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cée par le commencement de la campagne sur les cabinets de l'Europe. La victoire de Lützen nous rend deux alliances: celle du Danemark, précédemment compromis vis-à-vis de Napoléon par une indigne rouerie de la politique anglaise et russe, et celle de la Saxe, entraînée un moment par l'Autriche à l'essai d'une neutralité impossible. Notre succès produira un effet tout contraire sur la politique du cabinet de Vienne, il fortifiera les liens secrets qui déjà l'unissent à nos ennemis. Napoléon n'a pas voulu que la retraite de Moscou lui coûtât un sacrifice considérable; pour s'assurer la fidélité de l'Autriche il ne lui a offert que la Silésie, et encore trop tard. Maintenant cette puissance, en le voyant de nouveau victorieux, craint qu'il ne lui pardonne pas sa médiation armée. De là une froideur croissante avec nous, des rapports plus intimes et plus suivis avec les alliés. Un envoyé autrichien va porter de prétendues paroles de paix à leur quartier général; cet envoyé, c'est le comte de Stadion, l'irréconciliable ennemi de la France. Napoléon sent l'Autriche devenir, malgré lui, maîtresse de la situation, et fait tout pour lui ravir cet avantage, en manifestant aux alliés les dispositions les plus pacifiques, malgré le bon état de ses affaires militaires. Il propose, pour traiter de la paix, un congrès général auquel seront admis même les insurgés espagnols. Enfin, à la veille d'une bataille qu'il est sûr de gagner, il essaye vainement de faire parvenir des propositions directes à l'empereur Alexandre, et d'obtenir un armistice. Les alliés s'y refusent; ils livrent bataille, principalement pour prouver à l'Autriche qu'ils ne s'épargnent pas en l'attendant, et essuient une défaite sanglante.

Chapitres IX et X. L'événement de la bataille de Bautzen les force d'avoir quelque égard aux dispositions pacifiques de Napoléon, et d'en profiter au moins pour suspendre les hostilités jusqu'à ce que la coopération autrichienne leur soit assurée. Du moment où la conclusion d'un armistice sert les intérêts du parti de la guerre, le comte de Stadion, muet jusque-là, s'empresse d'intervenir. L'armistice est signé le 4 juin. Les alliés ayant, malgré Napoléon, tout subordonné à la médiation autrichienne, il faut pourtant bien que cette puissance s'explique vis-à-vis de la France. Comment veut-elle exercer cette médiation, et qu'entend-elle conserver de l'alliance du 14 mars 1812, qui la liait à nous? Tout le

mois de juin s'écoule sans qu'on ait pu obtenir de réponse satisfaisante sur ces deux points. L'Angleterre redouble d'activité dans ses démarches auprès de l'Autriche et des puissances déjà coalisées, et les succès décisifs de Wellington dans la Péninsule donnent un nouveau poids à ses instances. Pour subvenir aux dépenses effrayantes de cette guerre, le ministère anglais ne reculera pas devant les mesures les plus dangereuses. C'est dans la dotation primitive du bureau de l'amortissement, détournée ainsi d'une destination sacrée, que le chancelier de l'échiquier a repris les sommes nécessaires pour fournir aux dépenses de la nouvelle coalition. Les fonds sont prêts pour solder les armées, et peut-être les traités eux-mêmes. Le 27 juin, l'Autriche, qui, dans ce moment, fait offrir sa médiation à Napoléon pour un congrès où des plénipotentiaires russes, autrichiens, prussiens et français traiteront de la paix continentale, l'Autriche, disons-nous, signe à Reichenbach, avec la Prusse et la Russie, un traité tenu soigneusement secret jusqu'ici, que, par conséquent, nous avons dû citer en entier. Ce traité est antérieur de trois jours à l'acceptation de la médiation autrichienne par la France! M. de Metternich est venu lui-même à Dresde pour tâcher de s'entendre enfin avec Napoléon. Leur dernier entretien est devenu célèbre par une sortie, au moins intempestive, de la part de l'empereur; le ministre autrichien eut désormais, comme Stadion, une injure personnelle à venger. Les bornes de cette analyse ne nous permettent pas de rappeler, même sommairement, toutes les perfidies de ce simulacre de congrès de Prague, dans lequel chaque incident fut une insulte pour la France: d'abord le choix du plénipotentiaire russe 1, son langage, toujours acerbe et inconvenant, puis la partialité scandaleuse du médiateur, le mode de conférence proposé par lui, qui l'érigeait en arbitre; enfin, l'accord immuable des trois puissances, pour empêcher la négociation de s'engager, et pour déclarer le congrès dissous au 10 août en tout état de cause. Tout ce qui concerne le congrès et les négociations mêmes de Prague, par conséquent les chapitres X et XI, avait été, de la part de M. Bignon, l'objet d'une étude particu

