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tivement l'impression de ce moment vraiment solennel et terrible. On regarde, on écoute, on se tait. Si Napoléon eût fait un pas en arrière, c'en était fait de lui peut-être 1. Mais, jugeant et dominant la situation de son œil d'aigle, il s'avance jusqu'au premier rang, et, saisissant par la moustache un vieux sergent à chevrons, vétéran de l'armée d'Italie: «Est-ce bien toi, lui dit-il, qui aurais le cœur « de tuer ton empereur? » Le soldat, ému jusqu'aux larmes, montre son arme vide; soudain des cris de Vive l'empereur! éclatent de toutes parts. Ce peuple, ces soldats réunis dans une seule pensée, et comme une même famille, se mêlent et s'empressent autour de leur glorieux chef. D'un mot, d'un regard, Napoléon a dompté la destinée et ressaisi la France.

Toutes les difficultés, tous les périls de son entreprise étaient concentrés là. Un seul coup de fusil donnait le signal de la guerre civile, et l'entreprise était manquée ou déshonorée pour toujours, car elle n'était vraiment légitime, excusable même, qu'en restant pacifique. La rencontre de Vizille en assure le succès et la justifie aux yeux de la postérité. Viennent maintenant tous les désastres, et les réactions sanglantes et les longues calomnies, le retour de l'île d'Elbe n'en restera pas moins l'une des merveilles de l'histoire.

Napoléon est encore dans Vizille, quand voici venir au pas de course un des régiments de la garnison de Grenoble, entraîné par son colonel, Labédoyère. Jeune, ardent, passionné pour la patrie et pour la gloire, cet officier n'est affilié à aucun complot; il cède au prestige de glorieux souvenirs, au sentiment profond des fautes, de l'incapacité des Bourbons. C'est à l'honneur et au bien de la patrie qu'il croit devoir le sacrifice tout particulier de considérations de famille, de ces préjugés nobiliaires qui bientôt exigeront et obtiendront vengeance. Assez malheureux pour survivre aux derniers malheurs de son pays, Labédoyère tombera cinq mois plus tard sous des balles françaises, mais avec l'espoir du moins que « son souvenir « n'éveillera jamais en France un sentiment de » honte ou de haine! » Ce dernier vœu s'est accompli. Nulle imprécation de l'histoire ne troublera la paix de cette tombe sanglante.

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Déjà Grenoble n'est plus au roi. Les autorités n'ont pu entraîner dans leur fuite qu'un seul régiment. Il est déjà nuit, quand soudain la voix vibrante de Labédoyère annonce la présence de l'empereur aux troupes qui garnissent les remparts. Napoléon entre ou plutôt est emporté dans la ville à la lueur des flambeaux, sur les débris des portes brisées par l'effort commun du peuple et des soldats. Dès le lendemain il se dirige sur Lyon; son escorte est maintenant une armée 2.

Le débarquement de Napoléon était connu cepuis trente heures à Paris, quand le gouvernemer en eut la première nouvelle, le 5 mars, par une dépêche télégraphique de Lyon. Rien n'égala l'imprévoyance de ces hommes, si ce n'est leur déraison et leur faiblesse. Des lettres du préfet du Var, datées des premiers jours de février, annonçaient les préparatifs qui se faisaient à l'île d'Elbe; ces lettres n'avaient pas même été ouvertes; d'autres renseignements non moins utiles restaient de même enterrés dans le cabinet de M. de Blacas. On aura peine à le croire, la première impression des ultraroyalistes fut une satisfaction marquée de voir Bonaparte courir lui-même à sa perte. L'un d'entre eux, homme d'esprit cependant, alors ministre de France auprès d'une des principales cours de l'Europe, s'exprimait en ces termes au sujet du retour de Napoléon : « Je le regarde comme un homme << conduit au supplice par la Providence. Le chemin qu'il a pris en s'enfonçant dans les montagnes « du Dauphiné me le fait voir SUIVANT LES TRACES « DE LOUIS MANDRIN, SON DIGNE DEVANCIER, pour «aller finir au même endroit, et presque de la « même manière que lui 3! »

