Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

avec les ministres et les membres du conseil de régence, qui se rassemblaient tous les jours, plutôt pour se communiquer les nouvelles que pour s'occuper d'affaires 1. Une proclamation faite au nom de l'impératrice, et deux circulaires du ministre de l'intérieur aux préfets et sous-préfets 2, furent les seuls actes qui émanèrent de ce fantôme de gouvernement. Conformément aux ordres réitérés de Napoléon, Marie-Louise envoya messages sur messages à son père: toutes ces démarches devaient être inutiles. M. de Metternich avait devancé l'empereur François à Paris; mais il avait laissé près de lui M. de Stadion, l'irréconciliable ennemi de Napoléon. Toutes les instances vinrent se briser contre la force d'inertie du faible monarque : « J'aime beaucoup ma fille et mon gendre, disaitil à l'un des derniers envoyés français, le duc de Cadore; je donnerais mon sang et ma vie pour eux: mais j'ai promis à mes alliés de ne pas traiter sans eux, et d'approuver tout ce qu'ils feraient... » Le 8 avril, le comte Schouwalof, commissaire des alliés, entra à Blois sans rencontrer la moindre résistance; il emmena l'impératrice prisonnière à Orléans. La séparation de Napoléon et de MarieLouise était dès lors irrévocablement concertée entre les alliés, tandis que l'empereur à Fontainebleau se complaisait encore à des projets de réunion, de voyage en commun avec sa femme et son enfant! Inexorables à force de craintes, les souverains alliés lui interdirent cette dernière consolation de son exil 3.

A Orléans, l'impératrice sembla aux alliés trop près de Fontainebleau: elle fut transférée dans ce triste château de Rambouillet, prédestiné pour servir de lit d'agonie à toutes les dynasties expirantes. Ce fut là qu'elle vit enfin son père; puis les souverains de Prusse et d'Autriche vinrent ajouter aux rigueurs de leur diplomatie l'insulte de leurs visites. Tous deux voulurent voir aussi le roi de Rome, ce pauvre enfant déshérité par eux de deux couronnes. Marie-Louise montra peu d'énergie morale dans ces cruelles épreuves. Elle pouvait réa

2

'Menneval, II, 149.

Voy. Bourrienne, X, 120 et 126. M. de Montalivet est le dernier fonctionnaire civil qui ait montré quelque énergie dans cette accablante situation.

3 Le 11 avril, M. de Metternich laissait encore à l'impératrice l'espérance de rejoindre plus tard son époux; mais il la trompait sciemment. — C'est à Orléans que fut enlevé le trésor privé de l'empereur. La saisie en fut opérée, au nom du gouvernement provisoire, par un ancien maître des requêtes au conseil d'État, M. Dudon, auquel les faveurs de la restauration n'ont pas manqué. M. Dudon a siégé à la chambre des députés pendant toute la restauration, et s'y est constamment

liser ce type de douleur et de dévouement dont Shakspeare nous a retracé l'expression la plus sublime dans la mère du jeune Arthur, déshérité et condamné, lui aussi, par une politique impitoyable; elle pouvait, comme la reine Constance, forcer ces princes persécuteurs à courber la tête devant la majesté de sa douleur d'épouse et de mère! ils ne trouvèrent qu'une femme timide, éplorée, résignée d'avance à tous les sacrifices au prix desquels ils allaient lui vendre le repos. Elle partit de suite pour Vienne avec son fils, condamné à l'exil éternel qui garde encore son tombeau !

Napoléon quitta Fontainebleau le 20 avril. Son allocution aux braves de sa garde, héroïque débris de tant de combats et de gloire, est encore présente à tous les cœurs : c'est une des scènes les plus touchantes, les plus grandioses de notre histoire 4. Le premier régiment des grenadiers de la vieille garde formait la haie dans la cour du Cheval-Blanc, depuis l'escalier jusqu'à la grille. Un peu avant midi, Napoléon paraît sur le seuil du château, el descend lentement les degrés. De la main, il arrête le roulement des tambours, et prononce d'une voix émue, mais ferme et accentuée, ces immortelles paroles 5: «Soldats de ma vieille garde, je veux vous faire mes adieux. Depuis vingt ans, je vous ai constamment trouvés sur le chemin de la gloire et de l'honneur; vous vous êtes toujours conduits avec bravoure et fidélité! Encore dans ces derniers temps, vous m'en avez donné des preuves. Avec vous, notre cause n'était pas perdue; j'aurais pu, pendant trois ans, alimenter la guerre civile; mais la France n'en eût été que plus malheureuse, sans aucun résultat. Les puissances alliées présentaient toute l'Europe liguée contre moi. Une partie de l'armée m'avait trahi; des partis se formaient pour un autre gouvernement 6. J'ai sacrifié tous mes intérêts au bien de la patrie... Je pars... Vous la servirez toujours avec gloire et avec honneur, vous serez fidèles à votre nouveau souverain 7. Je ne puis pas vous embrasser tous... Je vais embrasser votre chef... J'embrasserai aussi le dra

montré le champion sinon le plus éloquent, du moins le plus infatigable des idées rétrogrades.