'M. d'Anstett, d'origine française, et connu seule ment dans la diplomatie par sa haine pour la France.

lière. La rédaction de ce travail presque achevé par lui nous a donné peu de peine : nous avons écrit, pour ainsi dire, sous sa dictée.

Chapitre XI. Enfin Napoléon, voyant approcher le terme fatal du 10 août, se décide, le 8, à tenter auprès de l'Autriche une démarche bien tardive, il est vrai, mais qui peut encore tout sauver. Caulincourt parvient à arracher à M. de Metternich, mais seulement après un délai de vingt-quatre heures, bien inutile et bien coupable dans de pareilles circonstances, les conditions stipulées à Reichenbach, conditions que les partisans de la guerre ne voulaient plus même laisser proposer, de peur que Napoléon ne les acceptât. En remettant cet ultimatum au duc de Vicence, M. de Metternich lui avait bien répété qu'il attendait un oui ou un non dans la journée du 10; mais les hostilités ne pouvant recommencer que le 16, Napoléon pouvait-il croire que les moments où la paix était encore possible, fussent comptés avec une précision si rigoureuse? Napoléon a dicté, le 9, sa réponse aux propositions de l'Autriche. Ces propositions, il en accepte la substance, sauf les réserves indispensables en faveur de ses alliés. Il importe à l'honneur de la France que la Saxe reçoive une indemnité pour le duché de Varsovie, et que le Danemark ne soit pas spolié au profit de Bernadotte. Après avoir dicté ses conditions, l'empereur, suivant sa propre expression, a voulu laisser passer la nuit sur des résolutions si importantes. Ce court délai a suffi pour rendre la paix impossible. La réponse de Napoléon, au lieu d'arriver le 10 août, avant minuit, arrive le 11 au matin; M. de Metternich, en en prenant connaissance, affirme que la veille encore elle pouvait faire la paix; mais que la situation est changée. « Aujourd'hui, dit-il, nous avons cent cinquante mille Russes chez nous, nous ne pouvons plus que demander ce que nous aurions exigé hier. » Le 10, à minuit, les plénipotentiaires alliés ont déclaré le congrès dissous. L'Autriche, qui a remis de suite à l'ambassadeur français sa déclaration de guerre, ne peut plus écouter une communication qui ne s'adresserait pas aux trois cours. Malgré son indignation bien légitime, Napoléon envoie au duc de Vicence les pouvoirs nécessaires pour traiter. Caulaincourt fait passer aux souverains alliés, par M. de Metternich, ces mêmes propositions qui, suivant celui-ci, auraient sûrement fait la paix le 10;

elles sont accueillies par un refus pur et simple des deux empereurs de Russie et d'Autriche, et la négociation se termine ainsi. Ce n'est donc pas Napoléon, comme on l'a tant répété, qui a refusé la paix à Dresde, c'est au contraire lui qui l'a proposée, c'est lui seul qui l'a sincèrement voulue, et qui n'a pas pu la faire, comme il l'a tant de fois répété. Bientôt les traités de Toeplitz resserrent les nœuds de la nouvelle coalition, et, conformément à des conventions antérieures, fixent, comme but de la guerre qui recommence, la réduction de la France à ses limites du Rhin et des Alpes.