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Mais l'inquiétude et la terreur vont succéder bientôt à cette joie insensée. Une seconde dépêche annonce les premiers progrès de Napoléon et sa marche sur Grenoble. Alors seulement on s'empresse de prendre ou de chercher des mesures pour arrêter le développement du complot. Le 6 mars on convoque précipitamment les chambres. Une ordonnance prescrit de courir sus à Napoléon Bonaparte, déclaré traître et rebelle pour s'être introduit à main armée dans le département du Var. Ainsi M. de Bonnay a bien deviné la pensée du gouvernement qu'il représente. Le plus grand capi

prise. Fouché, consulté confidentiellement par M. de Metternich sur ce qui aviendrait d'une semblable tentative de la part de Napoléon, avait dit aussi que tout dépendrait de la conduite du premier bataillon qu'il rencontrerait.

L'occupation de Grenoble était d'autant plus importante qu'elle livrait à Napoléon l'artillerie de la dernière armée d'italie.

3 M. de Bonnay, Copenhague, 21 mars.

taine de son siècle, l'homme qui a gouverné la France avec quelque gloire pendant quatorze ans, le gendre de l'empereur d'Autriche, l'allié de presque toutes les maisons souveraines de l'Europe, est traité comme un chef de bandits! Faute d'autant plus grave que la sanction de la force manque à Cette brutale mesure, qui rend d'avance toute négociation impossible.

Presque en même temps, le comte d'Artois partait pour Lyon, accompagné du duc d'Orléans et du maréchal Macdonald. Il y avait à la fois de la présomption et de l'imprudence à commettre si promptement la personne de l'héritier du trône avec le chef redoutable qu'on venait de proscrire si outrageusement. Le sort de cette défense improvisée à la hâte était facile à prévoir. On manquait d'artillerie pour défendre le passage du Rhône, et les soldats étaient décidés d'avance à ne pas se battre; argent. promesses, allocutions, tout fut inutile. La garde nationale fit de belles protestations, et disparut à l'heure du péril. L'avant-garde impériale fut saluée par les acclamations des ouvriers mêlés aux troupes, ou qui s'étaient déjà portés sur l'autre rive; les soldats chargés de défendre les barricades des ponts aidèrent à les renverser, et Napoléon entra dans la ville à dix heures du soir, sans qu'une goutte de sang eût été versée. Depuis longtemps le maréchal Macdonald et les princes avaient du chercher leur salut dans la fuite; Napo léon décora le seul garde national qui avait eu le courage de les accompagner.

Le gouvernement royal n'était pas plus heureux dans ses efforts tardifs pour agir sur le moral de la nation... Une révolution complète s'était opérée soudain dans le langage officiel; l'armée, la charte s'y retrouvent à chaque ligne. Dès le 7 mars, le roi « appelle à sa défense l'armée, dont la gloire est sans tache, la garde nationale, qui n'est que la nation elle-même armée pour défendre ses institutions. » On se hâte de revenir sur cette honteuse

'Ordre du jour du 7 mars. Il y a dans cette pièce une phrase bien maladroite. On y insinue que les mesures adoptées au congrès pour assurer la paix de l'Europe, en éloignant davantage Bonaparte, ont pu le jeter dans cette entreprise désespérée.

Nous croyons inutile d'analyser tout le fatras d'adresses, de proclamations, d'ordres du jour qui encombrent les journaux de cette époque, et qui se reproduiront bientôt, souvent avec les mêmes expressions et les mêmes signatures, d'abord à l'adresse de Napoléon, puis encore une fois à celle des Bourbons. Ce sont de tristes archives de la versatilité et de la faiblesse humaines.