4 Nous rétablissons le texte de ce fameux discours, et quelques détails sur ce qui se passa au moment du départ de Napoléon, d'après une copie manuscrite du temps, jointe aux matériaux réunis par M. Bignon et portant tous les caractères d'une authenticité irrécusable.

5 Nous soulignons les variantes les plus importantes de la copie manuscrite que nous transcrivons.

Tout ce passage manque dans les versions publiées jusqu'à ce jour.

7 Même observation.

peau... Approchez, général Petit... faites avancer le drapeau... Que ce baiser passe dans vos cœurs! Je suivrai toujours vos destinées et celles de la France!!!» L'empereur pleurait en embrassant le drapeau, et ne pouvait plus prononcer que des phrases entrecoupées. Son émotion avait gagné tout le monde; les officiers baisaient leurs épées, les soldats sanglotaient. « Ne plaignez pas mon sort, reprend Napoléon, refoulant de toute la puissance de son âme cette immense douleur un instant débordée; j'ai voulu vivre pour être encore utile à votre gloire. J'écrirai les grandes choses que nous avons faites ensemble. Le bonheur de notre chère patrie était mon unique pensée; il sera toujours l'objet de mes vœux. Adieu, mes enfants!!! »

Aucune parole humaine ne saurait rendre la sensation produite par ce discours. Ce fut là un de ces moments si rares où les préjugés, les haines, fléchissent désarmés devant l'héroïsme d'un

« Des officiers entouraient les commissaires, et leur a disaient Messieurs, nous vous confions notre empe«reur ; que rien ne lui arrive! Vous portez les épau«lettes, votre honneur sera notre garant. » Mss.

Nous ne croyons pas devoir reproduire ici les détails connus du voyage de Napoléon, et des insultes des royalistes fanatiques du Midi. Nous n'avons rien de nouveau ni de certain à dire non plus sur cette téné

homme. Les commissaires chargés par les puissances alliées d'escorter l'illustre exilé jusqu'à l'île d'Elbe partagent l'enthousiasme général. L'Autrichien Koller crie l'un des premiers: Vive l'empereur! Le colonel anglais Campbell pleure, et répète : Oh! le grand homme! le grand homme! Soldats. grenadiers, habitants de Fontainebleau, tout le monde se précipite autour de l'empereur pour baiser ses vêtements, pour l'apercevoir encore une fois 1!

« Soldats, disait l'empereur à Austerlitz, il faut finir cette campagne par un coup de tonnerre qui confonde l'orgueil de nos ennemis! » Cédant à la trahison qui a secondé leur effort suprême, Napoléon, par la sublimité de sa résignation, domine. encore et foule aux pieds leur victoire. La scène homérique des adieux écrase toutes les petitesses de la réaction royaliste, du triomphe de l'étranger: le coup de tonnerre de Fontainebleau vaut celui d'Austerlitz 2!

breuse affaire Maubreuil, qu'un historien récent définit avec assez de justesse : un vol de grande route, enté sur une mission d'assassinat. Cette horrible pensée avait été suggérée à Maubreuil par des agents subalternes qui, nous aimons à le croire, n'avaient pas même reçu d'autorisation tacite, mais qui espéraient bien qu'un crime si utile resterait au moins impuni.

CHAPITRE XXIV.

RETOUR DE LOUIS XVIII.

[ocr errors]

Projet de constitution, rédigé par les sénateurs signataires du décret de déchéance. · Opposition que soulève ce projet, - Rôle mixte de M. de Talleyrand. MM. de Sémallé et de Polignac, commissaires du comte d'Artois. - Envoi de délégués dans les départements. La cocarde blanche est substituée à la cocarde tricolore, malgré M. de Talleyrand. — Arrivée du comte d'Artois à Paris. L'empereur Alexandre le décide à recevoir les sénateurs. L'empereur d'Autriche et Bernadotte à Paris.- Convention du 23 avril. — Arrivée de Louis XVIII en France. Déclaration de Saint-Ouen, Entrée du roi dans Paris. Départ des souverains alliés. Détails inédits sur la négociation de la paix de Paris. · Réflexions.

