Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

fiées, et lui faisait payer la rançon des négociateurs, Montmorency et Saint-André, plus cher que ne l'avait été celle de François 1er.

On fabrique à Cateau Cambrésis des châles, des mérinos, des batistes, des calicots, de l'amidon, du savon noir; il y a des raffineries de sel, des brasseries, des tanneries, des chamoiseries, des fonderies de cuivre et de fonte. On y fait le commerce de blés, graines grasses, cuir, toiles, mérinos, etc.

C'est la patrie du maréchal Mortier, duc de Trévise.

G.

CATÉCHÈSE. ( Religion.) Instruction élémentaire de vive voix, spécialement sur la religion chrétienne. Ce mot est synonyme de catéchisme.

CATÉCHISME. (Religion.) Kaτnxioμós. Instruction verbale élémentaire quelconque : plus spécialement, une instruction verbale et élémentaire sur la religion; et plus spécialement encore, un livre destiné à servir ou pouvant servir de formulaire pour cette instruction.

Sur le modèle du catéchisme latin, fort méthodique, rédigé par ordre du concile de Trente, sont faits nos catéchismes. Les meilleurs qu'on ait en langue française, pour les catholiques, sont : celui de Montpellier; celui du diocèse de Meaux, par Bossuet; la célèbre Exposition de la doctrine de l'Église catholi❘ que, par ce même prélat, sur les points qui la divisent d'avec les protestants. Le livre intitulé De la Religion révélée, par M. Herbuisson, chapelain à l'école royale militaire de Paris, in-8°, 1813, chez Pillet, passe pour notre meilleur catéchisme sur les preuves de la religion chrétienne et catholique.

Il appartient aux évêques de composer ou de choisir, s'ils le veulent, le catéchisme à l'usages des écoles catholiques de leurs diocè. ses. Quand il est arrivé à quelques-uns d'y insérer des opinions qui n'appartiennent point à la foi, ou des préceptes contraires aux lois de l'État, ces désordres ont trouvé une répression plus ou moins efficace. Avant 1814, on avait fait faire, dans les bureaux du ministère des cultes, et approuver tellement quellement par un nonce du pape, pour tout le royaume, un catéchisme dont le chapitre dixième énonçait largement ce que Napoléon prétendait lui être dû à lui et à sa famille. Ce chapitre singulier a toujours paru un scandale, et n'a obtenu qu'un enseignement partiel et passa. ger. Depuis 1814, il a été imprimé, dans trente diocèses français, des catéchismes contenant des préceptes illégaux ou même anticonstitutionnels; mais, lorsqu'on s'en est plaint publiquement, il a été répondu officieusement que c'étaient des fautes d'impression. Cette excuse

a suffi, parce qu'on manque, en France, d'une bonne loi et d'un tribunal constitutionnel sur la police des cultes.

LANJUINAIS.

Ceux qui pensent que les opinions religieuses doivent être libres, et que de la diversité des opinions en cette matière résulte surtout la liberté, désireront sans doute que chaque pasteur approprie l'enseignement de la foi aux habitudes, aux croyances et jusqu'à un certain point aux préjugés des populations. Mais comment ceux qui ne voient de salut que dans l'unité religieuse, et qui n'attribuent de supériorité à l'Église romaine que parce qu'elle a un chef permanent et infaillible, dont l'autorité s'élève au-dessus des évêques et rivalise celle des conciles généraux, dont les décrets n'ont de valeur que par son concours et son approbation, peuvent-ils approuver la variété qui existe dans les bases de l'enseignement catholique, dans le catéchisme?

Mais, dit-on, les évêques, auxquels le droit appartient, comme successeurs des apôtres, d'enseigner la parole divine, seraient exclus de l'Église, s'ils s'éloignaient de sa doctrine.

Pourquoi les exposer à ce danger? Tertullien, Origène, Arius, et la plupart des chefs de secte étaient des hommes pieux et savants; ils se sont séparés de l'Église, peut-être par suite d'une erreur commise d'abord de bonne foi, et dans laquelle ils ont cru devoir persé

vérer.

