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mépris des formes d'usage, sans déclaration ni pourparler avec aucun cabinet, et sous le prétexte arbitraire et futile de la guerre avec l'Angleterre.

Aussitôt que ce système cruel fut éxécuté avec une sévérité inexorable, au prix de l'indépendance, du bienêtre, des droits et des dignités des propriétés publiques et privées de tous les états du continent, il dut anéantir le commerce du monde, par la vaine espérance d'extorquer un résultat qui ne pouvoit être atteint avec suc→ cès, qui auroit plongé pour long-temps l'Europe dans la pauvreté, la foiblesse et la barbarie.

L'ordre qui érigeoit une nouvelle domination française sous le titre d'une trente deuxième division militaire, sur les côtes d'Allemagne, étoit en lui-même assez inquiétant pour tous les états voisins; il le devint bien plus encore, comme présage visible de plus grands périls à l'avenir.

Par cet ordre, on vit franchir et dépasser le système des frontières, appelées naturelles, de l'empire français ; et ainsi ce que Napoléon lui-même avoit créé fut anéanti, sans aucunes justifications, ni déclarations préalables, et par un acte arbitraire sans exemple.

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Ni les princes de la confédération du Rhin, ni le royaume de Westphalie, ni aucun grand ni petit état quelconque qui se trouve sur le chemin ne furent ménagés dans cette formidable usurpation.

Les frontières dessinées à l'aveuglette, sans règle et sans plan, comme sans égard aux anciennes et nouvelles conditions, coupèrent obliquement la communication des pays du milieu et du sud de l'Allemagne avec la mer du nord, dépassèrent l'Elbe, séparèrent le Daneníarek de l'Allemagne, occupèrent la mer Baltique,

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et parurent s'étendre sur la ligne des forteresses 'prussiennes de l'Oder.

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Et pourtant toute cette occupation, qui blessoit par son injustice les droits, les propriétés, et toutes les démarcations géographiques, politiques et militaires, ent si peu l'empreinte d'un ensemble complet et déterminé, que l'on fut obligé de ne la regarder que comme introduction à de plus grandes usurpations. La moitié de l'Allemagne devenoit par cette usurpation une province française, et Napoléon le seul souverain du continent par cette extension forcée de l'empire français. La Russie et la Prusse se sentoient en danger; la monarchie prussienne, environnée de tous côtés, n'avoit plus de mouvemens libres; et privée des moyens de recueillir de nouvelles forces, elle parut s'approcher à grands pas de sa dissolution entière. La Russie, par le changement volontaire de la ville de Dantzick (déclarée libre dans la paix de Tilsitt), la voyant devenir une place d'armes française, et une bonne partie de la Pologne se changer en province de l'empire français, ne put se faire illusion sur le danger éminent de ses possessions allemandes et polonaises; dès ce moment la rupture fut comme décidée entre la France et la Russie; ce n'est pas sans crainte que l'Autriche observé ces nuages, avant-coureurs de la tempête.

Le théâtre des hostilités touchoit à toutes ces provinces dont l'état de défense étoit extrêmement imparfait, puisque la réforme nécessaire de ses finances et le rétablissement de ses moyens militaires étoient arrêtés. Considéré sous un point de vue, plus sévèrement approfondi, le choc dont la Russie fut menacée en devint plus alar

mant. S. M. offrit tout ce que l'amitié pouvoit suggérer pour arrêter cette tempête.

On ne pouvoit prévoir si prochaine l'époque où les pas de Napoléon sont devenus plus dangereux pour lui que pour ses adversaires; mais l'événement étoit déjà décidé au conseil de la Providence.

