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armée française d'adhérer, sous les baïonnettes étrangères, à des actes politiques qu'on ne pouvait encore considérer d'ailleurs comme officiellement notifiés, tant qu'on n'aurait pas de nouvelles directes de l'empereur. Cette délibération fait le plus grand honneur aux généraux qui y prirent part. Wellington, inquiet et mécontent de ce refus, se préparait à recommencer les hostilités, quand Soult reçut enfin une dépêche du prince de Neufchâtel, datée de Fontainebleau 1, et put alors donner son adhésion au nouvel ordre de choses, sans avoir en rien compromis.jusqu'au dernier moment, l'honneur de son armée et les intérêts de l'empe

reur.

Le duc d'Albufera avait cru devoir faire sa soumission dès le 13 avril. Sa conduite pendant les premiers mois de 1814, a donné matière à de graves inculpations on lui a reproché d'avoir mis obstacle aux succès de l'armée des Pyrénées, en lui refusant sa coopération, par suite d'une jalouse et coupable susceptibilité. Ce reproche nous semble au moins exagéré. On a, selon nous, déplacé la question. Il ne s'agit pas tant de pénétrer avec quel degré d'empressement Suchet, réuni à Soult, lui aurait obéi, que d'examiner s'il n'a pas eu des motifs graves et suffisants pour conserver un rôle séparé. Or, Suchet a eu, pendant tout l'hiver, des instructions inconciliables avec la coopération que Soult réclamait 2. On l'a blâme avec amertume d'avoir exagéré les forces ennemies que neutralisait sa présence au delà des Pyrénées; mais le duc de Dalmatie n'a-t-il pas lui-même exagéré aussi de très-bonne foi le nombre de ses adversaires?

Un intérêt des plus graves retenait Suchet sur la ligne du Llobregat: l'espérance de retirer les garnisons des places d'Aragon, de Catalogne et du royaume de Valence 3. Depuis l'invasion de la France, l'empereur mettait un intérêt facile à comprendre au retour de ces garnisons; aussi n'épargna-t-il rien pour l'obtenir. La régence ayant refusé

de l'établissement du gouvernement provisoire et de l'abdication conditionnelle, la seule qui pût absolument être connue alors.

2

19 avril.

Il paraît toutefois certain que Suchet aurait pu empêcher Wellington d'entrer à Toulouse, et peut-être même de livrer bataille, en faisant une diversion sur la Haute-Garonne dans les premiers jours d'avril; et un pareil intérêt était trop grave, trop pressant alors, pour qu'on n'y sacrifiât pas tous les autres. Mais jusque-là sa conduite est irréprochable, car il avait ordre d'envoyer le plus de renforts possible vers Lyon, et de se diriger lui-même sur ce point, quand il aurait terminé l'affaire des places fortes.

de ratifier le traité de Valençay, le duc d'Albufera fut chargé d'entamer directement avec les généraux espagnols une négociation pour la remise de ces places. Le projet de convention fut soumis à Wellington, qui, comme on peut bien penser, s'empressa de le désapprouver. Enfin, Napoléon, comme nous l'avons vu, avait donné, dès le 8 février, l'ordre de renvoyer Ferdinand sans condition; ajoutant qu'on lui remettrait de suite les places fortes, moyennant le renvoi des garnisons françaises. Ce depart n'eut lieu que six semaines après, et, pendant ce délai, un officier étranger, employé depuis peu, sur la recommandation du duc de Feltre, à l'état-major de Suchet, passa à l'ennemi, et surprit la confiance de trois commandants de place par des ordres habilement contrefaits. Grâce à cette honteuse fourberie, les garnisons de Lérida, Mesquinenza et Monzon, après avoir capitulé sous la condition de rentrer en France, furent cernées par des troupes anglaises et espagnoles, dans les défilés de Martorell, et contraintes de mettre bas les armes 4.

Ferdinand était arrivé le 22 mars à Figuières. L'empereur ayant ordonné d'exiger de lui des suretés pour la remise des places, son frère Carlos était resté à Perpignan. Le duc d'Albufera, jugeant que les circonstances exigeaient les plus grands égards pour Ferdinand, lui fit proposer de laisser passer son frère, moyennant une promesse écrite d'interposer l'autorité royale pour la rentrée des garnisons en France. Ferdinand, pressé de gagner Valence, centre du mouvement contre-révolutionnaire, promit et signa tout ce qu'on voulut, et n'y songea plus. D'ailleurs il était déjà trop tard.

