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ques jours après avec l'empereur d'Autriche, lui laissa peu de doutes sur la liaison souterraine qui existait dès lors entre ce cabinet et les puissances coalisées 1. L'empereur désapprouva cette conversation et la note du 21 avril 2. « Elle a mis l'Autriiche dans la nécessité de s'expliquer; il eut mieux valu gagner du temps. Vaincus, l'empereur d'Autriche se serait tourné contre nous. Vainqueurs, comme nous le sommes, la chose eût été différente. On l'a mis dans la nécessité de faire un pas qu'il eût mieux valu qu'il n'eût point fait. » Napoléon est revenu sur cette idée à Sainte-Hélène. « Les succès » de M. de Narbonne, dit-il 3, m'ont perdu peut» être. L'Autriche se voyant devinée, jeta le masque » et précipita ses mesures. » L'Autriche ne précipita rien. Tout se fit chez elle avec ordre, et chaque chose vint à son temps.

Cependant, à Cracovie, nous espérions encore. La réponse de M. de Metternich à l'ambassadeur français, « que les ordres pour marcher en avant, arriveraient trop tard, le mouvement de retraite étant commencé, » ne nous parut pas alors trèsdéfavorable. En effet, le mouvement de retraite n'était pas commencé encore 4, grâce à la fermeté du prince Poniatowski: nous espérions que l'Autriche se croirait contrainte à rester fidèle. M. de Rumigny revint du quartier général vers cette époque, rapportant des lettres du duc de Bassano, et deux du major général pour le prince Poniatowski et le général Frimont. Le prince de Neufchâtel les prévenait tous deux, qu'incessamment un officier leur apporterait l'ordre de dénoncer l'armistice existant avec les Russes. Le général autrichien déclara qu'il obéirait aux ordres de l'empereur Napoléon quand il les recevrait : mais, malgré cet avis, ou plutôt à cause de cet avis, il redoubla ses instances auprès du prince Poniatowski pour que le mouvement convenu précédemment s'exécutât au jour fixé. Il se mettait ainsi en mesure de répondre à l'intention de M. de Metternich, en faisant prendre à son corps une position telle, que l'ordre arrivant de dénoncer l'armistice. il pût se dispenser d'y obéir alors, sous le prétexte que ses troupes, rentrées sur le territoire autrichien, n'existeraient plus comme corps auxiliaire. Le 30 avril, le corps autrichien se porta

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a Si V. M. ne veut que gagner du temps avec l'Autriche, vous aurez au moins un mois... Si vous ne » voulez que sa neutralité, quoique ce rôle soit plat et › dangereux, la chose n'est pas impossible... Si V. M. » espère la faire combattre pour la France, je n'y vois * pas d'apparence, à moins d'une victoire. » (23 avril, M. de Narbonne.) Napoléon cru que l'Autriche se serait déclarée pour nous après Lützen, si la note du 21 avril ne l'avait forcée de prendre, plus tôt qu'elle n'eût voulu, l'attitude d'une médiation armée. Cette opinion

donc sur la rive droite de la Vistule; le prince Poniatowski prit position dans le rayon de Podgorze. La prise récente du fort de Czenstockow, et celle de Thorn, avaient redoublé la hauteur des Autrichiens dans leurs manières et dans leur langage. Alliés, ils se réjouissaient de nos pertes autant et plus que nos ennemis. Cependant, après bien des pourparlers et des difficultés, nous obtinmes un dernier répit de quatre jours. Nous n'avions plus de lettres de M. de Narbonne; il ne pouvait plus nous servir. Tandis qu'aux champs de Lützen, l'horizon de la fortune impériale semblait s'éclaircir, la fatalité de 1812 pesait encore de tout son poids sur nous, isolés, perdus que nous étions, entre les ennemis présents et ceux du lendemain. Des avis secrets, dictés peut-être par l'affection, peut-être par la perfidie, nous faisaient tout craindre de la part des Autrichiens. Le prince Poniatowski, toujours intrépide, me disait en riant : « M. Bignon, vous pourriez bien, dans quelques jours, être prisonnier à Olmutz, et moi tué à la tête d'un de mes régiments de lanciers. » Depuis trente ans, la politique des ennemis de la France s'est permis contre elle des actes d'une telle nature, que la supposition des plus sinistres projets pouvait ne pas être invraisemblable, si le sort des armes nous était contraire sur l'Elbe. Notre avenir dépendait de là, et nous le sentions bien. Au reste, le présent était déjà bien cruel pour nous. Chaque jour, chaque heure, avait sa scène d'adieux et de douleurs. Le pont par lequel Cracovie communique au faubourg de Podgorze était sans cesse encombré de piétons et de voitures. Les personnes les plus distinguées de la ville venaient visiter les troupes polonaises, embrasser leurs maris, leurs parents, leurs frères. Les femmes avaient pris le deuil pour cette séparation que le sort des armes a rendue éternelle. Dans une heureuse ignorance de l'avenir, elles croyaient n'avoir à gémir que sur une absence, tandis qu'en réalité elles portaient déjà le deuil de la patrie, le deuil de cette troupe de héros qui périra presque tout entière avec son illustre chef, dans les plaines de Leipzig.

