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sur les hauteurs de Belleville et de Montmartre, conformément aux ordres de Napoléon, auraient suffi pour faire échouer la première attaque des alliés, le 30 mars! A onze heures du soir, Napoléon arrivait dans Paris encore défendu. Que devenaient alors les ennemis harassés de fatigue, sans vivres et presque sans munitions? Renouvelaient-ils l'attaque sur les mêmes positions, pour être repoussés plus vivement encore par les troupes et la population, qu'aurait électrisée la présence de l'empereur? Passaient-ils la Seine à Épinay, comme Turenne pendant la Fronde, pour donner à l'armée française le temps d'arriver, ou se trouver pris

entre deux feux? Où se retiraient-ils, poursuivis par Napoléon, à travers les populations soulevées?

Qui de nous, Français, n'a suivi parfois dans sa pensée quelqu'un de ces dénoùments glorieux et vengeurs, et repoussé comme un rève l'accablante réalité! Qui n'a plus d'une fois tourné et retourné comme un glaive dans sa poitrine les deux plus cruels souvenirs de notre histoire, la prise de Paris, Waterloo!

Riche, souriante et prospère, la France garde sous ses habits de fête ces deux blessures qui saignent toujours!

CHAPITRE XXII.

BATAILLE ET CAPITULATION DE PARIS.

Arrivée des armées alliées devant Paris. - Départ de l'impératrice et de son fils. --- Bataille de Paris. — L'empereur
Alexandre et M. Peyre. Départ de Joseph. Dernières hostilités et suspension d'armes. - Capitulation.
-Envoi d'une députation à Bondy. · Entrée des souverains alliés dans Paris. Manifestation royaliste.
Conseil tenu chez M. de Talleyrand.
Manœuvres des royalistes. -
Nomination d'un gouvernement provisoire. M. Bellart et le conseil municipal de Paris. · Les sénateurs
prononcent la déchéance de Napoléon. Réflexions.

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Déclaration des souverains alliés.

Le double désastre de Fère-Champenoise n'a précédé que de quelques jours l'apparition des alliés sous les murs de la capitale. Si précipitée qu'ait été la retraite des maréchaux Mortier et Marmont, deux haltes, peut-être nécessaires à leurs soldats épuisés, ont failli leur devenir funestes. Coupés de Meaux par les Prussiens, ils ont dù gagner à marches forcées Melun et Provins, et de là les positions de Charenton et de Charonne.

La terreur est dans Paris. Les barrières, les faubourgs sont encombrés des fugitifs de la banlieue. Des récits confus et contradictoires circulent parmi les groupes la foule effrayée et curieuse tout à la fois se porte vers les routes par lesquelles approche l'ennemi, tandis que celles de l'ouest et du midi se couvrent de voitures fugitives. De leur côté, les souverains et les généraux alliés sont loin d'être tranquilles; l'anxiété est même plus vive dans les rangs de leurs soldats, qui n'ont pas le secret de leurs espérances, et qui jugent de Paris par l'empereur. Parmi eux a cessé le hourrah bruyant: Paris! Paris! qui retentissait depuis Leipzig; ce but si ardemment désiré les effraye, maintenant qu'ils en sont tout près. Eux aussi interrogent l'horizon d'un regard inquiet...

Le 28 mars, les alliés sont en force à Meaux; l'approche d'une forte colonne ennemie est de notoriété publique dans la capitale. Un conseil de

· Révélations de Morin, p. 24. Reims, 16 mars.

3 L'obéissance passive de Joseph était d'autant plus blamable dans cette circonstance, qu'il voyait très-juste les conséquences da départ. Le 7 février précédent, il

