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CHAPITRE V.

POLITIQUE EXTÉRIEURE.

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France et Autriche. - Impopularité de l'alliance française en Autriche. — Explication de la conduite du prince de Schwartzenberg. - Propositions faites à l'Autriche. - Intelligences secrètes avec la Prusse. — Langage alarmant de M. de Metternich à la fin de 1812. · Nouveau système de l'Autriche. Mission de M. de Bubna à Paris. Proposition d'entremise autrichienne. Lettre de Napoléon à l'empereur d'Autriche, du 7 janvier. - Acceptation de l'entremise autrichienne. Fautes de l'empereur Napoléon. Demandes d'explications. Excuses de M. de Metternich. - M. de Metternich et M. Otto. Réponse de l'empereur d'Autriche à Napoléon. - Vœux de M. de Metternich pour la paix. Agitation de l'Allemagne à l'approche des Russes. — Résumé des affaires d'Autriche pendant les deux premiers mois de 1813. — Mission de M. de Wessemberg à Londres, et de M. de Lebzeltern auprès de l'empereur Alexandre. Rappel de M. Otto. Diplomatie occulte de l'Autriche. - Arrestation de M. de Wessemberg à Hambourg. Réponse de l'empereur Alexandre à l'offre d'entremise de l'Autriche. — Affaires de Suède. - Fautes de M. de Cabre, successeur d'Alquier. Communications faites à M. de Cabre par le gouvernement suédois, pendant les derniers mois de 1812. — Conseils stratégiques de Bernadotte à l'empereur Alexandre. Sa conduite équivoque au moment de l'entrée de Napoléon à Moskou. Rupture définitive avec la France, par suite de la retraite. — Renvoi brutal de M. de Cabre. — Préparatifs pour l'expédition suédoise du Nord. — Indiscrétions étranges du prince royal. M. de Neiperg, agent de l'Autriche,

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à Stockholm. Note dictée au duc de Bassano par l'empereur Napoléon, pour le chargé d'affaires de Suède à Paris. France et Danemark. Lettre de Napoléon au roi de Danemark. Intrigues des alliés obtenir pour son accession à l'alliance du Nord. — Langage menaçant du prince royal de Suède. — Le gouvernement danois entame des négociations avec la cour de Londres. — Magnanimité de l'empereur Napoléon. — Envoi de Pozzo di Borgo à Stockholm. — Traité du 3 mars 1813. – Jugement porté sur ce traité par les Anglais eux-mêmes. · Réflexions sur la conduite du prince royal de Suède.

Nous abordons maintenant un ordre d'événements dont l'appréciation est aussi nécessaire que difficile. Pour comprendre la conduite du cabinet autrichien après les événements de 1812, il faut remonter plus haut, et nous placer tout d'abord à Vienne, au moment même où ces événements s'accomplissent.

Ainsi que nous l'avons vu dans le cours du volume précédent, l'union de l'Autriche et de la France, au commencement de 1812, avait été inévitable. La neutralité autrichienne n'était pas plus possible alors qu'elle ne le sera plus tard. Les avantages assurés à l'Autriche, dans le cas d'une heureuse issue de la guerre, par l'art. 7 du traité secret 1, ne permettaient de supposer aucune arrière-pensée de répugnance ni de regret de la part du cabinet

'Art. 7. 14 L'empereur des Français, dans le cas d'une heureuse issue de la guerre, s'engage à procurer à l'Autriche des indemnités et agrandissements de territoire qui, non-seulement compensent les sacrifices et

autrichien. Confiant dans la fortune de Napoléon, il s'était décidé à braver une impopularité momentanée, dans la perspective d'avantages certains. C'était lui-même qui avait offert l'alliance, et Napo léon, trop satisfait de cette spontanéité, n'avait pas suffisamment raisonné le traité lui-même; il y avait laissé insérer des conditions tout à fait autrichiennes, et dont les conséquences seront funestes.

