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Ces vues furent renouvelées et raffermies de temps en temps on se flattoit que l'impression du malheur qu'on avoit souffert, la pensée du sacrifice infructueux d'une armée immense, les moyens forcés pour la réparation de la perte soufferte, la profonde répugnance de la nation française pour le climat de la Russie, et son sort compromis dans une guerre qui, sans perspective de dédommagement, absorbe ses moyens, qu'enfin une mûre délibération sur l'incertitude de l'issue de cette nouvelle crise, pouvoient engager Napoléon à donner accès aux représentations de l'empereur d'Autriche. Le ton dans lequel ces représentations furent portées fut soigneusement ana, logue aux circonstances; on n'y ménagea ni prières, ni soins; et partant de source aussi pure, on étoit bien loin de s'attendre à un refus de sa part: au lieu de parler dans des termes modérés qui auroient pu apaiser la douleur générale, il fut annoncé, par les autorités dans toute la France, que Napoléon ne vouloit écouter aucune proposition de paix qui pût entamer l'intégrité de l'empire français, dans ce sens même de ce mot, ni de détacher aucune des provinces incorporées audit empire français.

En même temps il fut fait mention de telles conditions éventuelles, tantôt avec un accès menaçant, tantôt avec un mépris dédaigneux, comme si l'on n'avoit pu faire comprendre assez combien Napoléon étoit résolu de ne faire aucun sacrifice au repos du monde.

Ces hostiles manifestations avoient pour l'Autriche en core l'inconvénient, particulier et mortifiant de répandre un faux jour sur les propositions de paix que ce cabinet avoit fait passer au sein de la France et à d'autres cours.

Les souverains alliés contre la France opposèrent à la médiation autrichienne, pour toute réponse, la déclara

tion générale de Napoléon. Lorsqu'au mois de mars S. M. avoit envoyé un ambassadeur à Londres pour inviter l'Angleterre à participer au traité de paix, le ministre britannique répondit qu'il ne pouvoit croire que l'Autriche pût donner entrée à des espérances de paix, puisque dans cet intervalle Napoléon manifeste des sentimens qui ne peuvent conduire qu'à éterniser la guerre.

Cette assertion dut être d'autant plus douloureuse à S. M., qu'elle étoit juste et bien fondée ; néanmoins l'Autriche continua de représenter à Napoléon la nécessité de la paix, guidée à chaque pas par le principe que l'équilibre et l'ordre de l'Europe ont été bouleversés par l'accroissement et l'immensité de la puissance de la France, et que cette puissance, si elle n'est contenue, sera un obstacle à la paix.

En même temps S, M, a pris toutes les mesures exigibles pour rendre son armée formidable et pour la concentrer. L'empereur sentoit que l'Autriche devoit être prête à la guerre, lorsque les propositions de paix pouvoient n'avoir pas d'effet; au reste, S. M. ne s'étoit pas depuis long-temps dissimulé que le cas d'une participation immédiate à la guerre pouvoit devenir un objet de son attention, et que l'état actuel des choses ne pouvoit durer, a

L'empereur, convaincu enfin (et sa conviction fut le mobile de toutes ses démarches) que chaque essai pour parvenir à la paix venoit à échoir dans le premier mo'ment, cette conviction acquéroit de nouvelles forces, et bientôt l'événement le justifia.

Il fallut opter entre la guerre et des traités.

Napoléon avoit non-seulement prévu les préparatifs de la guerre, mais il les avoit regardés même comme néces

saires, et dans plus d'une occasion il les a expressément justifiés; il avoit assez de raisons de croire que S. M. l'Empereur dans un moment si décisif pour le sort du monde mettroit toute considération personnelle de côté, et n'au- ́ roit en vue que le bien de la monarchie autrichienne, celui des états environnans, et ne concluroit rien que ce dont ces grands motifs lui imposeroient le devoir. Le cabinet autrichien ne s'étoit jamais expliqué de manière qu'on pût prêter un autre sens à ces desseins.

Cependant du côté de la France on ne reconnut pas moins que la médiation autrichienne ne pourroit être qu'armée; on avoit plus d'une fois déclaré que l'Autriche, dans cette circonstance, ne se tiendroit plus dans un rôle inactif et séparée, mais qu'elle déploieroit de grandes forces sur le théâtre de la guerre, afin d'en décider ellemême l'issue; ce que le gouvernement français put espérer de l'Autriche dans cet aveu, étoit la justification préliminaire de la démarche entière de S. M. autrichienne."