[ocr errors]

[ocr errors]

Nous évoquons dans ce chapitre de déplorables souvenirs. Les derniers moments de l'empire présentent encore un caractère de grandeur désolée qui saisit fortement l'imagination. Mais Napoléon a emporté dans son exil toute la poésie de ces jours de deuil; des pygmées s'agitent et luttent sur les ruines de sa grandeur écroulée.

Pressés d'aborder des faits non moins importants et moins connus, nous allons analyser rapidement les dernières péripéties qui précédèrent le retour des Bourbons.

Les souverains alliés, par leur déclaration du 31 mars, avaient promis de reconnaître la constitution que se donnerait la nation française, et invité le sénat à en préparer une. Les sénateurs signataires de l'acte de déchéance s'empressèrent d'obéir. Un comité, composé des membres du gouvernement provisoire, de cinq autres sénateurs 1, et de M. de Nesselrode, discuta le projet de constitution dans trois séances successives, les 3, 4 et 5 avril. Le projet rédigé dans le sein de ce singulier comité fut présenté aux sénateurs, approuvé par eux le 6 avril, et parut le surlendemain dans le Moniteur. Certaines dispositions de ce projet ont conservé une sorte d'importance historique. Aux termes de l'article 2, Louis-StanislasXavier, frère du dernier roi, était librement appelé au trône par le peuple français. Cette rédaction avait été maintenue, malgré les réclamations de

'MM. Barbé-Marbois, Lebrun (duc de Plaisance), Destutt de Tracy, Eymery et Lambrechts. Ces trois derniers seulement appartenaient à la minorité constitu

M. de Montesquiou. Champion intrépide du principe de la légitimité, cet abbé royaliste avait appris à ses collègues le nom et le règne de Louis XVII. Aux termes de l'article 10 du projet, le corps législatif se serait assemblé de droit tous les ans, le 1er octobre. La faculté d'élire directement les présidents était conférée au sénat, au corps législatif, aux colléges électoraux. Le projet garantissait également la liberté de la presse, l'abolition de la confiscation, la conservation des grades, honneurs et pensions aux militaires, et l'immunité complète des opinions et votes antérieurs. Enfin l'article 29 énonçait nettement le grand principe de la souveraineté du peuple. Le projet devait être présenté aux Français, et Louis-Stanislas-Xavier proclamé ROI DES FRANÇAIS aussitôt qu'il aurait juré et signé un acte portant: «< J'accepte la constitution; je « jure de l'observer et de la faire observer. » Ce serment devait être réitéré dans la séance solennelle où il devait recevoir celui des Français. Ces diverses dispositions, rapprochées de ce qui s'est passé en août 1830, pourraient donner lieu à d'importantes réflexions. Nous nous bornons à les indiquer à nos lecteurs.

"

A tort ou à raison, ce projet souleva des réprobations unanimes. Rejeté avec emportement par les ultra-royalistes, qui y voyaient la ruine du principe de la légitimité, il ne réveilla de sympathies nulle part. Le trop fameux article des dota

tionnelle. M. Lambrechts était l'auteur du préambule du décret de déchéance.

tions compromit gravement l'œuvre sénatoriale. «Eh! que nous veulent ces gens-ci, leur morceau de papier à la main? disaient les royalistes. — Leur constitution est une constitution de rentes, etc. »