Déjà les événements de la guerre nous ont montré l'usage que faisait le prince de Schwartzenberg de la clause du 4o article du traité secret, qui maintenait le contingent auxiliaire autrichien en corps séparé et distinct des forces françaises. La conduite de ce général diplomate, dont la campagne fut politique autant que militaire, va s'expliquer naturellement par les dispositions de l'armée et de la

les charges de la coopération de S. M. pendant la guerre, mais qui soient un monument de l'union intime et durable qui existe entre ces deux souverains. »

nation, et par celles même du cabinet de Vienne, que la marche des événements et des passions modifiait déjà sensiblement vers les derniers mois de 1812.

L'impopularité de l'alliance française avait passé les prévisions de ce cabinet. Dès le début de la campagne, tous les vœux, toutes les espérances, avaient été ostensiblement en faveur des Russes. Le souvenir encore si récent des événements de 1809 réunissait, dans un commun ressentiment contre la France, l'aristocratie, les employés, le peuple de race allemande et hongroise, les officiers et les soldats, ceux-là même qui combattaient pour nous. On conçoit que les Russes trouvaient une sympathie plus marquée encore parmi les habitants des provinces méridionales, leurs coreligionnaires.

Sous l'influence de telles pensées, la fatale inaction de Schwartzenberg n'a rien qui doive nous surprendre. Le succès de la guerre dépendait de lui après la défaite de Tormasow; elle lui laissait libre l'accès des trois provinces russo-polonaises de Wolhynie, de Podolie et d'Ukraine, où les populations n'attendaient qu'un signal pour se lever en masse, où les dépôts mêmes des recrues auraient formé un premier noyau d'insurrection, et cela au moment où Napoléon marchait sur Moskou!

Mais Schwartzenberg s'est arrêté alors, comme l'exigeait le salut de la Russie. Il est resté vingtdeux jours dans cette inaction perfide. Pressé de marcher en avant pour achever de détruire Tormasow, et séparer de Napoléon l'armée du Danube, il s'en est défendu en alléguant la nécessité d'attendre des renforts. Il ajoutait que d'ailleurs, en qualité de corps auxiliaire, il était tenu seulement à aider, et non à conquérir; faire de soi-même des envahissements, serait entraîner son gouvernement dans un état de guerre direct et général. « Tel est, dit » judicieusement M. Aubernon à ce sujet, le danger » d'un allié qui s'est réservé le droit de n'agir que » comme auxiliaire dans une grande guerre; rien » de plus perfide que cette sorte d'associations. » Loin d'être une alliance utile, elles sont presque » toujours un commencement de trahison. »

A l'époque où je remplaçai M. de Pradt, je pus voir, par moi-même, à quel point les relations entre les officiers russes et ceux de l'état-major du prince de Schwartzenberg étaient fréquentes et intimes. Elles s'étaient formées dès le mois d'août. « Les ordres ostensibles les plus sévères, dit encore M. Aubernon, étaient donnés par le cabinet de Vienne pour rompre toutes ces relations avec les ennemis

Un renfort de sept mille hommes, débouchant par Zamosc, fit mine de vouloir joindre le corps autrichien, après que cette communication directe eut été complé

de Napoléon; mais, par l'effet des instructions secrètes ou de la disposition des esprits, ces ordres rigoureux, arrivés jusqu'au dernier rang des exécuteurs, se changeaient en rapports plus fréquents et plus intimes. » Une lenteur calculée présidait en même temps à l'envoi des renforts 1; ils n'arrivèrent que plus d'un mois après l'apparition de l'armée de Tchitchakof sur le Dniester, et sa jonction avec celle de Tormasow, qui, tranquille sur les projets ultérieurs des Autrichiens, avait pu concentrer ses forces, et contenir les provinces russo-polonaises. Un général français actif et entreprenant, dans la position où était le prince de Schwartzenberg au mois d'août, aurait amené, au-devant de l'empereur Napoléon, une armée de réserve sur la Bérésina. Grâce au général autrichien, l'empereur Napoléon y trouva une armée de plus à combattre. Sans doute Schwartzenberg était loin alors de prévoir toute l'étendue de nos désastres; mais en craignant de trop compromettre la Russie, de trop faire pour la France, et surtout pour la Pologne, il a contribué essentiellement à la perte de l'armée française. Ce retour sur les événements accomplis était nécessaire pour aborder une importante question, qui sans doute s'est déjà présentée plus d'une fois à l'esprit de nos lecteurs: la conduite du prince de Schwartzenberg a-t-elle été le résultat d'une politique de cabinet?