Ferdinand quitta l'armée française le 24. Après six années d'une captivité que lui-même avait dù croire éternelle, il se retrouvait, libre et roi, sur le sol natal; le peuple espagnol allait enfin jouir de cette conquête si chèrement achetée ! Les premières acclamations qui saluèrent son retour furent celles des soldats de Copons. Ce général lui fit un discours

3 Sans doute il est déplorable que vingt-deux mille hommes d'excellentes troupes, qui auraient pu rendre de grands services, aient été ainsi inutilement éparpillés dans une douzaine de places; mais Suchet avait agi ainsi en vertu d'ordres positifs, et personne n'a songé à l'en blâmer. On avait manqué successivement toutes les occasions de retirer ces garnisons; les ordres étaient donnés et surtout expédiés trop tard. (Voyez les Mémoires de Suchet.)

4 On trouvera les détails de cette surprise, si peu honorable pour les alliés, dans les Mémoires de Suchet, II, 369 et suiv.

Voyez aussi, p. 506, l'admirable défense du petit fort de Monzon par le garde du génie Saint-Jacques.

dans l'esprit des cortès, et lui présenta la constitution; Ferdinand la mit dans să poche 1. Aux cris de Vive le roi ! se mêlaient déjà ceux de 4 bas les cortès et la constitution!

La nuit du 15 au 14 avril fut marquée par le dernier et l'un des plus brillants faits d'armes de la campagne. Trois mille hommes de la garnison de Bayonne assaillirent impétueusement les troupes qui investissaient la place, détruisirent les ouvrages commencés, tuèrent ou mirent en fuite ceux qui essayaient de les défendre, et enlevèrent près de trois cents prisonniers, entre autres le commandant en chef du siége, sir John Hope. Cet événement

'Lettre de M. Pétry, 27 mars.

M. Pétry, attaché au ministère des relations extérieures, avait été chargé d'accompagner Ferdinand jus

aurait eu les plus graves conséquences, si les hostilités avaient continué quelques jours de plus. L'armée de la Gironde s'organisait sous les ordres de Decaen, et menaçait Bordeaux; Suchet repassait enfin les Pyrénées, et allait se réunir à Soult; les ressources de l'invasion en troupes espagnoles auraient été paralysées par les événements qui suivirent le retour de Ferdinand, et l'insurrection si redoutée par Wellington s'organisait enfin dans les départements du Midi. Les messages du gouvernement provisoire vinrent arrêter ce noble élan, qui promettait gloire et délivrance; mais, du moins, nous n'avons pas été vaincus!

qu'aux avant-postes espagnols. Il y fut témoin de ce geste significatif.

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France et Naples. Mécontentement et ordres rigoureux de l'empereur, après le retour du roi de Naples, au commencement de 1813. Correspondance de M. Durant; mauvaises dispositions, langage et démarches équivoques du roi. Singulier décret de l'empereur. - ConTendances autrichiennes du roi de Naples. férences de Ponza. Départ du roi pour la grande armée, le 2 août; colère des Autrichiens et des Anglais. Le comte de Miër reste à Naples. Mesures militaires du vice-roi. — Premières hostilités avec les Autrichiens. Retraite d'Eugène sur l'Isonzo et sur l'Adige. — Il rejette des propositions de défection. - Retour de Murat à Naples, le 5 novembre. Nouvelles intrigues. — L'empereur l'engage à marcher au secours du vice roi. Mouvements suspects des troupes napolitaines. Mission du duc d'Otrante. Lettres de Joachim et d'Eugène à l'empereur. Joachim lui annonce sa défection. - Son traité avec l'Autriche. Armistice avec l'Angleterre. -Mouvements hostiles des troupes napolitaines. - Le prince Eugène prend la ligne du Mincio. — Il négocie vainement pour obtenir un armistice. - Bataille du Mincio. - Embarras de Murat. Sa déclaration de guerre. - Convention signée par le duc d'Otrante, pour l'évacuation des places en deçà du Pô. — Opérations de l'armée austro-napolitaine; combat de Parme. - Combat de Reggio. — Mission de M. Faypoult auprès de Murat. Modifications apportées à son traité avec l'Autriche. - L'expédition anglo-sicilienne débarque à Livourne. Animosité de lord Bentinck contre Murat. - Dernières opérations de Murat; il apprend l'abdication de l'empeRetour du pape dans ses États. Réflexions sur la conduite de Murat et sur celle d'Eugène.

reur.

