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alliés en avant de Troyes arrêterait Napoléon, et produirait les mêmes résultats qu'à Brienne. Ce n'était donc pas seulement un détachement de l'armée de Silésie que nous avions rencontré à Méry, ainsi que nous l'avions cru pendant quelques jours; c'était l'avant-garde de toute cette armée. Blücher s'était trouvé de sa personne au combat du pont de Méry; il y avait été blessé à la jambe. Il n'avait pris le parti de la retraite qu'après s'être convaincu de ses propres yeux qu'il était impossible de rallier l'armée de Schwartzenberg en avant de Troyes, et que la réunion projetée était désormais inutile. Dès lors, il s'était décidé à repasser l'Aube; mais sa retraite cachait un des plus hardis projets de la campagne. Encouragé par les renforts qui ne cessaient de lui arriver, soit qu'il eût reçu des ordres de son cabinet, soit qu'il n'eût pris conseil que de son audace, Blücher avait résolu de s'avancer encore une fois sur Paris, pour tenter une grande diversion en faveur de l'armée autrichienne. Ainsi, pendant que le gros de l'armée française était autour de Troyes, occupée d'armistice et de paix, les troupes prussiennes descendaient rapidement sur les deux rives de la Marne. Le duc de Raguse, forcé le 24 d'abandonner Sezanne, se retirait, par la Ferté-Gaucher, sur la

Ferté-sous-Jouarre. De l'autre côté de la Marne, le duc de Trévise, après avoir laissé garnison dans Soissons, se retirait également sur la Ferté-sousJouarre.

Napoléon ne reçoit ces nouvelles que dans la nuit du 26 au 27; en peu d'heures, elles ont changé tous ses plans. Le 27 au matin, il quitte Troyes précipitamment pour se porter, par Arcissur-Aube et Sezanne, sur les traces de l'armée prussienne. Il ne laisse en avant de Troyes que deux corps d'armée, celui du duc de Reggio et celui du duc de Tarente; c'est le duc de Tarente qui commandera en chef. Au moment où ces deux maréchaux sont ainsi abandonnés à eux-mêmes, le premier est engagé dans un combat très vif sur les hauteurs de Bar-sur-Aube, le second est en marche vers Châtillon. Mais il ne s'agit plus de poursuivre les Autrichiens; désormais les troupes qui restent opposées à celles de Schwartzenberg doivent borner leurs efforts à les contenir, et surtout à masquer le grand mouvement que notre armée fait sur Blücher. Dans cette intention, le duc de Reggio et le général Gérard, qui sont aux prises avec l'ennemi, font faire sur toute la ligne les acclamations qui signalent ordinairement l'arrivée de Napoléon. Ces cris sont entendus de la ligne opposée; et tandis que

Napoléon s'éloigne de Troyes à marche forcée, Schwartzenberg croit qu'il est arrivé devant lui.

Le 27 février, Napoléon arrive vers midi à Arcis-sur-Aube; il s'y arrête quelques heures dans le château de M. de la Briffe, son chambellan, pour donner le temps aux troupes de défiler, et de passer l'Aube. En sortant du pont d'Arcis, l'armée prend à gauche et suit la route de traverse qui conduit à Sezanne : le soir, on bivouaque sur les confins des départements de l'Aube et de la Marne, non loin de la Fère champenoise; Napoléon entre chez le curé du petit village d'Herbisse et y passe la nuit.

Arrêtons-nous-y un moment avec le quartier impérial. Après les peines de la journée, la gaieté française jetait encore de temps en temps quelques lueurs sur le repos du soir cette soirée d'Herbisse est peut-être la dernière de ce genre que je puisse mettre sous les yeux du lec

teur.

Le presbytère se composait d'une seule chambre et d'un fournil: Napoléon se renferme dans la chambre, et y abrége la nuit par ses travaux accoutumés. Les maréchaux, les généraux aidesde-camp, les officiers d'ordonnance et les autres officiers de la maison, remplissent aussitôt le fournil: le curé veut faire les honneurs de chez

lui; au milieu de tant d'embarras, il a le malheur de s'engager dans une querelle de latin avec le maréchal Lefèvre; pendant ce temps, les officiers d'ordonnance se groupent autour de la nièce, qui leur chante des cantiques. Le mulet de la cantine se faisait attendre; il arrive enfin : on établit aussitôt une porte sur un tonneau ; quelques planches sont ajustées autour en forme de bancs; les principaux s'y asseyent, les autres mangent debout. Le curé prend place à la droite du grand maréchai, et la conversation s'engage sur le pays où l'on se trouve: notre hôte a peine à concevoir comment ces militaires connaissent si bien les localités ; il veut absolument que tout son monde soit Champenois. Pour lui expliquer ce qui l'étonne, on lui présente des feuilles de Cassini, que chacun a dans sa poche; il y retrouve le nom de tous les villages voisins, et s'étonne encore davantage, tant il est loin de penser que la géographie s'occupe de pareils détails : les naïvetés du bon curé égaient ainsi la fin du repas. Bientôt après on se disperse dans les granges voisines : les officiers de service restent seuls auprès de la porte de la chambre où se trouve Napoléon; on leur apporte leur botte de paille; et le curé ne pouvant aller coucher dans son lit, on lui cède la place d'honneur sur le lit de camp.

Le lendemain matin 28, le quartier impérial part de très bonne heure: Napoléon était à cheval que le curé n'était pas encore réveillé; il se réveille enfin ; mais pour le consoler de n'avoir pas fait ses adieux, il ne faut rien moins qu'une bourse que le grand maréchal lui fait remettre, et qui est l'indemnité d'usage dans toutes les maisons peu aisées où Napoléon s'arrête. Quittons le bon curé d'Herbisse, et remettons-nous à la suite du mouvement de l'armée.

Tandis que l'armée continue sa marche vers Sezanne, Napoléon se porte, avec des troupes légères, sur un corps ennemi qui avait couché près de nos bivouacs, à la Fère champenoise; il le chasse devant lui : c'était un détachement de cavalerie que Blücher avait jeté de ce côté sous les ordres du général Tettenborn, pour communiquer avec l'armée autrichienne, et être averti de notre marche. Les colonnes de l'armée française se réunissent, vers le milieu de la journée, à Sezanne; on ne s'y arrête que pour prendre des renseignements; on apprend que les ducs de Trévise et de Raguse se sont réunis le 26 à la Ferté-sous-Jouarre; mais que, trop faibles encore malgré leur jonction, ils continuent de reculer devant toutes les forces de Blücher, et doivent être à Meaux; qu'il n'y a pas un mo

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