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et imprudente réduction de l'armée, qui a répandu par toute la France des germes de mécontentement et de trouble; on rappelle tous les militaires en demi-solde, en congé limité ou illimité; on forme des bataillons de réserve, des corps mobiles de gardes nationales, des bataillons de gardes du roi; on emploie, on paye tout le monde 2. On s'efforce encore d'atténuer le danger qui chaque jour grandit et s'approche. D'abord Bonaparte, cet étranger, n'avait avec lui que très-peu de Français ; il avance, c'est vrai, mais parce que les issues lui sont fermées pour la retraite. I avance, mais ses soldats vendent leurs cartouches ou désertent, mais ses bivacs sont jonchés d'armes abandonnées. Il avance, cependant, il avance toujours! La nouvelle de son arrivée dans Lyon tombe comme un coup de foudre à travers tout ce tumulte de mesures tardives et précipitées, d'erreurs et de mensonges. Maintenant on ne compte plus les jours, mais les heures; chacune rend les circonstances plus impérieuses et plus vives. Dès le 7, le ministère, épouvanté, a offert sa démission; une seule a été acceptée, celle du duc de Dalmatie, dont la fidélité a été faussement révoquée en doute; il est remplacé par le duc de Feltre, trop compromis vis-à-vis de Napoléon par sa conduite en 1814 pour ne pas tenir aux Bourbons. On s'abandonne sans réserve aux royalistes constitutionnels; les proclamations du roi, les ordres du jour adressés à la garde nationale, trahissent la plume élégante et libérale de Benjamin Constant, qui croit faire acte de civisme en se ralliant à la cause royale. Tous ces remèdes ne sont plus de saison. Les mesures qui auraient pu prévenir la catastrophe ne sauraient en arrêter les conséquences. Il est trop tard pour ramener l'armée par des compliments sur ses anciens exploits, trop tard pour rallier la masse de la nation par des allocutions et des serments de fidélité à la charte, en présence des chambres 3. L'action des corps politiques, toute nouvelle encore, n'a plus le temps de

bliquement au comte d'Artois ses idées contre-révolutionnaires. On lui fit prêter serment à la charte dans la séance publique du 16 mars. Cette scène, concertée d'avance, produisit peu d'effet; tout cela, nous le répétons, venait beaucoup trop tard. La sincérité de cette conversion était d'ailleurs plus que suspecte.

La majorité de la chambre des députés parut se prononcer vivement pour les Bourbons. Le président, M. Lainé, tout en censurant vivement les fautes communes, se livra à des déclamations violentes contre le despotisme impérial. Ces injures passèrent inaperçues dans la crise, et ne firent pas plus d'effet sur Napoléon que sur l'opinion publique. Cette fois, comme l'année précédente, M. Lainé, malgré toute sa bonne volonté, ne put obtenir les honneurs de la persécution.

se produire dans une telle crise; elle ne saurait balancer l'impression profonde et déjà invétérée des fautes et de la faiblesse du nouveau gouvernement, encore moins ce prestige immense de gloire et de force que Napoléon rapporte de son exil.

On voulut rassembler une armée sous Paris. On semblait décidé à défendre la Seine et la ligne du Loing. Le comte d'Artois avait passé, dans la journée du 16, une revue de la garde nationale de Paris; il complait former une légion de volontaires pour combattre sous ses ordres. Il s'en présenta à peine cent cinquante chaque minute emportait une espérance, apportait un sujet nouveau d'anxiété ; c'était un chaos d'incertitudes, de terreurs, de projets contradictoires ou absurdes 1. On délibérait jour et nuit, dans l'appartement du roi, chez M. de Blacas, dans toutes les salles des Tuileries. Marmont proposait de se fortifier et de se défendre dans le palais même ; M. de Vitrolles d'aller organiser la résistance dans l'Ouest; M. de Blacas voulait, dit-on, que le roi sortit en voiture au-devant de Napoléon, et qu'il eût pour cortège les deux chambres! Louis XVIII, qui du moins sut ennoblir jusqu'au dernier moment sa faiblesse par le courage passif, dernière vertu de sa race, montrait la plus vive répugnance à quitter Paris; il voulait se trouver face à face avec l'usurpateur. Mais quand M. de Blacas et le duc de Feltre vinrent lui annoncer la défection du maréchal Ney, sur lequel il avait compté jusqu'au dernier moment, quand il sut que les soldats du camp formé à Villejuif prenaient la cocarde tricolore et se déclaraient pour Napoléon, quand enfin le gouvernement britannique, dont il avait imploré l'assistance, lui eut fait donner, pour tout secours, le conseil de se retirer sur Dunkerque ou sur Lille, Louis XVIII comprit que tout était perdu, et se résigna à son sort 2. Par une sombre nuit d'équinoxe, il quitta, presque sans espoir de retour, ce palais des Tuileries où la royauté de son frère avait succombé, où la sienne

