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CHAPITRE II.

SUITE DES NOUVELLES QU'ON REÇOIT DE PARIS.

(Du 1er au 2 avril.)

Cependant les alliés voulaient avant tout assurer la vie de leurs soldats. Depuis deux mois, quinze à vingt mille étaient tombés sous les coups des paysans français; il était urgent de désarmer cette animosité.

On désirait le rétablissement des Bourbons; mais on ne voulait pas que cette révolution parût être commandée par la force des armes; il fallait aller doucement, ménager l'opinion, faire parler des voix françaises et ne paraître accéder qu'au vœu national. Tel était le plan des alliés; leur langage était devenu celui de la générosité, les partisans des Bourbons faisaient le reste. Au dehors ils provoquaient le retour de leurs princes avec tout l'essor d'un zèle long-temps comprimé; on ne voyait qu'eux allant, venant à travers les bagages et les bivouacs ennemis, qui

encombraient nos ponts, nos quais et nos boulevards. Ils s'agitaient dans tous les sens, frappaient à toutes les portes; tout ce qui les écoutait leur était bon. Ils trouvaient d'utiles auxiliaires dans cette foule de gens en place qui ne pensent qu'à conserver leur emploi ; ils recrutaient surtout des prosélytes actifs parmi tous ces ambitieux que les honneurs et les grâces n'avaient pu encore atteindre depuis quinze ans qu'ils les sollicitaient. Déjà tout ce qui était mécontent du sort avait battu des mains à la nouvelle d'un revirement dans les fortunes; déjà toutes les familles qui avaient perdu à la révolution avaient calculé tout ce qu'une contre-révolution pouvait leur rendre. L'oreille des vieillards se prêtait volontiers à d'anciens noms, à d'anciens droits qui réveillaient les souvenirs de leur jeunesse; l'imagination des femmes se laissait séduire par l'intérêt romanesque de quelques grandes infortunes; la population des boutiques, inquiète au bruit du sabre étranger qui battait le pavé, s'empressait de renier le souverain qu'elle admirait hier: en un mot, les passions jalouses, le ressentiment des ambitions trompées, des vanités blessées, des torts justement punis; les lâchetés de l'ingratitude et même

celles de la peur, tout concourait à seconder les ennemis de Napoléon'.

En général l'idée de la conquête était insupportable aux Parisiens; on voulait à tout prix échapper à cette situation, et l'on courait se réfugier dans l'idée plus tolérable d'une restauration. Les chefs de parti avaient saisi habilement ce retour de l'amour-propre national sur lui-même. La volonté des alliés n'était présentée que comme l'appui de la nôtre, et l'oppression que six cent mille étrangers exerçaient sur notre malheureux pays commençait à s'appeler la délivrance de la France".

Mais il fallait un organe à cette opinion publi

<< La plupart des conjurés avaient été comblés de bienfaits par l'empereur; ils avaient trouvé de grands avantages dans ses victoires; mais plus leur fortune était devenue brillante, plus ils s'occupaient d'échapper au malheur commun... Comblez un homme de bienfaits, la première idée que vous lui inspirez, c'est de chercher les moyens de les conserver.» ( Montesquieu, Grandeur et décadence des Romains, chap. 11 et 13.)

2 « Je dois sans doute au sang français qui coule dans mes veines, cette impatience que j'éprouve quand on me parle d'opinions placées hors de ma patrie; et si l'Europe civilisée voulait m'imposer la Charte, j'irais vivre à Constantinople. » (Châteaubriand, page 118, De la monarchie selon la Charte.)

que qu'on voulait faire parler, et l'on n'avait pas eu de peine à le trouver'. « Le sénat était en pos» session du droit de suppléer, dans toutes les cir>> constances imprévues, à l'absence du pouvoir » populaire. A ce titre, le gouvernement de Napoléon lui avait donné l'initiative dans les plus » grandes affaires.» Le sénat avait donc été choisi pour prendre encore l'initiative dans celle-ci. Dès le 31 au soir, l'empereur Alexandre avait invité ce corps à pourvoir aux besoins des circonstances et au salut de l'état ; il lui avait commandé de s'occuper d'une nouvelle constitution et de la composition d'un gouvernement provisoire.

Le sénat, habitué à obéir, s'était rassemblé le 1er avril, sous la présidence de M. de Talleyrand, et avait accepté, pour composer le gouvernement provisoire, MM. de Talleyrand, de Beurnonville, de Jaucourt, de Dalberg, et l'abbé de Montesquiou 3.

« L'empereur Alexandre ayant demandé à M. de Talleyrand quel moyen il se proposait d'employer, celui-ci répondit que ce serait les autorités constituées, et qu'il se faisait fort du sénat. » ( Suite des révélations de l'abbé de Pradt, page 67.)

2 M. Lambrechts.

3

« Dans cette séance le gouvernement provisoire fut nommé ou plutôt confirmé, car les choix qui avaient été

Au même moment le conseil général du département de la Seine, convoqué illégalement par son président Bellard, avait déclaré que le vœu de Paris était pour le rappel des Bourbons.

Telles sont en substance les nouvelles de Paris que l'on reçoit à Fontainebleau dans les trois premiers jours. Elles font une grande sensation parmi les chefs de l'armée', mais elles ne peuvent distraire Napoléon de ses dispositions militaires. Il est au moment de se retrouver à la tête de cinquante mille hommes; c'est sur Paris qu'il veut marcher. Il espère que le bruit de son canon réveillera les Parisiens et ranimera l'amour-propre national, comprimé un instant par la présence de l'étranger. L'ennemi est fatigué; il vient de perdre douze mille hommes dans les fossés de Paris. Depuis quelques heures il se repose dans la sécurité du succès; ses généraux sont dispersés dans nos hôtels; ses soldats s'égarent dans le dédale des carrefours de la ca

arrêtés entre nous ne souffrirent pas une contradiction. »> (De Pradt, page 72.)

1 «Dès que nous fûmes sortis du conseil ( 31 mars ), M. le baron Louis et moi, nous travaillâmes à nous assurer d'un des généraux les plus influents, et nous dépêchâmes vers lui.» (De Pradt, page 72.)

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