Aussi le concile de Trente avait-il jugé nécessaire, pour éviter ce danger, de rédiger un catéchisme universel. Et c'est quand le souverain pontife est d'accord avec un concile général reçu par toute l'Église catholique, que les évêques s'arrogent le droit de publier chacun son catéchisme? N'est-ce pas méconnaître hautement cette double et sainte autorité? Ce n'est pas parce que l'unité du catéchisme a été imposée à l'empire français par l'art. 39 de la loi organique du concordat, et par le décret du 4 avril 1806, que les évêques se sont refusés à le recevoir; c'est en vertu d'une prépotence qu'ils s'attribuent, malgré les dangers qui peuvent en résulter, et qui, selon le concile de Trente, juge compétent, en étaient résultés dans le monde catholique; peut-être aussi est-ce pour s'attribuer un certain lucre, que les évêques persistent à publier des catéchismes différents.

Dans un rapport à l'empereur, du 11 mars 1806, resté inédit, et que le zèle filial vient de publier (1), l'illustre Portalis exposait à l'auteur de la loi organique, que le catéchisme de l'empire français était emprunté à celui de

(1) Discours, rapports et travaux inédits sur le concordat de 1807, par Jean Étienne Marie Portalis, publiés par son petit fils, le vicomte Portalis, conseiller à la cour royale de Paris.

l'immortel Bossuet, le dernier Père de l'Église, et la lumière de l'Église gallicane.

Le cardinal Caprara, légat à latere, investi des pouvoirs extraordinaires du pape Pie VII, a approuvé ce catéchisme, parce que la foi est une, ce qui devrait suffire aux ultramontains; et beaucoup d'évêques d'alors l'ont approuvé. Dans l'exposé des motifs du décret, aujourd'hui publié, Portalis rappelle les plaintes du concile de Trente sur la diversité innombrable des catéchismes et sur les encouragements qui en résultaient pour les hérésies. En ordonnant un catéchisme unique, les Pères du concile ne se proposaient pas seulement l'instruction des simples fidèles, mais même celle des évêques et des prêtres, par qui les fidèles sont instruits. L'unité de l'enseignement n'importe pas moins à l'État qu'à la religion.

<< Ceux qui pensent qu'on ne devrait pas << parler de religion et de morale aux en«<fants, et qu'on devrait attendre un âge plus «< avancé, méconnaissent la vivacité des pre«<mtères impressions et la force des premiè<< res habitudes;... elles deviennent en quelque << sorte une seconde nature. >>

Voilà les considérations puissantes qu'on a méconnues en 1814. La plupart des catéchismes publiés alors rétablissaient des locutions féodales, et rappelaient l'obligation de payer la dîme, abolie par les lois de la révolution. M. Lanjuinais et ses doctes amis s'élevèrent avec beaucoup de vivacité contre cet abus, que le gouvernement n'osa réprimer, dans la crainte de toucher à l'encensoir. Un recours comme d'abus au conseil d'État aurait été sans résultat, attendu qu'il n'y a pas de sanction pénale; une poursuite correctionnelle pour délit de la presse renfermé dans un catéchisme, aurait amené beaucoup d'évêques devant les tribunaux; on n'osa pas. Il en est résulté que la loi organique du concordat, à laquelle, ainsi qu'aux autres lois du royaumé, les évêques prêtent serment d'obéissance lors de leur nomination, est impuissante devant leur résistance. On n'ose plus aujourd'hui en parler.

On devait, à la même époque, réformer la liturgie, et l'uniformiser, ainsi que la loi l'ordonnait. Portalis en avait pris l'engagement en 1806. Il n'a pas tenu sa parole. Aujourd'hui les évêques abandonnent successivement la liturgie française, pour prendre la liturgie ro. maine.

Il y a plus aujourd'hui les évêques revendiquent la propriété des livres d'Église, et quoique la cour de cassation ait refusé de leur reconnaître ce droit (1), ils sont arrivés au même résultat par le droit de censure

(1) Arrêt du 23 mai 1836.

qu'on leur reconnaît, et par les condamnations prononcées contre les imprimeurs qui mettent au jour des livres semblables, sans en avoir préalablement obtenu la permission (décret du 7 germinal an XII; arrêt du 9 mai 1843). La charte de 1830, qui a aboli toute censure préalable, n'a pas abrogé ce décret. ISAMBERT.

CATÉCHUMÈNES. (Histoire religieuse.) C'est ainsi que l'on appelait dans les premiers siècles de l'Église, les juifs ou les gentils convertis, que l'on instruisait pour recevoir le baptême.

