chancelier de France. Pierre d'Orgemont, son petit-fils, la donna, en 1484, à Guillaume, fils de Marguerite d'Orgemont sa sœur, et de Jean de Montmorency, onzième du nom. Louis XIII donna, en 1633, le duché de Montmorency, dont Chantilly faisait partie, à la princesse de Conti, sœur de Henri de Montmorency, qui avait été le dernier de cette branche; mais il se réserva le château et la seigneurie de Chantilly. Anne d'Autriche accorda pour quelque temps, au prince de Condé, la jouissance de ces biens, dont Louis XIV rentra un peu plus tard en possession. Enfin, en 1661, le roi donna Chantilly en toute propriété au même prince de Condé. Cette terre, qui ne valait guère par elle-même qu'un vingtaine de mille livres de rente, était fort considérable par ses mouvances.

C'est au grand Condé que Chantilly doit la plupart de ses embellissements et la réputation européenne dont il jouit encore aujourd'hui. Eu 1671, Louis XIV, avant de se rendre en Flandre, voulut, au mois de mai, exécuter la promesse qu'il avait faite à ce prince d'aller le visiter dans sa terre. Jamais les affaires de Condé n'avaient été dans un état plus pitoyable. En vain il avait envoyé son confident Gourville à Madrid, pour obtenir de la cour d'Espagne qu'elle lui payât une partie de ce qu'elle avait reconnu lui devoir; il n'avait pu rien obtenir que quelques forêts et quelques fiefs dans les Pays-Bas. Jamais néanmoins fête plus magnifique ne fut donnée à un roi. On sait qu'elle se termina par la mort du malheureux Vatel. Les embellissements du château étant terminés, le prince de Condé publia qu'il donnerait mille écus au poëte qui composerait la meilleure inscription Propre à être placée

au-dessus de la porte d'entrée. Un Gascon fit ce quatrain :

Pour célébrer tant de vertus,

Tant de hauts faits et tant de gloire,
Mille écus, morbleu, mille écus,
Ce n'est pas un sou par victoire!

Le prince de Condé, dont la modestie n'était pourtant pas le trait distinctif, donna le prix au poëte, mais n'osa pas faire usage du quatrain. En 1718, le duc de Bourbon fit démolir l'ancien château et en rebâtit un nouveau, dont une partie fut détruite par un incendie, quelque temps avant la révolution. Ce domaine eut beaucoup à souffrir pendant cette période; et, sous le gouvenement impérial, la forêt de Chantilly fût donnée à la reine Hortense à titre de dotation. Mais en 1814, le prince de Condé fut remis en possession du magnifique château de ses ancêtres. Toutes les ruines eurent bientôt disparu, et un jardin anglais remplaça les anciens parterres de le Nôtre. Aujourd'hui cette propriété, digne encore de son ancien renom, appartient au duc d'Aumale.

L'hospice de Chantilly, fondé et doté par les princes de Condé, peut servir de modèle, sous tous les rapports, aux établissements de ce genre.

On sait que tous les ans ont lieu à Chantilly des courses de chevaux qui attirent de nombreux spectateurs.

A cette source temporaire de richesses et de prospérité, Chantilly en joint d'autres plus durables: c'est son industrie qui les lui fournit. Chantilly est en France l'un des centres principaux de la confection des dentelles de soie appelées blondes. Il y a une manufacture de porcelaine, des fabriques de bonneterie et de tabletterie.

Fauquemprez, Histoire de Chantilly, depuis le dixième siècle jusqu'à nos jours, etc., in-8°, 1840. Mérigot, Promenade ou Itinéraire des jardins de Chantilly, avec plan et estampes, in-4°, 1791.

LÉON RENIER.

CHANTS POPULAIRES. Voy. POÉSIE POPU

LAIRE.

CHANVRE. (Agriculture.) Cannabis sativa. Plante de la famille des urticées, annuelle, à racine pivotante, fusiforme, peu rameuse. La tige, creuse et striée, s'élève, suivant le climat et la fertilité du sol, de 1 à 4 mètres de hauteur; elle est branchue lorsqu'elle pousse isolément; mais elle reste simple dans la culture ordinaire, où, par un semis épais, l'on rapproche les plantes dessein. Les feuilles inférieures sont opposées, les supérieures alternes; les unes et les autres sont incisées, velues et pétiolées.

Le chanvre est dioïque, c'est-à-dire que les deux sexes se présentent habituellement (1) (1) Nous disons habituellement, car parfois on trouve

sur des pieds séparés. Les fleurs, de couleur verdâtre, sont disposées, les mâles en grappes terminales au sommet de la tige, et les femelles en épis ramassés situés à l'aisselle des feuilles supérieures.

Le fruit est une petite capsule, sphérique, bivalve, indéhiscente, uniloculaire et monosperme.

Les pieds femelles, chargés de mûrir les semences, vivent plus longtemps et deviennent plus grands que les pieds mâles, qui se dessèchent après la fécondation. Cette différence est telle que les habitants des campagnes ont généralement interverti les noms qui conviennent aux deux sexes, en raison du préjugé qui attribue généralement au sexe masculin la supériorité de taille et de force.

Toutes les parties du chanvre exhalent une odeur pénétrante et narcotique. Il suffit de s'endormir et même de se reposer dans une chenevière pour éprouver au bout de peu de temps des vertiges et une sorte d'ivresse.

Les feuilles de cette plante font la base d'une préparation connue en Orient sous le nom de haschisch, et qu'on emploie soit en pâte, soit en liqueurs, ou même en fumigations. Il en résulte une ivresse caractérisée, dit-on, par une sorte d'extase analogue à celle que l'on se procure par l'usage de l'opium; mais, comme pour cette dernière substance, l'usage répété du haschisch altère l'organisme, amène la stupeur, l'hébètement, et conduit au marasme et à la perte de la vie.

En Europe, le chanvre est seulement utilisé comme plante textile et oléagineuse. Sa culture en France offre un intérêt de première importance; répartie sur une surface presque double de celle qui est affectée au lin (2), la valeur de la production en filasse brute et graine dépasse 130 millions de francs, chiffre qui exprime actuellement (1846) la valeur du fer, de la fonte et de l'acier réunis, produits dans notre pays.

On ne connaît qu'une seule espèce de chanvre. De même que la plupart des végétaux qui sont pour l'homme d'une haute utilité, cette plante peut venir à des latitudes diverses, sous des climats différents: elle réussit en Italie, en Grèce et dans les contrées les plus chaudes de l'Europe; et, quoiqu'elle redoute beaucoup le froid, on l'obtient en Russie jusque vers le 68me parallèle. Comme elle naft, croît et murit dans l'espace de 3 à 4 mois, on trouve dans presque tous les pays une saison où la somme de chaleur permet au chanvre d'ac

dans le chanvre des individus monoïques, portant sur le même pied des fleurs måles et des fleurs femelles.

(2) Le chanvre est cultivé en France sur 176, 148 hectares, le lin sur 98,242 (Stastitique officielle publiés par leministre de l'agriculture et du commerce, 1839),

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