Au sein du comité, le prince de Bénévent était parvenu, non sans peine, à tempérer le zèle fougueux de l'abbé de Montesquiou, lui représentant que tout ce qui avait été obtenu jusque-là contre Napoléon, et pour les Bourbons, se rattachait aux actes des sénateurs, et que ceux-ci n'avaient agi que sur l'invitation expresse et avec la participation des alliés, sans lesquels on ne pouvait rien encore. Si nous en croyons la correspondance secrète de l'abbé de Montesquiou, retrouvée aux Tuileries, et publiée dans le Moniteur lors du retour de Napoléon, l'œuvre du sénat n'aurait été dès lors, dans la pensée du prince de Bénévent, qu'une pierre d'attente du système nouveau, puisqu'il aurait fait passer confidentiellement à Louis XVIII le conseil de publier, « sitôt son arrivée en France, un édit dans lequel il aurait déclaré à la fois ses intentions et son entrée dans l'exercice de la souveraineté : manière de procéder qui, indépendamment de toute constitution, aurait l'avantage d'éconduire celle du sénat, de l'éconduire lui-même, et de laisser au roi tout l'honneur des priviléges qu'il accorderait à la nation. » Si tel était vraiment, dès le 6 avril, le vœu intime de M. de Talleyrand, faudrait-il en conclure que ses tentatives auprès de Louis XVIII, à Saint-Ouen, pour lui faire accepter la constitution, n'étaient qu'une comédie concertée d'avance? Nous ne le pensons pas. Nous ne discuterons ni la légalité, ni la moralité de cet avis secret, mais l'événement a bien prouvé que l'auteur principal de la restauration n'avait pas trop présumé de l'affaissement moral d'une partie notable de la nation, qui ne demandait qu'un prétexte pour se livrer au repos et à la confiance. Une déclaration prompte et spontanée de Louis XVIII, dès la première heure de son séjour en France, aurait concilié les esprits et levé bien des difficultés. Mais le roi, malgré les avis réitérés qui lui parvenaient d'étape en étape, crut devoir garder le silence; et, à Saint-Ouen. le conflit que M. de Talleyrand avait voulu prévenir se présentait plus grave, plus imminent que jamais.

L'un des grands embarras de la situation, c'était, nous l'avons déjà dit, la faction royaliste qui cha

[blocks in formation]

que jour montrait plus d'audace et moins de jugement, prétendant baser le nouvel ordre de choses, non plus sur la déclaration des alliés et les actes du sénat, mais sur la manifestation du 31 mars. Le comte d'Artois, lieutenant général du royaume, était encore à Nancy; mais il avait à Paris deux commissaires extraordinaires, munis de pleins pouvoirs, MM. de Sémallé et Armand de Polignac 1. C'était déjà comme un second gouvernement, dont l'influence, absolument distincte de celle du gouvernement provisoire, et souvent tout à fait contraire, put s'établir à la faveur du tumulte des événements. On vit des commissaires, chargés de notifier aux généraux et aux préfets les événements accomplis, emporter dans une poche les instructions du gouvernement provisoire, dans l'autre celles des délégués de Monsieur, et en faire alternativement usage selon les dispositions qu'ils rencontreraient 2. Parmi ces commissaires nous trouvons l'écrivain énergique et misanthrope qui a dit depuis : « Dans le cours sanglant d'une révolution, «< il est quelquefois permis de haïr les hommes, il « faut avoir vu une restauration pour les mépriser «sans retour 3. })

C'est à la mission de deux de ces commissaires que se rattache l'un des principaux incidents de cette époque, incident qui a exercé de l'influence sur les événements des cent-jours, et même sur ceux de 1830; nous voulons parler du rétablissement de la cocarde blanche. L'aveugle entêtement des royalistes éclata dans toute sa puissance à cette occasion. On a prétendu imposer à M. de Talleyrand la responsabilité de cette énorme faute. M. de Talleyrand était trop coupable pour être à ce point malhabile. Jusqu'à l'abdication conditionnelle et même depuis, l'abolition des couleurs nationales avait été considérée par lui comme une imprudence et un danger; par Napoléon, comme une espérance. Le 3 avril, l'empereur, haranguant ses soldats à Fontainebleau, les électrisait par la nécessité « de défendre ces couleurs tricolores qui « depuis vingt ans les trouvaient sur le chemin « de l'honneur. » Tandis que l'empereur s'armait ainsi des fautes de la faction royaliste, M. de Talleyrand faisait blâmer fortement les journalistes qui, dès le 1er avril, avaient annoncé le rétablissement de la cocarde blanche. « La mesure serait

་་

[blocks in formation]

« intempestive et dangereuse, disait-il à l'agent « Morin. Le gouvernement ne peut pas approuver « cette mesure; les puissances alliées ne la veulent « pas non plus. » Et il s'en référait au ministre russe Nesselrode, présent à cet entretien, qui répondait par une inclination affirmative. Comme nous le verrons tout à l'heure, le prince de Bénévent se voyait dès lors réduit à implorer l'assistance des puissances étrangères, afin d'obtenir des Bourbons les concessions strictement nécessaires pour rendre leur retour possible; et pourtant cette intervention n'a pas suffi pour sauver nos couleurs nationales. Ce fut sans doute un malheur immense pour les Bourbons, mais nous ne saurions nous en plaindre. Le drapeau de Jemmapes et d'Austerlitz eut perdu tout prestige, sous le patronage des étrangers 1!

