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tique avait fait ce mariage, la politique le défit. Les événements de cette époque ont pu longtemps donner lieu aux appréciations les plus contradictoires et pourtant les plus sincères. Dans ce chaos où l'erreur et la vérité, la sagesse et la folie, Juttaient pêle-mêle à travers les ténèbres, la conscience la plus pure a pu s'égarer, la raison la plus baute faillir. Mais les années s'écoulent, les préjugés s'évanouissent, et la lumière se fait enfin, parfois, hélas! seulement sur des ruines écroulées et des malheurs irréparables. Chaque jour la vérité devient plus difficile à méconnaître, l'erreur plus impossible à défendre; des révélations providentielles raffermissent la raison en éclairant les consciences. C'est ainsi que toute politique aveugle dans sa fausse sagesse, et vraiment funeste à l'humanité, apparait dans l'histoire avec son stigmate indélébile d'anathème. Telle est l'odieuse complicité que nous indiquions tout à l'heure; c'est la marque de Caïn sur la politique autrichienne!

L'empereur avait dû suivre d'un œil attentif l'impression produite en Suisse par son retour. Dans l'éventualité probable d'une nouvelle invasion des armées coalisées, il importait d'être fixé d'avance sur l'attitude qu'allait prendre la diète. Les souvenirs de 1813 autorisaient toutes les craintes; l'empereur en avait conservé un ressentiment amer, dont l'expression, dissimulée avec soin dans les communications officielles de son gouvernement avec la diète, se retrouve dans les notes confidentielles que nous avons sous les yeux 1. Il s'était hâté de faire connaître à la diète qu'il reconnaissait les changements opérés en Suisse depuis un an, et qu'il respecterait sa neutralité, bien qu'elle eût été violée par d'autres puissances en 1814. Mais, de leur côté, les alliés, dès la première nouvelle du retour de Napoléon, avaient senti l'urgente nécessité de s'occuper des affaires de la Suisse. Tel fut l'objet de la

1 «La Suisse avait trouvé le bonheur dans l'acte de médiation. Plusieurs cantons avaient acquis leur indépendance par cette grande sentence prononcée il y a vingt ans devant l'empereur, qu'un peuple ne peut être sujet d'un autre peuple, pas plus qu'un pays d'un autre pays, puisque tous les peuples, toutes les provinces, tous les citoyens ont un égal droit à la justice. Vingt-trois familles du pays de Berne se sont substituées aux droits du bon peuple suisse. Les droits des Suisses de Soleure et de Fribourg se sont concentrés dans quelques familles. Il a fallu la protection de l'empereur de Russie pour garantir les petits cantons. La majorité de la Suisse veut son indépendance, et toute la Suisse la neutralité, qui est son premier intérêt. Quelques familles seulement partagent les passions des puissances qui s'arment contre la France. »

Ces réflexions, dictées par l'empereur, devaient être

déclaration du 20 mars 1815, qui, sous le nom de transaction, assurait solennellement l'existence politique de la nouvelle confédération (déjà reconnue d'ailleurs dès le 28 mai 1814), reconnaissait sa neutralité perpétuelle, et fortifiait cette neutralité par l'adjonction de trois nouveaux cantons (Neufchàtel, Genève et le Valais) et de quelques autres portions de territoire. Grâce à cette prévoyance | impartiale, qui complétait la ligne de défense des frontières suisses du côté de la France, la Suisse pouvait désormais défendre contre nous sa neutralité mieux qu'elle ne l'avait fait contre les alliés en 1815! Enfin un article spécial sauvegarda la propriété des fonds placés en Angleterre avant 1805 par les cantons de Zurich et de Berne. Cet article intéressait pour plusieurs millions la fortune particulière d'un des signataires de la transaction, M. de Talleyrand, plénipotentiaire de Louis XVIII.