Nous abordons dans ce chapitre le récit pénible, mais indispensable, de la défection du roi de Naples. Dans le cours des chapitres précédents pour ne pas interrompre la suite des grands événements de 1813, nous avions seulement montré Murat reparaissant avec honneur dans la seconde campagne de Saxe. Mais, pour avoir le tableau complet de sa conduite, il nous faut maintenant remonter au principe même de ses malheurs et de ses fautes.

Sa première fausse démarche avait été, comme on l'a vu, son retour précipité dans ses États, à la fin de 1812. Nous avons raconté ce déplorable abandon, qui s'aggravait encore d'une préméditation désormais incontestable '. Les témoignages publics et privés du mécontentement de l'empereur avaient précédé Joachim à Naples. L'article

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'Murat était revenu par trois fois sur ce projet, dans sa correspondance avec la reine. Elle lui répondait le 15 janvier 1813 : « Tes lettres m'ont fait un mal affreux. » Quoi! tu pourras céder à un autre la gloire d'aider l'empereur! tu pourras faire une étourderie sembla »ble à celle de quitter avant qu'il t'ait désigné un suc» cesseur! Non, mon ami, tu ne feras pas cela, j'en suis » sûre... Du courage... Je sens ce que tu dois souffrir, je partage tes chagrins et tes maux; mais, pour cette

du Moniteur qui annonçait son remplacement par Eugène, ajoutait que celui-ci avait une plus grande habitude du commandement en chef, et de plus toute la confiance de l'empereur. Deux lettres adressées presque en même temps, l'une à Caroline, l'autre à Murat lui-même, contenaient des reproches sévères, mais justes 2. Le ressentiment de Napoléon se manifeste non moins vivement par les exigences du ministre de France, M. Durant de Mareuil. Celui-ci avait ordre de demander ses passe-ports si le roi refusait d'envoyer immédiatement dix-huit cents hommes à Vérone, où s'organisait alors le corps d'observation d'Italie. Joachim affecta en public une modération inattendue, mais s'en dédommagea, dit-on, par une lettre pleine des récriminations les plus amères 3. Il n'eut pour réponse que

>> gloire dont tu es si jaloux, je t'engage à les supporter >> encore. » Murat traversait alors l'Allemagne; il ne pouvait plus suivre ces sages conseils.

2 Nous aurons ultérieurement l'occasion de citer ces lettres, qui furent, plus tard, falsifiées et postdatées, pour servir de base à l'accusation de trahison portée contre Murat au congrès de Vienne.

3 Voyez Coletta, III, 233. Rien ne prouve que cette lettre ait été envoyée.

de nouveaux ordres plus impérieux. A peine eut-il promis le renfort pour Vérone, qu'on lui demanda, pour la campagne suivante, un contingent effectif de dix-huit à dix-neuf mille hommes.

La correspondance du ministre de France caractérise avec beaucoup de justesse les dispositions du roi. Ce ne sont pas les fatigues et les désastres qui ont eu prise sur lui; c'est le regret d'être éloigné de ses États, de voir une portion de son autorité aux mains de la reine; c'est surtout son idée fixe d'agrandissement et d'indépendance, d'autant plus dangereuse désormais, que le cours des événements peut en faire paraître la réalisation moins improbable. Un mauvais esprit règne parmi les officiers qui sont revenus avec lui; les cajoleries des Russes et des Anglais, qui le cherchaient à l'armée, l'atteindront sûrement à Naples; ils y trouveront un point d'appui dans les dispositions du pays, manifestement réactives contre l'influence française 1. Le contingent auxiliaire s'organisait, mais avec une lenteur extrême. « Le roi laissait percer, dans » toutes ses actions, un calcul trop personnel et trop » indépendant de ses relations avec l'empire 2. Au 10 mars, notre ministre n'a encore aucun indice positif de quelque combinaison capable de contrarier les vues de la France, mais il pressent déjà quelque chose du côté de l'Autriche. Le roi lui a parlé des dispositions de cette puissance à se faire neutre pour devenir médiatrice, de manière à faire croire qu'il y a chez lui quelque velléité semblable. Des faits positifs confirmeront bientôt ces premières appréhensions. Le prince Cariati, aide de camp du roi, est parti pour Berlin; il va porter un grand cordon au roi de Prusse, puis il doit passer à Vienne, pour acheter des chevaux 3. Vers la fin de mars, le roi passe une revue, distribue des drapeaux à ses régiments, puis leur fait une allocution qu'il termine par ces mots significatifs : « Il vostro rẻ non vi commanderà giammai di andare ad incontrare il nemico, ma di seguirlo. » Il semble ainsi promettre à ses troupes qu'elles ne combattront que pour repousser une agression directe. Voulant détruire le fâcheux effet qu'un tel langage a pu produire sur l'esprit de l'empereur, Murat s'exprime tout différemment avec M. Durant. Il paraît chagrin de l'omission faite à dessein, du❘ royaume et des troupes de Naples, dans le dernier exposé de la situation militaire inséré au Moni

'Durant, 12 février.