régence s'assemble dans la soirée, et se prolonge au delà de minuit. Deux questions y sont agitées : Paris sera-t-il défendu? L'impératrice doit-elle y rester? Sur le premier point, l'opinion devait être et fut, en effet, unanime; le second fut vivement débattu. Une partie des assistants d'abord, puis bientôt la grande majorité se prononça énergiquement pour l'affirmative; à leurs raisons, que l'on devine, nous substituons cet aveu, échappé depuis à la plume d'un agent royaliste qui, dans ce moment même, organisait une manifestation en faveur des Bourbons: « J'avouerai, dit-il, que malgré nos préparatifs, la force du gouvernement impérial était encore telle, que si l'impératrice et son fils n'eussent pas quitté Paris, leur présence seule, en neutralisant nos moyens, aurait tout arrêté 1. » Joseph mit fin à la discussion, en produisant un ordre positif de départ, donné par l'empereur quelques jours auparavant 2. Les termes dont il s'était servi parurent aux membres du conseil ne permettre ni hésitation, ni contradiction; et pourtant le départ n'était prescrit que si l'ennemi s'avançait sur Paris avec des forces telles que toute résistance devint impossible. Cet ordre n'en a pas moins été l'une des plus funestes inspirations de Napoléon. M. de Talleyrand avait opiné contre le départ; c'était son dernier acte de fidélité, ou, si l'on veut, sa dernière précaution 3. Le duc de Feltre, dont

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nous avons renoncé d'avance à expliquer et à qualifier la conduite pendant les derniers mois de l'empire, avait retrouvé de l'énergie pour plaider la cause du départ; il avait prodigué sans ména gement les détails les plus affligeants sur l'insuffisance et la nullité des moyens de défense, oubliant qu'il s'accusait ainsi lui-même, et semblant prendre à tâche surtout de décourager tout le monde. A la sortie de ce conseil, l'impératrice eut une conférence particulière avec Joseph et Cambacérès ; ils pressentaient comme elle les conséquences de cette mesure. Pour se décider à rester, l'impératrice ne réclamait d'eux qu'un avis signé, qu'ils n'osèrent donner!

Le départ a été fixé pour huit heures. Les ministres, les grands dignitaires qui doivent accompagner l'impératrice arrivent aux premières lueurs du jour; la douleur et l'anxiété se peignent sur tous les visages. Ce palais des Tuileries si brillant. si animé naguère au temps des splendeurs impé riales, offre aujourd'hui l'aspect d'un rendez-vous funèbre. Dans ce moment décisif, formidable, où les destinées du monde ont dépendu peut-être de la volonté d'une pauvre femme, les faibles et les traitres pressent son départ, les plus fidèles le retardent encore par leurs supplications. MarieLouise, éplorée, va de salle en salle promener sa douleur irrésolue. La reine Hortense, à ses genoux. la conjure de rester : Si vous quittez les Tuileries, lui dit-elle, vous ne les reverrez plus. Vers dix heures, le duc de Feltre lui envoie dire que si elle tarde encore, elle ne pourra échapper aux Cosaques. Ce dernier message est le grain de sable qui fait enfin pencher la balance. L'impératrice des cend, pâle et tremblante; son fils, pauvre enfant de trois ans, se débat encore pour ne pas partir. Il appelle son père et veut l'attendre, se retient aux rideaux, aux lambris, et jusqu'à la rampe du grand escalier : il faut l'emporter de force. Bientôt les lourdes voitures s'ébranlent, et le convoi funè

plus plausible qu'on puisse alléguer en faveur du lieutenant général, c'est qu'il a craint, en cas d'occupation de la capitale, de se trouver enlacé dans les intrigues des partisans de la régence, dont il avait déjà repoussé les avances, leur répondant seulement que tout ce qu'il pouvait faire pour eux était d'oublier leurs offres coupables. Joseph a été déplorablement faible dans ces grandes circonstances, mais il est resté loyal. Combien n'en peuvent pas dire autant!

Incedebat muliebre ac miserabile agmen, profuga ducis uxor, parvulum suum filium gerens... Silens agmen, ac veluti longæ exsequiæ. Tacite.

On a dit que la question du rappel des Bourbons n'aurait même pas été agitée si Marie-Louise était restée dans Paris. Il est fort difficile de concilier cette asserBIGNON.

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bre de l'empire a franchi le guichet des Tuileries 1. Paris est ouvert à l'ennemi. Il n'a d'autre défense, contre cent cinquante mille hommes, que les tambours en charpente construits aux barrières pour arrêter l'incursion de quelque parti de Cosaques. Joseph a attendu jusqu'au 28 mars l'approbation du plan des fortifications que l'empereur avait commandées depuis plus de trois semaines, et qui auraient pu être achevées en huit jours 2. Les débris de l'armée des maréchaux, quelques milliers de gardes nationaux qui ont pu avoir des armes, en tout trente mille hommes, vont, non pas défendre la capitale, cela n'est plus possible, mais payer honorablement, sous ses murs, un dernier tribut à la patrie.