Ces bienfaits intéressés portèrent leur fruit. en exerçant sur la nation suisse et ses représentants une pression dont l'empereur fut promptement informé par les rapports d'agents fidèles, MM. Rouyer et Félix Desportes, et par les procédés mêmes de la diète. Dès les premiers jours du retour de Napoléon, elle s'était empressée de rappeler les régiments suisses alors au service de France. Ce rappel s'était opéré par des ordres directs adressés aux chefs de corps, sans notification ni avis quelconque au nouveau gouvernement. L'empereur, tout en se plaignant d'un tel manque d'égards, fit connaitre à ces officiers, dans le langage le plus conciliant, qu'il ne serait apporté nul obstacle à leur départ. Le 20 avril, le président de la diète notifia au ministre des affaires étrangères de France la résolution que prenait la Suisse d'armer immédiatement pour veiller à la sûreté de ses frontières, et pour satisfaire à ses nouvelles obligations d'honneur et de gratitude 2. Après un échange actif de notes, dont deux seule

intercalées dans le rapport du 7 juin, dont nous allons parler. Plus tard il les fit supprimer, « afin, dit-il, qu'on ne puisse pas induire des termes du rapport, que la France vent revenir sur ce qui s'est passé en Suisse depuis un an. » C'était en effet sous l'influence de l'oligarchie bernoise que la diète, à la première nouvelle du débarquement de Napoléon, avait voulu faire marcher des troupes contre lui dans les Alpes; cette mesure fut déconcertée par la rapidité de sa marche. Les habitants des petits cantons et même les paysans bernois étaient pour l'empereur; ils disaient hautement qu'ils ne se battraient jamais contre celui qui du fond de son palais avait protégé leurs cabanes.

20 avril. Le 5 mai, le duc de Vicence demandait des explications sur le but de ces armements. il ne reçut pas de réponse.

ment ont été publiées, les ministres des quatre grandes puissances, réunis à des commissaires désignés par la diète, signèrent le 20 mai une convention par laquelle la Suisse, sans coopérer directenent à l'invasion, donnait son adhésion formelle à l'alliance du 25 mars contre la France (art. 1), acceptait les subsides des alliés pour ses armements (art. 5 et 6), enfin autorisait d'avance, sauf une autorisation de pure forme à donner par la diète, le passage momentané, en cas d'urgence, de troupes alliées à travers quelques pariies de la Suisse (art. 4). Devant une pareille disposition, il restait, comme on voit, bien peu de chose de cette neutralité si pompeusement reconnue à Vienne deux mois auparavant. Cette nouvelle violation était si évidente, que les alliés eux-mêmes avouaient « que s'ils proposaient à la Confédération de prendre une atti<< tude et des mesures énergiques appropriées aux circonstances, c'était sans tirer à conséquence

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appliqué d'une manière avantageuse et perma« nenie. » Ainsi l'on ne tenait nul compte de ce principe dans le présent, mais c'était pour en mieux assurer le maintien dans l'avenir! Telle est la logique des passions.

Il y a peu de mois encore, cette inimitié implacable et funeste des cabinets européens aurait pu nous suggérer de tristes réflexions. En acceptant le retour de Napoléon, ils assuraient pour un siècle peut-être le repos de la France et le leur; ils ne l'ont pas voulu leur haine obstinée a livré le monde aux hasards des révolutions! Maintenant que ces révolutions éclatent de toutes parts et ne sont momentanément comprimées qu'avec le plus pénible effort, maintenant qu'ils jouissent de leur ouvrage, peut-être ont-ils compris enfin toute l'étendue de leur faute, toute la profondeur de leur aveuglement! Napoléon n'est que trop bien vengė,

Le dernier document que nous offrent les archives de la diplomatie impériale est le rapport du duc de Vicence à l'empereur communiqué aux chambres, avec les pièces à l'appui, le 16 juin, au moment même où s'ouvrait la courte et funèbre campagne qui termine le règne de Napoléon. Ce rapport, dans lequel nous retrouvons la substance des faits et des raisonnements qui ont fait l'objet du présent chapitre, faisait appel à l'énergie de la nation, outragée et menacée dans la personne de l'empereur. Sa publication, au moment même où commençaient les hostilités, était sans doute bien tardive; mais l'empereur, longtemps et sincèrement préoccupé du

'Note remise à la diète suisse le 12 mai. Réponse de la diète du 16.

désir d'éviter la guerre, avait dù épuiser toutes les chances d'ouvertures pacifiques avant de parler sans ménagement à la nation. Rédigé depuis plus de six semaines 2, ce document avait été totalement refondu sur de nouvelles indications de l'empereur, qui tenait par-dessus tout à lui donner un caractère modéré et purement défensif, formant un contraste parfait avec le langage violent des déclarations du congrès, des proclamations du roi de Prusse 3, et des journaux allemands, qui ne parlaient alors de rien moins que du partage de la France. Voici quelques-unes de ces indications, plus précieuses pour l'histoire que les expressions mėmes du rapport officiel.