Le chapitre XII, qui nous appartient malheureusement presque en entier, ainsi que le quatorzième, comprend le tableau des opérations de la campagne de Saxe depuis la reprise des hostilités jusqu'à l'instant fatal où Napoléon, quittant Dresde pour la dernière fois, est obligé de renoncer à l'une de ses plus belles combinaisons militaires, et ramené forcément vers Leipzig par la défection bavaroise.

On trouvera, dans le chapitre XIII, les détails, peu connus jusqu'ici, de cette défection si odieuse. La vérité historique est parfois impitoyable; nous avons dû, à notre grand regret, nous montrer sévère pour M. Mercy d'Argenteau, alors ministre de France en Bavière ; personnage d'une loyauté au-dessus de tout soupçon, mais dont l'inexpérience et le défaut d'énergie ont amené les plus fâcheux résultats. La notice sur sa mission, manuscrit dont il fit hommage à M. Bignon, il y a quinze ans, et à laquelle nous avons d'ailleurs emprunté beaucoup de détails intéressants, suffirait seule pour prouver à quel point il a été la dupe des deux principaux auteurs de la défection de la Bavière, défection qui lui fut présentée comme une nécessité pénible, à laquelle cette puissance n'aurait pu se soustraire. Son secrétaire de légation, feu M. Bogne de Faye, dont nous possédons également les notes, a mieux connu et mieux apprécié les faits.

Enfin le chapitre XIV et dernier contient le récit des batailles de Leipzig et de Hanau, et le retour de Napoléon à Mayence.

En terminant cette introduction, nous devons quelques mots de réponse à une objection dont nous sentons toute la force mieux que personne. De quel droit, dira-t-on sans doute, un jeune homme, encore inconnu dans le monde littéraire

comme dans le monde politique, vient-il se mettre ainsi à la suite de l'historien de Napoléon? N'aurait-il pas mieux valu, dans l'intérêt même de la mémoire de M. Bignon, confier ses matériaux et ses notes à quelque écrivain ayant déjà sa réputation faite, et qui se serait trouvé heureux, si illustre qu'il fût, d'associer son nom à une pareille œuvre?

Sous ce rapport, nous apportions du moins à ce travail des dispositions convenables. Nous appartenons à cette génération nouvelle qui pardonne à ses devanciers leurs préjugés contre l'empereur, mais qui ne les partage plus. Nous avons donc pu nous identifier plus facilement, plus complétement peut-être avec la manière de voir de M. Bignon, j'ose ajouter avec sa manière

A cette objection, nous avons deux réponses, d'écrire. N'ayant ni habitudes prises, ni amourl'une de fait, l'autre de sentiment.

D'abord, la personne étrangère chargée de ce travail aurait été nécessairement un homme d'un talent déjà éprouvé, ayant son style fait, ses idées arrêtées. De là deux inconvénients graves, l'un relatif à Napoléon, l'autre à M. Bignon lui-même. Le premier, le voici :

Nous sommes encore bien près des événements racontés dans cet ouvrage. Plusieurs des écrivains sérieux de l'époque actuelle ont vu au moins l'ère de la décadence impériale; beaucoup d'autres sont restés imbus, malgré eux, des préventions accréditées par la restauration sous l'influence de nos malheurs. Dans ces jours désastreux, le tumulte des passions et des événements avait soulevé des tempêtes effrayantes, à donner des vertiges aux plus fortes têtes, à égarer les jugements les plus sains. De là certains préjugés invétérés, avec lesquels il serait fort dangereux d'aborder l'histoire de cette époque, surtout s'il s'agissait de se placer au point de vue de M. Bignon, subissant l'influence nécessaire du mandat de Napoléon, non pas pour altérer la vérité en dissimulant ses torts réels, mais pour la compléter en faisant valoir toute excuse légitime.

propre littéraire à ménager, ce que nous avions de mieux à faire, c'était d'être lui le plus possible. La comparaison des parties de son ouvrage déjà terminées, avec les matériaux qu'il avait conservés, nous a permis de reproduire à notre tour les formes de sa rédaction sur les matériaux non employés encore; ses notes ont été textuellement conservées; enfin, tout en nous faisant un devoir de ne pas dissimuler que l'auteur avait laissé son œuvre imparfaite, nous n'avons rien épargné pour que le dernier volume, que nous publions, fût digne de porter comme les deux autres le nom seul de M. Bignon.