Enfin parut le jour fatal où devait commencer la retraite. Ce ne fut pourtant pas sans une pénible

est spécieuse, et trouvera peut-être des défenseurs plus tard, bien que M. de Metternich ait dit à l'ambassadeur français, avant l'entrée en campagne, qu'une victoire de l'empereur Napoléon n'aurait d'autre effet sur l'Autriche que de lui faire prendre un ton plus imposant en faveur de la paix.

24 mai. Dépêche dictée au duc de Vicence pour M. de Narbonne, après l'affaire de Lützen.

3 Mémorial, III, 95.

4 24 avril.

hésitation que le prince se décida à faire partir sa première colonne. La veille encore, il avait examiné avec moi la question sous ses divers aspects; l'éclat qu'aurait un coup d'audace, puis ses chances, ses dangers, ses résultats trop vraisemblables. L'intérêt de la Pologne et de la France lui commandait de se réserver pour des temps meilleurs.

Le 8 mai, une lettre de mon collègue, M. de Serra, retiré à Prague avec le roi de Saxe, m'apporta des ordres de l'empereur qui ne s'accordaient guère avec notre position. Si le prince Poniatowski était réduit à ses seules forces, l'intention de l'empereur était qu'il fit une guerre de partisan. L'exécution de cet ordre était devenue impossible. Deux colonnes étaient déjà parties: si le prince les avait fait rétrograder, les Russes en auraient été de suite avertis; c'était jouer en un jour l'existence de ce reste d'armée auquel se rattachait l'avenir de la Pologne. Le 10 mai, nous reçùmes la nouvelle de la victoire de Lützen, contredite, il est vrai, par des bulletins des alliés et les lettres du ministre de Saxe, M. de Senft, gagné à leur cause. Pendant que des Te Deum, des illuminations, célébraient le prétendu triomphe de nos ennemis, leur défaite nous fut confirmée par le général Sokolnicki, envoyé en courrier au quartier général du prince Poniatowski. Cet officier apportait aussi, pour le commandant autrichien, l'ordre si longtemps attendu de dénoncer l'armistice et de marcher en avant. Le prince se hâta d'arrêter la marche de ses colonnes, et écrivit au général Frimont. La réponse de celui-ci fut telle que nous l'avions supposée d'avance. Sans méconnaître les ordres de l'empereur, il déclara que, malgré sa volonté d'agir, la chose était devenue matériellement impossible; que la dislocation de son corps, déjà effectuée en grande partie, ne lui permettait plus de le réunir, etc. Ainsi se réalisa la prédiction de M. de Metternich, qui, dès le 20 avril, avait dit à M. de Narbonne que l'ordre de l'empereur arriverait trop tard.

