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de femmes, d'enfans et de soldats, que les calamités avaient détachées des différens corps. Mais quelles que soient les pertes que nous ayons essuyées, abstraction faite des isolés dont je parle, l'ennemi battu partout dût en déplorer de plus grandes. 15,000 des siens furent pour lui vainement immolés sur un terrain qu'il re gardait d'avance comme notre tombeau.

D. N'avons-nous pas, dans la nuit qui suivit ce passage, perdu le général Partouneaux et 6000 hommes, par une méprise qui leur fit prendre les feux de l'ennemi pour ceux du camp français ?

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R. C'est une erreur de bulletin que M. le colonel Touquet (1) a rectifiée en 1816, dans le Moniteur du 12 avril : « Cerné par les trois armées russes qui devaient arrêter l'armée française à Borisow, le général Partouneaux fut, après un combat nocturne très-meurtrier, fait prisonnier avec sa division avant d'arriver à la Bérésina. »

D. Délivrée de la Bérésina, quelle direction prit l'armée?

R. Celle de Wilna. C'est dans ce trajet que

(1) C'est le même dont le patriotisme a publié tout résemment 1,500,000 exemplaires de la Charte à 5 centimes,

Napoléon résolut de partir subitement pour Paris.

D. Quelle raison l'y engageait?

R. Un complot qui mettait son trône en péril.

D. De quel œil l'armée vit-elle son départ?

R. Avec un mécontentement qu'elle ne se donna pas la peine de dissimuler.

D. Qui remplaça l'empereur?

R. Le roi de Naples. C'était à Smorghoni: alors tous les maux planaient à la fois sur le camp.

D. Quelles ressources l'armée trouva-t-elle dans Wilna?

R. Toutes celles qu'ellle pouvait désirer; mais alors tous les soldats étaient tellement affaiblis qu'ils ne purent aucunement sentir le bienfait de ces ressources. Dégradés par la faim, leurs estomacs ne trouvèrent qu'un poison dans ces mêmes alimens qui devaient les rendre à la vie; et succédant tout-à-coup au froid insupportable enduré jusqu'alors, la chaleur des foyers frappa leurs membres engourdis d'une corruption rapide.

D. Comment se conduisit, envers les soldais mourans, le peuple de Wilna?

R. Avec tout ce que l'âme d'un inquisiteur pourrait imaginer de plus lâche et de plus

atroce.

D. Combien de temps l'armée séjournat-elle dans Wilna?

R. Quarante-huit heures. Elle en partit le 10 décembre, se dirigeant sur Kowno. Arrivée au pied de la montagne de Waka, elle reconnut que l'instant était arrivé de tout saerifier à la conservation de l'artillerie; et, par un effort qu'elle seule était capable de faire sans abaissement, elle abandonna, indépendamment de ses trésors et des équipages de l'empereur, cette fameuse croix de Saint-Ivan, qui, après s'être élevée parmi les édifices du Kremlin, devait, en s'élevant encore sur les superbes tours de Paris, attester au monde entier les travaux, les périls et la gloire des Français.

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D. L'armée séjourna-t-elle à Kowno?

R. Comme l'ennemi s'attachait à ses pas, elle connut qu'elle n'aurait de repos qu'audelà du Niémen, et repartit dès le lendemain matin. Une scène touchante attachait tous les braves sur le pont de Kowno. Là, un grenadier de la vieille garde attendait d'un œil tranquille la mort qu'il avait affrontée cent fois. « Tes soins me sont inutiles, disait-il à un sol

dat qui le secourait; la seule grâce que je te demande, c'est d'empêcher les ennemis de profaner les marques honorables que j'acquis en combattant contre eux. Porte à mon capitaine cette décoration que je reçus à Austerlitz, et ce sabre dont je me servais à Friedland. »

D. Notre infortune n'ébranla-t-elle pas la constance de nos alliés?

R. Non, si l'on considère que la Prusse s'attacha constamment au char du parti le plus heureux comme la Fortune passait avec nos ennemis, la Prusse crut sa gloire intéressée à suivre la Fortune. Quoi qu'il en soit, l'armée bravant encore la défection du général d'York, repassa le Niémen pour aller chercher, dans les différentes places de l'Allemagne, un repos qu'elle n'avait pu trouver dans le duché de Varsovie.

D. Comment regardez-vous la guerre que yous venez de décrire?

R. Comme la plus funeste puisqu'elle fut la source de nos maux; mais comme la plus glorieuse, puisqu'il fallut pour nous vaincre l'intervention de tous les élémens.

CAMPAGNE DE 1813.

D. QUE faisait l'empereur?

R. Il s'occupait, à Paris, de la formation d'une nouvelle armée.

D. Dans quelles dispositions était la France relativement à ses vues?

R. Dans les plus belles que puisse désirer un prince malheureux. Placée sur les bords. de l'abîme, la France voulait ou vaincre ou tomber.

D. Que faisait-elle pour vaincre?

R. Tout. Napoléon parlait, et à sa voix les hommes et les trésors lui étaient portés en tribut. Un signe de sa part était le coup de pied de Pompée : il sortait des légions de la

terre.

D. Que distingua-t-on parmi les levées qu'il ordonna?

R. Celle de 10,000 jeunes gens fils des premières familles. Tous quittaient une fortune ou un état, perdaient de belles espérances ou le fruit de grands sacrifices; mais le titre de Gardes d'honneur qui leur était donné, et la promesse qu'on leur faisait de l'épaulette au bout de la campagne, leur fit

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