Jusqu'à l'entrée de Napoléon à Moskou, le prince a eu pour instructions de ménager son contingent, de donner satisfaction à l'alliance, tout en n'entreprenant rien de décisif. De là son mouvement contre Tormasow, et puis sa longue inaction. Jusqu'ici la fidélité de M. de Metternich ne s'est pas compromise. Les termes dans lesquels l'empereur Napoléon a laissé rédiger le traité du 14 mars ont permis au ministre autrichien de concilier l'exécution modérée des clauses de l'alliance, avec des égards pour l'opinion de la nation et de l'armée. Il est vrai que ce système mixte a été désastreux pour nous : toutefois la conduite peu généreuse du général autrichien a été ménagée de manière à éviter toute infraction à la lettre du traité, à justifier son inaction par des prétextes plausibles aux yeux mêmes de Napoléon, si la victoire lui restait fidèle, sans le concours de l'Autriche et malgré ses vœux secrets. Mais c'est pendant le séjour des Français à Moskou, sous l'influence même de l'occupation prolongée de cette ville, qu'une importante modification s'est faite dans les idées du ministre autrichien; modification qui, réagissant plus tard sur les mouvements du

tement interceptée ce mouvement n'eut même lieu que dans les premiers jours d'octobre.

corps auxiliaire, portera un nouveau coup à nos intérêts militaires.

Dans le volume précédent, j'ai déjà fait connaître les insinuations, les séductions de toute sorte auxquelles M. de Metternich était en butte. A toute heure, il respirait un air hostile à la France. En quittant Moskou, les Français incendièrent, par ordre de l'empereur 1, le palais du comte de Razamowski; faibles représailles du mal qu'il faisait à la France, dans son splendide hôtel de Vienne. Ces réunions tumultueuses et brillantes, ces femmes et ces fêtes soldées par l'Angleterre, n'étaient pas pour elle des auxiliaires moins utiles que les glaces de la Russie 2.

Tandis que l'empereur Napoléon perd un temps précieux à attendre, puis à solliciter d'Alexandre des paroles de paix, un premier rapprochement a lieu entre l'Autriche et la Prusse, qui médite déjà sa défection: rapprochement qui, si insignifiant qu'il ait pu être dans la forme, n'en est pas moins une voie ouverte à des confidences ultérieures, un commencement d'intelligences secrètes. Dès le 14 septembre 3, la cour de Prusse a consulté celle de Vienne sur le parti qu'elle aurait à prendre si les armées françaises éprouvaient des revers. Dans le mois précédent, M. de Metternich, encore fidèle à l'alliance, se hâtait de transmettre à M. Otto, notre ambassadeur, des renseignements sur l'exaltation populaire qui régnait en Prusse. Au mois de septembre, il dissimule soigneusement à notre ambassadeur la communication équivoque du gouvernement prussien. Cependant, trois semaines s'écoulent sans qu'aucune réponse y soit faite. Enfin, au moment où la prolongation imprudente du séjour à Moskou multiplie les chances défavorables contre l'empereur Napoléon, M. de Metternich répond < que les cabinets de Berlin et de Vienne n'étant » pas dans des positions identiques, chacun doit » suivre la ligne de ses intérêts 4. » Cette réponse, qui autorisait la confiance du cabinet prussien dans l'Autriche, quelque parti que la tournure des événements lui suggérât de prendre, éclaire à une sombre profondeur les ténèbres de la politique autrichienne.

C'est donc la prévision commune des malheurs de la retraite française qui forme, entre les cours de Vienne et de Berlin, le lien d'un premier rapprochement. C'est sous l'influence même de ces malheurs, que des rapports analogues s'établiront entre l'Autriche et la Russie. Depuis la jonction de

'Lettre du 20 octobre.