Aux termes de la convention secrète de Kalish, les Autrichiens devaient conserver Cracovie. La temporisation du prince Poniatowski dérangea ce calcul, en les obligeant de se retirer eux-mêmes pour décider la retraite des Polonais. Cet incident causa de l'embarras dans les mesures de l'étatmajor des Autrichiens, et une mésintelligence trèsréelle entre eux et les Russes 1. Enfin, le 12 mai,

'Le 13 mai, j'écrivais à M. de Bassano : « La journée d'hier a été agitée pour les Autrichiens et pour nous. Des régiments quittaient Cracovie; d'autres y rentraient. C'était un mouvement inexplicable. Tantôt il me revenait de l'état-major autrichien que l'on tiendrait encore quatre ou cinq jours à Cracovie; et, comme il

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le général Frimont, revenant du quartier général russe, dit au préfet de Cracovie d'y envoyer une députation. Il ajouta, en ayant l'air de plaindre les habitants, « qu'ils devaient s'en prendre à l'obstination du prince Poniatowski et du ministre de France; que si les troupes polonaises s'étaient retirées depuis quinze jours, comme on le leur avait offert, les Autrichiens auraient gardé non-seulement Cracovie, mais même tout le département. » Nous croyions alors qu'il y avait de la fausseté dans ce langage du général Frimont, et nous avions tort. Cependant, ni le prince Poniatowski ni moi n'avons eu lieu de nous repentir de notre conduite. Dans la situation douteuse de l'Autriche, il était indifférent pour nous que Cracovie fût en son pouvoir plutôt qu'en celui des Russes, tandis que, par l'obstination qu'on nous reprochait, nous avions retenu devant cette place le général Sacken plus longtemps qu'il ne s'y était attendu. De plus, dans sa marche pour rejoindre la grande armée alliée dans les lignes de Bautzen, ce général, se tenant à la même hauteur que nous, de peur que nous ne fissions un brusque revirement sur Cracovie, ne peut arriver à Wurtchen qu'au moment où la bataille du 12 mai était décidée, et nous verrons que l'absence d'un corps de vingt-cinq mille hommes n'a peut-être pas été sans influence sur le sort de cette journée.

Enfin, le 12 mai au soir, un officier de l'étatmajor du général Frimont vint m'informer que le lendemain les Autrichiens évacueraient Cracovie, à six heures du matin, et qu'à dix heures les Russes y entreraient. Il eût été ridicule de se laisser enlever par les Russes sans aucun but d'utilité. Je fis prévenir les ministres du message que je venais de recevoir, et, le 13 au matin, nous quittâmes, non sans espoir de retour, le sol polonais, que jamais je ne devais revoir, et où les ministres n'ont pu rentrer que comme sujets de l'empereur de Russie.

Le désarmement, contre lequel nous avions si énergiquement réclamé, n'eut qu'une ombre d'exécution. Les hommes fatigués mettaient seuls leurs fusils sur des chariots, et la cour de Vienne, qui n'avait pas insisté si fort sur ce point que pour mieux constater sa nouvelle position de neutralité, envoya bientôt l'autorisation de permettre aux Polonais de conserver l'armement complet.

Le 15 mai, le prince arrêta son mouvement de

était inévitable que Sacken serait obligé de partir pour aller renforcer l'armée russe, on aurait sauvé à Cracovie le désagrément d'une occupation même passagère; tantôt on me faisait dire que Sacken menaçait d'entrer de force... » J'aurais compris parfaitement toute cette confusion, si j'avais connu la convention de Kalish.

retraite, malgré les plaintes des commissaires autrichiens. Les troupes polonaises se trouvaient alors à la hauteur où elles commenceraient à s'éloigner de la grande armée française, si elles suivaient le premier itinéraire qui leur avait été tracé, itinéraire qui les conduisait jusqu'en Bavière. Trois jours après, arriva l'ordre du major général de rejoindre la grande armée, si nous n'avions repris la route de Cracovie, en apprenant la victoire de Lützen. Il est indubitable que la direction sur Cracovie eût été préférée par l'empereur; nous fimes à Vienne une dernière démarche ; mais on peut bien juger qu'après tant d'efforts pour nous arracher du sol de la Pologne, le cabinet autrichien n'était pas disposé à nous en rouvrir le chemin. En revanche, il consentit à ce que le corps polonais se rendit directement en Saxe par la Bohême; et le 25 mai les Polonais se dirigerent sur Zittau. D'après de nouvelles instructions envoyées de Dresde, dont la victoire de Lützen venait de rouvrir les portes à Napoléon, M. de Narbonne avait énergiquement insisté sur ce changement de direction. « Parlez ferme, lui avait écrit le duc de Vicence 1, et dites même à M. de Metternich, s'il faut en venir là, que la mesure est comblée. » Des lettres de l'ex-ambassadeur russe à

'Dresde, le 14 mai.