Dans ces derniers jours, on consulta encore Fonché; il eut une conférence avec le comte d'Artois, et lui dit qu'il ne voyait nul remède à la situation. Quelques heures plus tard, l'ancien secrétaire de Napoléon, Bourienne, auquel, en désespoir de cause, on venait de rendre la préfecture de police, voulut faire arrêter Fouché. Mais, comme l'a dit judicieusement un historien, il était aussi difficile de faire saisir le duc d'Otrante par des agents de police que de faire tirer des soldats français sur Napoléon.

2 Les partisans de Napoléon répétaient partout qu'il était assuré d'avance au moins de la neutralité de deux puissances, l'Autriche et l'Angleterre. Louis XVIII ne pouvait à cette époque avoir la certitude du contraire. On avait retrouvé aux Tuileries le recueil des lettres

3 BIGNON.

ne pouvait même se défendre. Il se dirigea vers la frontière du nord, suivi de près par le comte d'Artois et le duc de Berri.

Napoléon avait quitté Lyon le 13 mars, après y avoir rendu quelques décrets d'organisation pressante, dont nous aurons à reparler. Son voyage jusqu'à Paris ne fut plus qu'une marche triomphale. Partout sur son passage, à Mâcon, à Tournus, Châlons, à Auxerre, il retrouvait, encore tout palpitants, les souvenirs de l'invasion. A son approche toutes ces populations semblaient revivre par le cœur, par l'honneur national; devant lui du moins on pouvait se vanter d'avoir combattu l'étranger 3! Tous les incidents de la défense du territoire lui étaient familiers; son seul retour semblait effacer toutes les hontes, toutes les douleurs de l'invasion. Jamais homme ne concentra en lui d'une manière si complète et si intime l'honneur et les passions d'un grand peuple! Il poursuit sa route vers Paris, ralliant de toutes parts les soldats qu'on prétend lui opposer ou lui soustraire. Le maréchal Ney, encore sincèrement résolu de rester fidèle aux Bourbons, était venu prendre le commandement des troupes de Franche-Comté. Ses régiments se déclarent pour l'empereur à mesure qu'ils s'en rapprochent; en quelques heures toute résistance est devenue impossible 4. Ney lui-même, entraîné à son tour par le prestige tout-puissant des souvenirs, croit que le salut de la patrie exige qu'il se réunisse immédiatement à l'empereur; il signe et publie cette proclamation fameuse, annonçant que la cause des Bourbons est à jamais perdue, et va rejoindre Napoléon à Auxerre 5.

L'une des préoccupations incessantes de Napoléon pendant ce voyage à travers la France, c'est de prévenir partout et à tout prix l'effusion du sang. «Il faut, dit-il à Ney, que notre triomphe soit pur comme la cause que nous servons. » Le décret de proscription du 6 mars avait exaspéré l'avant-garde impériale; des menaces de repré

des souverains à Napoléon. L'ancienne intimité de plusieurs d'entre eux avec lui autorisait toutes les craintes. 3 L'une des grandes fautes du gouvernement royal, faute avouée par les royalistes les plus exaltés, avait été de ne prendre aucune mesure pour soulager les provinces qui avaient souffert de l'invasion. Certains fonctionnaires nouveaux avaient même montré une malveillance marquée aux populations dont la résistance s'était plus énergiquement prononcée contre les alliés du roi !