La précaution d'instruire et d'éprouver les nouveaux convertis, avant de les admettre au baptême et à la connaissance de tous les mystères de la religion, n'était point observée dans les commencements du christianisme; on recevait alors, sans difficulté, parmi les disciples du Christ, tous ceux qui déclaraient le reconnaître pour l'unique rédempteur du genre humain, et promettaient de suivre ses préceptes. Mais, dans la suite, lorsque les familles chrétiennes commencèrent à s'organiser, et qu'elles purent craindre que des traîtres ou des hommes faibles ne s'introduisissent dans leur sein, elles devinrent plus circonspectes, et ne reçurent au rang des fidèles que ceux qui, sous le nom de catéchumènes, avaient été suffisamment préparés à une initiation définitive, et dont la vocation d'ailleurs avait été reconnue sincère.

Les catéchumènes étaient divisés en trois classes les écoutants, les élus et les compétants. Les écoutants ne recevaient d'instruction que sur la foi et les mœurs; les élus étaient préparés pour le baptême, et les compétants étaient admis à le recevoir.

Les catéchumènes ne pouvaient pas assister avec les fidèles au sacrifice de la messe; mais jusque-là, il leur était permis de rester à l'office. Cette partie du service à laquelle on les admettait, s'appelait la messe des catéchumènes,

et le pain qu'on leur distribuait, au lieu de l'eucharistie, recevait également leur nom. Dans la plupart des églises il y avait des écoles particulièrement destinées à l'instruction des catéchumènes; telle fut celle d'Alexandrie, que les noms et les ouvrages de saint Clément et d'Origène ont rendue célèbre par-dessus toutes les autres.

La distinction des chrétiens en catéchumènes et fidèles s'est effacée dans l'Église depuis qu'il n'y a plus d'infidèles à convertir. Les cérémonies particulières à la réception des catéchumènes, comme l'imposition des mains, les exorcismes, les onctions, l'emploi du sel et de la salive, etc., sont comprises aujourd'hui dans celles du baptême.

SAINT-AMAND.

Les cérémonies consacrées pour la réception

des catéchumènes sont encore aujourd'hui remplies quand il s'agit de la conversion de personnes nubiles, qui ont professé une autre religion. Quant au baptême, réservé aux enfants nouveau-nés dans les pays catholiques, il 'avait une grande importance, quand les prêtres étaient officiers de l'État civil: il n'en a plus; ce n'est plus qu'un usage, auquel se soumettent les parents catholiques, pour témoigner qu'ils sont dans l'intention d'élever leurs enfants dans la religion de leurs pères.

Quant aux enfants eux-mêmes, on attend l'âge de raison pour leur enseigner la religion, et pour en faire des catéchumènes ; la première communion est réellement aujourd'hui le vrai baptême.

Constantin, qu'on appelle le premier empereur chrétien, était encore, lorsqu'en 325, il convoqua le concile de Nicée, et revêtit de son approbation les actes et le symbole de cette assemblée, un véritable païen, quoiqu'il prétendît être l'évêque du dehors: il faut même dire qu'il est mort païen, malgré le bien qu'il a fait à l'Église; car, que signifie le baptême in extremis, que, selon le témoignage de l'historien Eusèbe, il sollicita pour expier ses péchés, ou plutôt ses crimes, l'assassinat de son fils et de son neveu ; celui de l'impératrice Fausta, et de tant d'autres illustres personnages, qu'il fit exécuter, sans les avoir mis à même de prouver leur innocence? « Il se mit, dit-on, à « genoux dans l'église des Martyrs à Hélénopolis, confessa ses fautes, en demanda par. « don à Dieu, et reçut la première imposition « des mains. S'étant fait transporter dans son palais au faubourg de Nicomédie, il fit que« rir les évêques, leur dit qu'autrefois il avait « résolu de recevoir le baptême dans les eaux << du Jourdain, et après un discours, dans lequel << il reconnut qu'il ne fallait plus différer, les « évêques, firent sur lui les saintes cérémonies,

[ocr errors]

"

lui conférèrent les sacrés mystères, et lui pres«< crivirent les règles qu'il devait garder. Il fut << revêtu d'une robe éclatante de blancheur, ren<< dit à Dieu ses actions de grâces, et expira le « dernier jour des fêtes de la Pentecôte, en 337, << dans un âge peu avancé (1). » Après sa mort, son fils fil massacrer sa nombreuse famille, à l'exception de ses frères, comme Constantin avait fait lui-même depuis le concile de Nicée. Des princes païens eussent-ils pu faire pis?