* M. de Metternich, disaient-ils, leur avait promis de les faire réveiller dans la nuit, s'il arrivait des nouvelles. 3 Nous reviendrons sur les détails de cette intrigue de la Saxe, qui nous montrera sous une autre face la duplicité de M. de Metternich.

4 On remarque dans cette dépêche une phrase dictée évidemment par Napoléon, et qui se rapporte aux Bourbons.

Dans une lettre précédente, M. de Narbonne avait parlé d'un diner donné en Angleterre, auquel avait assisté le prince régent avec les fils du comte d'Artois, et

| Vienne, Stakelberg, adressées à M. de Nesselrode, d'autres de M. de Humboldt au roi de Prusse, venaient d'ètre interceptées à Dresde 2. Ces agents semblaient avoir trop à se louer des bonnes dispositions du cabinet autrichien, pour que le moindre doute restât possible à cet égard. Le roi de Saxe avait remis aussi à Napoléon toutes ses notes avec l'Autriche3. « Cependant, ajoute le duc de Vicence, l'empereur pardonne à cette puissance tout ce qui s'est passé; il veut même l'ignorer 4. » Plus nous avançons sur cette pente fatale des négociations de 1813, plus la faute d'avoir négligé l'Autriche, dès la fin de 1812, nous semble manifeste. Que Napoléon ignore ou veuille ignorer les intrigues de cette puissance, de tels ménagements ne suffisent plus pour la maintenir neutre ou la ramener à nous. Au reste, l'ambassadeur français n'eut pas besoin d'en venir à ces reproches dangereux pour obtenir le changement de direction qu'il sollicitait. Ce premier effet de la nouvelle victoire annonçait assez qu'il était encore temps de s'entendre avec l'Autriche, en se l'attachant par l'appât d'un grand avantage. Napoléon ne saura pas s'y résoudre. Il est engagé désormais dans une voie fatale, où la victoire même va hâter ses pas vers l'abime.

d'un toast qui y avait été porté à Henri IV et à ses descendants. «Quant aux Bourbons, répond le duc de Vicence, vous ne devez jamais en parler. Personne, en France, en Europe, ni même en Angleterre, ne songe à eux. Une nation qui vient de lever douze cent mille hommes, sur un mot de l'empereur, ne rentrera jamais sous leur joug. Il n'y a pas plus de raison pour qu'il soit question d'eux que des Montesquiou, qui prétendaient descendre de Charlemagne et de Clovis. » Voilà ce qu'on pouvait soutenir très-raisonnablement en mai 1815, et en mai 1814 les Bourbons étaient aux Tuileries.

CHAPITRE VII.

PRÉPARATIFS MILITAIRES.

MESURES D'ORDRE INTERIEUR.

GUERRE.

landsturm.

Travaux d'embellisse

Préparatifs militaires de Napoléon. Mesures d'ordre intérieur et d'administration. ments de Paris. Manifeste du comte de Lille. — Régence de Marie-Louise. — Ouverture de la session du corps législatif. Exposé de la situation de l'empire. Insuffisance des ressources financières ordinaires. Usurpation des biens des communes. – Guerre. - État des esprits en Allemagne. - Règlement prussien relatif au Réflexions. Guerre de proclamations. — Convention du 19 mars, entre la Prusse et la Russie. - Situation des États de la confédération du Rhin. — Intrigues de l'Autriche avec la Saxe. - Conduite du général Thielman, gouverneur de Torgau. - Lettre du roi de Saxe à l'empereur Napoléon. — Dépêche relative à la Saxe, dictée le 24 avril, pour M. de Narbonne, par l'empereur Napoléon. Opérations militaires pendant les premiers mois de 1813. — Beile conduite du prince Eugène. Sa retraite sur l'Oder. — Evacuation de Berlin, Insurrection à Hambourg. — Évacuation de Dresde. Le prince Eugène s'établit derrière la Saale et menace Berlin. - Combat de Moekern. Défense de Dantzick et de Wittenberg. Opérations du général Vandamme sur le bas Elbe. Composition et mouvements des armées. Arrivée de Napoléon en Allemagne. La grande armée française prend l'offensive. Bataille de Lützen.