4 M. de Bourmont, dont la déposition a tué le maréchal Ney, fut lui-même obligé de convenir de ce fait. 5 Cette proclamation, qui lui a été si funeste, avait été apportée par le général Bertrand.

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sailles ont été proférées : « Je vous défends de tirer un seul coup de fusil, leur fait dire Napoléon. Vous ne rencontrerez que des Français; je ne voudrais pas entrer dans ma capitale à votre tête, si vos armes étaient souillées de leur sang. » Il trouve à l'entrée du château de Fontainebleau les lanciers du colonel Gallas : « Partez pour Paris, leur dit-il; n'attaquez pas les troupes que vous rencontrerez; gardez vos lances pour l'ennemi! Ici il faut convaincre et non combattre. Je vous fais tous orateurs ! Cette sollicitude si honorable et si sage de Napoléon, sa clémence pour les princes qui l'ont proscrit, et pour la plupart des hommes qui l'avaient trahi, et dont il a laissé le châtiment à l'histoire, donnent au retour de l'ile d'Elbe un caractère exceptionnel, dont la postérité tiendra comple. La seconde restauration ne saura pas démentir, comme Napoléon, cet axiome fameux de l'antiquité : « Ce n'est qu'à force de sang que les princes naguère exilés affermissent le retour de leur domination 2.

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Napoléon a revu le palais de Fontainebleau après dix mois d'absence. Le souvenir de la grande scène des adieux n'a dù exciter ni troubles ni remords dans son cœur... Si de pénibles pressentiments viennent parfois l'obséder, du moins il ne se sent ni égoïste ni parjure. Les plus nobles motifs ont seuls dicté son retour, comme ils avaient dicté son abdication.

C'est à Fontainebleau qu'un courrier de M. de Lavalette apporte à Napoléon la nouvelle du départ des princes. A huit heures du soir l'empereur est aux Tuileries.

« Je suis arrivé. J'ai traversé la France. L'armée, « le peuple, les campagnes, les villes sont venus « au-devant de moi. Je suis entré le 20 mars dans « Paris, à la tête du camp d'Essonne. sur lequel le « roi comptait. Tout va au mieux. Les vieux sol

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«dats courent en foule à leurs drapeaux, et les campagnes sont décidées à tous les sacrifices 3. » C'est ainsi que Napoléon lui-même a décrit le retour de l'ile d'Elbe, dans quelques lignes autographes que nous avons sous les yeux.

Il est encore difficile, nous le savons, d'apprécier avec une impartialité complète cette époque mémorable. Les événements d'un siècle se pressent, s'accomplissent en quelques mois; c'est un tourbillon de péripéties, de catastrophes à donner le vertige. Lié aux malheurs et à l'agonie de la France, le souvenir du retour de Napoléon semble un majestueux portique ouvrant sur un abime; et l'imagination, franchissant un court espace, rapproche incessamment des heures d'enthousiasme et d'espérance la dernière heure de Waterloo! L'esprit de parti, trop bien servi par les événements, a travaillé quinze ans à flétrir la mémoire des centjours. Il a fallu la révolution de 1830 pour rendre au retour de l'ile d'Elbe son véritable caractère.

L'histoire a pris possession de 1815; elle seule habite ces ruines, et fouille leur cendre à peine refroidie. Sa tàche sera difficile, entre les souvenirs odieux du fanatisme royaliste, et les exigences outrées des passions révolutionnaires. Si en définitive la violation des articles de Fontainebleau, la conduite des Bourbons et la politique des alliés relevaient l'empereur de son abdication et justifient l'enthousiasme populaire; si la situation extraordinaire de la France et de l'armée a pu impliquer ainsi un moment double honneur et double devoir, il n'en sera pas moins imprudent de déifier, dans le passé, l'audace et la promptitude des premières défections militaires. Dans toutes les révolutions, chez les vaincus comme chez les vainqueurs, il y eut des hasards et des fautes. Les victimes de 1815 veulent des larmes, non des apothéoses!

