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l'honneur de cette belle journée vous appar

tient tout entier.

D. Dans le compte qu'il rendit de cette bataille, Kutusow se permit-il encore de mentir? R. Moins impertinemment que le 7 septembre : il avoua que ses tirailleurs avaient été baltus.

D. Que fit l'armée française après cette victoire?

R. Elle se rassembla sur la route de Mojaïsk à Smolensk, et, toujours harcelée, reprit le chemin de la France.

D. N'essuya-t-elle dans les premiers jours aucun engagement sérieux?

R. Viasma, que les Russes se ménageaient comme un champ de victoire, ne fut pour eux que le théâtre d'une nouvelle défaite. Ils espéraient nous y couper les 1er, 4° et 5o corps; lorsque le maréchal Ney les fit repentir de leur présomption.

D. On a long-temps parlé des calamités que nos légions éprouvèrent dans leur retraite.

R. L'histoire n'en a jamais décrit de semblables. Un froid, supérieur même à tout ce qu'avaient vu jusqu'alors les hommes les plus vieux de la Russie, s'empara tout-à-coup de l'armée française et la réduisit au plus ef

froyable état. Les hommes périssaient et surtout les chevaux : 30,000 de ces derniers furent abandonnés en 4 jours. Les chemins n'étaient couverts que de cadavres, et l'armée semblait marcher sur elle-même.

D. Comment les Russes supportaient-ils l'intempérie?

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R. Beaucoup mieux que nos soldats parce qu'elle leur était plus familière. Ils avaient surtout l'extrême avantage de se renforcer à mesure que nous périssions. Une armée, que le czar avait jusqu'alors tenue en Moldavie, venait de se réunir à la réserve de Kutusow, et cherchait à nous gagner de vitesse pour nous couper la retraite sur la Bérésina, en se joignant au corps de Wittgenstein.

D. Quel parti prit Napoléon dans cette conjoncture?

R. Il sentit la nécessité de précipiter sa marche, et redoubla d'ardeur. Kutusow, qui longeait notre flanc gauche, voulut soustraire à l'armée de Moldavie la gloire de nous arrêter, et nous accabla, près de Krasnoë, du choc de ses différens corps. Ce fut vainement; ses corps furent enfoncés partout, et nous continuâmes notre retraite.

D. Aucun de nos guerriers ne mérita-t-il,

dans ces engagemens, de distinction particulière ?

R. Comme la 14° division profitait des ténèbres pour rejoindre le 4 corps dont elle était séparée, elle se trouva tout-à-coup arrêtée par un qui vive en langue russe. Tout périssait sans la présence d'esprit du colonel Kiski. S'élançant aussitôt sur le factionnaire: Malheureux, lui dit-il, ne vois-tu pas que nous sortons du camp de Kutusow, et que nous marchons en expédition secrète : la division passa. D. Kutusow s'en tint-il à cette première tentative?

R. Voyant qu'il ne pouvait rien sur le gros de l'armée, il s'essaya contre l'arrière-garde. Réduite à 6000 hommes, mais commandée par le maréchal Ney, celle-ci passa sur le ventre aux 42,000 Russes qu'on envoyait contre elle.

D. Est-ce là tout ce qui arriva d'intéressant jusqu'à la Bérésina?

R. Je ne dois pas oublier le plus beau trait de dévouement qui soit dans les fastes des nations. Les débris de la garde étaient réduits à protéger les débris des corps, et il ne restait plus d'escorte à l'empereur. A l'instant tous ceux des officiers qui ont encore des chevaux

quittent leurs commandemens respectifs et descendent volontairement aux fonctions de simples soldats. Organisés en 4 compagnies, ces héros forment un corps de 600 hommes au milieu duquel Napoléon marche avec confiance. I prit le titre d'Escadron sacré. Les généraux y étaient capitaines, et les colonels sous-officiers.

D. De quel œil Napoléon voyait-il son désastre?

R. En homme qui veut montrer au monde comment un souverain doit supporter le malheur.

D. Quel esprit animait l'armée en approchant de la Bérésina?

R. Celui de couronner par un beau trépas ses travaux immortels.

D. Quels moyens prenait-on pour la mettre en état de combattre?

R. A mesure que les débris arrivaient près de la rivière, des officiers généraux réorganisaient les corps et leur donnaient cette consistance dont dépendait la sûreté commune. Au bout de quelques heures, 80,000 hommes en bataille présentèrent leur front à l'ennemi.

D. Où était l'empereur?

R. Sur une hauteur où Charles XII s'était

reposé, le 25 juin 1708, pour courir à la même infortune.

D. Qu'ordonna-t-il?

R. Ayant reconnu les positions que l'ennemi occupait sur l'autre rive et fait jeter des ponts près des villages de Borisow et de Weselovo, il chargea le maréchal Victor de quitter la rive gauche où il combattait, pour se porter sur les hauteurs de ce dernier endroit afin de protéger la retraite des différentes di

visions.

D. Quelle opération suivit ces préparatifs?

R. Le passage de tous les corps. Comme l'armée de Moldavie ne pouvait manquer de déboucher par Brilowa, Napoléon chargea les ducs de Reggio, de Bellune et sa garde, de se porter sur ce point pour s'opposer à son mouvement. Elle parut en effet, mais nos charges multipliées détruisirent l'espoir que fondait Kutusow sur les difficultés de franchir la Bérésina.

D. Ce terrible passage ne nous obligea-t-il point à de douloureux sacrifices?

R. Attaqué sur la rive gauche par toutes les forces réunies du général Wittgenstein, le maréchal Victor dut abandonner, à la dis

crétion de l'ennemi, une foule innombrable

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