Le 30, au point du jour, la générale a retenti. Ce belliqueux appel a trouvé tout le monde réveillé dans Paris; les nuits y sont plus redoutées que les jours. Pendant toute la bataille la foule se presse sur les boulevards; ses longs frémissements répondent aux détonations de l'artillerie.

Marmont s'efforce de couvrir les abords de la capitale, de Pantin à Montreuil; Mortier, de Pantin à Saint-Ouen. Le séjour trop prolongé de leurs troupes autour de Vincennes et de Charenton a compromis d'avance le succès de la journée, en livrant aux alliés les positions de Pantin et de Romainville, clefs de la défense de ce côté. Les alliés attaquent précipitamment ; la plus grande célérité est pour eux une condition essentielle de victoire et de salut. A six heures la canonnade commence; les Russes de Rajewski, qui tous à la fois débouchant de Pantin se déployaient sur le plateau de Romainville, sont contenus et ramenés par les divisions Boyer, Michel et Lagrange. Bientôt Marmont prend l'offensive à son tour, et attaque avec acharnement ces deux villages, qu'il eût été si nécessaire d'occuper d'avance. Une partie des réserves ennemies court au secours de Rajewski; mais nos soldats ne comptent pas leurs adversaires. Les

tion avec l'esprit de la proclamation adressée par le généralissime Schwartzenberg aux habitants de Paris. Au moment où cette proclamation a été faite, les alliés ignoraient encore le départ de l'impératrice, et déjà ils proposaient aux Parisiens l'exemple de Bordeaux, comme la seule solution possible de la guerre (voy, ciaprès). Il nous paraît assez inutile de rechercher jusqu'à quel point la présence de Marie-Louise aurait contre-balancé ces dispositions, évidemment favorables aux Bourbons; ce que nous jugeons incontestable, c'est qu'elle aurait prolongé la défense de Paris au moins de quelques heures. Il n'en fallait pas davantage à Napoléon.

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Russes, malgré tous leurs efforts, ne peuvent s'emparer ni du bois de Romainville ni du village des Prés-Saint-Gervais; partout ils sont refoulés avec une perte énorme, et, malgré les renforts qui leur arrivent à chaque instant, c'est à peine s'ils peuvent conserver le village de Pantin. Leur général Barclay de Tolly, effrayé de la résistance qu'il rencontre, rallie ses tirailleurs, et attend que l'action soit engagée sur les autres points.

Il est onze heures. De toutes parts les manœuvres de l'ennemi prennent un formidable développement. D'un côté, le prince royal de Wurtemberg s'empare des ponts de Saint-Maur et de Charenton, défendus par une poignée de monde 1; de l'autre, Blücher manœuvre pour attaquer les hauteurs de Montmartre; le corps de Langeron débouche entre Saint-Denis et Aubervilliers, ceux d'York et de Kleist menacent la Chapelle et la Villette. Se voyant ainsi soutenu de toutes parts, Barclay attaque de nouveau les positions du duc de Raguse, et celte fois avec plus de succès. A notre droite, les Russes s'emparent de Charonne et de Bagnolet; ils sont arrêtés par la batterie placée sur la butte de Fontarabie, et défendue par un bataillon de la garde nationale. Au centre et à gauche, la mêlée est plus furieuse encore. Les masses russes s'élancent sur la route de Belleville, à travers nos tirailleurs; Marmont fond sur elles à la tête d'une de ses brigades, formée en colonne d'attaque; mais l'ennemi démasque soudain une batterie, dont le feu porte le désordre dans nos rangs. La colonne française est enfoncée; Marmont a son cheval tué sous lui, et ne se dégage qu'avec peine. Plaignons-le d'échapper, cette fois encore, à un trépas glorieux! Admirable de sang-froid et d'intrépidité, il court rallier ses troupes à la butte du télégraphe, et les reforme dans la position qui s'étend de Mont-Louis aux Prés-Saint-Gervais.