Napoléon, dans ce projet de lettre, décrivait l'état de la France d'après les premières nouvelles qui lui par. vinrent; il parlait notamment de la fuite du roi en Angleterre. Ce fait ayant été démenti, la lettre fut changée.

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Mouvements dans la Vendée.

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La

Louis XVIII à Gand. Campagne du duc d'Angoulême dans le Midi. duchesse d'Angoulême à Bordeaux. Effet produit à Vienne, à Stockholm, à Copenhague, à Berlin, par la nouvelle du retour de Napoléon.- Affaires de Naples. Note des plénipotentiaires napolitains à Vienne, le 8 mars. Murat déclare la guerre à l'Autriche. Sa courte et désastreuse campagne. Derniers événements. Traité de Casalanzi. Retour de Murat en France. Réflexions.

Louis XVIII, en quittant Paris, espérait encore se maintenir sur quelque point du territoire français; cette dernière illusion sera bientôt dissipée. L'attitude menaçante des troupes de la garnison de Lille l'a contraint de quitter cette ville au bout de deux jours; désarmé de toute force et de tout prestige, il s'est vu dans la pénible nécessité de passer la frontière. Décidé toutefois à s'éloigner le moins possible, il se retira à Gand, où peu de jours après il fut rejoint par le comte d'Artois, le duc de Berri, et quelques royalistes plus fidèles ou plus compromis que les autres. Les intrigues de cette petite cour pendant la période des cent-jours sont étrangères à l'objet principal de cet ouvrage. L'appui des armées étrangères devenait la principale et bientôt la seule espérance de ces princes vraiment malheureux.

Quelques jours avaient suffi à Napoléon pour déjouer les dernières tentatives de leurs partisans. Le duc de Bourbon, envoyé en Vendée par Louis XVIII, s'était embarqué à Paimbœuf dès le 1er avril. Plus tard les Anglais jetèrent sur les côtes, à diverses reprises, des munitions et des armes, et quelques rassemblements se formèrent dans le Bocage; mais ce dernier essai de guerre civile n'obtint que des résultats partiels et insignifiants les temps et les hommes étaient changés. L'empereur fit revivre le système à la fois énergique et conciliateur qui avait si bien réussi au général Hoche, lors de la première pacification. Ses lieutenants eurent facilement raison de quelques insurrections partielles et décousues, paralysées, d'ail

leurs, par le défaut d'enthousiasme des soldats et par les hésitations de la plupart des chefs. MM. de Larochejacquelein et de Suzannet se montrèrent seuls dignes de l'ancienne Vendée; tous deux succombèrent vaillamment, les armes à la main, l'un dans le combat de Saint-Jean de Mont, l'autre dans celui de la Roche-Servière 1. Sans être tout à fait comprimée, l'insurrection vendéenne ne donna aucune inquiétude sérieuse à Napoléon pendant la période des cent-jours.

Le duc d'Angoulême, qui se trouvait à Bordeaux dans les premiers jours de mars, avait été nommé par Louis XVIII lieutenant général des armées du Midi. Placé sous l'influence d'hommes énergiques, ce prince montra alors une résolution qui quinze ans plus tard lui a tout à fait manqué. De l'aveu même de Napoléon, il fit tout ce qui était possible. Laissant la duchesse à Bordeaux, il parcourut rapidement les provinces du Midi, où l'élément royaliste dominait encore, surtout dans les villes. Il put un moment croire au succès. Nîmes, Toulouse, Montpellier, Toulon, Marseille se prononçaient pour les Bourbons. Des milliers de gardes nationaux et de volontaires répondaient à l'appel du prince; plusieurs régiments de ligne, cédant à cette impulsion, obéirent à ses premiers ordres. Ainsi fut formée l'armée du Midi. Le duc d'Angoulême était vigoureusement secondé par M. de Vitrolles, qui venait d'arriver de Paris, et par quelques officiers supérieurs sincèrement dévoués aux Bourbons, no

2 et 21 juin.

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