Tandis que l'Europe retentissait des récits de nos désastres, l'empereur Napoléon, rentré en France, travaillait sans relâche à les réparer. Une jeune et brillante armée, improvisée en quelques mois, allait, par des succès inattendus, balancer de nouveau les destinées du monde.

En arrivant, l'empereur avait pu disposer de suite des conscrits de 1812; mais c'était une ressource bien insuffisante en présence des événements accomplis et de ceux qui se préparaient. Le sénatusconsulte du 10 janvier a donc ordonné l'appel de cent mille hommes pris sur les cohortes de la garde nationale; de cent mille sur les conscriptions des quatre années précédentes; de cent cinquante mille enfin, sur la conscription de 1814. La paix, que Napoléon lui-même proclame nécessaire au monde, ne saurait être honorable, c'est-à-dire possible pour la France, qu'après un nouveau développement de forces qui rétablisse l'équilibre entre les parties belligérantes. Aussi la défection prussienne va exiger de nouveaux sacrifices. Le sénatus-consulte du 3 avril, répondant à cette nouvelle menace du sort, met à la disposition de l'empereur cent quatre-vingt mille hommes de plus.

La situation de l'empire était grave, mais elle n'était pas mortelle. Nos ressources étaient immenses comme nos malheurs. Les conscrits de 1812, déjà habillés et armés, étaient dirigés en hâte sur l'Allemagne. Les cohortes de la garde na

tionale, habituées depuis un an à la vie militaire, formaient une armée facile à organiser; destinées primitivement à garder les places fortes et les frontières, elles furent enrégimentées en troupes de ligne. Aucune révolte ne contraria cette mesure nécessaire et réclamée par un grand nombre de gardes nationaux. Beaucoup de conscrits réfractaires, ramenés sous les drapeaux par des mesures administratives sévères, mais justifiées par les circonstances, s'y feront pardonner, à force de courage, leur rébellion momentanée. Napoléon donne tous ses soins à la réorganisation de l'artillerie. Il a dù à cette arme le commencement de sa fortune, il va lui devoir ses dernières victoires. Nos arsenaux renfermaient des canons en nombre suffisant, mais il fallut recréer tous les équipages. La marine nous fournit des canonniers aussi expérimentés qu'intrépides. La mer leur étant fermée, c'est sur le continent qu'ils viennent combattre encore l'Angleterre. L'armement et l'instruction de la jeune infanterie française s'organisent aussi avec une célérité qui tient du prodige. Ces jeunes gens, dont la valeur arrachera bientôt des éloges à nos ennemis les plus acharnés, n'ont reçu leurs armes et n'en ont appris le maniement qu'en allant des dépôts aux champs de bataille 1. Malheureusement la cavalerie ne saurait s'improviser ainsi; les pertes

Les fusils arrivaient en poste, et on en faisait la

de la dernière campagne ne pourront être réparées à temps, et ne nous permettront que des victoires sans résultat.

L'activité de Napoléon multipliait les ressources de la France. Par la création de dix mille gardes d'honneur, il atteignit beaucoup de jeunes gens riches dont l'oisiveté pouvait devenir dangereuse dans des circonstances difficiles. Cette mesure est une de celles qui ont été le plus fortement taxées d'arbitraire, et ce n'est pas assurément la plus blâmable. Au moment où la situation de la France nécessite de nouveaux appels sur les conscriptions des années antérieures, l'empereur Napoléon n'estil pas excusable de contraindre en quelque sorte les riches à prendre aussi leur part des périls glorieux du service militaire?