Cependant l'ennemi poursuit ses progrès, resserre insensiblement autour de la capitale ses derniers défenseurs. De Charonne, les Russes de Gort zakow gravissent les hauteurs de Mont-Louis et s'en emparent. Le duc de Padoue est pris en flanc, et rejeté de Ménil-Montant sur Belleville. Presque en même temps les réserves prussiennes et russes enlèvent le hameau des Maisonnettes et la butte Chaumont. L'accablante supériorité du nombre n'a pas suffi pour leur assurer ces avantages. Si nous en croyons une tradition qui présente un haut ca

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ractère d'authenticité, nos batteries ont manqué de munitions, ont reçu des boulets d'un calibre inférieur! La division Boyer, attaquée de front et à revers, abandonne enfin le village des Prés-SaintGervais, si opiniâtrément disputé depuis le matin, et se retire par les jardins sur Belleville, où l'ennemi pénètre déjà de tous côtés. Le duc de Raguse, prêt à se voir coupé de Paris, rassemble une poignée de braves, tombe en colonne serrée sur les Russes, et les chasse de Belleville.

Pendant ce temps la mêlée s'échauffait aussi du côté du duc de Trévise, qui tenait tête aux masses de Blücher. Déjà la brigade Robert avait été rejetée d'Aubervilliers sur la Chapelle par l'émigré français Langeron. Celui-ci s'étendait sur sa gauche vers les bois de Boulogne, par le chemin de la Révolte. Mais c'est à la Chapelle et à la Villette surtout que la mêlée fut terrible; les divisions Curial, Charpentier et Christiani s'y couvrirent de gloire. Enfin, quand les deux villages furent tournés, et qu'une plus longue résistance devint impossible, nos soldats se replièrent en bon ordre sur les barrières, sans avoir été entamés.

Depuis plusieurs heures, Joseph avait expédié aux deux maréchaux l'autorisation d'entrer en pourparlers avec l'empereur de Russie et le généralissime autrichien. Renfermé dans un pavillon à Clignancourt, il suivait avec inquiétude le développement des masses ennemies dans la plaine; le rapport d'un officier de l'état-major de la garde nationale (M. Peyre, architecte) avait confirmé toutes ses craintes. Chargé par le commandant de Paris, le général Hullin, de rejoindre un parlementaire ennemi renvoyé précédemment de nos avantpostes, M. Peyre avait vu l'empereur Alexandre vers dix heures du matin. Les détails de cet entretien nous ont été conservés; on y voit percer de la part du czar une vive inquiétude, mal déguisée sous des préoccupations de clémence pour le sort de Paris. « J'attendais, dit-il, que l'on me fit des propositions de la part de la ville; ce n'est pas à la nation française que nous faisons la guerre. » Il demanda ensuite s'il était vrai que l'impératrice eut quitté la capitale; si Paris se défendrait. Il insista sur l'inutilité de cette défense, assez vivement pour laisser soupçonner à un interlocuteur plus pénétrant à quel point il la redoutait. Tout en parlant ainsi, il allait et venait, se tenant le front dans les mains. «Puisqu'on veut se défendre,

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sur la route de Vincennes. La réserve d'artillerie de la garde nationale, un instant compromise, fut vigoureusement dégagée par le 30o régiment de dragons, que commandait le brave colonel Ordener, aujourd'hui lieutenant général.

ajouta-t-il, dites bien que les hautes puissances viennent de nommer M. Barclay de Tolly parlementaire; qu'il attendra à la portée des avantpostes celui qu'on voudra envoyer... Dites qu'on sera toujours à même de traiter, même quand on se battrait dans les faubourgs; mais que si l'on nous oblige de forcer l'enceinte de la ville, nous ne serons plus maîtres d'empêcher le pillage. Partez, monsieur; le salut de votre ville est entre vos mains 1. » Des hommes faibles ou perfides ont paru dupes de ce langage: pour nous, croyons bien que le prince qui a pu sacrifier Moscou à sa vengeance n'eut pas montré tant d'empressement pour épargner Paris, si le succès de sa cause et le salut de son armée n'avaient pas dépendu de sa prétendue générosité. Telle ne fut pas malheureusement l'impression que produisit le récit de M. Peyre. L'empereur Alexandre lui avait remis un paquet cacheté, contenant des exemplaires de la fameuse proclamation du prince de Schwartzenberg 2. Parti de Bondy vers dix heures du matin, M. Peyre se rendit d'abord place Vendôme à l'état-major, et de là à Montmartre, où Joseph venait de rassembler un conseil de défense 3. Une note de Marmont, tracée à la hâte, annonçait dès lors, dit-on, « qu'il était impossible de prolonger la résistance au delà de quelques heures, et de préserver Paris des malheurs inséparables d'une occupation de vive force. L'avis du conseil fut unanime; il reconnut la funeste nécessité devenue inévitable 4. » Ce fut alors seulement que Joseph écrivit aux maréchaux; puis il se hâta de partir pour Blois, voyant déjà Paris cerné et occupé par l'ennemi, et craignant, non pas tant, comme on l'a dit, d'être pris en otage, que d'être obligé de concourir à prononcer la déchéance de son frère. Le général Dejean, aide de camp de l'empereur, et envoyé pour annoncer son arrivée, atteignit Joseph dans le bois de Boulogne, et le conjura vainement de rester, de contremander l'autorisation envoyée aux maréchaux. Avec Joseph disparut le duc de Feltre,