⚫ Id., 10 mars.

3 La défection de la Prusse ayant éclaté dans cet intervalle, l'envoyé n'alla qu'à Vienne, où M. de Narbonne, de son côté, signala comme suspects sa présence et ses propos.

teur: « Quoi! dit-il, l'empereur peut-il méconnaître de quel avantage je lui serais en Italie? J'ai trente mille hommes sous les armes, j'en aurai bientôt quarante........ Ne sais-je pas que ma destinée est une émanation de celle de l'empereur, qu'elle y est irrévocablement attachée ? Il n'y a pas deux chemins pour moi. Que l'empereur dise un mot, et je me charge de la défense de l'Italie... S'il croit encore ma présence utile à la grande armée, qu'il le dise, et j'y vole 4. » Ce langage est raisonnable, il peut même être encore sincère : malheureusement Murat va bientôt cesser de comprendre ainsi sa position. Quelques jours après cet entretien, il écrit à l'empereur 5 pour le conjurer de faire la paix. Cette lettre, déplacée sous tous les rapports, reste sans réponse, et l'humeur du roi s'en accroit. Bientôt, inquiet et mécontent de ce que l'empereur ne lui fait rien connaître des négociations pour lesquelles l'Autriche a offert son entremise, il inclinera décidément au système que cette puissance s'attachait alors à faire prévaloir auprès de tous les cabinets. C'est surtout à la funeste influence de l'envoyé autrichien, du comte de Miër, que Murat devra sa perte.

La vérité historique nous oblige à placer ici un fait étrange sans doute, mais d'une authenticité incontestable, et qui donne la mesure de l'influence que Napoléon croyait devoir faire peser sur sa famille. Une dépêche du duc de Bassano, du 4 mai 18136, adressée au ministre de France à Naples, contenait l'expédition d'un décret impérial rendu à Dresde l'année précédente, et tenu en réserve jusque-là comme une sorte de châtiment. Ce décret conférait directement à un Français, M. Baudus, les fonctions de sous-gouverneur des enfants du roi et de la reine de Naples, en vertu des articles 3 et 26 du statut constitutionnel de 1806 relatif à la famille impériale, articles qui donnaient à l'empereur le droit de régler tout ce qui concernait l'éducation des princes et princesses de sa famille. Sans doute l'intérêt de la France exigeait que les enfants de Murat restassent Français à Naples; cette considération explique, sans la justifier, l'extension arbitraire que l'empereur croyait devoir donner au statut de 1806. Le décret relatif à M. Baudus avait été rendu le 50 mai 1812; mais il paraît que l'empereur en avait jugé la notification intempestive au début de la campagne de Russie. Elle ne l'était pas moins un an après. L'impression que le roi dut en recevoir favorisa le développement de ses intelligences secrètes avec l'Autriche, et bientôt avec

4 Durant, 29 mars.

5 Le 3 avril.

6 Le lendemain de la victoire de Lützen.

les Anglais. Malgré les efforts de la reine pour combattre cette tendance, chaque jour elle se caractérise et se fortifie. Le ministre de France demandait un nouveau renfort pour Vérone; le roi s'y refuse, alléguant qu'il y aurait du danger pour luimème à éloigner ses troupes au moment où les Anglais fomentent de nouveaux troubles dans le royaume. En effet, un complot en faveur de l'ancienne dynastie venait d'être découvert dans les premiers jours de mai. La politique anglaise, peu scrupuleuse, comme on sait, sur le choix des moyens, intriguait à la fois avec Murat et contre lui.

Le 23 du même mois, le ministre de France écrivait : « Décidément le roi paraît croire le mo» ment favorable pour se soustraire à l'influence » et à la suzeraineté de l'empereur. » En effet, la nouvelle du retour subit du prince vice-roi à Milan vient de s'ajouter à toutes les impressions mauvaises de Murat. L'empereur lui-même s'attend donc à une prochaine défection de l'Autriche, et c'est Eugène qu'il charge de défendre l'Italie. On parle tout à la fois, et de correspondances de Paris qui encouragent Murat à marcher dans une ligne différente de celle que suit l'empereur, et de connexions avec des patriotes qui voudraient faire de l'Italie un État unique, en éloigner tous les barbares : utopie généreuse sans doute, mais malheureusement prématurée. Bientôt les pourparlers ouverts avec les agents anglais cesseront d'être un mystère. Ce qui frappe aussi tous les yeux, ce sont les attentions du roi pour l'envoyé autrichien. Le 30 mai, un courrier du prince Cariati est arrivé au palais; et