Une princesse russe, célèbre alors à Vienne par son train de maison fastueux et par la légèreté de sa conduite, en était à son troisième favori parmi les minis

l'armée du Danube avec Tormasow, le prince de Schwartzenberg, mettant plus que jamais en avant le même prétexte d'infériorité de forces, habilement ménagé, ne faisait plus aux Russes qu'une guerre simulée. Enfin, le 20 décembre, sans aucune autorisation, il concluait, avec l'agent russe d'Anstett, un accord pour la cessation des hostilités. C'était une première infraction au traité qui l'avait mis sous les ordres de l'empereur Napoléon; infraction d'autant plus grave, qu'elle n'était pas le résultat d'une sérieuse nécessité.

Cependant l'Europe entière fixait les yeux sur la Russie. A Vienne, l'opinion publique avait accueilli nos premiers succès avec une anxiété croissante, nos désastres avec une joie mal dissimulée. Ceux-là mêmes qui avaient fait l'alliance française partagèrent ce sentiment. Leur dévouement eût-il été sincère encore, ce ne pouvait être un malheur à leurs yeux de voir décroître un ascendant auquel l'Autriche avait obéi, mais qui avait durement pesé sur elle. Elle n'aurait plus été que l'humble satellite de la France victorieuse; nos malheurs lui rendaient sa prépondérance. Les détails en étaient transmis avec empressement par les correspondances anglo-russes, et par celle des officiers du corps auxiliaire. Un moment même les événements semblèrent dépasser toutes les prévisions de nos ennemis; ils purent espérer que Napoléon lui-même ne reviendrait pas. On comprend que les sollicitations des agents de l'Angleterre et de la Russie, qui n'avaient jamais cessé, devinrent alors plus pressantes que jamais. M. de Metternich chancelait sous l'impression de cette gigantesque catastrophe. Depuis le commencement de la retraite, il ne dissimulait plus combien cette guerre lui était désagréable; il insistait avec une vivacité croissante sur la nécessité d'y mettre un terme.

Enfin, dès les premiers jours de décembre, le ministre autrichien se crut assez fort de notre fâcheuse position pour prendre un ton plus imposant. Dans une dépêche adressée le 9 au chargé d'affaires à Paris, M. de Floret, il parlait de l'attitude ferme et imperturbable de l'empereur son maître, qui seul contenait des millions d'hommes dans de justes bornes; mais en même temps il priait l'empereur des Français de ne point exposer ses alliés à ne pouvoir réprimer, à la longue, un esprit d'opposition dont le débordement compléterait les malheurs de l'Europe. Vers la fin du même mois, son langage avec M. Otto était devenu

tres des relations extérieures de l'Autriche, tant elle aimait la politique. On devine le nom de ce troisième favori. 3 Conversation de Bernadotte avec M. de Tarrach. 4 4 octobre.

plus explicite encore, et presque menaçant; il semblait se faire un mérite de ne pas déclarer de suite la guerre à la France: « En prenant ce parti, disait-il, l'Autriche aurait, en peu de temps, pour elle toute l'Allemagne et toute l'Italie. »

Mais le retour de Napoléon à Paris a bien vite modifié ces idées prématurément belliqueuses. Cet événement réparait déjà à demi les pertes de la campagne, et rendait de nouveau les chances égales entre les parties belligérantes. M. de Metternich sent qu'il a été trop loin, et se hâte de revenir sur ses pas. Les protestations les plus vives de fidélité à l'alliance française succèdent aux insinuations peu rassurantes des jours précédents; rien n'est épargné pour en atténuer le fâcheux effet. Pourtant, à travers ce langage amical, le nouveau système du cabinet autrichien se fait jour; il se sent sur un bon terrain, et veut en profiter. Si magnifiques qu'elles soient, les propositions de nos ennemis ne peuvent être pour lui qu'un pis aller. Les provinces qu'ils offrent sont à la France, et ils ne peuvent presque rien pour en assurer la reprise. L'Angleterre propose déjà dix millions de subsides; mais le gouvernement autrichien sait par expérience que l'argent étranger solde toujours mal une guerre. La France, au contraire, peut beaucoup pour l'Autriche par la restitution spontanée des provinces illyriennes et de Trieste, elle effacerait, derrière l'alliance de famille, les fâcheux souvenirs de 1809. Il est vrai que, par le traité de 1812, l'Autriche garantissait l'intégrité du territoire français; mais le cabinet de Vienne n'a considéré ce traité que comme un engagement de circonstance 1, qui lui laisse toute liberté de se prévaloir des nouveaux événements. Sa fidélité ne saurait plus être gratuite. Le mot d'indépendance, plusieurs fois répété dans les entretiens de M. de Metternich avec l'ambassadeur français, révèle toute sa pensée 2. L'Autriche doit désormais intervenir comme partie principale dans toute solution de la crise actuelle : par tout l'effort de ses armées, si c'est encore la guerre; par ses démarches, si c'est la paix.