« Ce rapport est en général trop guerrier. Il faut, pour que cela ait moins l'air d'un manifeste, employer des raisonnements plus froids. La discussion doit être didactique et sévère.

« La cause du peuple français est devenue celle des autres peuples. Aussi les gouvernements tronquent-ils dans leurs journaux tous les actes du gouvernement français. On répand, on cherche à accréditer les bruits les plus faux. La vérité ne peut arriver. Les cabinets la craignent, parce qu'ils savent bien qu'un cri général s'élève parmi les hommes sensés contre cette guerre... »

Après avoir rapidement analysé la conduite des diverses puissances, et spécialement de l'Angleterre, l'empereur, arrivant à Naples, recommandait de bien faire connaître « qu'il n'était pour rien dans tout ce qui avait été fait. »

L'empereur aurait voulu pouvoir exprimer encore un vœu pour la paix. « Cet espoir, disait il, peut encore être fondé sur l'enthousiasme de la nation, sur les moyens réunis pour s'opposer à une injuste agression... Si l'on peut encore éviter la guerre, le désir le plus cher de l'empereur sera rempli. Si cet élan national n'éclaire pas les alliés sur leurs véritables intérêts, il servira du moins à garantir nos frontières et à ramener des jours de gloire qu'on ne désire pas, mais qui seront le prix de nos efforts. » A l'époque de la publication du rapport il n'était même plus possible de tenir un pareil langage; on ne pouvait plus laisser à la nation d'autre espoir que celui de vaincre. Le rapport du 7 juin finissait donc en ces termes : « Croire à la possibilité du maintien de la paix serait aujourd'hui un dangereux aveuglement. Si cette espérance, à laquelle il faut entièrement renoncer; si l'assemblée du champ de mai et l'ouverture des chambres ont dù retenir Votre Majesté dans sa capitale, ces motifs de délai n'existent plus; la guerre

'Lettre du duc de Vicence à M. Bignon, 27 avril. 3 Moniteur du 25 avril.

nous entoure de toutes parts: ce n'est plus que sur le champ de bataille que la France peut reconquérir la paix. Lorsque l'étranger n'a suspendu ses coups que pour nous frapper plus sûrement, l'intérêt national ordonne de les prévenir au lieu de les attendre. Les Anglais, les Prussiens, les Autrichiens sont en ligne. Les Russes sont en pleine marche; la tête de leur première colonne a passé Nuremberg le 19 mai, et se trouve sur les bords du Rhin. L'empereur de Russie et le roi de Prusse ont quitté

Ce rapport était, comme les précédents, l'œuvre de M. Bignon. Le dénoûment rapide et malheureux de la campagne lui fit perdre toute son importance; mais on ne saurait apprécier l'effet qu'aurait pu produire un tel

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CHAPITRE XXXI.

INTÉRIEUR DE LA FRANCE. ACTE ADDITIONNEL. CHAMP DE MAI.

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Conférence avec Benjamin Constant.

Décrets de Lyon. Napoléon et les démagogues.
reur à Sainte-Hélène. Acte additionnel. Assemblée du champ de mai.
Dernière allocution et départ de l'empereur.

Paroles de l'empeConvocation des chambres.

Avant de suivre Napoléon sur son dernier champ de bataille, nous avons encore à le montrer aux prises avec les difficultés de l'intérieur; ce fut une des crises les plus pénibles de sa vie. Les reproches les plus sévères, les plus contradictoires ont été infligés au nouveau système politique adopté par lui en 1815. et semblent le poursuivre encore jusque dans l'histoire. Chaque parti avait sa part de responsabilité des malheurs de la France; chacun a cru pouvoir la rejeter sur l'empereur; de là ces jugements si divers, ces accusations de tyrannie et de jacobinisme, d'arbitraire et de faiblesse, que nous retrouvons tour à tour dans les histoires de ce temps. Ces préjugés persistants, impitoyables, n'ont d'ailleurs rien qui nous surprenne; l'opinion publique n'est-elle pas aussi sévère pour le malheur qu'idolâtre de la victoire? et l'histoire a-t-elle presque partout autre chose à faire que de réformer les arrêts de cette reine aveugle du monde?