Jusqu'à ce point les circonstances ne s'étoient point développées lorsque Napoléon quitta Paris pour mettre un frein aux progrès des armées alliées, les ennemis avoient eux-mêmes rendu hommage à la valeur des troupes russes et prussiennes dans les combats sanglans du mois de mai; et malgré que l'issue de cette première période de la guerre leur fût défavorable, c'est la supériorité du nombre, c'est le génie du général reconnu par l'univers, et ses combinaisons politiques, qui ont servi de bases à ses victoires.

C'est pour attendre l'événement que l'armistice, fut accordé ; Napoléon avoit fait connoître au commencement d'avril à la cour d'Autriche qu'il regardoit la dissolution de l'empire prussien comme une suite naturelle de sa

trahison envers la France, et comme un motif de continuer la guerre; que dans ce moment il ne dépendroit que de l'Autriche d'unir les plus belles provinces de la Prusse à ses états. Cette ouverture indiquoit assez clairement qu'il falloit essayer tous les moyens d'asservir la Prusse, puisque ce grand but ne pouvoit être atteint par une paix juste; la Russie et la Prusse durent alors être soutenues par une coopération efficace.

Dans ce point de vue qui ne pouvoit plus faire illusion à la France, l'empereur continua les préparatifs de guerre avec une activité infatigable, et dans les premiers jours de juin il abandonna sa résidence pour travailler avec plus d'efficacité, soit à un traité de paix (objet de tous ses désirs), soit aux préparatifs de guerre, s'il devenoit impossible de pacifier.

Peu auparavant l'empereur fit annoncer qu'il avoit proposé un congrès à Prague, dans lequel se réuniroient les plénipotentiaires de la France, ceux des Etats-Unis d'Amérique septentrionale, du Danemarck, du roi d'Espagne, et en général des princes alliés, de même que ceux de P'Angleterre, de la Russie, de la Suède, de la Prusse, des insurgés Espagnols et des alliés de toute la masse belligérante, pour poser les fondemens d'une paix durable.

L'Autriche n'eut connoissance que par la feuille publique de l'adresse à laquelle ces propositions furent envoyées, de la voie de la forme diplomatique, de l'organe par lequel elles étoient faites. Ce n'étoit donc qu'un jeu de fantaisie plutôt qu'une invitation sur laquelle on pût régler des mesures politiques.

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L'Autriche, qui n'ignoroit pas combien il est difficile de faire une paix générale, avoit examiné depuis longtemps si l'on ne pourroit pas peu à peu se rapprocher d'un

but aussi éloigné, et dans ces sentimens elle fit part d'une paix continentale, tant à la France qu'à la Russie et à la Prusse. Ce n'étoit pas que la cour d'Autriche méconnût un seul moment la nécessité et la grande supériorité des avantages d'une paix ratifiée entre toutes les puissances, puisque sans elle l'Europe ne pourroit exister avec bien-être et sûreté.

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Si, dans les propositions que l'Autriche avançoit, elle avoit cessé d'envisager la séparation de l'Angleterre comme un coup mortel, c'est à l'époque où les déclarations effrayantes de la France avoient ôté l'espoir de la participation de l'Angleterre ; et l'on ne devoit considérer ces propositions que comme une partie substantielle d'une grande et prochaine négociation, et comme une préparation à un véritable congrès de paix générale.

Si l'Autriche eût eu d'autres desseins en vue, certainement la Russie et la Prusse, liées liées par des pactes formels avec l'Angleterre, ne se seroient pas prêtées à écouter les invitations de ce cabinet, à l'époque où les cours de Russie et de Prusse, par l'effet de leur confiance trèsflatteuse en la médiation de l'Autriche, s'étoient déclarées prêtes à accéder à un congrès sous cette médiation.

Il s'agissoit de s'assurer du formel acquiescement de Napoléon, et de convenir avec ce dernier des mesures qui conduisoient immédiatement à négocier la paix. Dans ce dessein, S. M. résolut à la fin du mois de juin d'envoyer à Dresde son ministre des affaires étrangères.

Le résultat de cette mission fut une convention conclue le 30 juin, par laquelle la médiation offerte par S. M. l'Empereur d'Autriche, sinon pour une paix générale, du moins pour une paix continentale, seroit acceptée par Napoléon. La ville de Prague fut destinée pour le lieu du congrès, et le 5 juillet pour le jour de son ouverture.

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