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1795. leur répond froidement Boissy d'Anglas. On croit qu'ils vont le percer de mille coups; un de ses amis, le député Feraud, s'élance avec impétuosité pour se placer entre lui et les assassins: les brigands l'entendant nommer, le confondent avec Fréron, autre député qu'ils regardent particulièrement comme leur ennemi, ils le tuent d'un coup de pistolet, au moment où il détournait l'arme dirigée contre l'intrépide président; puis entraînent son corps hors de la salle. Là ils détachent la tête du tronc et la mettent au bout d'une pique. Rentrés bientôt avec cet indigne trophée, ils le présentent au président, qui n'a point encore abandonné son fauteuil Boissy d'Anglas se détourne avec horreur; on lui présente encore de nouveau la tête sanglante de Féraud, alors il s'incline avec dignité devant ce martyr de l'amitié. Ses amis accourent de toutes parts et l'arrachent de sa chaise curule, qu'il paraissait décidé à teindre de son sang. Les assassins, immobiles du respect que son courage leur a inspiré, le laissent passer tranquillement au milieu d'eux.

Les députés qui ont excité ce mouvement populaire, maîtres à cet instant de l'assemblée, nomment un président et rendent des

décrets. Ces décrets sont des arrêts de pros- 1795. cription et des lois révolutionnaires. La multitude délibère, pour les rendre, conjointement avec les députés.

Pendant ce temps, néanmoins, les comités du gouvernement, retranchés dans le lieu de leurs séances particulières, faisaient rassembler le plus de soldats fidèles et de jeunes gens que l'on pouvait rencontrer. Bientôt le député Legendre, qui a depuis longtemps quitté les étendards du jacobinisme, paraît à la tête de cette troupe dévouée; en un moment il a mis en fuite les brigands législateurs. La majorité de la convention r'ouvre alors la séance, et ordonne l'arrestation de ceux de ses membres qui, à l'aide du peuple, l'ont opprimée pendant quelques heures.

Cependant la sédition n'était pas terminée. Le lendemain, les séditieux osèrent venir présenter, en armes, à la convention, une pétition où tous ses actes étaient peints comme des attentats contre le peuple, et la convention ayant paru faiblir en s'engageant dans des promesses, équivoques à la vérité, on tenta encore une fois de la soumettre, en bravant son autorité du côté le plus sensible. L'assassin de Féraud fut délivré par une populace furieuse, comme on le menait à l'échafaud.

1795. La convention, à ce coup hardi, jugeant qu'on voulait de nouveau l'attaquer, résolut de prévenir les séditieux, et ordonna le désarmement du faubourg Saint-Antoine, d'où le rassemblement était sorti.

Le lendemain, dès la pointe du jour, un nombre peu considérable de jeunes gens, qui s'étaient rassemblés pendant la nuit pour venger la convention, furent conduits au faubourg Saint-Antoine. Ce faubourg paraissait, dans ce moment, morne et consterné. Les jeunes gens et leurs commandans entrèrent fort avant sans que personne parût vouloir mettre la moindre opposition à l'exé cution de leurs ordres; mais tout-à-coup ils se trouvèrent cernés, n'ayant pas même la faculté de retourner en arrière. A chaque issue par laquelle ils essayaient de sortir, des canons, une forêt de piques leur fermaient le passage. Du haut des fenêtres, des femmes et des enfans paraissaient disposés à lancer sur leurs têtes tout ce que la fureur mettait entre leurs mains. Aucuns coups ne furent néanmoins portés, et la jeunesse imprudente, qui s'était ainsi compromise, eut bientôt la liberté de se retirer, en essuyant quelques outrages et quelques bravades. Ceux qui dirigeaient, à cette époque, le mouve

ment du faubourg, ne voulaient pas qu'en 1795. répandant le sang de la jeunesse des autres quartiers de la capitale, on armât toute la ville contre la révolution qu'ils avaient dessein de faire.

Après un tel avantage obtenu par les rebelles, il n'y avait pas un moment à perdre. A trois heures, trente mille hommes cernèrent le faubourg. La menace d'un bombardement effraya les habitans; ils livrè. rent leurs armes et quelques chefs de la sédition qui furent punis du dernier supplice.

Les députés Romme, Bourbotte, Duquesnoy, Gougeon, Duroi et Soubrani, furent aussi condamnés à mort par une commission militaire, pour la conduite qu'ils avaient tenue pendant l'occupation de la salle d'assemblée par la multitude, et comme convaincus d'avoir été, en partie, les moteurs de l'insurrection. Ils se poignardèrent tous sous les yeux de leurs juges. Plusieurs s'étant manqués, n'en furent pas moins conduits à l'échafaud. On traînait à leur suite, sur des charrettes semblables à celles qui les portaient eux-mêmes, les cadavres de ceux de leurs compagnons qui avaient réussi à se donner la mort.

1795. Le 23 mai la convention avait triomphé par la jeunesse choisie de la capitale: le 5 octobre elle pensa être dissoute par elle.

Le gouvernement républicain était encoré tout nouveau en France, et cependant il y avait déjà jeté de profondes racines. Je crois qu'il faut attribuer cela à la manière dont il s'y était établi; ç'avait été au milieu du carnage, du trouble et des imprécations contre l'ordre de choses opposé. On s'était servi de pareils moyens pour l'y maintenir. Les calomnies les plus odieuses avaient été en même temps répandues avec profusion contre les institu tions monarchiques, et ceux que la nature avait appelés à en être chez nous les chefs héréditaires, de manière que dès les premiers momens il avait semblé que défendre la cause du trône, c'était prendre à la fois un poste périlleux et ridicule. Le malheur des ins titutions monarchiques, le plus réellement utiles au corps social, c'est que d'un mot on peut en faire un objet de dérision, et qu'il faut au contraire une discussion savante et approfondie pour en prouver l'intérêt véri table. Etourdi par les grandes phrases des meneurs républicains, ou soi-disant tels, et leurs grandes promesses, on en était venu assez rapidement à croire, dans la très-grande

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