Quoi qu'il en soit, le jour de la justice semble enfin arrivé, et l'examen attentif des divers actes du gouvernement de l'empereur, depuis son arrivée à Lyon, s'il ne le justifie pas pleinement de tout reproche, va du moins nous montrer que les plus grandes fautes de ce temps ne sauraient être imputées au chef de l'État, et qu'il ne lui a manqué, pour sauver la France, que d'être mieux secondé par ceux-là mêmes qui ont le plus sévèrement inculpé ses actes et sa loyauté 1.

Nous nous bornons, dans cette analyse, à la discussion des actes et des vues personnelles à l'empereur. Notre travail s'arrêtant à son abdication, nous n'aurions pu donner qu'un récit incomplet des menées des partis et de la situation de la France pendant cette crise. Prise à ce point de vue plus général, l'histoire des trois mois qui séparent le 20 mars de la dernière abdication se lie

Le gouvernement de Napoléon commence vraiment à son entrée dans Lyon; de ce moment, comme il l'a dit lui-même, il ne conquiert plus, il administre. L'enthousiasme sympathique de la nation, en ratifiant son retour, l'investit d'une dictature qu'il aura seulement le tort et le malheur de déposer trop tôt. Voyons l'usage qu'il fait de cette dictature dans ces fameux décrets, depuis si vivement incriminés.

Napoléon s'est tout d'abord empressé de réhabiliter le grand principe de l'inamovibilité judiciaire, en réintégrant les magistrats destitués illégalement et par esprit de réaction sous le gouvernement précédent. On l'avait vu en 1814, comme on l'a vu bien plus récemment depuis, toute atteinte à ce principe sacré révolte la conscience publique : c'est l'arche sainte à laquelle nul pouvoir, même le plus démocratique, ne saurait toucher impunément.

Des hommes dont le dévouement exclusif à la dynastie des anciens rois de France ne s'est signalé que dans nos troubles civils ou dans les armées étrangères, d'anciens émigrés ont été investis, depuis le 1er avril 1814, de grades militaires supérieurs. L'empereur a jugé que leur présence dans les rangs français est à la fois un scandale et un danger; leur exclusion est une conséquence nécessaire de la situation nouvelle que son retour fait au pays.

Le gouvernement des Bourbons, malveillant pour toutes les institutions du régime nouveau,

à celle de l'interrègne. M. Bignon, ministre du gouvernement provisoire nommé après Waterloo, a laissé sur cette triste époque des documents d'une haute importance. Nous les avons mis à profit dans un ouvrage spécial qui paraîtra prochainement, et qui pourra encore, nous l'espérons, offrir quelque intérêt aux lecteurs de l'Histoire de France sous Napoléon.

avait fait revivre, au préjudice de l'ordre de la Légion d'honneur, des ordres militaires d'une date moins choquante pour les vieux préjugés nobiliaires. Napoléon proscrit à son tour ces distinctions surannées, devenues pour ses ennemis un signe de ralliement. On avait visiblement tenté de discréditer aussi cette noble croix d'honneur par des promotions beaucoup trop nombreuses. L'empereur, qui aurait voulu, lui, faire des Français les premiers des hommes, des légionnaires les premiers des Français, l'empereur, jaloux peut-être à l'excès de garder à cette institution tout son prestige, voudrait soumettre à une révision ces nominations nouvelles ; mais il entend que cette opération délicate soit faite avec toute la prudence et la circonspection nécessaires. car il s'empresse de reconnaître

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qu'un grand nombre de ces promotions ont été néanmoins la rémunération légitime de services rendus à l'État. » On peut blâmer le principe même de la mesure; mais les précautions prescrites pour l'accomplir n'accusent ni passion ni tyrannie de la part du nouveau pouvoir.