Le comte d'Artois rapportait en France cette inintelligence politique incurable et complète, qui | devait, seize ans plus tard, rendre sa vieillesse à un

exil sans retour. Il déclara qu'il était prêt à repasser le Rhin, plutôt que de reprendre ces couleurs régicides et abhorrées 2!

Le rétablissement de la cocarde blanche fut enfin décidé, en dépit de M. de Talleyrand, des autres membres du gouvernement provisoire et de l'empereur Alexandre lui-même, par le succès éclatant qu'obtint à Rouen la mission de deux délégués des commissaires du roi. Déjà les autorités civiles et militaires de cette ville avaient fait leur adhésion au décret de déchéance et au sénatus-consulte qui rappelait Louis XVIII, quand MM. Vente de Francménil et Robert arrivèrent à Rouen le 8 avril au matin. Accueillis avec empressement par le préfet, ils réussirent à le convaincre qu'un changement immédiat de la cocarde était le complément essentiel de sa soumission au nouvel ordre de choses. Le préfet s'empressa de donner des ordres pour que dans toute l'étendue de son département on substituåt le pavillon blanc au pavillon tricolore. La conduite de cet administrateur fut approuvée et imitée par le maréchal Jourdan, qui occupait et couvrait Rouen avec son corps d'armée. Ce ne fut

Ce fut cette sage résistance du prince de Bénévent qui donna lieu à quelques royalistes de croire et de dire qu'il ne voulait pas des Bourbons.

' Morin, 55.

3 Cet ordre du jour, qu'on peut lire à la suite du rapport de MM. Vente de Francménil et Robert (Morin, Pièces justificatives, p. 345 et suivantes), ne contient du reste rien d'indigne de Jourdan ni de l'armée. Il exprime l'espérance « que Louis XVIII, qui est Français, ne restera pas insensible à la gloire dont nos armées se sont couvertes. »

M. de Bourienne (X, 112) rend compte d'une ma

pas l'un des moins étranges épisodes de ces tristes journées, que de voir le vainqueur de Fleurus rédigeant, sous les yeux des commissaires du roi, un ordre du jour pour exhorter ses soldats à prendre la cocarde blanche, en signe d'adhésion au rappel de Louis XVIII 3.

Cet incident décida la question. Malgré les ordres du gouvernement provisoire, les commissaires du roi firent de suite imprimer et afficher dans Paris la proclamation de Jourdan, et une invitation aux habitants de prendre aussi la cocarde blanche. Tout ce qui émanait de l'armée dominait à tel point le gouvernement provisoire, qu'il crut devoir céder à cette manifestation imprévue. Le 10 avril, le Moniteur annonça que la garde nationale prendrait la cocarde blanche. Cependant, le 12, jour de l'entrée du comte d'Artois à Paris, l'on voyait encore, à midi, le drapeau tricolore flotter sur le pavillon des Tuileries. Il fallut, pour le faire disparaître, un ordre direct des commissaires du roi 4. L'empereur Alexandre avait promis, dit-on, de solliciter directement du roi la conservation des couleurs nationales; mais l'intervention active du czar dut bientôt être employée tout entière à résoudre des difficultés plus imminentes.

Ainsi s'accomplit cette grave mesure, par une sorte d'escamotage, sans raison solide et sans dignité. M. de Talleyrand connaissait trop bien les hommes pour ne pas mesurer d'avance l'effrayante portée de cet acte insensé qui coupait la France en deux. Il était si facile pourtant aux Bourbons de se faire un mérite du sacrifice de quelques pénibles souvenirs, en conservant à la France cet emblème naguère triomphant, glorieux toujours! Et quelle pitoyable raison les royalistes mettaient en avant pour justifier cette proscription! « Un souvenir « affreux, un souvenir de sang, disaient-ils, était « attaché pour tout le monde aux couleurs trico«lores. Ces couleurs, avec lesquelles une auguste « victime avait été conduite à la mort, devraient<< elles orner le char de triomphe du souverain qui « venait reprendre le trône de son frère et conti<< nuer leur auguste dynastie 5! » Quatorze régi

nière inexacte des motifs qui ont décidé Jourdan à faire prendre la cocarde blanche à ses troupes. Le rapport des deux délégués royalistes ne laisse aucun doute à cet égard. Il ne serait cependant pas impossible qu'on eût fait accroire de plus à Jourdan que les troupes de Marmont, en quittant leurs positions, avaient pris la cocarde blanche. La vérité est que Marmont désapprouva forte

ment cette mesure.

4 Morin, p. 54. Le 13 seulement, un décret prononce le rétablissement de la cocarde blanche. 5 Morin, 56.

« ZurückWeiter »