Quand nous disons que les enfants sont ins. truits dans la religion lorsqu'ils sont parvenus à l'âge de raison, nous tenons un langage de convention; car la vérité est que, dans l'Église catholique, on appelle à la première communion les enfants à l'âge où les impressions sont les plus vives, et où ils n'ont pas encore appris à raisonner leur croyance. Portalis en a donné la raison dans son Rapport sur le ca(1) Eusèbe, Vie de Constantin, IV, 61-64.

ENCYCL. MOD. T. VIII.

téchisme de l'Empire: « Ces premières impres«<sions sont ineffaçables et forment une se«<conde nature. Il faut parler au cœur plutôt

"

qu'à l'esprit. Quand on arrive à l'âge d'homme, << on est enclin au scepticisme; la raison n'admet << que ce qui est démontré. Quand on arrive au « déclin de la vie, et que les forces diminuent, << on revient aux impressions du jeune âge. »>

Voilà pourquoi le clergé ambitionne tant l'éducation de la première jeunesse, et regarde aujourd'hui cette conquête comme la première de toutes. L'influence qu'il obtient par le baptême est nulle; celle qu'il obtient par la première communion n'est que trop souvent passagère. Le rationalisme est ce qu'il a de plus en horreur; il lui préfère les fausses religions. Cependant il y a un christianisme qui ne redoute rien du rationalisme, même de ses abus.

ISAMBERT.

CATÉGORIES. (Philosophie.) Cette expression désigne aujourd'hui, d'une manière générale, en philosophie, tous les essais possibles de classification supérieure soit des idées et des formes de l'intelligence, soit des objets et même des êtres réels qui correspondent à ces idées, soit des mots qui expriment ces idées ou ces objets. On appelle métaphysiques ou subjectives, les catégories des idées, et des formes de l'entendement; logiques, celles des mots; et matérielles, objectives ou naturelles, celles qui répondent aux êtres réels, aux choses, matière de la pensée. Plus spécialement, on donne le nom de catégories aux diverses classes auxquelles Aristote a prétendu réduire tous les objets de nos pensées, et pour lesquelles il paraît avoir expressément consacré ce mot.

Les catégories, et la classification telle qu'on la connaît en histoire naturelle, sans différer essentiellement, ne sont pourtant pas synonymes: une nuance prononcée les sépare dans le langage moderne. Le mot classification est affecté aux rapports de subordination, de ressemblance ou de dissemblance, des êtres et des choses réelles qui composent le domaine de la nature, où l'on s'attache aux particularités, où l'on descend aux détails, à l'étude et à la comparaison minutieuse des individus vivants. L'expression catégorie est surtout affectée au domaine de la métaphysique et de la logique; elle se rapporte au point de vue de l'esprit d'où l'on considère les objets et les êtres, abstraction faite de l'existence; n'ayant égard qu'à l'universel; se proposant l'énonciation et l'enchaînement naturel, scientifique, des notions radicales, ou des formes de l'intelligence; et tout au plus la nomenclature et la mise en ordre des éléments abstraits de la réalité objective, avec celle des mots qui sont les signes de ces idées et de ces éléments.

Ainsi on parle en histoire naturelle, de

2

classes et de familles, d'ordres et de genres, d'es. pèces, de races et de variétés; mais il n'y est pas question de catégories : ce dernier mot est, au contraire, sacramentel dans les systèmes de métaphysique et de logique.

On peut donc définir les catégories : des classes d'un ordre supérieur, des classes qui planent en quelque sorte sur les classifications vulgairement dites; leur envoient la lumière avec la fécondité; sont comme la clef de leurs divisions, de leur nomenclature et de leur enchaînement systématique. Il serait peut-être d'une meilleure méthode, afin de favoriser l'accès de la science aux nombreuses intelligences qu'effarouchent les mots inusités, de bannir tout à fait l'expression dont se servait Aristote, et de désigner par ce mot classification toutes les classes possibles d'êtres réels ou de raison; de notions et de formes; de pliénomènes et d'éléments, tant intellectuels et logiques que naturels; tant subjectifs qu'objectifs : alors, selon les cas, chacune de ces dernières épithètes s'adjoindrait au mot classification pour accuser la nature spéciale des catégories en question.