Il me resterait à parler du sentiment tout particulier qui m'a surtout décidé à entreprendre ce grand travail. Un seul mot me suffira pour l'expliquer : c'est un hommage filial que je rends à la mémoire vénérable de M. Bignon. Devenu l'époux de sa fille orpheline, j'ai voulu achever moi-même d'acquitter sa dette envers l'empe

reur.

Verclives, 20 novembre 1845.

A. ERNOUF.

DE FRANCE.

CHAPITRE PREMIER.

POLITIQUE ET GUERRE.

Nomination d'un ambassadeur extraordinaire à Varsovie. Instructions données à cet ambassadeur. Motifs du choix de M. de Pradt. Droit donné à l'ambassadeur d'assister au conseil des ministres. - Espoir de Napoléon dans le concours énergique de la Pologne. — Vanité puérile de l'ambassadeur en sens inverse de la volonté de Napoléon. — Réunion d'une diète à Varsovie. — Projet formé par M. de Pradt de la dissoudre quelques jours après. — Ridicules motifs de ce projet. Motif véritable. Projet de substituer une commission intermédiaire à la diète confédérée. Cause du retard de la réunion de la diète. - Scribomanie de l'ambassadeur. — Dissolution de la diète confédérée. · · Craintes que cause à M. de Pradt l'ardeur des Polonais. — Scrupules de M. de Pradt en faveur du roi de Saxe. — Substitution de rédaction de M. de Pradt à toutes les rédactions polonaises. Lettre remarquable dictée par l'empereur. Étrange justification de M. de Pradt. Terreurs paniques de cet ambassadeur. — Correspondance déplacée de M. de Pradt avec le prince de Schwarzenberg. - Organisation d'un gouvernement provisoire en Lithuanie. Discours adressé à l'empereur par une députation de la diète. — Réponse de l'empereur à ce discours. Faux jugements portés sur cette réponse. Préventions injustes de l'empereur contre la famille Czartoriski. Russie. — Liaison du jeune prince Adam avec le grand-duc Alexandre. - Projets du grand-duc en faveur de la Pologne. Événements qui changent les dispositions du grand-duc devenu empereur. Services rendus à la Pologne par le prince Adam Czartoriski. — Impossibilité morale pour le prince Adam de s'associer à la guerre contre Alexandre. Explications données par lui à ce sujet. Soupçons de Napoléon sur les motifs de la conduite du prince Adam. Mauvais choix d'un gouverneur pour la Lithuanie. Faute grave d'avoir laissé les troupes autrichiennes former un corps séparé. Résultat important de la marche de Napoléon sur Wilna. Funeste effet du départ soudain du roi de Westphalie. Traités d'alliance entre les ennemis de Napoléon.

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Position de cette famille à l'égard de la

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Pour compléter, dans le volume précédent, le tableau des rapports directs des deux empereurs Napoléon et Alexandre, en transportant, par une légère anticipation de date, Napoléon à Wilna, où ces rapports eurent leur terme, j'ai forcément omis quelques circonstances antérieures ou simultanées, qui toutefois ne manquaient pas d'une certaine gravité. Maintenant, je dois y revenir avant de poursuivre le cours des événements de politique et de guerre, pour l'explication desquels cette connaissance non-seulement ne sera pas inutile, mais devient même indispensable.

Lorsque, en ouvrant la campagne de Russie, Napoléon a proclamé cette guerre la seconde guerre de la Pologne, il a dù entrer dans ses vues de joindre, à l'immensité des moyens matériels que lui assuraient ses alliances continentales, le puissant levier d'une insurrection patriotique; de donner ainsi un caractère philanthropique à sa cause, et d'offrir en perspective au genre humain, comme prix du triomphe des armes françaises, l'émancipation d'un grand peuple rendu à son antique indépendance. L'action militaire a dù, en une telle entreprise, s'associer l'utile renfort d'une action morale. Pour

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