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ou

Les tentatives faites pour mettre un terme à tant de malheurs ont été inutiles, parce qu'il existe, dans le pouvoir même du gouvernement qui nous opprime, un obstacle insurmontable à la paix... C'est à la ville de Paris qu'il appartient, dans les circonstances actuelles, d'accélérer la paix du monde. Son vœu est attendu avec l'intérêt que doit inspirer un si immense résultat. Qu'elle se prononce, et dès lors l'armée qui est devant ses murs devient le soutien de ses décisions. Vous connaissez la conduite de Bordeaux, l'occupation amicale de Lyon. Vous trouverez dans ces exemples le terme de la guerre étrangère et des discordes civiles. Vous ne sauriez plus le chercher ailleurs, »

qui, jusqu'au dernier moment, avait veillé au découragement et au désordre.

Les événements qui marquèrent la fin de cette cruelle journée ne sont que trop connus. Dejean parvint auprès du duc de Trévise avant que celui-ci eût reçu le message de Joseph. Mortier réclama de Schwartzenberg une suspension d'armes, fondée sur les dernières ouvertures faites à l'empereur d'Autriche cette proposition fut rejetée. Pendant ce temps, le duc de Trévise rejetait de son côté, avec une noble indignation, l'insultante sommation de déposer les armes, que venait lui faire un aide de camp de l'empereur Alexandre. Il répondit : « que les alliés, pour être au pied de Montmartre, n'avaient pas encore Paris; que l'armée s'ensevelirait sous ses ruines plutôt que de souscrire à une capitulation honteuse. Qu'au reste, quand il ne pourrait plus le défendre, il savait encore où et comment effectuer sa retraite, devant et malgré l'ennemi 5. » Cette réponse suffirait pour immortaliser le duc de Trévise. Dans ces jours ténébreux et difficiles, où les périls des combats étaient encore les moindres pour nos guerriers, celui-là du moins a marché jusqu'au bout d'un pas ferme dans le chemin de l'honneur. Vers quatre heures, Marmont, voyant ses troupes acculées de toutes parts aux barrières, l'ennemi maître des hauteurs de Charonne et de Ménil-Montant, d'où il pouvait jeter des obus dans quelques quartiers de Paris, se détermina à faire usage de l'autorisation de Joseph. Un de ses aides de camp (M. de Quélen, frère de l'archevêque de ce nom) parvint jusqu'à Bondy; la proposition d'une suspension d'armes fut accueillie bien vite par les souverains, qui répétèrent encore qu'ils ne faisaient la guerre qu'à Napoléon. Le duc de Trévise, prévenu aussitôt, vint joindre son collègue; et la suspension d'armes fut signée, à quatre heures, dans un cabaret de la Villette.

Pendant ce temps, les hostilités continuaient encore à Montmartre, aux Batignolles et à la barrière de Neuilly. Sur ces points la garde nationale, sous

3 Une lettre de Joseph à M. Daru, lettre que nous avons sous les yeux, prescrit à ce ministre de se rendre immédiatement à Montmartre pour faire partie du conseil de défense, auquel devaient assister les trois minis. tres qui restaient encore à Paris, le général Hullin, les généraux commandant l'artillerie et le génie, et les maréchaux Moncey, Marmont et Mortier, qui, bien entendu, ne purent s'y rendre.

4 Brochure sur la bataille de Paris, par un officier d'état-major du roi Joseph, p. 67.

5 Koch, II, 495.

Vingt ans plus tard, une mort inattendue et cruelle a frappé ce brave maréchal, au sein de la capitale qu'il avait si vaillamment défendue!

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