Par réaction contre les abus de la scolastique et de l'aristotélisme, il a été de mode dans la plupart des logiques modernes, depuis celle de Port-Royal, de donner les catégories comme des classifications arbitraires, que chacun a le droit de modifier selon ses vues. Rien n'est moins fondé. Il n'y a d'arbitraire possible que dans les choses qu'on ignore; car tout a sa loi et sa raison d'être tout est réglé avec poids, nombre et mesure. Sans doute, comme moyen de soulager la mémoire en apportant un certain ordre dans la multitude des idées, des mots ou des choses, les catégories peuvent être arbitraires ou artificielles; mais, en tant que scientifiques, elles doivent exprimer l'ordre véritable, être la reproduction exacte de ce qui est, ou de ce qui se passe dans l'esprit; car elles sont soumises aux mêmes conditions que tout ce qui est vrai, savoir d'être un et non divers, d'être naturel et immuable. S'il y a un plan et un ordre providentiels dans la création extérieure, dans le grand monde, il y a un plan et un ordre providentiels dans la création intérieure, dans le petit monde. Toutes les idées et notions radicales, comme tous les êtres, sont hiérarchisées, subordonnées et harmonisées; toutes sont en rapport de simultanéité ou de successivité; de ressemblance, de différence ou d'opposition, de filiation et de génération; enfin, il existe un ordre naturel et nécessaire dans la manifestation et le développement des idées élémentaires comme dans celle des êtres réels; il y a des causes conditionnelles et efficientes des idées; un enchat

nement naturel des phénomènes et des propriétés de l'intelligence. Or, voilà le terrain par excellence des catégories : c'est aux catégories, c'est aux classifications de tout genre à nous exprimer rigoureusement cet ensemble, en nous donnant le fac simile ou la reproduction fidèle de la réalité vivante, dans les deux sphères.

Les catégories, et en général les classifications, ne sauraient donc être uniquement une méthode destinée à soulager la mémoire et à introduire la clarté; mais une science. L'arbitraire, l'artificiel ne sauraient être ici le dernier mot. Il y a des catégories naturelles de l'esprit, tout comme il y a une méthode naturelle dans les trois règnes de la nature : il faut donc aux catégories leur Jussieu; car elles en sont encore au point où en était l'histoire naturelle à l'époque de Linné. S'il était permis de recourir, en cette matière, aux analogies de l'ordre physique, nous dirions qu'il y a une anatomie et une physiologie de l'intelligence et de l'âme tout entière à faire, comme il y en a une du corps. La psychologie ne devrait même être que cela, et, à vrai dire, c'est ce qu'elle ambitionne, et ce qu'elle poursuivra jusqu'à ce qu'elle l'ait atteint : or, les véritables catégories seront l'expression de cette science quant à l'entendement.

Tant que, dans un système de catégories quelconque, on pourra accuser une réduction, une omission ou une surabondance, ce système sera imparfait; tant qu'il se refusera à recevoir dans ses cadres, et à la place voulue, certains éléments irréductibles et nécessaires, il sera mauvais ; et tant qu'il niera l'ordre naturel, il sera artificiel ou arbitraire.

Mais, lorsque la tâche scientifique sera accomplie dans les hautes régions de la pensée, les catégories logiques et les catégories objectives ou s'ensuivront comme un grand corollaire, ou se modèleront sur cette carte de l'entendement, ou s'harmoniseront avec elle. Alors, non seulement les classifications de mots seront ramenées à des conditions scientifiques, mais les langues en recevront un signalé perfectionnement, et peut-être une langue universelle sera-t-elle possible à la science. Les catégories du moins cesseront d'être stériles, parce que leur utilité sera manifeste; car, ainsi que l'ont parfaitement compris les derniers philosophes en Allemagne, les éléments de la pensée étant connus et classés, sera possible de se livrer à leurs infinies combinaisons d'une manière scientifique, et d'en obtenir des produits réels pour la haute philosophie morale et religieuse.

Cette détermination et cette classification des notions élémentaires et des formes de l'intelligence est, en effet, la première dans l'ordre d'importance et dans l'ordre logique. N'est-ce

pas ces notions qui nous font atteindre les objets et nous donnent les langues; et, dans les langues, dans les objets, l'esprit, la pensée, l'idée ne se voit-elle pas comme sortie d'ellemême ? N'est-ce pas sa représentation en même temps que son œuvre? - Idées et formes, objets et mots, catégories subjectives, catégories objectives et catégories logiques; tout se tient donc et tout est solidaire; elles composent une trinité indissoluble. Établir une scission entre les deux mondes du subjectif et de l'objectif, ce serait se réduire à l'impuissance, se condamner à l'erreur.