Cette réorganisation d'armée dont la promptitade, en permettant à Napoléon de reprendre l'offensive, va déjouer les calculs de ses ennemis, n'a pas absorbé exclusivement sa pensée. Depuis son retour aux Tuileries, chaque jour, chaque heure a eu son influence marquée sur quelque service public. Les conseils des ministres alternent avec des conseils spéciaux, auxquels sont tour à tour appelés les chefs des diverses branches de l'administration. Les mesures d'ordre intérieur, les affaires étrangères, les subsistances, le commerce, les finances, les travaux du génie et des ponts et chaussées, tout a été ainsi passé en revue. Pour la dernière fois, la main puissante de Napoléon encore obéie donne à tout ce qui était alors la France une impulsion digne d'elle et de lui. Pendant toute la durée de son règne, il nous a habitués à le voir ainsi mener de front de grandes guerres avec des travaux d'administration intérieure, auxquels les loisirs d'une paix tranquille semblaient seuls devoir suffire. Ce noble spectacle va se reproduire encore pendant les premiers mois de 1813, mais d'autant plus intéressant cette fois, que les préparatifs belliqueux sont plus vastes et plus urgents que jamais; qu'un ciel plus sombre voile déjà les splendeurs de ce magnifique tableau. Les mesures d'ordre intérieur qui s'offrent en ce moment à notre analyse, nous les trouvons éparses dans le Moniteur, parmi les détails des mouvements militaires de la nouvelle armée et des débris de l'ancienne, parmi ces nombreuses déclarations d'absence, lugudistribution sur les routes mêmes aux détachements en marche.

Décret du 5 avril.

* Décret du 15 janvier et autres.

3 Décret qui accorde des médailles aux médecins vaccinateurs à Rome; décret très-détaillé pour la destruc

bre écho des malheurs de la dernière campagne. Dès les premiers jours de 1813, nous voyons l'empereur Napoléon, s'occupant à la fois de la réorganisation de l'armée, des affaires d'Autriche et de Prusse, et du concordat, hâter en même temps l'exécution de toutes les mesures administratives propres à accélérer la fusion des nouveaux départements avec l'ancienne France, en les faisant participer aux mêmes améliorations 2. Néanmoins, de prudentes concessions sont faites à d'anciens usages. Ainsi les actes publics des peuples réunis pourront être enregistrés sans traduction française; les journaux pourront ne paraître que dans la langue du pays. Un jour nous verrons un despote du Nord essayer de détruire la langue du peuple polonais pour attenter à sa nationalité. Napoléon dédaigne de tels moyens, dignes de la barbarie des anciens conquérants; c'est par les bienfaits d'une sage administration, par une sorte d'initiation progressive à la civilisation, qu'il veut d'abord franciser ces provinces nouvelles. Sous ce rapport, l'Italie attire fréquemment ses regards: Rome surtout, pour le présent comme pour le passé. Tandis qu'il active, par des décrets spéciaux, les travaux de déblaiement des constructions antiques, il ne perd pas de vue les pâles descendants des anciens Romains qui végétent parmi ces ruines. Rien n'est épargné pour hâter leur régénération morale et physique 3.

L'un des plus puissants obstacles à l'établissement de cette précieuse unité, objet des vœux de Napoléon, c'est, dans plusieurs des pays réunis, l'existence des droits seigneuriaux. Aussi le voyonsnous encore, pendant les premiers mois de 1815, occupé d'en débarrasser les peuples. Ses décrets concilient avec le respect des droits acquis les mesures les plus libérales, les plus propres à faire fleurir l'industrie et l'agriculture sur les ruines du régime féodal 4.

Dans la campagne qui va s'ouvrir, Napoléon trouvera encore des moments pour s'occuper des intérêts pacifiques du commerce et de l'industrie 5.

Les travaux d'embellissement de Paris sont encore, dès les premiers jours du retour de Napoléon, un de ses délassements favoris. Dans sa pensée, Paris c'est la Rome du monde moderne; chef-lieu de l'empire le plus puissant et le plus civilisé, elle

4 Décrets relatifs à la faculté de rachat des droits seigneuriaux dans divers départements. Tous droits utiles qui sont le prix ou la condition d'une concession de fonds sont rachetables, mais devront être payés jusqu'au rachat.

5 Décret du 1er juin (à Neumark) relatif au commerce

tion des sauterelles dans les départements de Rome et des laines. de Trasimene, etc.

3 BIGNON.

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