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qu'il va être entendu dans un moment décisif : il s'acquitte de sa mission avec toute la franchise et toute la loyauté qui le distinguent. Rien n'est négligé par lui pour faire sentir que, dans l'état actuel des affaires, il y a nécessité de tout sacrifier à la conclusion de la paix. « Sire, s'écrie en >> terminant M. de Saint-Aignan, la paix sera assez » bonne, si elle est assez prompte! — Elle arri>> vera assez tôt si elle est honteuse ! » réplique Napoléon. Son front se rembrunit, et M. de Saint-Aignan est brusquement congédié. Bientôt ces derniers mots se répètent. On monte à cheval, et chacun suit en silence la route de Troyes.

CHAPITRE VI.

L'ARMÉE FRANÇAISE RENTRE DANS TROYES.

SE

COND SÉJOUR DE NAPOLÉON DANS CETTE VILLE. NÉGOCIATION DE L'ARMISTICE A LUSIGNY.

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(Du 23 au 27 février.)

L'armée arrive devant Troyes dans l'aprèsmidi du 23 février; mais elle trouve les portes fermées et barricadées. Les Russes, qui n'ont pas entièrement évacué la ville, prétendent nous la disputer pour quelques heures, et le combat s'engage. Cependant la nuit survient; l'ennemi en profite pour demander, par un aide-de-camp, la remise des portes soit différée jusqu'au lendemain matin, à la pointe du jour. Napoléon préfère le salut de Troyes à toute considération militaire; il fait suspendre l'attaque, consent à l'arrangement proposé, et se retire, avec ses principaux officiers, dans une maison du faubourg des Noües.

que

Malgré cette espèce de trève, le canon continue de se faire entendre de temps en temps; les

troupes, qui se sont répandues de nuit dans les faubourgs de la route de Paris, dévastent les habitations et les jardins; du côté opposé, l'ennemi met le feu au faubourg par lequel il effectue sa retraite; plusieurs villages brûlent dans la campagne, et l'horizon n'est éclairé de toutes parts que par la lueur des bivouacs et des incendies. Dans l'intérieur de la ville, le départ nocturne de cette foule de soldats de diverses nations donne un libre cours aux scènes de désordre et de violence.

Le jour paraît enfin; l'avant-garde de l'armée française prend possession des postes, et Napoléon entre avec les premières troupes dans la ville. Avant de se rendre à son logement, il veut faire le tour des murs, reconnaître en quel état la ville lui est rendue, faire occuper les postes les plus importants, et présider lui-même au bon ordre, pendant que l'armée traverse les rues; mais il peut à peine se faire passage dans la foule qui se précipite autour de lui; on l'accueille par les acclamations les plus vives; c'est à qui pressera ses bottes et baisera ses mains: on dirait que la paix est signée, que tous les maux de la guerre sont finis, et que Troyes, désormais affranchi de toute crainte, improvise un triomphe à son libérateur!

Cependant, au milieu de l'expansion générale, des plaintes s'élèvent : on parle de traîtres, on dénonce des coupables; et ces cris ne sont pas seulement ceux du peuple, ils sont répétés par des personnes qui paraissent appartenir aux classes les plus honorables du commerce et de la bourgeoisie.

Les habitants de Troyes venaient de passer dix-huit jours sous le joug des armées ennemies: quelque adoucissement que la présence des souverains alliés eût apporté parmi eux au poids de la guerre, une telle situation avait paru affreuse à de paisibles citoyens, pour lesquels elle était si nouvelle et si imprévue. Ce peuple, exaspéré par les violences et les humiliations, avait vu d'un œil mécontent que quelques-uns de ses compatriotes ne partageassent pas son ressentiment contre les étrangers; il allait jusqu'à comprendre dans ses soupçons ceux que des circonstances particulières avaient mis dans le cas de reconnaître, par des respects, les qualités personnelles des souverains alliés. La haine publique poursuivait surtout quelques habitants qui, dés avouant les couleurs sous lesquelles la France combattait, avaient osé arborer la cocarde blanche. L'indignation publique n'avait attendu que le retour de nos troupes pour éclater. Napoléon,

forcé la foule de s'arrêter à chaque pas, appar

prend ainsi, au milieu des rues, du haut de son cheval, et de la bouche des principaux habitants dont il est entouré, le sujet du mécontentement qui agite le peuple; il partage ce mécontentement, promet hautement de faire prompte justice; et à peine est-il descendu à son logement, que, jetant ses gants sur la table, et le fouet encore à la main, il ordonne qu'on réunisse un conseil de guerre.

La tentative que quelques royalistes venaient de se permettre à Troyes se rattachait aux menées secrètes par lesquelles les partisans de la maison de Bourbon voulaient rappeler à la fois sur elle l'attention des Français et celle des souverains alliés des Français, en accréditant dans nos provinces l'opinion que les couleurs blanches pouvaient seules désarmer l'inimitié des alliés ; des souverains, en leur présentant cette ombre d'un parti royaliste comme un parti réel, et ses couleurs, sous lesquelles un petit nombre de gens intimidés couraient se réfugier, comme un appel de l'opinion publique en faveur de l'ancienne famille. Ce que la peur avait ainsi commencé dans quelques départements malgré les peuples, une influence ennemie semblait vouloir l'achever malgré les alliés eux-mêmes. Quoi

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