M. de Bubna est chargé de porter une réponse de l'empereur d'Autriche à la lettre que Napoléon lui avait écrite de Dresde. Le choix d'un des rares et sincères partisans de l'alliance française doit être agréable à l'empereur et provoquer sa confiance. Sa mission est délicate. Il est chargé de

Expression employée par l'écrivain de Gentz dans un mémoire apologétique de la conduite de l'Autriche, publié en juillet 1813.

2 Dites-nous franchement ce que vous voulez faire, et mettez-nous à même d'agir avec vous comme un bon

faire agréer à Napoléon l'entremise autrichienne pour la paix, et de négocier une alliance plus intime avec la France, si l'empereur Napoléon manifeste des dispositions favorables. Aussi est-il autorisé à exercer au besoin des fonctions diplomatiques 3.

D'après ses instructions, l'ambassadeur français avait vivement insisté sur ce point, que le vrai péril de l'Autriche était du côté de la Russie. M. de Metternich répondait : « Ce n'est plus la France que nous redoutons, mais bien les Russes, dont vousmêmes, par vos concessions successives, avez augmenté la puissance. » A Paris, M. de Bubna tenait le même langage. « Le caractère de Napoléon, dit M. Fain à ce sujet, perdrait de sa grandeur, s'il était assez méfiant pour refuser d'ajouter foi à de telles expressions! » J'aime et j'honore dans M. Fain le sentiment qui lui fournit cette excuse. Une noble confiance sied sans doute à un caractère élevé, mais c'est plutôt dans les relations d'homme à homme que dans celles de puissance à puissance. On eùt pu facilement prévoir que, dans la présente crise, la crainte des envahissements de la Russie ne serait pas une garantie suffisante de la fidélité du cabinet de Vienne.

Maintenant que nous avons la pensée de l'Autriche, il nous faut celle de Napoléon : nous la trouvons tout entière, et malheureusement immuable, dans une lettre écrite par lui, le 7 janvier, à son beau-père. Il commence par s'expliquer franchement sur les désastres de sa dernière campagne. << Dans cette horrible tempète de froid, le bivac est devenu insupportable... Les soldats cherchaient vainement des maisons et des abris. Voilà comment les Cosaques en ont ramassé des milliers. Il est vrai que, du 7 novembre au 16, le thermomètre étant descendu de 10 degrés à 18, et même à 22, trente mille de nos chevaux d'artillerie et de cavalerie sont morts. J'ai abandonné plusieurs milliers de voitures d'artillerie, d'ambulance, de bagage, par défaut de chevaux... J'ai fait de grandes pertes; mais les Russes ne s'en peuvent glorifier d'aucune manière. J'ai voulu entrer dans ces détails, non par une susceptibilité militaire, mais parce que cela m'a paru nécessaire pour que Votre Majesté juge bien le point où nous en sommes. »

Après l'exposé de ce qu'il a perdu, il présente le tableau de ses ressources militaires et financières. Selon lui, le résultat de la campagne prochaine ne saurait être douteux 4. Puis il vient à ce qu'il attend

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avril 1812, c'est dire qu'on ne veut pas traiter avec cette puissance. La Russie est trop engagée avec l'Angleterre pour traiter seule; ce n'est pas d'ailleurs après des événements comme ceux de 1812 que ce cabinet dérogera à son habitude prise, depuis le règne de Pierre le Grand, de ne faire la paix qu'avec un agrandissement sérieux. Déjà à cette époque la question du partage de la Pologne était fort avancée dans les rapports secrets de l'Autriche et de la Russie, et M. de Metternich pouvait dire à M. Otto, sans craindre de se tromper, que probablement la Russie demanderait la Vistule pour