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Comme l'ouverture de la guerre étoit indubitable, S. M. fut obligée de penser à des mesures telles qu'il le falloit, dans une position si périlleuse, pour unir sa propre sûreté avec l'intérêt des états voisins. Le système d'une inaction sans arme, unique manière de neutra-liser, que Napoléon avoit accordée par ses déclarations, étoit impraticable, d'après tous les principes d'une saine politique; ce système ne fut enfin qu'un foible essai 'd'éluder la difficulté de sa propre solution. Une puissance aussi prépondérante que celle de l'Autriche n'osoit renoncer à la participation des affaires de l'Europe, ni se mettre dans une position où elle auroit dû perdre sa voix et son influence dans les grandes délibérations de la paix et de la guerre, sans gagner elle-même une gaorantie pour la sûreté de ses propres frontières. Se préparer à la guerre contre la France eût été un pas aussi juste que prudent dans les circonstances d'alors, mais Napoléon n'avoit donné à S. M. l'empereur d'Autriche aucun sujet d'hostilités, et la perspective de pouvoir atteindre un but bienfaisant n'avoit pas tout-à-fait disparu; mais dans ces circonstances, une telle résolution -Bauroit eu pour suite que les pays autrichiens seroient devenus le principal théâtre d'une guerre qui, par le peu de moyens de défense de ses localités, auroit en peu de -temps bouleversé la monarchie.

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Dans cette pénible situation, il ne resta d'autres réssources à S. M. que de se porter sur le champ de bataille du côté de la France. Quant à la France (à prendre dans le véritable sens d'un parti), S. M. auroit été en contradiction, non-seulement avec les devoirs et les principes de l'empereur, mais même avec les déclarations itératives de son cabinet, qui avoit entièrement improuvé cette guerre.

S. M., en signant le traité du 14 mars 1812, partit de deux points de vue fixe; le premier fut tel que les termes du traité, de ne se négliger ou de ne se désister d'aucun moyen par lequel on pourroit tôt ou tard effectuer la paix; l'autre fut de gagner une position intérieure et extérieure, telle qu'en cas d'impossibilité de paix l'Autriche pût agir avec indépendance, conformément à ce que lui prescrit une sage politique.

Pour cet effet il ne fut destiné qu'une médiocre portion de l'armée pour coopérer à la guerre. Les autres forces restèrent séparées de toute communication avec elle; et, par une espèce de tacite convenance, les possessions de l'Autriche furent considérées comme neutres.

L'expédition de 1812 démontra par un exemple frappant comment une entreprise à pas de géant, dans les mains d'un capitaine du premier mérite, peut échouer, lorsqu'il veut affronter les obstacles prescrits par la nature comme des limites, et que dans le sentiment de ses talens militaires il ne tient aucun compte des difficultés insurmontables. Une illusion d'avidité de grandeur et de gloire attira Napoléon dans les profondeurs de l'empire russe, et une fausse politique le portoit à croire qu'il dicteroit la paix dans Moscou, qu'il mutileroit la puissance russe pour un demi-siècle, et qu'il retourneroit alors

victorieux. Comme la noble contenance de l'empereur de Russie, les glorieuses actions de ses guerriers et la fidélité incorruptible de ses peuples dissipèrent l'illusion de ce songe, il fut trop tard pour le regretter impunément; toute l'armée française fut dispersée et anéantie; en moins de quatre mois on vit le théâtre de la guerre, auparavant fixé sur le Dnieper et la Dwina, transporté sur l'Oder et sur l'Elbe.

Ce rapide échange de bonheur étoit le présage d'une révolution importante dans la politique générale de l'Europe; l'alliance entre la Russie, la Grande-Bretagne et la Suède, offroit à tous les états voisins un nouveau plan de ralliement. La Prusse enflammée de la nouvelle résolution de tout hasarder, même le danger d'une mort politique immédiate, qu'elle préféroit à son état de langueur dans de terribles oppressions, saisit l'heureux moment pour passer du côté des alliés. Plusieurs grands et petits princes d'Allemagne furent prêts à en faire autant; partout les vœux impatiens des peuples se portèrent vers la marche régulière de leur régent.

De tous côtés on demanda l'indépendance sous des lois appropriées à la nation, et le sentiment de l'honneur national blessé enflamma le courroux d'une puissance étrangère.

S. M. l'Empereur, trop prévoyant sur les excès d'une pareille tendance, n'envisagea que de pouvoir détourner, par des mesures bien combinées, ce terrible fléau des limites générales de l'Europe.

Déjà depuis le commencement de décembre le cabinet d'Autriche fit des avances pour porter Napoléon à une politique conciliante et pacifique, aussi désirable pour bien de l'univers que pour le propre intérêt de la France.

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