Préoccupé du désir de donner immédiatement satisfaction aux plus justes griefs de la majorité de la nation contre le gouvernement qui s'écroule, Napoléon a dû proclamer, dès son arrivée à Lyon, ce grand principe que «nul corps étranger ne sera admis à la garde du souverain, » principe de dignité et de liberté que les Bourbons devaient encore une fois méconnaître, et que la révolution de 1850 a réhabilité sans doute pour toujours. La suppression des autres corps privilégiés, dont l'existence avait si cruellement froissé l'armée, est prononcée en même temps que celle des gardes suisses. N'y a-t-il pas une audace vraiment impériale dans cette abolition décrétée de Lyon contre la maison militaire qui entoure encore le roi à Paris?

L'abolition de la noblesse, les mesures prises contre les princes et contre les émigrés, et qui les atteignaient jusque dans leurs biens, ont soulevé des critiques mieux fondées. Toutefois des considérations graves et tout à fait spéciales semblent excuser jusqu'à un certain point l'empereur. On ne saurait nier que les idées et les prétentions rétrogrades de bien des nobles, que les faveurs dont cette classe avait été l'objet exclusif n'eussent fortement contribué au discrédit si rapide de la maison de Bourbon. Une mesure toute pareille à celle de Napoléon a pu être, trente ans plus tard, une imprudence et une absurdité, car alors les distinctions nobiliaires n'étaient plus qu'une affaire de sentiment et non d'intérêt; mais la situation de 1815 était tout autre. Certains hommes avaient sérieusement espéré, la majorité de la nation avait sérieusement craint la résurrection d'une partie des pri

viléges féodaux. Dans un pareil moment le rappel des lois de l'Assemblée constituante a pu sembler utile et même nécessaire à l'empereur.

Ce décret contient d'ailleurs une disposition atténuante dont l'importance semble avoir échappé jusqu'ici aux historiens; c'est l'article 4, ainsi conçu : « Nous nous réservons de donner plus tard « des titres aux descendants des hommes qui ont « illustré le nom français dans les différents siè«cles, soit dans le commandement des armées, «dans les conseils des souverains, dans les admi«nistrations civiles et judiciaires, soit enfin dans « les sciences et arts et dans le commerce, confor«mément à la loi qui sera promulguée sur cette << matière. a L'empereur, comme on sait, avait cherché, pendant la première période de son règne, à combiner les éléments d'une aristocratie compatible avec le régime nouveau d'indépendance et d'égalité. Désabusé de bonne heure des utopies démagogiques, il avait reconnu combien il pouvait être utile, dans l'intérêt de la force et de la stabilité du pouvoir, de grouper autour de lui tous les hommes qui, dans des conditions diverses, servaient le plus utilement la patrie, l'honoraient le mieux par leurs vertus et leurs talents. Enfin, abstraction faite des priviléges irrévocablement anéantis par la révolution, Napoléon était loin de méconnaître le prestige toujours vivant des noms historiques; il comprenait et voulait utiliser l'influence de ces familles, nobles ou plébéiennes, où l'orgueil d'un nom honorable excite perpétuellement au bien, où la dignité du nom paternel est un héritage. Réunir autour du trône impérial, comme en un faisceau puissant, ces générations d'élite, véritable et légitime aristocratie de la nation, ce fut là, disons-le bien haut, l'une des pensées les plus grandioses, les plus patriotiques de l'empereur. Cette pensée, nous la retrouvons précisément dans ce décret si vivement attaqué, et qui pourtant plaçait avec empressement, à côté d'une rigueur nécessaire, l'annonce d'une transaction équitable entre l'avenir et le passé, transaction qu'une trop prompte catastrophe ne permettra pas de réaliser.

Malheur, malheur aux vaincus! Il semble que l'infortune veuille absorber tout ce qu'il y avait en eux de louable et de grand, et ne montrer que leurs fautes à la multitude abusée !

Expliquons maintenant, sans défendre toutefois le principe de cette mesure, le séquestre apposé sur les biens des Bourbons et des émigrés rentrés avec eux. On pourrait alléguer d'abord que ces princes eux-mêmes avaient donné à l'empereur un déplorable exemple, que le séquestre mis sur leurs biens n'était qu'une juste représaille du séquestre mis par eux quatre mois auparavant sur ceux de la

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