'Le récit de la domination des Anglais en Sicile exigerait des détails qui seraient déplacés ici pour plusieurs raisons. Il nous suffira de rappeler que jamais protectorat plus tyrannique n'avait pesé sur un peuple et sur un souverain. La reine Caroline de Sicile devint presque intéressante par les persécutions auxquelles elle fut en butte. Les Anglais lui reprochaient d'être l'âme de tous les complots formés contre eux, et de correspondre secrètement avec l'empereur Napoléon, depuis son mariage avec Marie-Louise, nièce de la reine de Sicile. Ces reproches pouvaient être fondés; mais une exploitation moins impitoyable des ressources de ce pays aurait, sans nul doute, épargné aux Anglais bien des inquiétudes, et aussi bien des excès dont l'histoire inexorable leur demandera compte.

Médiocre général, politique à vue courte, mais d'une volonté persévérante et inflexible, Bentinck triompha de tous les obstacles pour asseoir la domination anglaise sur la Sicile. Une constitution représentative qu'il fit donner à cette île ne fut pour lui qu'un moyen de pressurer le pays pour en tirer des hommes et de l'argent. Il força le faible roi Ferdinand à abdiquer en faveur de son fils, puis à reprendre le sceptre, enfin à signer

sur-le-champ le roi a fait mander M. de Miër. En même temps, des conférences avaient lieu à l'tle de Ponza entre des officiers du roi de Naples et ceux du dictateur de la Sicile, lord W. Bentinck 1. L'objet de ces conférences était d'obtenir la reconnaissance des droits de Murat sur la couronne de Naples par les puissances coalisées, et des subsides anglais pour ses troupes, qui occuperaient alors la Péninsule au nom des alliés. Bentinck adhéra à ces propositions, mais il fit ses conditions de son côté. Il voulait la reconnaissance des droits de la maison de Bourbon sur la Sicile, et à titre de sûretés, la remise de Gaëte aux Anglais, et l'adjonction de vingt-cinq mille hommes de ses troupes pour occuper l'Italie. C'était par la faction unitaire que Murat se laissait entrainer à cette déplorable démarche 2, qui, tout en servant ses vues ambitieuses, aurait rendu au peuple napolitain les avantages du commerce anglais, si vivement regrettés.

Mais l'heure fatale n'était pas encore venue pour Murat; sa conscience se révoltait malgré lui. Dominé tour à tour par les impressions les plus diverses, il s'embarrassait de plus en plus dans toutes ses démarches. Après la bataille de Bautzen, le ministre de la guerre réclama la réunion de quinze mille Napolitains à l'armée qu'organisait le viceroi pour défendre l'Italie. De tous les gages de fidélité que Murat pourrait donner à la cause française, celui-là est assurément le plus pénible pour lui aussi l'exécution de cet ordre rencontre de sa part une résistance à laquelle cette fois la reine elle-même s'associe. Tous deux semblent affligés de ce que l'empereur ne daigne plus correspondre

l'arrêt d'exil de la reine. La haine de Bentinck pour Murat n'a pas peu contribué, comme nous le verrons, à remettre Ferdinand en possession de l'héritage de ses pères. Il a ainsi payé, en quelque sorte, sa dette au roi; mais cette restauration ne fut qu'un nouveau malheur pour le peuple sicilien.

On trouve une partie des détails que nous ne pouvons donner ici dans M. de Montvéran, t. VI, p. 383, et dans l'ouvrage de Ch. Didier, Caroline en Sicile.

Pour rendre Bentinck plus traitable à Ponza, le principal envoyé de Joachim (Robert Jones, Anglais de naissance, mais habitant Naples depuis longtemps) s'avisa de mettre en avant un prétendu projet d'attaque sur la Sicile, combiné avec la flotte de Toulon et les troupes napolitaines. Bentinck ajouta pleinement foi à cette fable, et s'empressa d'en instruire le commandant de la station anglaise dans la Méditerranée et lord Wellington. Ce dernier se borna à lui répondre que la Sicile ne courait aucun danger. La correspondance diplomatique entre Paris et Naples ne présente, en effet, aucune trace de ce projet, aussi intempestif qu'inexécutable à cette époque. Voy. Napier, Histoire de la guerre de la Péninsule, XI, 321-324.

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