de l'Autriche : « Si V. M. veut faire marcher les nouveaux trente mille hommes que je lui ai demandés 1, je ferais volontiers un traité de subsides pour que le parti qu'elle prendra ne soit pas onėreux à ses finances. La conséquence de tout ceci doit être que je ne ferai aucune démarche pour la paix, parce que, les dernières circonstances ayant tourné à l'avantage de la Russie, c'est à son cabinet à faire des démarches, s'il juge bien la situation des affaires ; que cependant je ne me refuserai point à celles que veut faire V. M. » Vis-à-vis de l'Angleterre, il se considère comme dans la même position qu'avant la dernière campagne : ainsi il s'enfrontière 4. Et Napoléon déclare ne pas vouloir réfère à la lettre écrite au ministère anglais le 27 avril 1812, avant l'entrevue de Dresde 2. Il cédera sur un traité de Tilsitt, en ce qui peut compromettre l'entière indépendance de la Russie, mais il n'abandonnera pas un seul village du duché de Varsovie 3, et ne souffrira pas que la Russie reçoive aucun accroissement du côté de l'Autriche, de la Prusse et de la Suède. Quelles sont donc les provinces sur lesquelles pourront porter ses sacrifices? Ici, Napoléon fait une distinction qui n'est certes pas à l'abri de critique, selon que les territoires conquis ont été réunis à la France seulement par des décrets impériaux, ou par des sénatus-consultes ces derniers, selon lui, tiennent à la France par des liens constitutionnels; ils y sont unis pour jamais. « V. M., dit-il en finissant, connaît maintenant mes affaires et mes vues comme moi-même ; elle peut, en conséquence, agir comme elle le jugera convenable dans l'intérêt de la paix. Je ne pourrais avoir de l'éloignement pour traiter avec la Russie, que dans le cas où elle aurait obtenu réellement une victoire sur mes troupes; mais, quelque sentiment que puisse m'inspirer l'excès de la jactance des Russes, j'en fais le sacrifice à l'amour de la paix, dont l'Europe a réellement tant besoin. »

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abandonner un seul village du duché de Varsovie. On s'étonnera sans doute aussi, et non sans raison, qu'il veuille faire accepter aux puissances étrangères une distinction entre les territoires réunis constitutionnellement ou non à la France. D'après ce principe, elles n'auraient pu espérer de compensations que sur Corfou, l'Illyrie, la Dalmatie. La Russie n'aurait pu, par exemple, prononcer le nom du duché d'Oldenbourg, première cause de la guerre; ce duché faisant partie de la 32o division militaire, réunie constitutionnellement à l'empire. Pendant les premiers mois de 1813, Napoléon réitérera toujours mal à propos des déclarations semblables; il se perdra en ne cédant jamais rien à temps. En ce moment, il ne croit pas qu'une paix honorable soit possible; il répugne à traiter sous l'influence immédiate d'un grand désastre militaire toutes ses espérances sont dans la prochaine campagne. Si, par égard pour son beau-père, il ne se refuse pas ouvertement aux démarches de l'Autriche, il les élude, en posant des conditions inacceptables. Ce qu'il attend véritablement de cette puissance, c'est l'obéissance passive du soldat, c'est un contingent auxiliaire doublé. Il n'ignore pas pourtant les promesses dont les agents anglo-russes tentent la fidélité du gouvernement autrichien : à l'offre des subsides anglais, de l'Illyrie, du Tyrol, d'une partie de l'Italie, du rétablissement de la suprématie autrichienne sur l'Allemagne, qu'oppose-t-il? La proposition d'un traité de subsides, la communication confidentielle du règlement alors en délibération au conseil d'Etat pour le couronnement et le sacre de l'impératrice et du roi de Rome, et du projet de loi qui doit donner à l'empereur la

rompue de suite par le refus qu'avait fait l'Angleterre d'abandonner la cause de Ferdinand VII.

3 Si la Russie ne veut que s'affranchir des obligations de Tilsitt et conserver la Pologne russe, on pourra s'entendre. (8 janvier, M. de Bassano.)

4 M. Otto, 11 janvier. L'Angleterre, en cas de négociation, était disposée à rendre toutes ses conquêtes, à

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