Toutefois, si l'isolement et la séparation sont condamnés par la raison, dans la recherche d'un bon système de catégories universelles, la méthode logique et d'exposition consiste à partir de l'esprit, c'est-à-dire des idées et des formes de la pensée, pour aller ensuite aux objets et de là aux mots; et la science se pose ainsi son problème complet :- formes de la pensée, idées ou notions radicales; êtres, choses ou objets ;- mots : c'est l'ordre spontané, primitif ou de création.

Mais, en réalité, dans l'ordre historique de sa recherche, l'esprit humain à toujours procédé à l'inverse : sa réflexion, ignorante et mal affermie, est partie soit des mots pour remonter aux objets et de là aux idées; soit des objets et des mots simultanément; et des uns et des autres il est allé jusqu'aux formes de l'entendement. Plus tard, il a considéré tour à tour la face objective et la face subjective; il a confronté les résultats obtenus dans les deux ordres et les a fait servir à leur vérification mutuelle. Et en effet, la méthode normale, complète, se réduit toujours à ceci : l'objet et le sujet; le dedans et le dehors; l'instrument, la matière et le produit.

HISTORIQUE DES CATÉGORIES.

De tout système de philosophie découle nécessairement un système de catégories; elles y sont au moins à l'état de prémisses. Si donc toutes les philosophies s'étaient développées de ce côté, l'histoire nous offrirait autant de systèmes de catégories des trois ordres qu'il y a eu de systèmes philosophiques.

Avec le point de vue change la perspective : tant valent les catégories métaphysiques, tant valent les catégories logiques et naturelles; et réciproquement. Étant dans la plus étroite dépendance les unes des autres, elles sont destinées à se redresser l'une par l'autre; car, c'est en considérant les objets et les langues qu'on découvre les imperfections des classes d'idées, et c'est en scrutant l'arsenal de l'entendement qu'on vérifie la bonté des systématisations de choses et de mots. Ainsi de bonnes catégories présupposent une bonne

philosophie première, c'est-à-dire une bonne psychologie et une bonne métaphysique.

Les catégories subjectives, objectives et logiques sont donc destinées à se perfectionner avec la science des sciences, et par le fait, toujours elles se sont modifiées selon les systèmes de philosophie.

Nous en avons la preuve dans les rapides indications historiques qui suivent.

Grâce aux travaux de l'orientaliste Colebrooke, nous savons aujourd'hui qu'il existe une dialectique, une logique singulièrement travaillée, et par conséquent des catégories dans la plupart des écoles philosophiques de l'Inde antique. Ce développement y paraît autochthone, primitif, un résultat naturel de la réflexion et de l'analyse orientale. Naguère pour trouver le berceau de la logique, on ne remontait que jusqu'à la Grèce, et c'est à Aristote qu'on attribuait la création des catégories et du syllogisme, la codification de cette science tout entière. Les catégories n'ont même de célébrité que celle qui leur est venue par Aristote.

Or, suivant quelques écrivains, qui se sont peut-être hâlivement emparés des analogies hasardées par Colebrooke, non-seulement les catégories indiennes auraient tous les signes d'antériorité sur les catégories des pythagoriciens et d'Aristote, et sembleraient inhérentes aux philosophies indigènes, mais il y aurait, très-vraisemblablement, une filiation indirecte, sinon directe, des premières aux dernières. Si l'expédition d'Alexandre, duquel Aristote fut le précepteur, et les matinales communications de la Grèce avec l'extrême Orient, ne suffisent point, disent-ils, pour établir la parenté directe, les traces nombreuses d'une origine ou d'une mixtion orientale, dans les écoles diverses de la philosophie grecque antérieure à Socrate, rendent plus que probable la filiation indirecte. A la rigueur, l'événement fut possible: ne sait-on pas qu'une fois l'atmosphère intellectuelle d'un peuple imprégnée de quelques grands dogmes ou prin. cipes venus du dehors, chacun les aspire à son insu et en tire, d'une manière infaillible, tout ce qu'ils peuvent donner et tout ce qu'ils auront donné ailleurs sous le ciel exotique ? Une foule de prémisses indiennes transplantées sur le terrain grec auraient donc pu faire germer dans l'esprit d'Aristote l'analyse logique et l'Organon, dont le fond et tout entier dans les syllogismes, les catégories et la dialectique. Toutefois, l'identité ou la ressemblance du syllogisme grec et du prétendu syllogisme indou, ainsi que celle des catégories des deux philosophies, est loin d'être telle qu'elle semble ne pouvoir se déduire que de l'imitation ou de la tradition même indirecte.

Colebrooke a fait connaître plus particuliè

2.

« ZurückWeiter »